Europe et Moyen Orient Relations et perspectives pétrolières

André Pertuzio et Michel Ruche
Juillet 2005

Si l’on considère que le Moyen Orient renferme environ 60% des réserves pétrolières prouvées du monde et que les pays européens sont, de beaucoup, importateurs net, les relations entre ces deux parties sont évidemment cruciales même si, dans un effort de diversification ou pour toute autre raison, le Moyen Orient ne représente aujourd’hui qu’environ 25% de l’approvisionnement européen.

Il convient aussi de préciser que, pour l’objet de la présente étude, le terme « Europe » signifie les pays industrialisés européens, soit l’Europe occidentale et non l’Union Européenne .

Nous verrons donc successivement un rapide historique du panorama pétrolier de l’Europe puis des relations dans ce domaine entre ces pays et le Moyen Orient, ensuite les perspectives à l’horizon 2030 et donc le problème des réserves. Nous ferons à cet égard un exposé – qui ne sera pas hors sujet comme on pourrait le penser – sur les bruts non conventionnels en raison de leur impact dans cet avenir sur les relations pétrolières et leur géopolitique concernant la dépendance des pays européens – en dehors bien entendu des Etats-Unis – à l’égard du Moyen Orient.

Les pays d’Europe occidentale sont des pays très industrialisés qui, à l’exception du Royaume Uni devenu producteur dans la décennie 70 en Mer du Nord, sont peu ou pas producteurs de pétrole. Cette circonstance, à une époque où la Standard Oil de Rockefeller et la Shell de Deterding se partageaient le marché, ne fut pas sans préoccuper les gouvernements européens dès avant la Grande Guerre, cette « guerre civile européenne » comme l’appelait le Maréchal Lyautay, et c’est à cette époque que Winston Churchill acquit pour le gouvernement britannique 51% de l’Anglo Persian devenu par la suite BP qui assura ainsi le ravitaillement de la « Navy ». En 1923, le Gouvernement Français fut à l’origine de la création de la Compagnie Française des Pétroles devenue aujourd’hui Total en vue d’exploiter la part française de l’Irak Petroleum Company (23, 75%) mais ce n’est vraiment qu’après la deuxième guerre mondiale qui mit en relief l’importance du pétrole que les gouvernements européens prirent vraiment la mesure du problème dans le même temps que se développait considérablement la production du Moyen Orient.

A l’exception de l’Allemagne, les gouvernements des principaux pays d’Europe occidentale prirent en main la direction de l’industrie pétrolière, notamment l’Italie avec la constitution de l’AGIP et l’action d’Enrico Mattei en vue de rendre le pays indépendant des « majors » anglo-saxons qui la dominaient et la France avec la création en 1945 du Bureau de Recherches de Pétrole lequel, avec la Régie Autonome des Pétroles fut à l’origine des nombreuses découvertes au Sahara, qui, firent de cette région un grand producteur de pétrole bénéficiant aujourd’hui à l’Algérie. C’est ainsi qu’à partir de 1958, le gouvernement français imposait le »devoir national » à tous les raffineurs installés en France en vue de traiter le pétrole saharien et réglementait le marché intérieur (importation et distribution).

Avec la vague des privatisations qui n’épargna même pas les pays producteurs, la constitution de l’Union Européenne et la libéralisation du marché de l’énergie, le rôle des Etats a été remis en cause. Ainsi en France depuis 1993 et dans les autres pays européens ce rôle s’est considérablement amenuisé sans que l’on puisse encore décider si cette situation qui résulte des traités européens est bonne ou mauvaise ni surtout quels en seront les enseignements compte tenu de la grande complexité des problèmes posés par l’approvisionnement énergétique, notamment en matière d’hydrocarbures.

Désormais, l’approvisionnement des pays européens est le fait des sociétés pétrolières et du marché, lequel tient évidemment compte des nombreux paramètres qui commandent l’industrie et le commerce du pétrole brut et des produits raffinés.

Quelle est donc la situation aujourd’hui ? d’une part les pays européens, c’est-à-dire essentiellement l’Europe occidentale, qui consomment environ 600 millions de tonnes de pétrole chaque année mais dont les besoins sont différents depuis le Royaume Uni qui est exportateur net alors que les autres pays sont importateurs de la quasi-totalité de leur consommation, depuis un pays comme la France dont l’électricité est produite à 80 % à base de nucléaire alors que la moyenne européenne est de 13 %, depuis l’Allemagne qui n’importe qu’à raison de 10% du Moyen Orient jusqu’à la France qui en importe 25 % etc..

