La crise dans les relations OTAN-Russie : Vers un nouveau système de sécurité Européenne

Hall GARDNER

Professeur de Politique internationale à l’Université américaine de Paris et auteur de Averting Global War, Ed. Palgrave, 2007

L’OTAN et la Russie

Ce n’est que récemment que les pronostics les plus alarmants des stratèges américains spécialistes de la mondialisation, George Kennan et Paul Nitze, entre autres, qui prédisaient en 1997 que l’élargissement de l’OTAN représenterait « une erreur politique historique », ont commencé à paraître vrais.1 Le débat concernant l’expansion de l’OTAN avait traumatisé l’administration Clinton. Néanmoins, la première vague d’élargissement avait eu lieu entre 1997 et 1999. Elle avait alors été suivie par une seconde vague durant la première moitié du mandat de George Bush de 2002 à 2004. L’opposition russe à l’élargissement de l’OTAN sous l’administra­tion Eltsine avait été en grande partie ignorée ou banalisée par Washington, alors que Moscou avait commencé à réagir beaucoup plus fortement tant à l’expansion militaire des Etats-Unis qu’à l’élargissement de l’OTAN, pendant les mandats de Vladimir Poutine et de Dimitri Medvedev.

Les stratèges américains George Kennan et Paul Nitze avaient mis en œuvre la doctrine du « confinement » au commencement de la Guerre Froide, afin de contrer l’Union Soviétique. Toutefois, ils se sont opposés tous les deux à une doctrine de « néo-confinement » visant la Fédération de Russie durant la période postérieure à la Guerre froide. Leurs arguments de fond contre l’élargissement de l’OTAN avaient été critiqués par Madeleine Albright, Secrétaire d’Etat dans l’administration Clinton. La Secrétaire d’Etat Albright avait argué que de telles critiques concernant un éventuel élargissement de l’OTAN correspondaient à une certaine « pensée périmée » en ce qu’elle présumait que l’OTAN poursuivait encore le rôle qu’elle avait joué à l’époque de la Guerre Froide, alors qu’en réalité l’OTAN était alors réellement préoccupée par l’idée de se réformer. La question, cependant, est restée, de savoir dans quelle mesure les dirigeants russes pensent vraiment que l’OTAN a transformé rigoureusement l’orientation qui datait de l’époque de la Guerre Froide. L’OTAN reste-t-elle un véhicule de containment, voire même d’anticipation des ambitions russes ? Dans quelle mesure l’OTAN a-t-elle réellement changé, et tente donc de tout faire pour « embarquer » la Russie avec elle ?

À en croire Moscou, les efforts de l’OTAN pour « embarquer » la Russie ont été minimes. Dès 1992 l’administration de Boris Eltsine avait demandé une relation « OTAN + 1 ». En 1997 la Russie n’a été amenée que très indirectement dans la procédure de prise de décision, en devenant membre du Conseil conjoint perma­nent OTAN-Russie, qui avait été mis en place à partir de l’Acte d’établissement de l’OTAN-Russie de mai 1997. À la suite des attaques du 11 septembre 2001 contre les tours du World Trade Center et le Pentagone, lesquelles avaient été sui­vies d’une intervention menée directement par les Etats-Unis contre l’Afghanistan (action militaire soutenue par l’ONU, les alliés de l’OTAN, ainsi que la Russie), Moscou avait été intégré au Conseil OTAN-Russie (COR) entre décembre 2001-mai 2002. Depuis l’instauration du COR, on a permis à la Russie de rencontrer en face à face tous les membres de l’OTAN, mais sans jamais lui laisser de droit de vote ou de veto. Comme la Russie ne peut bloquer une décision prise par l’OTAN, et puisque le COR ne dispose que de moyens assez limités dont en particulier un droit d’engagement restreint dans les projets communs, les relations de la Russie avec les Etats-Unis sont restées incertaines et même ambiguës.2

