La Géopolitique du Caucase

Dans le cadre de ses analyses des grandes questions géopolitiques du monde d’aujourd’hui, l’Académie de Géopolitique de Paris a organisé le lundi 23 septembre 2013, en collaboration avec l’Institut de la Démocratie et de la Coopération et la Société pour l’Etude Scientifique du Caucase, un colloque sur « La Géopolitique du Caucase » à l’Assemblée nationale.

Ce colloque s’est proposé d’évoquer la situation sociale et économique actuelle de la région et sa place au sein du système international, il a dessiné une carte des rapports inter-ethniques et inter-confessionels et a proposé une esquisse des principales tendances politiques.

Le colloque a été inauguré par Ali RASTBEEN, Président de l’Académie de Géopolitique de Paris, qui, après avoir remercié l’ensemble des intervenants et des participants, avait fait une introduction générale à la thématique du colloque. L’attrait stratégique de l’Asie centralen’est pas un fait nouveau. La nouveauté, selon le président, concerne la diversité des stratégies dans ce domaine et les évolutions qui guettent cette région du monde.

Ce dernier pense que le vide créé par l’effondrement du bloc soviétique a été comblé par l’Occident. L’OTAN est restée en place alors que le pacte de Varsovie disparaissait. Ces événements se déroulaient au moment où la capitale du monde communiste était en proie à la crise de transition du système socialiste au système capitaliste. Monsieur Rastbeen rappelle que le nouveau système a instauré sur un large territoire, sous le contrôle de l’Occident, la Fédération de la Russie et quatorze républiques indépendantes. À l’instar de Londres, en 1945, la Russie a créé un Commonwealth avec ces nouvelles républiques afin de préserver sa suprématie, remarque le président.

La région du Caucase est d’une  grande diversité ethnolinguistique et culturelle, selon lui. Il ajoute que dans ces républiques où la domination du parti communiste durant soixante-dix ans n’avait pu bouleverser les fondements de la structure sociale, se sont succédées la guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie avec pour objet le Haut Karabakh, la guerre civile en Ouzbékistan contre les fanatiques religieux, la guerre civile tribale et religieuse au Tadjikistan, les conflits internes de la Géorgie contre les indépendantistes de l’Ossétie du nord et d’Abkhazie, la guerre ethnique et religieuse de la Tchétchénie contre la République soutenue par Moscou, en plus des conflits entre Moscou et certaines de ces républiques qui constituent les axes économiques et militaires de la Russie.

Par ailleurs, monsieur Rastbeen parle de trois puissances régionales sous l’influence desquelles le Caucase se trouvait, à savoir : la Russie, l’Iran et la Turquie. Il pense que, même si durant ces dernières années en raison de sa position en tant que région englobant des réserves énergétiques et lieu de transit vers l’Europe et le Moyen-Orient, les Etats-Unis et l’Europe ont également pénétré cette région, l’impact des trois premières puissances y reste plus important que l’influence des nouveaux arrivants.

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Le colloque a été organisé sous forme de trois tables rondes :

Première table ronde : Géopolitique régionale du Caucase  :  Modérateur, Ali RASTBEEN, Président de l’Académie de Géopolitique de Paris.

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Monsieur Rastbeen a tout de suite donné la parole à monsieur Barasbi KARAMURZOV, Recteur de l’Université d’Etat de Kabardino-Balkarie pour parler du Caucase du Nord dans le temps et l’espace historique.

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Monsieur KARAMURZOV dit que le Caucase du Nord représente une forte intégration dans le secteur économique et de l’infrastructure sociale de la grande Russie. Il est certain que le secteur économique de cette région est fortement dépendant de l’économie de la Russie, du marché national, du budget fédéral. Un autre aspect selon l’orateur, encore plus important peut-être, s’agit de l’acceptation d’appliquer des conditions institutionnelles de la Russie dans la région : les lois nationales, le système administratif et la politique russe.

Suite à la reformation post-soviétique de la région du Caucase, basée sur l’institutionnalisation politique et de l’existence nationale, une structure fractionnée moderne de l’espace politique de la région du Caucase a été développée avec  les contraintes internes et la géopolitique multi-vectorielle. Le Caucase du Nord, ajoute Monsieur KARAMURZOV, est influencé par les impacts internes et internationaux des différentes collisions, et des fois est entouré dans ces collisions.