Il y a donc une grande diversité de situations due aux besoins de consommation de chaque pays et à différentes conditions commerciales ou autres, mais qui présentent des caractères communs quant aux fournisseurs, à l’exception du Royaume Uni, producteur lui-même dont les importations sont très modestes, essentiellement pour des raisons de qualité de bruts en plus des importations de Norvège (Mer du Nord) pour 33 millions de tonnes alors qu’il en exporte lui-même 72 millions.

Les autres principaux pays consommateurs d’Europe occidentale (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Pays Bas) importent, pour un total d’environ 480 millions de tonnes, les moyennes suivantes annuelles :

du Moyen Orient          : 18 millions de t (25 %)

d’Afrique                      : 15 millions de t (20%)

de la Mer du Nord       : 17 millions de t (23 %)

de Russie                     : 20 millions de t (28 %)

d’Amérique                  : 2 millions de t ( 2 %)

autres                           : 2 millions de t ( 2 %)

On observera que ces moyennes sont relativement proches les unes des autres et qu’un certain équilibre s’établit entre les régions d’approvisionnement. Cela dit, il faut relever, comme déjà indiqué, que l’Allemagne n’importe que 10 % de ses bruts du Moyen Orient et que d’autre part l’Espagne n’importe que très peu de la Mer du Nord alors qu’elle importe 9 millions de tonnes du Mexique et du Venezuela. Une tendance générale se dégage cependant au cours des 5 dernières années, celle d’une relative diminution des fournitures du Moyen Orient et une nette augmentation des importations en provenance de Russie (notamment en Allemagne). Il serait cependant hasardeux de tirer des conclusions définitives de cet état de chose en raison, nous le savons, de la grande complexité de la question et, particulièrement, de la question des prix du brut.

Il convient d’insister un peu sur ces points car les facteurs qui concourent aux approvisionnements de brut sont nombreux, d’ordre économique, financier, politique et circonstanciel, surtout quand une autorité étatique n’y préside pas. Une société productrice aura par exemple tendance à envoyer son propre brut dans ses raffineries mais encore faut-il que la qualité de ce dernier soit appropriée à celles-ci, que le coût du transport ne grève pas le prix du brut, que la société aura peut-être avantage à exporter pour importer celui dont elle a besoin etc.. Le brut s’achète par ailleurs suivant des contrats à terme ou « spot » et si les prix sont ceux du marché, celui-ci est influencé non seulement par la politique de l’OPEP ou celle de la Russie par exemple mais aussi par la situation politique des zones productrices. Il faut enfin rappeler que les coûts de production du brut varient considérablement d’un pays à l’autre mais que ces bruts alimentent un marché unique.

La position de l’Europe à cet égard est d’autant plus sensible à ces facteurs qu’elle est importatrice de pétrole et qu’une diversification de ses approvisionnements est indispensable à leur sécurité.

Nous venons donc, en quelque sorte, de photographier la situation existante et l’avons assortie de considérations qui nous semblent utiles. Cela dit, il faut, dans un monde en évolution et compte tenu du temps qui passe, se porter vers l’avenir. Les experts, notamment l’Agence Internationale de l’Energie, prévoient que la consommation mondiale, aujourd’hui de 84 millions de barils/jour soit 4, 2 milliards de tonnes par an, doit se situer en 2030 à environ 120 millions de barils/jour. De cette augmentation de la consommation, les pays européens ne seront que modestement partie prenante (environ 0, 5% par an pour une moyenne mondiale de 1, 7%).

Certains experts mettent en doute la possibilité d’une telle augmentation de la production mondiale sans mettre en péril les réserves, aujourd’hui de 175 milliards de tonnes, et donc la durée de celles-ci, notamment au Moyen Orient dont les capacités productives vont atteindre leur sommet pour ensuite décliner. Il est certain qu’à l’heure actuelle, cette région et l’OPEP atteignent leur capacité maximum avec environ 30 millions de barils/jour mais on peut estimer que si les investissements pétroliers prévus pour cette période par l’Agence Internationale pour l’Energie (3 000 milliards de dollars pour le pétrole) sont réalisés, le développement des technologies permettra sans doute de nouvelles découvertes et des taux de récupération améliorés.

En ce qui concerne les relations pétrolières entre l’Europe et le Moyen Orient, quelle situation peut donc se présenter ?

