Du NEANT A LA FORCE DE RESERVE POLICIERE,

Général (cr) Henri PARIS

Président de Démocraties

Trimestre 2010

Le japon, à partir du XVIIe siècle, par choix culturel, se ferme progressivement à toute influence extérieure. Bien plus, il se replie sur lui-même, rejetant par la force toute intrusion étrangère, même pacifique. Il comprend ce qu’est une p uissance militaire irrépressible lo rsqu’il d oit s’ouvrir aux Occid entaux, bien qu’ii s’y soit obstinément refusé à plusieura reprises, entre autres en 1846.

Les Américains ont besoin de charbonner. Aussi, en juillet 10U3, lU commodore Matthew Perry entre en baie d’Edo, qui deviendra celle de Tokyo, avec ses quatre « navires noirs », noirs à cauSe de la fumée de leurs cheminOes, navigurint sans se soucier dU sens du vent et pointant leurs canons mennçants, à la surprisO épou­vantée des CaponUis. Au printemps 1U54, le commodore revient avec une escadre renforcée de bateSux toujours Sussi noirs, avec des cSnons toupurs aussi menaçants.

Il n’y a plus qu’à céder : signer le traité de Kanagawa et, par k suite, toute une série de traités avec ks aiitres puissances ocxidentaks. Les Nipponr acceptent l’im­pensable, runversent le shogunat, rétablissent l’empire et la divinité de l’empereur en un touenemain. Les Uccidentaux, étonnés, assistent à un numéro de bascule culturelle hors de pair.

En matière militaire, les Japonais passent d’une année féodele à une armée moderne en un temps record. Une euerre contre la Chine lPur sert de grande manœuvre. Et ils s’adressent Uux meilkurs spécialistes pour leur formation et leur entmnement : aux Britanniques pour la marine, aux Franoais d’ribord pour l’ar­mée de terre puis, après 1870 et Sedan, aux Allemands. Au résultat, en 1905, les Japonais anéantissent la marine impériale russe aux îles Tsushima et l’armée de terre à Port-Arthur et Moukden.

La technologie militaire japonaise est au point et n’a rien à envier à celle des Occidentaux.

La conférence du désarmement, plus exactement de limitation des armements navals de Washington, de 1921 et 1922, a pour but de limiter la course à l’arme­ment naval américain, britannique et japonais, en laissant la primauté aux Anglo-Américains dans le Pacifique, ce qui est acquis. Les Japonais comprennent déjà que la prédominance appartient aux porte-avions et aux sous-marins, non aux cuirassés de fort tonnage et aux destroyers et torpilleurs.

Bien qu’ils aient signé le pacte Briand-Kellog en 1928, les Japonais entrent en guerre contre les Chinois en 1931, puis contre les Soviétiques et les Occidentaux. En août 1945, ils doivent accepter l’inadmissible : la capitulation sans conditions, mais avec une réserve, le maintien de l’empereur, qui perd cependant son caractère divin au profit d’une souveraineté parlementaire.

La Seconde Guerre mondiale dure pour les Japonais près d’une quinzaine d’an­nées et cause des destructions incommensurables. Retrouvant une constante an-cestrale, les Japonais pratiquent une bascule totale : autant ils ont été militaristes, autant ils sont désormais pacifistes. Ce n’est pratiquement que contraints qu’ils vont constituer un appareil de défense, dont la première décennie du xxie siècle ne mesure qu’une étape. Pour bien appréhender ce cheminement, il est nécessaire d’analyser les conditions de l’alliance nippo-américaine, entre les ennemis d’hier, puis l’évolution de la politique de défense japonaise et enfin le potentiel de la Force d’autodéfense qui permet une esquisse de prospective.

L’alliance nippo-américaine

Les troupes américaines d’occupation débarquant au Japon en septembre 1945, leur commandant en chef en tête, le général Douglas MacArthur, sont saisies de stupeur. Tokyo est un champ de ruines, de même que les autres grandes villes, mais, si la population est visiblement affamée, elle est d’une docilité exemplaire. Aucune manifestation d’hostilité ! L’autorité américaine d’occupation prescrit la dissolution de l’armée et pour commencer sa démobilisation, avec dépôt de l’armement en des lieux fixés. Elle est scrupuleusement obéie dans le plus grand calme. Des officiers se font simplement hara-kiri ! L’administration reste à son poste. Lorsque l’un des hauts responsables est brutalement renvoyé pour être remplacé par un Américain flanqué d’un interprète, il s’exécute avec force courbettes et disparaît. Ce qui reste de la flotte est livré en l’état.