Monsieur KARAMURZOV explique que la participation directe et immédiate du Caucase du Nord dans l’espace mondial a trouvé son incarnation la plus évidente dans la « réislamisation » de la région et l’infusion dans la vie sociale de certaines républiques nationales qui sont fermées pour les collisions mondiales d’islam. Dans ces cas, le choix définitif est proposé et des fois imposé, à telle ou telle société dans son ensemble, et donc ce choix devient publique voire politique.

En ce qui concerne les peuples du Caucase du Nord, l’orateur pense que l’Etat Russe à travers l’interaction « serrée » pratiquée dans la région, a agi comme un facteur important de la modernisation. La fin du XX- début XXI e siècle forme une crise dans le processus de la modernisation, selon lui. Dans la société d’aujourd’hui  et dans le milieu politique la stabilisation actuelle est parfois considérée comme le début d’une voix visant à la restauration d’un certain aspect des ordres anciens (aussi bien pour la période soviétique, que pour la période impériale). En même temps, il constate que les programmes des actions des forces sociales dans la région du Caucase du Nord sont souvent formulés en utilisant « les termes du passé »-le renouveau ethnique et culturelet la réhabilitation des peuples opprimés pour surmonter les conséquences de la guerre du Caucase. Ainsi, selon lui, l’expérience sociale et politique du passé fait partie de l’arsenal intellectuel, qui est nécessaire pour résoudre des problèmes actuels. Elle doit correspondre aux lignes directrices pour l’avenir, avec les processus sociaux de base qui déterminent les perspectives à long terme pour le développement de la région.

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Le deuxième intervenant, monsieur Aslan BOROV, Chef du centre des recherches sociales et politiques du Centre d’études de Kabardino-Balkarie auprès de l’Académie des sciences de Russie a abordé le Caucase du Nord dans le processus civilisationnel de la Russie contemporaine.

Dans l’occurrence du développementnaturel et historique que monsieur BOROVqualifie d’«irréfléchi» du processus civilisationnel, les formes et les résultats du dernier seront déterminés par l’interaction des nouvelles conditions (nouveaux défis). Celles-ci proviennent selon l’orateur, du milieu extérieur et se sont formées antérieurement avec l’évolution historique des coutumes sociales et culturelles et des stéréotypes de perception et de comportement. Sur le plan général monsieur BOROVsouligne l’affermissement du «rôle» du passé pour le présent et pour l’avenir. Il ajoute que l’organisation sociale et territoriale contemporaine des peuples nord-caucasiens est un espace où retentissent les échos secondaires des sociétés montagnardes antécédentes. Derrière les strates formelles, l’activité professionnelle et les hiérarchies fonctionnelles apparaît l’espace social inondé par les liens primitifs et la structure des cellules et des réseaux des clans tribaux et familiaux ainsi que les groupements urbaines sociaux.

Monsieur BOROVrelie la mobilité sociale et la réussite au réseau des liens primitifs, et à la dense toile des promesses et des préférences informelles. Il explique que les réseaux sociaux primitifs enveloppent les voies de la mobilité sociale verticale et constituent un obstacle réel pour le développement social au lieu d’en être le point d’appui.

L’orateur conclut que pour le Caucase du Nord d’aujourd’hui la modernisation ne signifie pas uniquement l’investissement et le développement économique, mais également la réorganisation des institutions. Que la réforme des institutions ne peut pas s’effectuer «de l’extérieur», par le centre fédéral ou par ses représentants locaux. Que les sociétés régionales sont tenues de devenir les agents de modernisation au même titre que l’état. Qu’uniquement la nécessité d’organiser leur vie conformément aux procédés démocratiques – et cela dès aujourd’hui – les amènera dans l’avenir à la formation de leur citoyenneté.

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Le troisième intervenant, de la première table ronde, le professeurPatrick Dombrowsky, Directeur de l’Observatoire d’Analyses des Relationsinternationales Contemporaines  a intitulé son sujet : Le Caucase, trait d’union entre deux mers.