Par exemple, Moscou a été incapable de bloquer ou de modifier la politique de l’OTAN eu égard à la guerre de l’OTAN menée au Kosovo en mars 1999. De surcroît, l’administration Eltsine n’a pas su bloquer ou modifier la décision de l’administration Bush d’élargir l’OTAN en 2002-2004, et ce en dépit du fait que Moscou avait déclaré représenter un Etat balte à l’OTAN, en particulier en re­connaissant une « ligne rouge » – en grande partie du fait de la crainte provoquée par les capacités nucléaires de l’OTAN, installées à proximité de Moscou et de Saint-Pétersbourg. La guerre de l’OTAN au Kosovo en mars 1999, puis l’élargisse­ment de l’OTAN vers Etats baltes, ont aidé à développer en Russie un « consensus national » pour s’opposer à l’OTAN, et qui a permis à la direction de Vladimir Poutine, d’arriver au pouvoir. D’ailleurs, comme l’OTAN n’avait pas totalement ex­clu l’éventualité de l’appartenance de l’Ukraine et de la Géorgie à l’OTAN, Moscou a continué de considérer que le mobile essentiel de cette organisation était d’isoler Moscou – c’est-à-dire, en fait, une forme de « néo-confinement » impliquant des actions préventives.

Comme l’avaient prédit pour l’essentiel en 1997 Paul Nitze ainsi que d’autres institutions spécialisées dans les questions de guerre froide, l’élargissement de l’OTAN a plus ou moins expressément promu l’arrivée au pouvoir de dirigeants plus autoritaires et pan-nationalistes en Russie, de même que la marginalisation des partis et des dirigeants libéraux et démocrates. Par ailleurs, les promesses faites d’une ouverture illimitée de l’OTAN ont commencé à impliquer les Etats-Unis et cette organisation auprès de pays qui avaient des problèmes sérieux soit frontaliers soit concernant des minorités nationales, en même temps que des difficultés liées à des systèmes de gouvernement démocratiques irrégulièrement développés.

En traçant de nouvelles démarcations entre les Etats « inclus » dans l’OTAN et ceux qui en étaient « exclus », les promesses d’élargissement illimité de l’OTAN ont fait diminué l’impression d’être en sécurité dans des pays qui n’appartenaient pas à l’organisation. Elles ont ainsi créé une nouvelle « dialectique insécurité-sécurité »? Plutôt que de travailler ensemble avec la Russie afin de construire un nouveau sys­tème de sécurité européenne, en renforçant, par exemple, l’initiative Partenariat pour la Paix par l’OTAN, la Russie a été largement exclue et isolée des prises de décision au sein de cette dernière même lorsque celles-ci concernaient directement ses intérêts légitimes.

De nouvelles crises à l’horizon

L’élargissement de l’OTAN aux Etats baltes, si proches de Saint-Pétersbourg et de Moscou, a, par exemple, incité la Russie à engager des survols des territoires baltes, et à effectuer des essais de défenses aériennes en guise de réponse aux pa­trouilles des F-16 et F-15 de l’OTAN dans la région.4 (Rappelons qu’en 2005 un avion de combat Su-27 s’était écrasé en Lituanie.) À la suite de la décision prise par l’administration Bush de se retirer unilatéralement du traité ABM en 2002 – sans renégocier ce traité avec Moscou -, les Etats-Unis ont opté pour le déploie­ment d’une défense antimissiles du territoire (NMD) en Pologne et en République tchèque (et cela, sans en référer à l’OTAN, à l’Union européenne (UE), et, bien sûr, à la Russie). Bien que ce déploiement prévu de NMD ait pu être présenté comme un moyen de contrer la « menace » potentielle que constituaient les missiles ou le nucléaire iraniens, il a amené Moscou, en retour, à faire peser la menace de déployer des armes nucléaires et des systèmes de blocage de radars à Kaliningrad.5 Comme, par ailleurs, le traité START doit expirer en décembre 2009, Moscou a lié le principe de réductions radicales des armes nucléaires à un accord sur les défenses anti-missiles balistiques (DAMB).

