DENG XlAOPING ET LA REFONTE DE L’INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION EN CHINE

ZHOU Xiaolan

Université normale du Sud de la Chine

2eme trimestre 2014

Dans l’histoire récente de la Chine contemporaine, Deng Xiaoping, apparaît comme le person­nage clé de la modernisation de l’industrie et particulièrement dans le secteur-clef de la construc­tion. Après s’être approché de cette personnalité hors du commun, il sera intéressant d’étudier le changement de politique qu’il provoqua à son arrivée au pouvoir, lequel fit passer l’industrie de la construction d’une période relativement longue passive, inerte et sous-développée aux quatre étapes de son développement : la mise en œuvre du système de l’adjudication, la réforme du système de gestion, le démarrage de la gestion de la qualification et du classement et l’amorce du système de gestion d’exploration et design.

Si L’INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION EN Chine ne connut pas la prospérité concomitamment avec la fondation de la République populaire de la Chine en 1949, c’est avant tout pour des raisons politiques : pendant une longue période de trente ans, bouleversements politiques et économiques ébranlèrent le pays, la lutte des classes remplaça « la construction du pays » et l’économie planifiée se substitua à l’économie de marché ; les lignes politiques et économiques suivaient fidèlement les principes, soulignés à maintes reprises, par le président Mao Zedong (1893­1976). En janvier 1949, Mao déclara « d’un côté, ne pensez pas que l’économie de la nouvelle démocratie est incompatible avec l’économie planifiée et qu’elle ne se dirige pas vers le socialisme ; d’un autre, c’est une erreur absolue de penser que le commerce libre et la compétition libre feront partie de l’économie de la nou­velle démocratie… »[1] ; Le 7 octobre 19 5 7[2] au moment de la Troisième session du Huitième Comité central, Mao mit officiellement l’accent sur le fait que « les prin­cipales contradictions d’aujourd’hui sont celles qui existent entre la bourgeoisie et le prolétariat, ainsi qu’entre la voie socialiste et capitaliste »[3]. À partir de cette dernière date tout le pays fut entrainé dans des mouvements politiques indiscontinus, alors que toutes les activités économiques étaient paralysées.

Loin d’être idéologue, Deng Xiaoping (1904-1997), ancien disciple de Mao Zedong[4], fut longtemps fidèle aux décisions de Mao tout en mettent les théories de ce dernier en pratique, y compris lors du mouvement Anti-Droitiste de 1957.

Ses concepts économiques trouvent leurs origines dans la personnalité pragma­tique de Deng ; un trait de caractère confirmé par son célèbre slogan : « la pratique est le seul critère pour tester la vérité »[5] alors opposé au tout aussi célèbre : « les pen­sées de Mao sont le seul critère pour tester la vérité ». Malgré son retour au pouvoir, Deng n’avait pas encore le moindre plan pour apporter richesse à la population et force à son pays, et ne faisait, comme il le confessera en reprenant un proverbe connu, qu’« avancer à tâtons sur les pierres en traversant la
rivière »[6].

Il est possible de diviser ses concepts économiques en deux parties, selon un ordre chronologique, au centre duquel se trouve la Révolution culturelle. Avant la Révolution culturelle (à partir de 1957), Deng avait bénéficié d’un accès au sphères supérieures du Parti, ce qui lui avait donc permit non seulement d’appréhender la réalité globale de la situation économique telle qu’elle était à l’issu des précédents désordres politiques, mais également de participer à diverses missions principale­ment destinées à la reconstruction du pays : il fait partie des dirigeants qui ont tâché d’accomplir le premier plan quinquennal en corrigeant les erreurs commises pendant le Grand Bond en avant et les Communes populaires, et s’est occupé de la mise en œuvre du deuxième ainsi que du troisième plan quinquennal. Considérant la richesse de son expérience dans le domaine économique, il lui fut confié la tâche de développer l’agriculture, de réorganiser les entreprises industrielles et de renfor­cer la gestion du Parti dans l’industrie[7], tout en restant sous la surveillance de Mao et de la fameuse « Bande des quatre ».

Sa métaphore la plus célèbre « Peu importe qu’un chat soit noir ou jaune, s’il attrape la souris, c’est un bon chat »[8] portant sur un nouveau système de « terres agricoles couvertes par contrat » (Ze Ren Tian) incarnant ses concepts économiques risquait d’aller à l’encontre des idées et intentions de Mao[9]. Deng voulait effectuer ses reformes tout en restant dans le cadre des limites tacitement posées par Mao, mais ce dernier perdit tout de même patience face à tant d’audace et décida, consi­dérant que Deng était allé trop loin dans ses principes, de le « rééduquer » en avril 1976. Sans le soutien de Mao, Deng devint la cible des critiques de la Bande de Quatre et perdit son pouvoir.

Au début de son retour au pouvoir après la mort de Mao, le 9 septembre 1976, Deng déclara avec fermeté ses idées pour « libérer la productivité » en septembre 1978 après une visite en Corée du Nord ; il s’agissait d’importer les technologies et équipements les plus avancés, puis de gérer l’économie en respectant les méthodes de gestion, les méthodes d’opération et les quotas scientifiques, c’est-à-dire, de gérer l’économie en vertu des règles économiques. Le temps n’était plus aux améliorations ni aux réparations, mais bien à une refonte générale du système, en un mot : une révolution[10]. Sans entraves venant de ses rivaux politiques et plus particulièrement de Mao, Deng envoya une délégation dirigée par Gu Mu[11] pour effectuer des en­quêtes et recherches en Europe, dans le rapport desquelles, l’Europe ne représentait plus un symbole de capitalisme et d’oppression de la classe ouvrière, mais bien le modèle d’un monde mieux développé et d’une vie confortable pour le prolétariat[12].

Il n’existe pas de théorie économique qui synthétise les pratiques de Deng, un homme politique qui, en prenant pour référence certains pays développés, chercha à donner à son pays pauvre et faible un accès à une situation plus favorable. Malgré de nombreux détours dans la voie de l’ouverture et de la réforme, les pratiques de Deng apportèrent une vitalité sans précédent à tous les secteurs économiques, incluant l’industrie de la construction.

Deng Xiaoping, personnage clé de la modernisation de l’industrie de la construction

L’industrie de construction loin d’être considéré comme un secteur important par les dirigeants du Parti communiste, n’attirât l’attention des décideurs seulement après qu’une transformation de la direction économique générale fut entreprise au début des années 1980. Durant les trois décennies précédentes, sous le règne absolu de Mao, le Parti se consacra entièrement à la nouvelle « Révolution » politique plutôt que de mettre en place un plan de réalisation des quatre « Modernisations ».