Relevons d’abord que si la Mer du Nord entre pour une part notable dans l’approvisionnement européen, les réserves de cette région productrice sont relativement peu élevées et, au rythme actuel de production, celles de la Norvège ont un ratio de 9 ans et celles du Royaume Uni de 6 ans. Il est donc infiniment probable, même si d’ici là quelques nouveaux champs sont mis en production et si les taux de récupération sont améliorés – plus onéreux mais possibles en raison du niveau du prix du brut- qu’à l’horizon 2030 le pétrole de la Mer du Nord ne constituera plus une source d’approvisionnement.

D’autre part, le grand producteur qu’est la Russie devra investir 5% de son PNB pour augmenter sa production, c’est-à-dire un effort financier considérable et, d’autre part, nécessitera elle-même une partie de plus en plus importante de sa production pour son propre développement industriel.

Comme, enfin, il est peu vraisemblable que les producteurs d’Afrique puissent combler la différence qui résultera des besoins européens, il semble évident que c’est le Moyen Orient qui sera le fournisseur le plus important de ces pays.

Nous ne ferons qu’évoquer la consommation de gaz naturel dont la nette progression est prévue au niveau mondial y compris en Europe mais qui n’affectera guère le Moyen Orient dont les productions au Qatar et en Irak sont évidemment orientées vers les pays asiatiques. Relevons de la même manière que les sociétés pétrolières européennes sont peu présentes au Moyen Orient à l’exception de Total qui occupe une place importante aux Emirats Arabes Unis mais dont l’implantation en Irak est remise en cause depuis l’intervention américaine dans ce pays.

En première conclusion, non seulement les réserves de pétrole brut les plus abondantes et les plus accessibles pour l’Europe seront celles du Moyen Orient qui contient environ 53% du pétrole restant à produire dans le monde, mais la dépendance des pays européens à l’égard de cette région ne peut que croître avec le temps, notamment à l’horizon 2030. A l’inverse, les productions pétrolières des autres parties du monde sont déjà en déclin, c’est le cas de 52 des 82 pays producteurs dans le monde, le cas de la Russie étant réservé.

Reste à savoir, ainsi que rapporté plus haut, si la production du Moyen Orient sera – et pour combien de temps – susceptible de faire face à la demande mondiale et plus particulièrement celle de l’Europe.

Toutefois, et ce sera l’objet de l’exposé qui suit, l’accroissement de la production et surtout des réserves de bruts non conventionnels sont susceptibles de changer la donne. Il convient donc d’analyser ce problème et de mesurer l’impact de ces bruts à moyen et à long terme.

Les Pétroles non-conventionnels

Les pétroles bruts sont classés suivant une échelle de densité API (American Petroleum Institute) comprenant des bruts dits conventionnels par leur type de production, de 20° à 50° API (les plus légers) et non-conventionnels, de 0° à 20° API, ces derniers se divisant à leur tour entre lourds, de 10° à 20° et extra-lourds, de 10° API ou moins.

On regroupe essentiellement sous cette rubrique les huiles extra lourdes, les bitumes et les sables asphaltiques, avec tous les termes de transition pouvant se rencontrer entre ces deux familles. Ces produits lourds se caractérisent notamment par une viscosité très élevée et donc une faible mobilité. Ils ne peuvent donc pas être produits dans les conditions habituelles de production et présentent de sérieux problèmes de récupération. Ils ont donc, jusqu’à ce jour, été assez peu exploités.

La double circonstance, d’une part des avancées technologiques qui ont permis une diminution constante des coûts de production et, d’autre part, l’augmentation des cours du pétrole brut, a pour effet de rendre aujourd’hui rentable l’exploitation de ces bruts extra-lourds ou au moins une partie d’entre eux.

Ces gisements vont donc prendre de plus en plus d’importance et pourront constituer un potentiel énorme pour la production mondiale de pétrole brut. Les quantités en sont gigantesques : elles sont en effet estimées à environ 620 milliards de tonnes en place, c’est-à-dire l’équivalent des ressources restantes de pétrole conventionnel découvert jusqu’à ce jour mais, d’une part les taux de récupération des bruts extra-lourds, même s’ils s’améliorent avec le temps, resteront inférieurs à ceux des bruts conventionnels, d’autre part de nouvelles réserves de ceux-ci restent à découvrir.

Il convient aussi d’ajouter à ces bruts lourds les schistes bitumineux dont les réserves situées dans de nombreux pays, notamment aux Etats-Unis, sont estimées à quelques 380 milliards de tonnes. Cette « richesse » ne doit

cependant pas faire illusion : en effet, l’exploitation des schistes bitumineux nécessite des opérations lourdes, complexes et très coûteuses. L’extraction de la roche, car il s’agit bien de solide, doit se faire en carrière ou en mine.