D’autres disputes OTAN-Russie tournent autour de la crainte de cyber-sabo­tages et de disputes sur les réserves énergétiques et les voies d’acheminement de l’énergie. Le soi-disant cyber-conflit « russo-estonien » d’avril-mai 2007, qui avait été probablement déclenché par des civils, et non par des finauds du gouvernement russe, a conduit à la création du Centre de cyber-défense de l’OTAN à Tallinn, en Estonie, en 2008-2009.6 Les différends ukraino-russes à propos du transport de l’énergie et des dettes la concernant durant l’hiver 2008-2009 ont fait naître des réactions provocatrices de l’OTAN qui a envisagé des réactions militaires confor­mément à l’article 5, en cas de coupure énergétique – comme si une solution mi­litaire pouvait aider à résoudre une dispute complexe en matière énergétique et politico-économique entre l’Ukraine et la Russie.7

Le soutien OTAN/Etats-Unis pour que l’Ukraine et la Géorgie deviennent membres de l’OTAN, associé aux demandes par Kiev que la Russie rappelle sa flotte de Sébastopol avant 2017, a fait apparaître des menaces pan-nationalistes russes de soutien à des mouvements sécessionnistes en Crimée et en Ukraine de l’Est.8 L’OTAN et la Russie ont continué de se disputer sur le Traité CFE adopté en 1999. La Russie a suspendu sa participation en 2007 à la version adaptée du traité et exigé le droit d’éliminer des limitations des flancs de ses forces conventionnelles. Les membres de l’OTAN ont insisté concurremment pour que la Russie retire uni­latéralement ses troupes de Transnistrie, de la Géorgie en Ossétie du Sud, et de l’Abkhazie. Là, l’OTAN a jusqu’à ce jour refusé de fournir un quid pro quo solide afin que la Russie puisse se dégager in fine de ces points chauds régionaux.9

Le conflit prévisible Géorgie-Russie en août 2008 a provoqué des frissons dans les colonnes vertébrales de tous les Etats situés le long de la frontière russe. Moscou a alors opté pour la reconnaissance des Etats faillis d’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, en guise de réponse au « coup-pour-coup », imitant ainsi la reconnaissance anté­rieure par Washington de « l’indépendance nationale » du Kosovo. Ces actions pour­raient ouvrir le guêpier par lequel d’autres mouvements sécessionnistes pourraient demander eux-aussi « l’indépendance nationale ». Les craintes d’une nouvelle guerre russo-géorgienne, après août 2008, ont soulevé des préoccupations sécuritaires sup­plémentaires, provoquant ainsi une course aux armements dans le Caucase.10
Sur ce, la coopération en Conseil OTAN-Russie avait été suspendue durant la guerre russo-géorgienne d’août 2008, mais avait été remise en vigueur après les meetings des 27-28 juin 2009 des ministres des Affaires étrangères de l’OSCE et de l’OTAN à Corfou, en grande partie au titre de la réponse à l’offre par le Président russe Dimitri Medvedev de négocier d’une part un nouveau « pacte sécuritaire paneuropéen », d’autre part toutes les affaires en suspens avec les Etats-Unis en qualité de partenaire égal sur la base du respect mutuel et de la parité.11 La dé­marche russe a été tout à la fois aigre et douce, à savoir des promesses de compro­mis, accompagnées de menaces. Dans son premier discours sur l’Etat de la nation le 6 novembre 2008, le Président russe Dimitri Medvedev avait salué le nouveau Président des Etats-Unis Barack Obama, en l’avertissant que Moscou déploierait des missiles Iskander (« Alexandre le Grand ») ainsi que des systèmes de blocage radar à Kaliningrad. Ces menaces (qui avaient été proférées aussi durant la période Eltsine, mais qui étaient restées en grande partie sans effet à Washington) visaient à contrer les systèmes NMD des Etats-Unis – qui allaient être déployés en Pologne et en République tchèque – si la politique étrangère américaine de prenait pas assez en compte les intérêts russes.