La modernisation de l’industrie de la construction chinoise repose principale­ment sur un personnage clé, un des piliers politiques de la Chine : Deng Xiaoping. Ce personnage est central pour notre étude par son omniprésence et son rôle décisif sur le champ des réformes économiques. Avant son ascension au pouvoir en 1978, Deng Xiaoping fut tour à tour acteur politique et victime des tumultes de la révolu­tion culturelle ; une période au cours de laquelle il fut le sujet de nombreuses persé­cutions induites par des jeux de pouvoir brutaux. La période marquant le retour de Deng au sein du cadre dirigeant à Beijing constitue aussi le point de départ d’une nouvelle ère du développement de l’industrie.

Avant de nous lancer dans l’histoire de cette industrie qui, tout comme Deng Xiaoping, a connu de graves difficultés après la fondation de la République popu­laire de Chine en 1949, une brève présentation de ce personnage central et de ses idées paraît indispensable.

Deng Xiaoping, réformateur et avant tout révolutionnaire, fut au long de sa vie politique au contact des grands personnages de l’histoire contemporaine chinoise, comme Zhou Enlai (1898-1976) qu’il a assisté lors de l’organisation des réunions des membres du Parti communiste en France dans les années 1920 ou Mao Zedong, qui à l’issue de la guerre civile contre le Parti Nationaliste de Chang Kai-shek (1927­1949) durant laquelle Deng a joué un rôle proéminent, a réussi à unir la Chine.

Se plaçant, au début de sa carrière politique après la « Libération » (en 1949, le Parti communiste avec son armée réussit à chasser le Parti nationaliste dirigé par Chang Kai-shek et pu étendre son influence sur tout le pays. « La Libération », fidèlement à la rhétorique du parti communiste signifie que le peuple chinois fut libéré de l’impérialisme, du féodalisme, et du capitalisme comprador-bureaucra-tiqu[13]), toujours en retrait derrière les grands dirigeants du Parti loin du centre du pouvoir, il fut, de 1950 à 1952, chargé des affaires du Parti au sein de l’armée du Sud-ouest ainsi que des affaires économiques du rétablissement économique et politique et de la reconstruction de la région. En juillet 1952, ses performances remarquables lui ont permis d’être transféré à la capitale ; il fut alors nommé vice-Premier Ministre du Conseil d’Administration, occupant en même temps le poste de vice-directeur du Conseil des Finances et celui de Ministre des Finances. Cette nomination marque le début d’une ascension fulgurante au pouvoir. En 1954 il est nommé Secrétaire-Directeur du Comité central du Parti communiste, vice-Premier Ministre du Conseil d’État et vice-président du Comité de la Défense nationale, en 1956 il devient membre du Comité permanent et secrétaire général du Comité cen­tral ; cependant en 1966 alors que la révolution culturelle lancée par Mao fait rage, il subit de nombreuses critiques, s’ensuit alors une chute spectaculaire, et considéré comme « chef n°2 du clan capitaliste au sein du Parti »[14] et après plusieurs mois d’assignation à résidence, Deng finira en exil à la campagne dans la province du Jiangxi, la province où il avait commencé sa carrière de révolutionnaire où il subira une période de « rééducation » (1969-1973)[15]. C’est durant cette période d’isole­ment que Deng put alors témoigner de la misère causée par le Grand Bond avant, des Communes populaires et des famines à répétition ainsi que réfléchir en premier lieu sur sa relation troublée avec Mao (ce qui déciderait de sa carrière future), et en second lieu sur un plan de redressement de l’économie chinoise, en ruine après le Grand Bond en avant (1958-1060)[16]. (C’est éventuellement à ce moment là que Deng se détermina à concentrer tous ses efforts pour développer l’économie et réali­ser les « Quatre Modernisations » proposées au premier Congrès populaire national en 1954 mais interrompues à partir de 1957).

À partir de l’année 1973, ses compétences dans l’organisation des affaires politiques et économiques et la relation complexe qu’il entretient avec Mao Zedong[17] lui permettent de retrouver une place au pouvoir, donnant ainsi la mesure de ses performances dans la gestion d’entreprises dont les activités furent gravement interrompues pendant les fréquents et tumultueux mouvements politiques des années 1950 et 1960 ; période au cours de laquelle sa conception de l’économie commença à se former. La mise en pratique de ses idées se manifeste par la publication de plusieurs documents officiels, parmi lesquels se trouvent notamment le « Rapport au moment de la Conférence sur les affaires des villes au Sud-ouest » en décembre 1950[18], « Développer l’économie nationale à partir des situations générales » en mars 1975[19], « Quelques problèmes à régler à l’intérieur des entreprises sidérurgiques » en mai 1975[20], « Quelques conseils sur le développement de l’industrie » en août 1975[21], dont les trois derniers ont été publiés après une nouvelle chute brutale de Deng en politique en 1973. À la différence des autres dirigeants du Parti, Deng avait prévu de focaliser les efforts du gouvernement sur l’économie, et en particulier sur l’industrie de transportation et de construction[22], au lieu de les polariser sur le terrain des luttes politiques. Grâce à ses expériences d’études à l’étranger (5 ans en France, 1 an en Russie), il a développé une méthode plus ou moins pragmatique en prenant pour référence tout ce qu’il avait observé et appris dans les grandes usines françaises: chez Schneider du Creusot (en mars 1921) et trois semaines après à la fabrique Hutchinson à Châlette-sur-Loing jusqu’en juin 1923.

En 1977, un an après la mort de Mao Zedong, le gouvernement s’est affairé à redresser l’économie, alors en ruine, tout en modifiant sa ligne idéologique direc­trice, ce qui a conduit au retour définitif de Deng Xiaoping au pouvoir, après quoi en décembre 1978, la Troisième Session du Onzième Comité Central a confirmé la politique d’Ouverture et de Réforme. En ce qui concerne le rétablissement de l’économie, Deng Xiaoping, qui privilégiait l’action à l’idéologie et n’a guère laissé d’ouvrages, a fait remarquer à tous les secteurs économiques et aux entreprises que le gouvernement avait l’intention d’abandonner la ligne de classe et de consolider les failles des politiques économiques. Cette nouvelle direction économique fut dévoi­lée par le biais de conversations portant sur différents milieux : « Transformer les entreprises à travers des technologies et des procédés de gestion avancés » (le 18 sep­tembre 1978)[23], « Certains conseils concernant l’économie » (le 4 octobre 1979)[24], « Discours sur l’industrie de construction et la construction de logements » (le 2 avril 1980)[25], « Saisir l’occasion et approfondir la réforme » (le 11 juillet 1985)[26].