Se souvenant de la bravoure, du mépris de la mort avec lesquels les Japonais ont combattu, du très faible nombre de prisonniers faits, les Américains sont médusés et ne sortent pas de l’incompréhension. Ils se remémorent l’âpreté des combats, l’acharnement de la résistance, la valeur individuelle et morale du combattant nip­pon se faisant tuer à son poste plutôt que de se rendre, alors que toutes les critiques pouvaient être faites sur la médiocrité des compétences tactiques et stratégiques du commandement japonais à tous les échelons. Entre autres, des assauts à la baïon­nette par vagues successives, officiers en tête, en terrain découvert ! À ne pas en croire ses yeux ! La finesse dans la manœuvre était une donnée inconnue que ne pouvait racheter la bravoure individuelle.

Les Japonais, de leur côté, sont frappés de la magnanimité du vainqueur. Ils res­tent terrifiés par l’arme nucléaire et ce n’est que plus tard, bien plus tard que naîtra un courant d’opinion prônant un statut de victime.

Dès 1932, le Japon a connu un régime militaire avec abolition des partis poli­tiques. Ce régime disparaît, s’évanouit dès la capitulation, ce qui fait que la force d’occupation américaine, sidérée, trouve place nette. Le personnel militaire et mili­tarisé est jugé et condamné en tant que criminel de guerre, sans émoi de la popula­tion, pour ceux qui ne se sont pas fait hara-kiri.

En 1950, la guerre de Corée fait du Japon une base irremplaçable pour les Américains. Les Japonais jouent le jeu.

Ils acceptent la démocratie et, en 1946, une Constitution, inspirée de la Constitution britannique, qui, elle, reste verbale, sujet d’étonnement perpétuel que ne partagent pas seulement les Japonais. MacArthur ne peut faire autrement, puisqu’il faut sauvegarder l’empereur, donc impossible de calquer la Constitution américaine.

Par l’article IX de sa Constitution, adoptée le 3 novembre 1946, « le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation ou à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux ». En conséquence, très logiquement, le Japon n’entretiendra aucun potentiel de guerre. Il ne se reconnaît même pas le droit de belligérance de l’État, au sens de l’article 51 de la charte de l’ONU. De quoi devenir perplexe ! Le Japon, colonie américaine ?

La clause est redoutable et insulte l’avenir. Le bénéfice immédiat est cependant net : le Japon peut consacrer tous ses efforts à son seul développement économique. Il profitera donc du même avantage que l’Allemagne, mais plus longtemps et plus fortement.

En 1952, le statut d’occupation prend fin et est remplacé par le traité d’alliance signé à San Francisco. Le traité est, en fait, assez léonin. Il s’explique par la guerre de Corée, les Américains ont besoin de plates-formes logistiques et donc de bases mul­tiples, toutes bénéficiant de l’extraterritorialité. Okinawa ne fera retour au Japon qu’en 1972, aux termes du traité de San Francisco. Les Japonais s’en remettent aux Américains pour leur défense. Ce ne peut être pour rien !

Le traité de San Francisco est vide de coopération militaire active puisque l’ar­ticle IX de la Constitution s’oppose à toute création d’une force armée nippone. C’est un sujet de discussion interminable entre Américains et Japonais, et c’est devenu un litige permanent.

Sur leurs bases, au Japon, les Américains entretiennent quelque 47 000 hommes, ce que supportent de plus en plus mal les Japonais. En 1995, une jeune Japonaise est violée par trois marines américains, ce qui met en effervescence l’ensemble de la population et conduit à de multiples manifestations réclamant le départ des forces américaines.

L’existence permanente d’un port d’attache de porte-avions à propulsion nu­cléaire américains dans des bases navales japonaises est également mal vécue par la population.