Malgré le champ libre laissé à la coopération Etats-Unis/Europe/Russie, une rivalité dangereuse s’est établie entre les Etats-Unis, l’OTAN, l’UE et la Russie/ CSTO pour ce qui concerne leurs positionnements géostratégiques respectifs. Il en va de même de l’influence économique et politique, qui se construit en Caucase, en Mer Noire/Ukraine et, dans une certaine mesure, en Asie centrale ainsi qu’au­tour de la Mer Caspienne. Après le conflit Géorgie/Russie d’août 2008, il n’est pas difficile d’imaginer comment provoquer un heurt entre puissances majeures. Un tel heurt pourrait se produire si Moscou cherchait à sauvegarder son « proche-étranger » et entreprenait alors de vérifier la formation de l’alliance « baltique/mer-noire » sécurisée par l’OTAN et l’UE – que Moscou estime n’être que le moyen d’isoler politiquement et économiquement la Russie – pendant qu’une expansion OTAN/UE (reliée au « Partenariat oriental » de l’UE avec les anciens Etats du bloc soviétique12) chercherait à défendre les Etats de l’Europe de l’Est et le Caucase contre les pressions russes et en vue aussi de préserver les voies d’acheminement des ressources énergétiques.

La possibilité de conflit direct entre grandes puissances peut effectivement re­présenter le scénario du pire cas envisageable, mais il existe néanmoins un vrai danger, celui d’une nouvelle partition par laquelle les Etats-Unis/OTAN et l’UE commenceraient à creuser des tranchées contre la Russie et la CSTO – pendant qu’en même temps les deux parties continueraient à se disputer les vides laissés par la désagrégation de l’URSS, vides qui n’ont pas été clairement « définis » par les « sphères d’influence et de sécurité » des grandes puissances.

La porte de sortie

La seule sortie de cette dangereuse spirale « dialectique sécurité-insécurité », est d’engager des pourparlers diplomatiques et de trouver des mesures coopératives/ collectives qui pourraient non seulement empêcher les malentendus de se mani­fester et de devenir incontrôlables, mais pourraient aider à trouver un compromis entre les intérêts concurrentiels et rivaux des divers Etats dans un cadre collectif. Un nouveau système de sécurité euro-atlantique est absolument nécessaire pour pré­venir une possible nouvelle partition de l’Europe entre l’OTAN/UE et la Russie/ CSTO. Contrairement à la partition datant de la période de la Guerre Froide entre l’OTAN et le Pacte de Varsovie, cette nouvelle partition ne pourrait pas être stable pendant très longtemps, et pourrait donc provoquer à terme de nouvelles disputes et de nouveaux conflits.

Dans cette perspective, il paraît crucial de trouver les domaines où les Etats-Unis, l’OTAN, l’UE et la Russie pourraient tous travailler ensemble, mais aussi de distinguer aussi honnêtement que possible là où persistent des désagréments.

D’une part, l’élargissement de l’OTAN est un fait accompli et non réversible, quoique les politiques de l’OTAN puissent être modifiées et réformées dans le cadre d’une coopération avec la Russie. À ce niveau, en se ralliant au commandement militaire intégré de l’OTAN, la France a montré le chemin de la transformation du commandement allié. Elle est donc responsable des réformes futures de l’OTAN.

D’autre part, il y a encore lieu de négocier la sécurité de la Mer Noire et des régions du Caucase, qui correspondent à des régions qui restent « ouvertes » et qui n’ont pas encore été clairement définies comme « sphères d’influence et de sécu­rité » ni par la Russie/CSTO, ni par les Etats-Unis/OTAN. À ce niveau encore, les Etats-Unis, l’UE et la Russie doivent trouver les voies et les moyens pour garantir conjointement la sécurité de cette région à forte circulation économique.