Il en a résulté un nouvel élan de l’industrie de la construction, qui avait traversé durant les années 1960 et 1970 une période difficile presque concomitante à la chute de Deng Xiaoping. En 1961, le revenu national réalisé par cette industrie ne repré­sentait que 2,2 % du revenu total, l’effectif dans la construction connut une baisse de 3,1 % en 1957 à 2,0 % en 1965, d’autant plus que le coût global (matériels et main d’œuvre) doubla en dépit d’une dégradation de la qualité[27]. Un exemple illustrant cette tendance se trouve dans le cas de l’aciérie Anshan, alors la plus grande du pays, qui jusqu’en 1975, faute d’avoir pu répondre au impératifs du plan fixé par le gou­vernement l’année précédente se retrouva avec un retard de production d’environ 400 000 tonnes[28]. Cela changea complètement avec la mise en œuvre des politiques de Deng Xiaoping, car à partir de 1980, le revenu de l’industrie de construction représentait approximativement 4,5 % du revenu national total (4,4 % en 1981, 4,6 % en 1982)[29].

Un changement de politiques économiques prouva être une obligation pour l’augmentation de la production. Après son retour au pouvoir, Deng usa de diffé­rents politiques et principes afin de mobiliser tous les secteurs économiques en lut­tant contre les conservateurs qui insistèrent obstinément sur l’idéologie à l’époque du règne de Mao.

Changement de politique après l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping

À l’issue de la fondation de la République Populaire de Chine en 1949, l’indus­trie de la construction connut une nouvelle étape, durant laquelle elle devint un pan important de l’économie nationale. Cependant, pendant toute la période précédent la mise en œuvre de la politique d’Ouverture et de Réforme économique de Deng Xiaoping (1949-1978), cette industrie principalement destinée à la construction du pays était considérée comme un secteur lourdement consommateur de ressources, exigeant beaucoup d’investissements financiers sans apporter de réels profits. De ce fait, l’industrie fut exclue de la catégorie « productive » fidèlement à la conception capitaliste des bénéfices.

À cette époque le terme d’« infrastructures » fut préféré et plus fréquemment employé que celui d’« industrie de la construction ». Cette notion erronée (les « in­frastructures » concernent uniquement les travaux publics, alors que l’« industrie de la construction » comprend toutes sortes de travaux fut une cause de désordres dans la gestion sectorielle, rendit le secteur moins productif, et détériora donc le développement de toute l’industrie. Armés de cette notion, les dirigeants chinois prirent entre-temps certaines décisions pour le développement de l’industrie dans d’autres domaines privés que dans le cadre national.

L’orientation gauchiste de la politique et de l’économie des années 1950 et 1960 fut une importante cause de déséquilibre structurel, l’attention était principalement portée sur la vitesse plutôt que sur la qualité, et l’ignorance de la nature commer­ciale de l’industrie était totale, pour ces raisons l’industrie de la construction resta pendant une période relativement longue passive, inerte et sous-développée.

Le tableau ci-après montre l’évolution de la valeur de production de cette industrie huit ans après la « Libération ». Il apparait que pendant le second « plan quinquennal (1958-1962)», l’industrie connut un essor grâce à la volonté du peuple de « construire une nouvelle Chine » et au soutien des dirigeants de l’époque, alors qu’à la fin du « plan » (1961-1962), l’industrie connut une chute considérable, principalement causée par l’extrême concentration de l’industrie lourde et du déséquilibre de l’économie nationale. La situation déjà problématique s’aggrava d’avantage avec le départ des experts-techniciens russes à la suite d’un conflit idéologique entre Chine et URSS et de la suspension de plus de 200 chantiers[30].

Cependant, la valeur créée par les entreprises nationales occupait tout de même une place importante dans la valeur nationale. À partir de l’année 1961, la part des entreprises nationales diminua radicalement (de 73 % à 49 %). Cette tendance, causée par un manque d’investissements sur les infrastructures publiques telles que les gares ferroviaire, routes nationales etc., perdura jusqu’à l’année 1963. Ce fut une période durant laquelle le gouvernement commença à restructurer l’industrie de la construction sur la base du système de l’économie planifiée, en réduisant le nombre des entreprises nationales. À partir de 1961, trois principes furent appliqués pour restructurer l’industrie : « transformer » un certain nombre d’entreprises nationales en entreprises collectives ; « réduire » le nombre d’ouvriers et « envoyer » les entre­prises nationales dans de différentes régions[31]. Pour cette raison, de 1960 à 1962, 3,64 million d’ouvriers travaillant dans des entreprises nationales quittèrent leur poste (1,93 million à de 5,57 million) ; plus d’un million d’ouvriers et employés (de 0,57 million à 1,58 million) appartenant à des secteurs gouvernementaux furent renvoyés[32]. Cette politique de rectification de l’industrie fut un grand succès : le rétablissement de l’économie se fit graduellement de 1964 à 1965.
Cependant, à l’approche de la Révolution culturelle (1966-1976), l’industrie subit des pertes considérables. En 1970 fusionnèrent le Comité de la Construction national (Hs^lÊ^I, le Ministère des Travaux publics (lÈ^IfMlSO, le Ministère des matériaux de construction (lÈ^MMlikoP) et le Département politique de l’Infrastructure centrale (^^SlÈI^nnl?). Le Comité national de l’Infras­tructure (Hl^8^1Èiâ:lijS »ê:) devint le seul secteur à s’occuper de l’industrie à l’échelle nationale. À la même époque les conflits politiques se firent plus nombreux et virulents, alors que les activités économiques étaient directement soumises à la politique. Un million d’ouvriers des entreprises nationales sur un total de 1,8 mil­lion, ainsi que 290,000 d’ouvriers et techniciens des secteurs gouvernementaux sur un total de 380,000 furent envoyés dans les campagnes[33]. La suppression des secteurs de recherche et développement, le renvoie des ingénieurs et techniciens hautement qualifiés, la démolition des équipements, instruments, laboratoires et bibliothèques handicapèrent à long terme l’industrie.

Selon le tableau ci-dessus, 1967, 1968 et 1969 furent les trois années les plus dures pour l’industrie de la construction. Non seulement le nombre d’employés connut un reflux, mais la valeur de la production tomba à un niveau très bas. Néanmoins, un certain nombre de travaux publics se réalisèrent alors, compre­nant le Stade de Beijing, la Raffinerie Shengli (victoire) du Shandong, la Deuxième Manufacture automobile, le Pond sur la Rivière Yangtzé à Nanjing, l’Usine sidé­rurgique de Panzhihua, la Centrale hydraulique de Liujiaxia, etc. Il faut également noter que durant une période allant des années 60 aux années 1970, 18 000 experts et techniciens furent envoyés dans une trentaine de pays pour assister le « tiers monde », bien que la vie économique en Chine ait été perturbée.[34]

La Révolution culturelle (1966-1976), décennie durant laquelle l’industrie de construction resta soumise aux luttes politiques tant à la capitale que dans toutes les provinces, se termina officiellement avec la mort de Mao en 1976 (cependant avec son successeur officiel Hua Guofeng, directement désigné par Mao lui-même, la ligne politique du gouvernement resta identique pendant encore quelques années avant l’arrivée au pouvoir définitive de Deng Xiaoping en 1978). Les obstacles se révélèrent quand l’État recommença à mettre l’accent sur la « construction natio­nale ». En 1978 eut lieu la Troisième Séance plénière du Onzième Comité central alors que Hua Guofeng occupait encore le titre du président du pays et la direction du Parti[35], ce fut à cette occasion que les politiques de la Réforme et de l’Ouverture furent déclarées.