Cette exploitation nécessite aussi une forte consommation d’énergie. Le problème est bien, toutes autres considérations mises à part, de ne pas dépenser plus d’énergie que l’on en récupère. On ne saurait donc pour le moment faire des hypothèses de production. Il s’agit, en tout état de cause, d’une perspective à très long terme.

Nous traiterons ici des bruts extra-lourds et des sables bitumineux. Ces ressources existent dans plusieurs pays mais essentiellement au Vénézuela et au Canada. La Russie renfermant aussi des réserves importantes :

  • Au Vénézuela, le bassin de l’Orénoque couvre une superficie de 54 000 km2 et renferme, au moins, 1 200 milliards de barils de brut extra-lourd. En l’état actuel des techniques, les réserves récupérables de ce bassin seraient de 100 milliards de barils, mais avec des taux de

récupération plus ambitieux, les réserves récupérables pourraient atteindre 300 milliards de barils, ce qui dépasserait celles de l’Arabie Saoudite. La mise en valeur ce ces énormes ressources constitue donc un enjeu stratégique considérable.

C’est le 4 juin 1997 que SINCOR (Sincrudos de Oriente) est créé par Total, opérateur d’une association avec PDVSA (Petroleos de Venezuela) et Statoil (Compagnie Nationale Norvégienne).

Ce projet prévoit un investissement de 4 milliards $. L’objectif est de produire le brut extra-lourd de la ceinture de l’Orénoque et de le transformer en un brut d’environ 32° API facilement commercialisable.

Parallèlement au projet SINCOR, Conoco (Continental Oil Company) s’est associé à PDVSA pour fonder Petrozuata et Hamaca en incluant Chevron-Texaco alors qu’Exxon Mobil et PDVSA ont constitué Cerro Negro. Petrozuata produit un brut synthétique d’environ 20° API et Cerro Negro un brut d’environ 16° API. Pour toutes ces raisons, SINCOR produit un brut synthétique de plus haute qualité et en quantité plus importante.

En résumé, le Vénézuela produit aujourd’hui à partir de ses bruts extra-lourds environ 600 000 barils/jour soit 30 millions de tonnes/an de brut raffinable et d’autres projets sont en cours notamment avec Shell.

Les réserves récupérables sont estimées actuellement à 178 milliards de barils, soit environ 25 milliards de tonnes.

Toutefois, si le ratio de récupération est aujourd’hui d’environ 10%, il est certain que l’ affinement des technologies au cours des années peut permettre un taux de récupération de l’ordre de 25% qui, bien entendu, augmenterait l’ importance des réserves récupérables.

  • Au Canada, les sables bitumineux de l’Athabasca sont connus depuis longtemps. Au XVIIIème siècle déjà, on notait que les Indiens de la région calfataient leurs canoës avec du bitume naturel. Son exploitation a débuté par des techniques d’extraction minière, à la fin des années 1960. En Athabasca comme dans l’Orénoque, il aura fallu plus de trente ans pour que les projets de développement atteignent la maturité technique et que les coûts de production baissent de manière à en rendre l’exploitation rentable. La taille exceptionnelle de 100 Europe et Moyen Orient – Relations et perspectives pétrolières ces gisements qui couvrent une superficie de 80 000 km2 motive des projets de grandes dimensions, exigeants en capitaux et surtout l’emploi de techniques innovantes.

De nombreuses sociétés y sont implantées, notamment Syncrude, Suncor et, récemment, Shell. La production actuelle totale est d’environ 1 000 000 de barils/jour, soit 50 millions de tonnes/an dont 600 000 par mine et 400 000 par techniques pétrolières. Il est en effet à noter que l’extraction concerne surtout jusqu’ici les couches moins profondes exploitables par mine soit environ 10% de brut en place estimé à 1 700 milliards de barils, le taux de récupération étant de 80 à 90%. Les zones plus profondes, soit 90% de l’ensemble, seront exploitées avec un taux de récupération inférieur.

En résumé, on évalue les possibilités de réserves récupérables, c’est à dire de brut raffinable à environ 300 milliards de barils, soit 42 milliards de tonnes en l’état actuel de l’exploitation.

Relevons enfin que les bruts de l’Athabasca représentent environ 20% de la production pétrolière du Canada et que leurs réserves de 20 milliards de tonnes sont depuis 2003 intégrées dans les réserves mondiales de pétrole brut (175 milliards de tonnes en 2004).