Le dilemme est qu’il n’existe virtuellement aucun conflit dans le monde qui n’impliquerait pas directement ou indirectement la Russie, et qui ne se prêterait pas à une résolution valable, sans négociation directe avec Moscou. Tout d’abord, Moscou ne peut que continuer à affirmer le mieux possible son intérêt à mono­poliser les réserves d’énergie et les voies de son acheminement, tout en affirmant son influence régionale sur le soi-disant « proche étranger ». Ensuite, l’assistance diplomatique russe est nécessaire pour traiter la crise globale. La Russie peut consé-quemment se révéler soit malveillante, soit un participant actif qui disposerait des moyens de résoudre nombre de différends et conflits en cours.

Empêcher Moscou d’être malveillant signifie que l’administration Obama aura besoin de reconnaître et de traiter en égale la nouvelle Fédération de Russie. L’administration Obama a donc besoin de reconnaître les domaines où les Etats-Unis, l’UE et la Russie peuvent travailler ensemble. Mais il faudra que soient abso­lument clairs ceux des domaines où la coopération n’est pas possible. De ce point de vue, il y a besoin d’une politique Etats-Unis/OTAN/UE/Russie concernant le traité START et les défenses anti-missiles balistiques, ainsi qu’en ce qui concerne le traité CFE. Il y a aussi besoin d’engager des politiques concertées en Mer Noire, au Caucase (entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie ; entre la Géorgie et la Russie elle-même), entre Moldova et Transnistrie.

Il devra en être de même en Afghanistan, eu égard aux routes d’approvisionne­ment militaire des Etats-Unis, où il faudra établir une diplomatie concertée impli­quant la plupart des Etats de la région. Idem pour l’Iran. Et même en Chine.

La formation du Conseil stratégique euro-atlantique, composée de représen­tants des Etats-Unis, de l’UE, de l’OTAN et de la Russie, qui travaillerait soigneu­sement avec l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), pourrait se révéler être un moyen de coordonner les politiques des Etats-Unis, de l’Europe et de la Russie, et de travailler à résoudre nombre de sujets brûlants. La formation du Conseil stratégique euro-atlantique est absolument cruciale pour formuler une réponse mieux coordonnée et plus efficace aux propositions russes pour l’établissement d’un nouveau traité sécuritaire paneuropéen. Un problème majeur subsiste néanmoins. Les Etats-Unis et l’Europe ont besoin de surmonter leurs propres disputes commerciales, en mettant la priorité sur les affaires qui tou­chent à leur sécurité globale, et qui pourraient comprendre la relation dollar-euro, l’énergie et son influence sur la sécurité, aussi bien que les zones de conflits dans le monde entier. Cela permettrait de ramener la Russie à une coopération plus étroite.

Un tel Conseil stratégique euro-atlantique tenterait régulièrement de mieux gé­rer les sujets de sécurité interalliés, la « guerre globale contre l’extrémisme », les narco­trafics, les trafics d’armes, la sécurité de l’énergie, etc. Le but clef est de développer des systèmes de sécurité coopératifs-collectifs pour les régions de la Mer Noire et du Caucase qui sont conçus pour protéger les gazoducs et oléoducs, le commerce maritime et les transports. De tels systèmes pourraient impliquer des patrouilles conjointes des Etats-Unis, de l’OTAN, de l’UE et de la Russie contre la contrebande d’armes et de stupéfiants, le trafic d’êtres humains, ainsi que la protection conjointe des voies d’acheminement de l’énergie, etc. Cela pourrait même inciter à la création d’équipes de forces spéciales Etats-Unis/Europe/Russie qui coopéreraient contre les diverses organisations « terroristes », avec évidemment un accord politique préa­lable. De cette manière, les tensions pourraient être désamorcées progressivement, une fois que la confiance entre les Etats-Unis, l’Europe et la Russie pourra être restaurée.13