Malgré ces dernières déclarations, l’ensemble du pays et en particulier le milieu politique demeura en désordre. Cette confusion trouvant son origine dans les diver­gences idéologiques de l’époque post-maoïste était une source de distraction pour Deng et ses souteneurs. En ce qui concerne l’industrie de la construction, le nou­veau dirigeant du pays s’intéressa d’abord aux problèmes de logement, qui étaient alors d’une préoccupante gravité. D’après le rapport annuel du Bureau général de la Construction urbaine (H^J^ïfjlÊi^LÊâJlj), jusqu’à l’année 1978 la superficie par habitant dans les 182 villes enquêtées n’était que de 3,6 m2 et 68,91 million de ménages des villes principales ne procédaient pas de logement. Ce chiffre équivaut à 38,6 % de la totalité des ménages en ville. Dans les 13 plus grandes villes (de plus d’un million d’habitants), les ménages sans logement représentaient 43,1 % de la population. En outre, il était très commun que trois générations voire quatre habitent sous le même toit.[36] La réforme de l’industrie de la construction était donc destinée à subvenir aux besoins essentiels du peuple.

À partir de 1979 à l’initiative de Deng Xiaoping, l’industrie de la construction devint le laboratoire du la réforme du système économique[37], même si elle dut affron­ter des difficultés intérieures et extérieures au secteur de l’« infrastructure ». La rectifi­cation générale du système économique fut lancée dans tout le pays. L’industrie de la construction, de par son importance dans l’économie nationale, fut un des premiers secteurs concernés par ce mouvement de réforme.

Le 2 avril 1980, Deng fit un discours qui devait servir de base aux nouveaux prin­cipes de développement de l’industrie de la construction. Il y déclarât « L’industrie de la construction fait partie des trois secteurs les plus importants de l’économie nationale dans la plupart des pays capitalistes, il y a une raison à cela. L’industrie peut permettre de gagner de l’argent, d’augmenter les revenus du pays et de faire des réserves. Sur le long terme, nous devons accorder de l’importance à cette industrie. Si elle fonctionne bien, nous pourrons régler les problèmes dus au chômage et satisfaire les besoins des habitants des villes et des campagnes… En outre, au fur et à mesure du développement de l’industrie de la construction, l’industrie des matériaux de construction pourra embrasser une situation favorable »[38]. En 1984, le Premier mi­nistre Zhao Ziyang repris à son tour ce principe en disant « l’industrie de construc­tion fait partie des industries importantes et est aussi un des piliers de l’économie. L’industrie des matériaux de construction pourra être élargie, ainsi que l’effectif de l’industrie de la
construction »[39].

Le premier objectif de ces discours était de libérer, de nettoyer l’imaginaire collec­tif de ses stéréotypes idéologiques hérités du maoïsme sur l’industrie de la construc­tion; secteur qui était depuis longtemps considérée comme un secteur « dévoreur d’investissement ». L’industrie de la construction permit aussi de dégager et de mettre en place des solutions à certains problèmes à la fois financiers et sociaux aux yeux des dirigeants communistes.

Afin d’exploiter le potentiel de cette industrie et de mettre en pratique les prin­cipes des réformistes et dirigeants du Parti, il fallut transformer l’économie planifiée en économie de marché. L’industrie de la construction ayant un rôle majeur au sein de l’économie, les réformes furent conduites prudemment à un rythme régulier. Shanghai, première ville ouverte aux étrangers après la victoire des Anglais sur les Chinois en 1840, prospérant jusqu’à la fin du gouvernement de Chiang Kai-shek, fut la première ville à prendre l’initiative de reformer l’industrie grâce à des institu­tions économiques relativement complètes et la mairie de Shanghai, qui autorisa un programme destiné à renforcer le self-management du Bureau de la Construction et des Travaux publics en 1980. Le self-management de l’industrie devint un objectif de réforme pour tout le pays.

La réforme générale de l’industrie fut mise en place progressivement en suivant quatre étapes :

1) Mise en œuvre du système de l’adjudication[40]

Avant 1980, ce système n’existait pas au sens propre, les travaux étaient dis­tribuées à différents secteurs de construction par l’État lui-même et les dépenses étaient calculées et prévues en fonction du budget du gouvernement. Les entreprises menant de grands travaux étaient rattachées à l’État et dépendaient par conséquent directement de ses capacités. En octobre 1980, le Conseil d’État publia « Règlements provisoires sur le déroulement et la protection de la concurrence socialiste »[41], qui approuvait les moyens de l’adjudication et immédiatement. Shenzhen, ville sélec­tionnée par Deng en tant que lieu de départ de sa politique d’Ouverture (car elle ne posait pas beaucoup d’obstacles administratifs), a eu le privilège d’être le terrain d’es­sai des toutes premières adjudications. En 1981, pour le Centre commercial inter­national (^^Hfo^^^M) la mairie pris exemple sur sa proche et riche voisine Hongkong[42] afin de mettre en œuvre les travaux. Elle sélectionna quatre entreprises parmi huit ayant soumis des devis jugés acceptables par la mairie. C’est une entre­prise de Shenzhen (La Société Construction de Métallurgie) qui fut sélectionnée grâce à la qualité garantie de ses travaux et à son prix compétitif (398 yuan par mètre carré contre 580 yuan par mètre carré selon le budget gouvernemental). Depuis, 90 % des programmes de construction à Shenzhen s’effectuent à la façon de l’adjudication[43].

Après la réussite de Shenzhen toutes les grandes villes chinoises l’imitèrent. Depuis, non seulement les entreprises chinoises avaient le droit soumettre leur can­didature, mais en plus les entreprises étrangères avaient également la capacité et le droit d’entrer en concurrence avec leur confrères chinois. En 1982 des appels d’offres furent lancés pour la construction de la centrale hydro-électrique Lu Bu Ge, située dans la province du Yunnan. Une entreprise japonaise (Taisei Corporation) fut sélectionnée sur la base d’une proposition d’un devis 43,4 % moins cher que celui initialement proposé. À la fin des travaux, les dépenses réelles étaient 46 % moins élevées que l’estimation initiale et de plus les travaux furent achevés 120 jours avant les délais prévus.[44]

  • Réforme du système de gestion

D’après Deng, le système de gestion dans les entreprises devait être immunisé contre l’ordre bureaucratique et les luttes idéologiques[45], ce qui peut être réalisé au moyen de la séparation de la gestion et de la propriété. Les travaux à forfait firent partie principale de la réforme qui visa à séparer la gestion et la propriété. En 1983, le Service de la Construction de Shenyang dut dissoudre ses 83 organismes de travail et le réorganisa en un ensemble de 108 équipes directement responsables des dépenses et des revenus des différents travaux. Le reste de la Chine imita cette méthode et cette manière de faire, et bientôt cette responsabilité des unités face à leurs travaux fut étendue au pays entier[46].