Traditionnellement, la géopolitique du Caucase est étudiée selon une approche Nord-Sud : la région serait avant tout la frontière entre l’aire russe et l’aire perse, donc entre l’Europe et l’Asie. L’inconvénient de cette optique, selon le professeur, est qu’elle occulte l’autre trait d’union, désormais majeur, qu’est l’espace caucasien : ce dernier est aussi un pont entre les deux mers fermées (ou quasi fermées) de la zone : la mer Noire et la Caspienne. La première, verrouillée par les détroits turcs, fut longtemps gérée par le face-à-face turco-russe. La deuxième le fut par le dialogue irano-russe. Or désormais, aucun de ces deux espaces maritimes n’est juridiquement stabilisé selon monsieur DOMBROWSKY qui soutient que dans les deux cas, ces espaces maritimes ont vu leurs enjeux croître avec la disparition de l’Union soviétique, en même temps que le trait d’union caucasien recouvrait sa pleine indépendance. Il termine en insistant sur le fait que le Caucase a tout à gagner à intensifier cette lecture Orient-Occident de sa géopolitique régionale notamment pour le transit des hydrocarbures, la profondeur de champ géoéconomique de l’aire turcique, et pour l’ouverture qu’il crée aux riverains caspiens.

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L’intervenant suivant, monsieur A. Riabov, membre-correspondant de l’Académie internationale d’information, membre de l’Association russe des Sciences politiques et rédacteur en chef du journal Economie mondiale et relations internationales s’est penché sur La politique russe dans la région du Caucase du Sud : les objectifs et les intérêts.

Dans cette intervention, monsieur Riabova fait un rappel historique de la politique russe à l’égard du Caucase du Sud qui pendant 20 ans d’existence indépendante a subi une évolution complexe, reflétant en grande partie les différentes étapes de la formation de la Russie post-communiste comme un nouvel état, l’évolution des perceptions de la place et du rôle du pays dans le monde et dans la région. Selon monsieur Riabov, cette politique a été influencée par les différents facteurs – idéologique, militaire et stratégique, économique et a été formée par les différences des points de vues des dirigeants en Russie ainsi que par le changement de  ses priorités en ce qui concerne la politique étrangère, à la fois aux niveaux mondial et régional.

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Le cinquième orateur, monsieur Alexandre Krylov, Président de la Société scientifique des spécialistes du Caucase, Docteur des Sciences Historiques, Chercheur de l’Académie des sciences de la Russiea traité le sujet du Caucase du Sud russe: les particularités de la politique russe contemporaine.

Le Caucase du Sud est une petite région aussi bien en surface qu’en population, qui est devenue maintenant  une des zones d’instabilité dans le monde moderne. Monsieur Krylov pense que la politique de Moscou dans la région est dictée par le fait que les processus qui se déroulent dans la région, influencent beaucoup plus la Russie, que les autres payes.

Il étaye que pour la Russie Caucase du Sud n’est pas une périphérie lointaine mais une région frontalière avec la région la plus complexe en termes d’ethno-politique de la Fédération de Russie – le Caucase du Nord. La proximité géographique du Caucase du Sud et le degré d’intégration élevé avec la Russie déterminent selon monsieur Krylov, le rôle essentiel du Caucase dans la politique et économie de la Russie. La situation importante militaro-stratégique de la région a déterminé les difficultés rencontrées par la Russie à ses frontières du Sud. L’orateur conclut que la politique de la Russie dans la région du Caucase est axée sur la neutralisation des menaces existantes et potentielles et vise la stabilité politique, économique et sociale de la Fédération de la Russie. Il ajoute que les menaces externes et internes sont étroitement liées, de sorte que leur neutralisation demande aux dirigeants russes une politique coordonnée dans les régions du Caucase du Sud et du Nord.

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Le dernier intervenant de la première table ronde, le Recteur Gérard-François Dumont, Professeur à l’Université de la Sorbonne a abordé  le conflit du Haut-Karabakh.