Un tel Conseil stratégique euro-atlantique, tel que proposé, devrait in fine éva­luer les moyens de mettre en œuvre des systèmes de sécurité se recoupant, pour les régions de la Mer Noire et du Caucase, mais en travaillant avec la Russie et la CSTO. Ici, par exemple, au lieu de chercher à donner le statut de membre de l’OTAN à la Géorgie et à l’Ukraine, on pourrait imaginer une nouvelle distribution de rôles pour l’Europe, les Etats-Unis et la Russie qui devront soutenir fortement les propositions turques pour une « Plateforme de stabilité et de coopération pour la Caucase », comme appuyée par le Président français Nicolas Sarkozy.14 Par ailleurs, les Etats-Unis, la Russie, l’Ukraine et l’Union européenne (UE) devraient trouver les moyens de mettre en place une coopération sécuritaire maritime conjointe dans la région de la Mer Noire.

Les Etats-Unis, l’UE et la Russie pourraient alors promettre des garanties de sécurité se recoupant aux Etats dans les régions du Caucase et de la Mer Noire, et déployer tous leurs efforts pour protéger tous les Etats de la région à travers la for­mation de « communautés sécuritaires régionales » de la Mer Noire et du Caucase, et qui se chevaucheraient.

Ces garanties qui se recouperaient donc pour les Etats du Caucase et de la Mer Noire pourraient être assurées par la présence de troupes de maintien de la paix provenant des Etats-Unis, de l’OTAN, de l’UE, de la Russie et de la CSTO conjoin­tement, dans les zones de tension telles que l’Abkhazie et l’Ossétie Sud en Géorgie, Transnistrie en Moldavie, ou Nagorny-Karabakh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Le but à atteindre est la création d’une fédération libre dans le Caucase qui cher­cherait à régler les différends intercommunautaires profonds, permettant ainsi à la région entière de bénéficier économiquement des bienfaits des relations commer­ciales entre la Caspienne et la Mer Noire.

Dans cette perspective, les Etats-Unis et les Européens doivent faire montre d’une sensibilité plus importante pour comprendre la position russe et trouver les moyens de fabriquer des compromis. Les sujets qui continuent à diviser ces trois grands centres de pouvoir et d’influence vont de la sécurité en Europe, l’approvi­sionnement en énergie par rapport à la demande, la crise financière globale, à des questions concernant la démocratie, l’écologie et les droits de l’homme. Tous ces sujets devront être discutés et débattus dans l’optique de trouver des compromis diplomatiques et des résolutions soutenables. Le but est d’extraire la Fédération de Russie de sa très périlleuse relation distendue avec les Etats-Unis et l’Union européenne, pour se tourner, à présent, vers une nouvelle entente – sinon alliance…

Notes

  1. Voir Hall Gardner, Averting Global War: Regional Challenges, Overextension, and Options for American Strategy (Palgrave, 2007) ; Hall Gardner, Dangerous Crossroads : Europe, Russia and the Future of NATO (Praeger, 1997) ; Hall Gardner, Central and Southeastern Europe in Transition : Perspectives on Success and Failure Since 1989 (Westport, CT : Praeger Publishers, March 1999), Chapitre 10.
  2. Voir Hall Gardner, Dangerous Crossroads, cit.