  • Démarrage de la gestion de la qualification et du classement

Afin d’éviter l’expansion sans limite des entreprises de construction et d’amé­liorer la structure organisationnelle de cette industrie, le Service de la Construction mis en place une politique de gestion de la qualification et du classement vis-à-vis des entreprises. En mars 1984, le Service de Construction sortit les réglementations de la gestion des entreprises de construction,[47] les entreprises furent divisées en quatre catégories en fonction de leur qualification et de leur taille.

4) Amorce du système de gestion d’exploration et design

Avec la volonté du gouvernement de mettre l’industrie de la construction dans le système de l’économie de marché, les entreprises ont été partiellement libérées du contrôle de l’État, y compris leurs unités de recherche et développement. En juin 1983, le Comité prévue Economie a publié une annonce concernant la mise en œuvre d’un système de responsabilité dans le système de recherche et développe-ment[48]. Par cette annonce d’un « plan de recherche scientifique », le gouvernement chinois a accordé un soutien financier de 1,7 milliards de yuans émis par le gouver­nement central aux gouvernements locaux. Ce plan a joué un rôle significatif dans le sixième plan quinquennal, et il était dès lors exigé des gouvernements locaux qu’ils prennent l’entière responsabilité de la réunion et de l’emploi des experts spécialisés en vue d’accélérer les progrès de réalisations scientifiques et technologiques. Le plan comprenait 38 programmes et 112 sujets dans huit domaines différents (agricul­ture, industrie des biens de consommation, de développement de l’énergie et la conservation, de la géologie et des matières premières, équipements mécaniques et électroniques, transport, nouvelles technologies et développements sociaux). Jusqu’en février 1986, 98 % de programmes ont été accomplis, 3900 prouesses scientifiques et technologiques mis en pratique avec un avantage économique de 12,7 milliards de yuans[49].

 

La mise en oeuvre de la rectification économique de Deng Xiaoping des années 1980 aux années 1990

La libéralisation du marché due à la politique de Deng Xiaoping créa une nou­velle atmosphère dans l’économie chinoise. L’État se retira graduellement mais ja­mais complètement du contrôle du marché, cependant le système de prix ne fut pas pris en considération par les décideurs.[50] Le marché était ouvert sans que les prix ne soient réellement laissé libres. Alors qu’une série de réformes qui visaient à régula­riser les prix n’attinrent pas leurs objectifs, les entreprises continuaient à augmenter leurs prix arbitrairement, ce qui mena à terme à une inflation nationale s’étendant d’Est en Ouest, et des villes aux campagnes.

En effet, durant cette période trois grandes vagues d’inflations frappèrent le pays (en 1985, 1988-1989, 1993-1995), toutes étant principalement causées par l’excès monétaire[51]. L’inflation inquiéta non seulement le peuple à cause de l’aug­mentation du prix des biens de consommation courante, mais aussi les décideurs du Parti ayant confiance en ces politiques de réformes. Afin de stabiliser la situation et de rassurer ses collègues, Deng fit plusieurs discours public au cours de différentes occasions.

Le 9 octobre 1980, à l’occasion de sa rencontre avec Kônosuke Matsushita l’industriel japonais fondateur de Panasonic, Deng déclara « … Dans le passé, les taux d’accumulation restaient à un niveau très haut dans notre plan économique : un peu plus de 30 %, ce qui entraina un déséquilibre, un désaccord et un manque d’investissement dans les logements, l’urbanisation et l’éducation. Nous avons décidé de réduire la construction des infrastructures et nous allons limiter nos taux d’accumulation aux alentours de 25 %. Ce n’est pas encore réalisable pour l’instant, nous devons travailler pendant plusieurs années. En diminuant les taux d’accumu­lation nous pouvons dépenser plus dans l’éducation scientifique, les logements et l’amélioration de la vie du peuple »[52].

Au bout d’un mois, après avoir quitté sa fonction du vice-premier, Deng, présent à une réunion du Comité central du Parti insista sur le fait que « les activités écono­miques dans certains domaines doivent prendre du recul, voire beaucoup de recul. En général, il faut réduire la construction des infrastructures, il faut fermer ou fusionner les entreprises mal équipées, il faut réduire la production dans de telles entreprises, il faut diminuer les dépenses administratives afin d’arriver à un équilibre entre recettes et dépenses des finances et des crédits »[53].

Conformément aux discours de Deng Xiaoping et afin d’établir un environne­ment financier régularisé, le gouvernement décida d’approfondir les réformes dans les entreprises nationales. Sans ligne directrice théorique fixe, le principe « avancer à tâtons sur les pierres en traversant la rivière » resta dominant. L’augmentation du profit des entreprises nationales fut permit par la modification structurelle de ces entreprises et de leur transformation en entités économiques avec des caractéristiques d’« auto-management, autofinancement, auto-développement, auto-contrainte »[54].

Cependant, de nouveaux problèmes émergent. Le contrôle absolu de l’État dans les grandes entreprises les priva de la vitalité du marché et de la compétivité vis-à-vis des rivaux étrangers. L’État, en tant qu’investisseur principal des entreprises natio­nales qui monopolisaient le marché continua à surveiller et évaluer régulièrement la gestion. L’agent responsable légal de ce genre d’entreprises était, et demeure, souvent un membre ou un haut fonctionnaire du Parti, et il cumule plusieurs fonctions autant au sein de l’entreprise que du Parti. C’est ce qu’on désigne par les termes d’ « insider control ».

Nous pouvons citer l’exemple de Shi Dahua, président et agent légal de la CRECG (China Railway Group Ltd), en 1998, il assuma la fonction de secrétaire général du Comité du Parti communiste de la Société générale de la Construction de Chemin de Fer ; en 2002, celle de secrétaire général et vice-président de la même société ; en 2006, celle de secrétaire général du comité du Parti et président de China Railway Construction Group Ltd ; en 2007 il devint secrétaire général du Parti et président de la CRECG.[55]

Durant la réforme des entreprises nationales, avec des investissements de l’État de plus en plus généraux, l’industrie de la construction entra dans une étape de développement rapide des années 1980 aux années 1990. Du premier plan quin­quennal au sixième, le pourcentage des investissements des travaux publics ne cessa pas d’augmenter.