L’alliance nippo-américaine à la longue se détériore, malgré les menaces chinoise et nord-coréenne. Cette alliance, par ailleurs, n’est pas gratuite. Le stationnement des forces américaines au Japon est à la charge des Japonais, sans que Tokyo ait droit de regard sur l’emploi de la dépense, dont le poids ne cesse de s’alourdir.

Pourtant, ces menaces sont grandissantes avec l’affermissement des puissances militaires chinoise et nord-coréenne. L’appréciation de la menace nord-coréenne, vue de Tokyo, est différente de celle vue de Washington. Depuis la fin de la guerre de Corée, depuis 1953, Washington n’a toujours pas reconnu Pyong Yang, qui réclame en vain un pacte de non-agression américano-nord-coréen. C’est ce refus qui justifie les Nord-Coréens dans leur volonté de se doter de l’arme nucléaire, ce que perçoit Tokyo. Il en résulte un essai nucléaire de la Corée du Nord en 1996 et son retrait définitif du traité de non-prolifération en 2003. Parallèlement, les Nord-Coréens se livrent à des démonstrations de tirs de missiles survolant le Japon, dans le but officiel de mettre sur orbite des satellites civils. L’intimidation visant l’allié des Américains est évidente : de leur côté, les Chinois manifestent leur puissance, entre autres nucléaire, spatiale et navale. Les Japonais se sentent entraînés dans un conflit qui n’est pas le leur.

La même inadéquation entre les politiques étrangères américaine et japonaise s’est déjà révélée, par exemple au sujet du Viêtnam. Le miracle économique japo­nais n’a rien de miraculeux : il est le fruit d’un savoir-faire et d’une discipline quasi militaire dans une expansion économique qui hisse le Japon à la deuxième place au monde. Faute d’une participation militaire à laquelle les Japonais rechignent forte­ment, se réfugiant derrière l’article IX de leur Constitution, ils doivent verser une forte contribution financière supplémentaire lors de la première guerre du Golfe.

Pour la deuxième guerre du Golfe, il leur faut bien s’exécuter, mais ils par­viennent à limiter leur participation effective à des troupes passives tenant un rôle humanitaire ou logistique.

Le réalisme commande de considérer que l’ensemble des facteurs rendent moins valable le bouclier qu’offre le traité d’alliance militaire de San Francisco, conclu en 1951 et renouvelé en 1960. Par ailleurs, indéniablement, les Américains, à la fin de la première décennie du xxie siècle, sont moins présents en Asie de l’Est. L’Empire du soleil levant est amené à reconsidérer le problème de la force armée américaine, sous l’angle de l’efficacité.

L’alliance nippo-américaine n’est certes pas l’élément premier qui oppose Chinois et Nord-Coréens aux Japonais. Cette opposition a des raisons séculaires. Un arrangement aurait cependant pu être trouvé, du moins recherché. L’existence du traité de San Francisco rend vaine toute tentative d’atténuer une animosité fon­cière.

 

L’évolution de la politique de défense

Le coup de force de 1854 et leur victoire de 1905 persuadent les Japonais de l’intérêt du militarisme et de la puissance des armes. La conscription, introduite en 1873, sert de base à l’organisation des forces armées et au développement de l’État-nation en un temps record.

C’est avec la même force et la même facilité d’endoctrinement que les Japonais acceptent en 1945 l’option inverse. La défaite, suivie de la capitulation sans condi­tions, atteste de l’échec absolu d’une politique militariste. L’inanité d’une force armée nationale en tant que support d’une politique étrangère a été prouvée. Et douloureusement ! Autant donc faire l’économie d’une défense nationale. Subir du mieux possible l’occupation américaine ! Accepter la loi du vainqueur : s’en tenir à l’article IX de la Constitution voulue à l’origine par le vainqueur et, ainsi, faire l’économie d’un appareil de défense dont la défaite a démontré l’inutilité, tout en s’en remettant aux Américains pour assurer la protection, face aux Soviétiques. De là, la tendance au pacifisme avec, en corollaire, l’acceptation du traité de San Francisco de 1951, tout léonin qu’il soit. Pas de budget de défense, de surcroît. C’est la sagesse même !

Le bénéfice est donc double. Les Japonais ne se départiront pas de cette attitude, passant ainsi d’un extrême à l’autre, d’une manière assez naïve.