Voir aussi : Peter Trenin-Straussov, The NATO-Russia Permanent Joint Council in 1997-1999: Anatomy of a Failure. BITS Research Note 99.1 July 1999 ttp://www.bits.de/public/research-note/rn99-1.htm

  1. Hall Gardner, Averting Global War, cit., Chapter 1-2 ; 10
  2. Ici, des plaints par les Etats baltiques d’avions de combat russes qui violent fréquemment l’es­pace aérien baltique et supposément en train de tester les délais de réactivité, ont résulté dans le déploiement de l’Alarme de réactivité rapide en soutien aérien par l’OTAN (QRA), mobi­lisant des F-16s, F-15s et Gripens, qui à leur tour ont déclenché des inquiétudes sécuritaires russes. En plus, les forces aériennes de l’OTAN pourront avoir besoin which in turn have generated Russian security concerns. In addition, NATO air forces might have to continue providing air policing over Estonia, Latvia and Lithuania well beyond 2020 because the Baltic states will unlikely be ready to operate fighters of their own. The alliance has agreed to deploy fighters for quick-reaction alert duties until 2018, but a more likely date for a handover to local forces is six years after that. http://www.defensenews.com/story.php?i=4112709
  3. See critique of Iranian missile and nuclear program by joint panel of US and Russian experts, East West Institute, Groundbreaking U.S.-Russia Joint Threat Assessment on Iran http://www. ewi.info/groundbreaking-us-russia-joint-threat-assessment-iran-0
  4. The threat of engaging in NATO Article V security guarantees has been raised in response to cyber attacks as well. See Hall Gardner « War and the New Media Paradox » (a critique of Marshall McLuhan), in Cyber-Conflict and Global Politics, ed. Athina Karatzogianni (Routledge, 2008).
  1. NATO-Russian relations have been further aggravated by spy scandals. « Spy row may un-dermine Russia’s EU ambassador » (May 1, 2009)

http://euobserver.com/24/28046; NATO Secretary General Statement on Russian ac­tion (May 6, 2009) http://www.nato.int/cps/en/SID-CD255106-FBF9194F/natolive/ news_54200.htm

  1. Moscow Mayor Luzhkov, for example, was banned from entering the Ukraine when he ar-gued that in 1948, Sevastopol «was set apart as a city subordinated to the state» and thus was never under Ukrainian jurisdiction.
  2. The Adapted CFE Treaty will enter into force when all 30 states have ratified the agreement. Only Belarus, Kazakhstan, Russia, and Ukraine have done so. NATO member-states have linked their ratification of the Adapted CFE Treaty with the fulfillment by Russia of the political commitments it undertook at the 1999 OSCE Istanbul Summit (so-called «Istanbul commitments») to withdraw its forces from Georgia and Moldova. In 2007 Russian President Putin suspended Russian participation in the CFE Treaty.
  3. One commentator has predicted that a new war between Russia and Georgia is inevitable- in part to establish a land link between Russia and its CSTO ally, Armenia. Pavel Felgenhauer, « Russia’s Coming War with Georgia » Eurasia Daily Monitor Volume: 6 Issue: 29 February 12, 2009. http://www.jamestown.org/single/?no_cache=1&tx_ttnews[tt_news]=34493&tx_ttne ws[backPid]=7&cHash=36bb337090
  4. For a neo-realist critique of Russian proposals, Marcel van Herpen, « The Proposal of Russian President Medvedev for a pan-European Security pact: Its Six Hidden Objectives and How the West Should Respond » Cicero Foundation (2008) http://cicerofoundation.org/
  5. The EU’s Czech-led « Eastern Partnership » (backed primarily by Sweden and Poland) has looked toward developing closer ties with the states of Armenia, Azerbaijan, Belarus, Moldova, Georgia and Ukraine— but without coordinating policies with either the US or Russia.
  6. See proposals to improve US, NATO, Europan and Russian relations, EastWest Institute, EURO-ATLANTIC SECURITY: ONE VISION, THREE PATHS (Brussels, Moscow, New York: June 23, 2009)

http://www.ewi.info/eastwest-institute-launches-debate-future-euro-atlantic-security

  1. The Turkish proposal was initially criticized for including only Turkey, Russia, Georgia, Azerbaijan, and Armenia, and not Iran, the EU or the US. As Turkey will have a seat on the UN Security Council in 2009-2010, Ankara might possess some weight to push for such an approach.
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