On constate d’après le tableau ci-dessus que les investissements portés sur l’in­dustrie de construction ne descendirent jamais en dessous de 50 % des investisse­ments totaux. Un changement flagrant eut lieu entre le 5ème plan quinquennal et le 6ème plan quinquennal : non seulement la valeur augmenta de 133 % (passant d’environ 101 milliard à 236 milliard), mais en plus le pourcentage des investissements sur l’industrie de construction progressa de 11,8 % (de 57,5 % à 69,3 %). La distribution des missions de constructions faite initialement de manière hié­rarchique selon les rangs administratifs fut remplacée par des systèmes de travaux à forfait ou d’adjudication. L’industrie de la construction n’était plus constituée que d’entreprises nationales, avec lesquelles des entreprises privées se partageaient un marché de la construction de plus en plus prometteur. En 1985, les entreprises tant nationales que privées furent chargées de plus de 70 % des travaux du pays ; 4 millions de travailleurs furent recensés dans cette industrie.[56]
À partir du septième plan quinquennal, l’industrie de la construction progressa encore plus vite. La valeur de production nette de l’industrie augmenta de plus de 10 milliards de yuan par an en moyenne. Toutefois, à la fin du plan, l’industrie connut une chute qui fut probablement causée par une grande vague d’inflation qui commença à partir de l’année 1988, le salaire des employés augmenta en moyenne de 23,1 %, soit 10 % de plus par rapport à l’année précédente. Les mesures visant à la rectification des prix approuvées par le Conseil d’État n’eurent pour seul re­sultat que l’augmentation du prix des grains, de l’essence, et de l’électricité pour l’industrie. En 1989, le prix des grains augmenta de 18 %, les matières premières de l’industrie et les transports coûtèrent encore plus cher[57].

En général, bien que la majorité des statistiques aient tendance à dire le contraire il exista de nombreux problèmes nuisibles à l’industrie de la construction. Selon le tableau ci-dessus, le chiffre de la valeur de production s’effondra à partir de 1989, période où la réforme du système économique commença à troubler la société, ainsi que cette industrie, ce qui peut être expliqué par le manque de régulisation du mar­ché. On note 4,5 % et 1,1 % de baisse respectivement pour la valeur de production brute et nette. Avant la mise en pratique de la régularisation du marché, les défauts révélés par les changements du système économique ne firent que faire subir des dommages à l’État et aux entreprises. Par rapport aux taux d’augmentation des années précédentes, le chiffre de cette année nous convainc du point de départ d’une nouvelle ère pour le développement de l’industrie. Après un certain laps de temps nécessaire à la stabilisation de la situation et à une accalmie des critiques, les réformistes restaient dominants dans le Parti. L’année 1990 fut une période de récu­pération de l’économie et de régularisation du marché. L’année suivante, l’industrie de la construction retrouva son rythme de développement.

Durant le 7ème plan quinquennal (1986-1990), la réforme dans l’industrie de la construction rencontra de nombreuses difficultés, surtout durant la période où l’inflation fut la plus importante ; l’augmentation flagrante des salaires, la stagna­tion du prix budgétaire et les charges de plus en plus lourdes eurent pour résultat un affaiblissement des entreprises. Grâce aux trois ans d’aménagement, au début du 8ème plan quinquennal, l’industrie entra dans une nouvelle étape de développe­ment : le monopole de l’économie nationale fut transformé en une nouvelle struc­ture qui était censée donner la priorité à l’économie nationale et collective mais qui permettait la coexistence des entreprises privées et de celles à capitaux étrangers. En outre, la régulisation du marché de la construction était garantie par le vote d’une série de lois et règlements, prévus pour renforcer les réformes. En ce qui concerne l’industrie de la construction, entre 1940 et 1990, en totalité 401 nouvelles lois et réglementations (1 loi, 31 règlements administratifs, et 369 règlements sectoriels) ont été votés afin de mettre en œuvre et également de faciliter les réformes.[58]

Ce tableau nous montre l’évolution de différentes économies dans l’industrie de construction. En ce qui concerne les entreprises nationales, le développement fut assez progressif même si à la fin des années 80 et au début des années 90 il y eut une chute très faible dans l’effectif. Néanmoins, pour les économies collectives et privées (en campagne) non seulement les effectifs mais aussi la valeur de la produc­tion connurent une baisse.

Suite à une série de réformes qui entrainèrent une variation des prix dans tous les domaines et peu de temps avant la retraite de Deng, la politique économique fut légèrement rectifiée dans le but de reprendre le contrôle de l’inflation. Faute de règlements sévères sur le marché et sur les entreprises tant nationales que privées, l’industrie de la construction connut des expansions et des récessions.

L’industrie de construction dans la période post-Deng Xiaoping

La retraite graduelle de Deng Xiaoping du centre de pouvoir à partir de 1989 après l’affaire Tian Anmen ne marque point la fin de ses politiques de réforme. Toutes les pratiques précédemment mises en place continuèrent à se dérouler avec le soutien de certains de ses collègues, plus jeunes mais compétents et riches d’expériences, parmi lesquels on pouvait trouver Zhao Ziyang, Jiang Zeming, Zhu Rongji, Hu Yaobang, Wan Li etc.

Au début des années 1990, alors que les réformes semblaient faire face à une impasse, en 1992, les situations nationales et internationales stimulèrent le lance­ment d’un événement significatif pour la vie économique chinoise: le tour au Sud de Deng Xiaoping. À l’intérieur du pays l’affaire de la place Tian An Men était une source d’inquiétude pour la population, alors qu’à l’extérieur, la désintégration de l’Union soviétique (1991) et les importants changements politiques des pays de l’Est européen (1989) auraient pu mettre les politiques de Deng en danger. Du 18 janvier au 21 février, il visita les quatre villes principales du sud, Wuchang, ShenZhen, Zhuhai et Shanghai, avec l’objectif de rassurer la population et de mettre l’accent sur le développement économique. Il dit « Il faut du courage pour les réformes, le critère n’est pas le fait qu’elles soient capitalistes ou socialistes, mais bien qu’elles puissent favoriser la productivité, renforcer la puissance nationale, et améliorer la vie du peuple. » ; « Plus de plan ou plus de marché dans l’économie ne distingue pas le socialisme du capitalisme. L’économie planifiée n’équivaut pas au socialisme et le capitalisme a besoin des plans ; l’économie de marché n’équivaut pas au capitalisme. Le plan et le marché ne sont que des moyens économiques. »[59]

À partir de 1992 après que les principes économiques sont confirmés par Deng, et ce malgré sa retraite, toutes les catégories économiques commencèrent à s’éle­ver. Il en résulta une meilleure efficacité dans la réforme des entreprises. Durant la réforme, tous les règlements publiés par l’État étaient destinés à perfectionner le système du marché. Dans la plupart des cas, l’État imita la création des marchés occidentaux en les adaptant aux circonstances spécifiques de la Chine.