Pourtant, en 1950, il leur faut changer d’avis. Les Américains misent sur un mauvais cheval comme allié : les nationalistes chinois de Tchang Kai-shek, qui ont perdu face aux communistes de Mao Zedong en 1949. Et, en juin 1950, com­mence la guerre de Corée. Plus que jamais, les Américains ont besoin d’alliés et, à ce titre, ils veulent faire jouer le traité de San Francisco. Les Japonais invoquent avec force l’article IX de leur Constitution mais doivent quand même consentir à l’établissement de Forces de réserve de la police qui, lentement, très lentement, sont portées à 75 000 hommes, sans aucun armement lourd ni collectif, pour respecter la Constitution. Pas question donc de les engager en Corée. Le traité de San Francisco de 1951 entérine la situation. Les Japonais tiennent à leur Constitution qu’ils consi­dèrent comme une panacée.

La guerre de Corée se prolonge. Sous forte pression américaine, aux Forces de réserve de la police, les Japonais adjoignent un élément naval, peu après l’entrée en vigueur du traité de paix en 1952. Il faut bien changer l’intitulé de ces forces qui deviennent les Forces nationales de sécurité. Et en plus, il faut continuer de payer l’entretien des troupes américaines stationnées sur le sol japonais.

Nouveau changement d’intitulé en 1954, lorsqu’un élément aérien, un em­bryon d’armée de l’air, prend place : la Force d’autodéfense, FAD, est créée. Les officiers sont issus de l’Académie de défense nationale de Yokosuka. Des trésors

 

d’arguties et de contorsions verbales sont dépensés pour démontrer que les FAD sont en concordance avec l’article IX de la Constitution.

Il y a un retour poussé à la tradition. Les chefs supérieurs des FAD sont présen­tés annuellement à l’empereur dont la popularité est croissante.

En revanche, les traités d’assistance mutuelle sont négociés plus difficilement. Leur reconduction n’est pas automatique mais décennale. L’installation des bases est très mal perçue, d’autant plus que des armes nucléaires sont entreposées à bord de bâtiments dont le port d’attache est une base située au Japon. La raison en est très simple : la crainte d’être pris pour cible dans une guerre nucléaire ! À peu de chose près, c’est le même état d’esprit qui règne en Europe, avec le slogan qui fait fureur en Allemagne fédérale : « Plutôt rouge que mort. »

Les Japonais commencent sérieusement à se sentir floués. Ils versent une contri­bution, une large contribution financière couvrant les frais de stationnement améri­cains et, de plus, font face à un budget de défense croissant qui ne dit pas son nom.

Le problème des bases américaines continue à se poser avec une acuité gran­dissante, notamment à Okinawa. L’île d’Okinawa pose un problème particulier. Elle fait partie de l’Empire japonais en tant que tel, n’en est pas une conquête, bien qu’elle ait une langue et une culture spécifiques. Elle est la seule partie du territoire japonais qui ait été prise par les Américains de haute lutte avant la capitulation, à la suite de combats acharnés. Lorsque la défaite devient une certitude, la popula­tion se réfugie dans le suicide collectif plutôt que d’accepter la honte de l’occupa­tion. Aussi, les Américains occupent-ils un désert humain. Le souvenir de la jeune lycéenne violée en 1995 par trois marines est constamment ravivé. À Okinawa, plus qu’ailleurs, les Américains concentrent leurs bases, sans bien réfléchir au sym­bole que revêt très spécifiquement cette île pour tous les Japonais, toutes opinions politiques confondues. Pacifistes et nationalistes font chorus pour réclamer le dé­part des Américains. Le secrétaire d’État à la Défense, Robert Gates, excédé de devoir encore refuser de renégocier l’accord de 2006 prévoyant le stationnement des troupes, conclu avec les démocrates libéraux et remis en question par le Parti démocrate du Japon, nouvellement arrivé au pouvoir, plus à gauche, envoie le si­gnal le plus tonitruant qui soit en langage diplomatique : lors d’une visite au Japon de deux jours, les 20 et 21 octobre 2009, il décline une invitation à dîner offerte par le ministre de la Défense intronisé officiellement le 15 décembre 2006 et par son collègue le ministre des Affaires étrangères. Il refuse également une distinction proposée par le ministre de la Défense.