  • En Russie, il existe plusieurs accumulations importantes mais encore mal connues, la nécessité de leur exploitation ne s’étant pas encore manifestée. Deux régions, en Russie d’Europe d’une part et en Sibérie orientale d’autre part, renfermeraient jusqu’à 140 milliards de tonnes en place d’huile extra-lourde et de bitume.
  • Enfin, des accumulations d’huile extra-lourde et de bitume de moindre importance sont connues dans de nombreux autres pays.

On estime, peut-être avec optimisme, qu’ils renferment une soixantaine de milliards de tonnes d’huile en place.

En résumé et en conclusion des exposés ci-dessus, on peut émettre les

remarques suivantes :

  1. une demande forte en technologies innovantes :

Compte tenu de la taille des enjeux, les difficultés de l’extraction et particulièrement la médiocrité des taux de récupération ont stimulé la recherche dont les résultats obtenus sont déjà remarquables. Tout laisse prévoir une amélioration des techniques de production déjà connues et, en conséquence, des taux de récupération supérieurs aux taux actuels, surtout en matière de bruts extra-lourds au Vénézuela.

  1. Les investissements considérables nécessités par le type d’exploitation de ces bruts :

Mais déjà le prix de revient de ceux-ci a diminué dans des proportions considérables et, d’autre part, la hausse du prix du brut déjà intervenue rend désormais rentable la production de ces bruts. Or, il est à prévoir qu’en raison des investissements qui vont être indispensables, tant de la part des compagnies pétrolières que de celle des pays producteurs en vue de satisfaire la demande (84 millions de barils/jour en 2005 et une prévision de 120 millions en 2030), cette hausse semble devoir se poursuivre.

  1. Maîtrise des gaz à effet de serre :

Comparée à celle des bruts conventionnels, l’exploitation des bruts lourds et extra-lourds engendre des quantités supplémentaires de CO2, ainsi que des sous-produits encombrants comme le coke et le soufre.

L’augmentation des réserves d’huiles lourdes et extra-lourdes est donc indissociable de la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.

  1. Evolution prévisible.

Si l’exploitation des schistes bitumineux semble devoir être reportée au-delà de l’horizon 2030-2050, celle des huiles extra-lourdes et des bitumes des sables asphaltiques est, nous le savons, commencée.

Ces ressources appelées à rejoindre progressivement la catégorie des hydrocarbures conventionnels sous le double effet du progrès technique et d’évolutions économiques, devraient assurer une production régulière croissante, sur une durée de plusieurs décennies.

Les productions pourraient aller de 100 à 250 millions de tonnes/an vers 2010 et croître à hauteur de 500 millions de tonnes/an dans les décennies suivantes.

En définitive, on peut raisonnablement estimer qu’à l’horizon 2030, les bruts extra-lourds et les sables asphaltiques pourront dégager des réserves de brut récupérable de l’ordre de 100 milliards de tonnes à ajouter aux réserves d’alors de brut conventionnel.

En conclusion générale, des exposés ci-dessus concernant tant les relations pétrolières entre l’Europe et le Moyen Orient que l’évolution de la production et surtout des réserves mondiales de pétrole brut en raison de l’importance grandissante des bruts non conventionnels, nous ferons les observations suivantes :

D’abord que le concept de réserves pétrolières est très flexible puisqu’il dépend de l’évolution de plusieurs facteurs tels que la recherche et donc de la géologie, de la technologie, de l’ampleur des investissements, des aléas de l’économie et de la politique etc.. mais il permet la perspective indispensable en matière d’énergie dont dépend la vie et le développement économiques, ensuite, concernant l’objet même de notre exposé, que le Moyen Orient dont l’importance est déjà capitale pour le ravitaillement de l’Europe verra cette importance grandir mais que l’arrivée sur le marché et surtout le poids des réserves de bruts non conventionnels modifiera certainement le panorama mondial des approvisionnements pétroliers.

L’une des conséquences sera sans doute la plus grande dépendance de l’Europe à l’égard du Moyen Orient tandis que celle des Etats-Unis ne pourra qu’en être moindre.

* André PERTUZIO, après une carrière internationale de près de 30 ans dans l’industrie pétrolière dont 20 ans dans un grand groupe pétrolier français, il fut aussi Conseiller juridique pour l’Energie à la Banque Mondiale, enfin, comme Consultant Pétrolier international.

* Michel RUCHE, Ingénieur Pétrolier, spécialiste de l’étude des gisements. Ancien de Total, avec de nombreuses missions pétrolières sur le plan International. Diplômé de l’Ecole des Arts et Métiers et de l’Institut Français du Pétrole avec une formation pétrolière à l’Université de Californie (Berkeley, USA).

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