Pour les entreprises nationales de la construction, l’État choisit de les soute­nir grâce au système des « deux rails ». D’une part, au sens microéconomique, il laissa « la main invisible » du marché diriger la production des entreprises ; d’autre part, au sens macroéconomique, l’État prit en quelque sorte le contrôle de ces der­nières avec « la main visible ». L’équilibre de ces deux « mains » chez les entreprises demeure un enjeu majeur pour le fonctionnement du système des « deux rails ». Cela a entrainé une augmentation remarquable de la valeur de la production des entreprises privées, qui est passée selon le Tableau 6 de 112,4 milliard de yuan en 1992 à 363,3 milliard de yuan trois ans après.

En Chine le gouvernement insiste sur le contrôle absolu des entreprises qui sont liées aux infrastructures du pays depuis les années 1950. Selon l’économiste chinois Cheng Siwei, la réussite de ce système dépend de cinq facteurs : efficacité de l’État, activité des entreprises, régularisation des marchés, sévérité de la surveillance et performance des assurances.[60] Il est de notoriété publique que la Chine a appliqué pendant une trentaine d’années l’économie planifiée. Deng Xiaoping, quand lancé ses réformes, ne voulait pas risquer de « laisser faire » entièrement l’industrie de la construction ni son marché. Le contrôle gouvernemental continuait donc à en quelque sorte être une tradition pour les entreprises qui prirent l’habitude de subir et d’accepter des règlements et des surveillances parfois très sévères.

L’industrie de la construction, étant donné de son importance dans l’économie nationale, n’est jamais vraiment libérée du contrôle de l’État. Pour cette raison, son développement dépend encore beaucoup des décisions politiques du Parti. Faut-il accorder plus de liberté à cette industrie ? Ceci est, et sera, un sujet concernant la direction des réformes prochaines.

[1]Bo Yibo, Revue des décisions et des événements importants, vol. 1, Presse du Peuple, 1997, p. 24.

[2]Le changement remarquable des politiques de Mao est souvent attribué aux évenements surgis en Russie (Khroushchev critique Staline dans un rapport secret) et dans les autres pays du camp socialiste (la Pologne et la Hongrie)

[3]Les dirigeants principaux ont fait de nombreux discours, celui de Mao étant le plus influent a changé complètement la direction du Parti et du pays : la construction du pays ne reste plus le domaine le plus important, l’attention a été transférée vers la lutte de classes. Le site officiel du Parti communiste décrit en détail cet événement : http://dangshi.people.com.cn/GB/165617/166496/16 8117/10012135.html, consulté le 21 février 2014.

[4]En 1933, Deng a été critiqué par Bo Gu (personage important du dogmatisme gauchiste) et titré « chef du clan de Mao », en soutenant Mao et sa ligne. En mai, il a été destitué de sa fonction de ministre de la propagande au sein du Parti dans la province du Jiangxi.

[5]Le titre d’un article publié dans le Guangming Daily le 11 mai 1978, deux ans après la mort de Mao. Cet article a résonné dans tout le pays, car à l’époque, Mao, malgré sa mort, avair encore beaucoup d’influence au sein du Parti et de la population.

[6]Ezra Feivel Vogel, Deng Xiaoping and the Transformation ofChina, Havard University, 2011, p .2.

[7]Guo Junqi, « Les pensées économiques de Deng Xiaoping dix ans avant la Révolution culturelle », in Etudes et Enseignements de l’Histoire du Parti, 1994, n°4, p. 7.

[8]Discours fait après le rapport du Bureau de l’Est de Chine en juin 1962. Guo Junqi, « Les pensées économiques de Deng Xiaoping dix ans avant la Révolution culturelle », p. 11.

[9]Mao, insistant sur le « socialisme » pur et donc le travail collectif, ne supportait pas l’idée de travail individuel, bien que ce dernier motive efficacement les paysans.

[10]Œuvres Sélectionnées de Deng Xiaoping, vol. 2, Presse du Peuple, 1995, p. 129.

[11]Gu Mu (1914-2009), a eu une carrière révolutionnaire pendant sa jeunesse, était chargé du rétablissement de l’économie peu après la fondation de la RPC. Avant la fin de la Révolution culturelle, Gu retrouva ses fonctions en tant que directeur du Comité national de la Construction et de vice-directeur du Comité révolutionnaire au sein du Comité de l’Economie planifiée en 1973. Grâce aux compétences dont Gu fit preuve dans le domaine économique, en particulier dans la construction des chemins de fer, Deng Xiaoping lui confia la mission de consolider les réformes. À l’issu de la chute de la Bande des quatre, Gu prit la responsabilité des échanges internationaux. Il était un des souteneurs des politiques de réforme initiées par Deng et mit en œuvre les principes de ce dernier, comme ce que Deng avait fait à l’époque de Mao Zedong.

[12]Wu Li (dir.), Histoire économique de la République populaire de Chine, Presse d’Economie chinoise, 1999, p. 781. Ezra Feivel Vogel, Deng Xiaoping and the Transformation of China, p. 221-222.

[13]Les compradors sont les agents des pays impérialistes en Chine, qui étaient parfois des fonctionnaires importants.

[14]Liu Shaoqi fut le chef n°1 du clan.

[15]Il est retourné à Beijing avec la permission finale de Mao.

[16]Ezra Feivel Vogel, Deng Xiaoping and the Transformation of China, Havard University, 2011,52.

[17]Mao Zedong considérait Deng qui lui a montré son admiration comme membre de son camp, pendant la révolution culturelle, ce qui a permis à Deng d’éviter les tortures les plus féroces. Ezra Feivel Vogel, Deng Xiaoping and the Transformation of China, p. 366.

[18]Deng chargé de la région Sud-Ouest faisant parti des neuf régions principales peu après la Fondation de RPC, s’est beaucoup dévoué à la reconstruction de cette région de 1949 à la fin de 1951. Les informations en détail se trouvent sur le site officiel du Parti communiste : http://cpc.people.com.cn/GB/69112/69113/69117/4714256.html (consulté le 3 février 2014).

[19]Bureau des Recherches des Documents du Comité Central du Parti Communiste, Biographie de Deng Xiaoping (1975-1997), Presse des Documents du Comité Central du Parti Communiste,

2004, p. 25-26.

[20]Biographie de DengXiaoping (1975-1997), p. 47-48, p. 50-51.

[21]Ibidem, p. 83-84.

[22]Conversation avec Ye Fei (Ministre des Transports de 1975 à 1979) le 8 mars 1975, Biographie

de Deng Xiaoping (1975-1997), p. 26.