Difficile d’aller plus loin dans la mauvaise humeur ! Dans l’envoi d’un signal d’alerte !

Il y a lieu de prendre en compte que, au Japon, quelque 47 000 militaires amé­ricains sont stationnés à demeure. En soi, cela pourrait paraître comme un affichage de colonisation. Cependant, l’armée nippone a fait son retour dans le concert in­ternational depuis belle lurette. En 1980, la flotte nippone participe à des exercices conjoints avec les flottes britannique et française dans un cadre OTAN. En 1995, sous l’égide de l’ONU, un contingent nippon est envoyé sur le plateau du Golan. En septembre 1991, le Premier ministre Kaifu introduit un projet de loi autorisant la participation des forces japonaises à des missions lointaines de maintien de la paix sous mandat onusien. Le Japon est donc sorti de son isolement militaire.

La force militaire nippone s’affirme. Adossée à une recherche fondamentale performante, notamment en matière électronique, et à une économie florissante, l’armée japonaise devient sans conteste la puissance militaire dominante dans l’Asie de l’Est.

La qualité de sa technologie nucléaire rend le pays apte à acquérir une puis­sance nucléaire militaire en des temps restreints. Quelques velléités, discrètes, sont étouffées rapidement, mais démontrent le fait. De même qu’elles démontrent une distanciation vis-à-vis de l’allié américain.

Peu à peu, le Japon retrouve son passé impérial ou l’exorcise, ce qui relève du même processus.

Depuis 1982, le Premier ministre, annuellement, va s’incliner au sanctuaire na­tional de Yakusuni qui abrite aussi les mânes des criminels de guerre. En 1997, les livres d’histoire, réécrits, réhabilitent quelque peu l’armée impériale nippone durant la Seconde Guerre mondiale. En 1999, dans les classes des établissements scolaires, sont rétablis le salut aux couleurs et l’hymne national en tant qu’honneur à la nation.

Le prestige des forces armées va grandissant. Les chiffres sont éloquents par eux-mêmes, sans commentaires. En 1991, pour un poste ouvert d’officier dans les FAD, il y a 4,4 candidats. En 2003, le chiffre est passé à 45.

Durant la décennie 2000, une série de lois renforcent la structure des FAD, dont la création d’une Agence de défense dans laquelle il est difficile de ne pas trou­ver une copie du Pentagone et d’un Conseil de sécurité.

Le scandale que représente la contradiction entre la réalité que représentent les FAD et l’article IX de la Constitution est par trop patent. Une révision s’impose. Le législateur-occupant était certes naïf. Cependant, l’occupé l’était tout autant. Comment pouvait-il concevoir qu’il allait être défendu, en toute ingénuité, sans contrepartie ?

Le potentiel de la Force d’autodéfense japonaise

Quelle que soit la mission assignée aux forces japonaises, sujet d’âpres discus­sions entre états-majors américain et japonais, cette mission est de caractère indu­bitablement défensif.

Les Américains voudraient faire jouer au Japon le rôle d’un gigantesque porte-avions insubmersible commandant la zone. Les Japonais ont une vision plus res­treinte. Ils conçoivent une stratégie et les tactiques qui en découlent, ayant pour but de préserver leur archipel de toute invasion et de rejeter toute force de débarque­ment pour peu qu’elle arrive à prendre pied.

Le total des forces atteint quelque 230 000 militaires de métier en 2008. L’effectif varie peu, malgré des déclarations annonçant des réductions. Quand elles se produisent, elles ne portent au total que sur 10 000 hommes. En 1999, cet ef­fectif est de 237 000 militaires. Le budget de la Défense reste immuablement fixé à 1 % d’un PIB qui, en 2008, s’élève à 5 180 milliards de dollars.

L’armée est classiquement divisée en trois : terre, air, mer

L’armée de terre compte un effectif de 138 000 militaires, adoptant au plan opérationnel une formation interarmes et interarmées. L’équipement principal se compose de 800 chars de combat et d’une puissante capacité antichars héliportée notamment.