[23]Biographie de Deng Xiaoping (1975-1997), p. 384-385.

[24]Ibid., p. 563-564.

[25]Développer l’industrie de la construction faisant partie des idées économiques de Deng Xiaoping a été mentionné aussi en avril (Presse des Documents du Comité Central du Parti Communiste, les Pensées de Deng Xiaoping (1975-1997), 1998, p. 61) et en août 1978(Biographie de Deng Xiaoping (1975-1997), p. 358). Le texte a été officiellement publié en 1980. Biographie de Deng Xiaoping (1975-1997), p. 614-615.

[26]Ibid., p. 1059.

[27]Zhu Xuehong, « Rétrospective et Perspective du Développement de l’Industrie de Construction», Journal Académique de l’Université du Centre-Sud, juin 2004, n°3, p. 327.

[28]Biographie de Deng Xiaoping (1975-1997), p. 39.

[29]Annuaire Statistique de la Chine (1983), p. 24.

[30]Shen Zhihua, expert chinois dans l’histoire de la Guerre froide et l’histoire entre la Russie et

la Chine, dans sa monographie « Les Experts russes en Chine»(1948-1960) »(Beijing :Presse de la

Diffusion internationale, 2003, p. 398-403.), explique les raisons qui provoquèrent la rupture entre la Chine et la Russie et donc l’évacuation des techniciens russes. Il termina son livre par une partie décrivant l’influence considérable de ce fait historique.

[31]Fan Jianting, le développement de l’industrie de la construction et l’évolution de son organisation,

Shanghai, 2008, p. 64.

[32]Fan Jianting, le développement de l’industrie de la construction et l’évolution de son organisation,

  1. 65.

[33]Wang Fu, Liu Zhixian, Chronique de l’Industrie de la Construction de la nouvelle

Chine(1949-1989), Beijing, 1989, p. 145.

[34]Wu Li (dir.), Histoire économique de la République populaire de Chine, Presse d’Economie

chinoise, 1999, p. 570.

[35]Ezra Feivel Vogel, Deng Xiaoping and the Transformation of China, p. 196.

[36]Wu Li (dir.), Histoire économique de la République populaire de Chine, p. 743.

[37]En avril 1979, le Comité central du Parti communiste tint une réunion avec le slogan « rajustement, réforme, rectification et amélioration », en vue de lancer une réforme nationale. Ce principe devint l’idéologie dominante pour les fonctionnaires locaux. Ren Dianxi (le vice-maire de Shenyang en 1987), « Approfondir la réforme de l’industrie de construction », in Construction Economy, 1987, n°10, p. 16.

[38]Biographie de Deng Xiaoping (1975-1997), p. 614-615.

[39]En automne 1984, Zhao Ziyang insista sur l’importance de l’industrie de construction, au moment où il inspecta la cité sidérurgique de Ma An Shan, Construction Economy, 1985, n°1, p. 2.

[40]En Chine depuis les années 80, l’adjudication est une procédure de marché public dont la particularité réside en son principe: le fournisseur offrant le cout le moins élevé est systématiquement retenu. Ce système qui a introduit l’économie de marché faisait partie de la politique de Réforme.

[41]Ces règlements furent supprimés en 2001.

[42]Un entretien entre un journaliste et témoin de la réalisation du projet : Chen Guangyan, qui était à ce moment-là, l’auditeur général du projet d’appel d’offres. Shenzhen Daily, le 14 Décembre 2008, consulté sur le site officiel de Shenzhen Daily le 23 Janvier 2014: http://sztqb.sznews.com/ html/2008-12/14/content_452071.htm

[43]Fan Jianting, le développement de l’industrie de la construction et l’évolution de son organisation, p. 92.

[44]Cahier actuel de la qualification des entreprises de construction, Presse Informatique de Daheng,

2001, p. 626.

[45]Conversation entre Deng et la journaliste italienne Oriana Fallaci le 21 et le 23 août 1980, les Pensées de Deng Xiaoping (1975-1997), Presse des Documents du Comité Central du Parti Communiste, 1998, p. 165.

[46]Ren Dianxi, « Approfondissement de la réforme de l’industrie de la construction », in Construction Economy, 1987, n°10, p. 16-18.

[47]Xiao Tong (dir.), l’Industrie de la Construction en Chine à l’époque contemporaine, Beijing, 1988,

  1. 397.

[48]Yao Yilin (vice-premier ministre du Conseil d’État et directeur du Comité de l’Economie planifiée), « Rapport sur le plan du développement de l’économie nationale et de la société pour l’année 1983 », People’s Daily, le 25 juin 1983.

[49]China Science and Technology Information, 2000 n°1, p. 59.

[50]Wen Zongyu et Zhang Xiaojie : les Trente Ans de la Réforme en Chine (1978-2003), Presse du

Peuple de Shandong, 2009, p. 89.

[51]Tang Yulan, « Recherche comparative des causes des trois inflations depuis les années 1980 », Journal of Shanghai Administration Institute, mars 2009, vol.2, p. 69.

[52]Biographie de Deng Xiaoping (1975-1997), p. 679.

[53]Wu Li (dir.), Histoire économique de la République populaire de Chine, p. 832.

[54]Yang Weidong, « la Réforme dans les Entreprises nationales et la réflexion de la rénationalisation », in Journal of Huazhong Normal University (Humanities and Social Sciences), janvier 2013, vol.53, n°1, p. 23.

[55]Ce phénomène a attiré l’attention des économistes qui critiquaient le rôle trop flagrant et la trop grande présence de l’État et du Parti dans les entreprises nationales. La mise en pratique empêche la surveillance entre les secteurs dans l’entreprise et entraine un affaiblissement du contrôle du Comité d’Inspection. Voir Zuo Xuejin, Cheng Hangsheng (dir.), State-Owned Enterprise Governance in Chine :An International Comparative Perspective, Social Sciences Academic Press, 2005, p. 73.

[56]Xiao Tong(dir.) , l’Industrie de la Construction en Chine à l’époque contemporaine, Beijing, 1988,

  1. 174.

[57]Tang Yulan, « Recherche comparative des causes des trois inflations depuis les années 1980 »,

  1. 73.

[58]Le 22 novembre 1991, le Bureau de l’Industrie de la Construction imprima et distribua le projet système de droit de l’industrie de la construction. Vr. Yang Xinming, « Sur les lois de l’industrie de la construction», Tongji University Journal Humanities and Social Science Section, novembre 1995 Vol. 6, n ° 2.

[59]Wu Li (dir.), Histoire économique de la République populaire de Chine, p. 1023. Voir aussi Biographie de Deng Xiaoping (1975-1997), p. 1341-1345.

[60]Cheng Siwei, Recherches sur la réforme et le développement économique en Chine, Presse de l’Université du Peuple, 2001, p. 198.

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