La marine comprend 52 navires de surface principaux et 16 sous-marins, aux­quels s’adjoignent 5 navires amphibies et 74 bâtiments logistiques et de soutien. L’effectif de la flotte atteint quelque 44 000 marins.

L’aviation navale, de l’ordre de 80 appareils servis par 10 000 aviateurs et méca­niciens, mérite plutôt l’appellation d’aviation côtière, comme les quelque 90 héli­coptères. Cette force est remarquable à trois titres. En premier lieu, par sa puissance. En second lieu, par le positionnement des aéronefs dispersés judicieusement sur des bases de manière à couvrir l’ensemble de l’archipel, bases puissamment protégées. En troisième lieu, la force est basée à terre, non sur des porte-avions, alors que les Japonais possèdent parfaitement la technologie de leur construction, ce qu’ils ont démontré lors de la Seconde Guerre mondiale. Mais ils estiment que le porte-avions peut être considéré comme un engin offensif, ce qui n’est pas faux.

L’armée de l’air totalise près de 45 600 militaires servant notamment 270 avions de combat. Le nombre d’heures d’entraînement reste fixé à cent cinquante par an, ce qui fait de l’armée de l’air japonaise une force particulièrement performante qui, au plan qualitatif, se place parmi les premières au monde.

Le matériel et l’armement sont périodiquement renouvelés et modernisés. Quantitativement, il n’y a pas de changement depuis le milieu de la décennie 1990. Ces matériels et armements sont d’origine nippone ou américaine, sans exception aucune. Les Japonais ne se permettent aucune importation d’armement autre qu’en provenance des États-Unis, pour qui ils sont une chasse gardée. Au fil des années, il est curieux que des exportateurs d’armement autres n’aient pas encore compris cette situation et réitèrent des efforts voués évidemment à l’échec.

La coopération américano-japonaise s’étend au domaine de l’espace. Des ces­sions américaines de système Aegis et Patriot sont consenties, de manière à doter les forces d’éléments de bouclier antimissile tactique. Très clairement, les Japonais se préoccupent d’une défense antimissile stratégique et en ont mis en place un embryon, sous forme d’un premier système de détection de conception nationale.

La montée du budget de défense chinois inquiète le Japon. Peut-être à tort, car à peu de chose près, les deux pays sont à égalité, en dehors de la taille du pays et de la capacité nucléaire de la Chine, ce qui renforce la nécessité de l’alliance américaine aux yeux de Tokyo.

Par ailleurs, la Chine se livre à une montée en puissance économique qui la place au second rang des puissances mondiales, bientôt peut-être suivie par l’Inde. Cet état de fait, joint au recul relatif des États-Unis, pousse le Japon à rechercher une autonomie graduellement plus forte. Il en découle que l’instrument de cette autonomie, la force armée, doit également être plus important, en toute cohérence.

En un siècle, le Japon est passé d’un pôle à l’autre, d’un isolement farouchement défendu et du bateau côtier en bois à l’expansionnisme et au porte-avions. Puis, nouvelle bascule : abandon radical du pacifisme intégral au point que c’est la puis­sance occupante qui doit lui imposer en un demi-siècle le réarmement. Le point d’orgue est, en 2006, la création d’un ministère de la Défense.

En l’état des relations internationales, telles qu’elles sont, telles qu’elles sont prévisibles, l’archipel nippon forme un puissant État-nation. Certes, la Chine et l’Inde lui posent un redoutable défi économique, objet d’un déséquilibre géopoli­tique latent.

Le pacifisme japonais est une naïveté qui a existé et qui cède du terrain graduel­lement au profit du nationalisme. Une nouvelle bascule ! La solidité de l’Alliance américano-japonaise dépend du degré de confiance des Japonais en leur allié améri­cain. Pour peu que ce degré de confiance s’amoindrisse, le renforcement de l’armée nationale se fera à due proportion, tandis que se posera dans la même proportion le problème des bases américaines. L’hypothèse extrême est l’acquisition de l’arme nucléaire par les Japonais, ce qui, au plan technique, ne pose aucune difficulté, mais est peu plausible au plan politique.

En revanche, à court terme, l’évacuation pure et simple d’Okinawa par les Américains appartient au domaine des hypothèses prévisibles.

 

 

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