Le Sud-Caucase, ou Transcaucasie, est une région où la géographie diversifiée, combinée avec l’héritage de l’histoire, donne selon le Recteur Dumont, une population répartie selon des ethnies variées, attachées à des conceptions religieuses différentes. Il dit qu’au au sein de ce Sud-Caucase, les décisions géopolitiques des premières années de l’ère soviétique ont, contre la volonté de la majorité de ses habitants, affecté le Haut-Karabagh à la république socialiste soviétique d’Azerbaïdjan. Il ajoute que depuis, les tensions avec les autorités de Bakou n’ont pas cessé. À la fin des années 1980, elles ont pris une tournure violente qui en a fait un marqueur de la fin programmée d’une URSS non parvenue à créer l’homo sovieticus qui devait se substituer aux identités nationales. Ces violences ont débouché sur une guerre (1991-1994) perdue par l’Azerbaïdjan. LeRecteur Dumontconstate que le cessez-le-feu qui a mis fin aux hostilités ne se transforme nullement en traité de paix. Dans ce contexte, il arrive à la conclusion que la région du Haut-Karabakh, dont il précise les caractéristiques géographiques, se trouve triplement enclavée, situation que seule la fin du conflit pourrait lever, et s’interroge sur la possibilité d’une telle perspective.

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Deuxième table ronde : Coopération et organisation régionales : Modérateur, John LAUGHLAND,Directeur des Etudes, Institut de la démocratie et de la coopération.

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La première intervenante de la deuxième table ronde, madame Natalia Narotchnitskaïa, ancienne députée, ancienne vice-président de la Commission des affaires étrangères de la Douma, présidente de l’Institut de la démocratie et de la coopération porte sur Les guerres du Caucase en tant qu’outil géopolitique.

Selon madame Narotchnitskaïa, l’ensemble des événements qui se déroulent dans la région de la Mer Noire et du Caucase révèle l’évidence d’un scénario géopolitique certain. Force est de constater d’après elle, que « le monde civilisé » ne manque aucune occasion pour s’ingérer dans les affaires intérieures de la Russie et soutenir la politique antirusse de la Géorgie. Elle cite, entre autres, les tracés de gazoducs à travers les mers Caspienne et Noire ainsi que la mise en place de divers formats et mécanismes d’une coopération militaire dans le bassin de la Mer Noire sans la participation de la Russie.

Madame Narotchnitskaïa pense qu’en réalité, il s’agit de problèmes géopolitiques nés de « la question d’Orient » dont l’un des enjeux était la présence dans le Caucase au lendemain de la guerre de la Crimée (1854-1855) perdue par la Russie. L’intervenante remarque que la question d’Orient n’est pas restée l’apanage du ХIХ siècle, mais qu’elle a été là, tout au long du ХХ siècle sur les champs de bataille des deux guerres mondiales et de la guerre civile qui a suivi la révolution russe ; au lendemain de la désintégration de l’URSS ; dans les batailles diplomatiques à Versailles mais aussi lors des sessions du Conseil des ministres des affaires étrangères entre 1945 et 1947 ; en Bosnie et au Kosovo durant les années 1990 ; dans les accords de Dayton et l’aventure guerrière que la Géorgie a lancé contre l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie pro-russes dont les droits constitutionnels ont été violés au moment ou la République soviétique de Géorgie a quitté l’URSS.

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Le deuxième orateur, monsieur Bernard Fassier, Ancien ambassadeur de France en Géorgie ( 1993-97) aborde le thème de la Confrontation des stratégies d’influence de la Russie et des Etats-Unis au Sud-Caucase : un obstacle à la résolution des conflits post-soviétiques dans la région : l’exemple de la Géorgie et celui du Haut-Karabakh.

D’après monsieur Bernard Fassier, La région du Sud-Caucase, carrefour ancestral des influences impériales russe, turque et perse, zone frontière entre les alliances militaires durant la guerre froide, reste aujourd’hui encore une zone de turbulence ultra-sensible où se confrontent les intérêts stratégiques globaux de la Russie et des Etats-Unis, les intérêts énergétiques européens, et les ambitions régionales de la Turquie et de l’Iran.

Certes, plusieurs constantes fondamentales conditionnent l’antagonisme des approches russe et américaine de cette région. Pourtant et en dépit de ces approches antagonistes, dans les périodes où Américains et Russes ont accepté de jouer le jeu d’une coopération constructive, en interaction avec les pays européens, dans le cadre de formats spécifiques, des premiers progrès vers la paix ont été atteints selon l’ambassadeur. Mais il ajoute que symétriquement, chaque fois que l’un ou l’autre des deux pays a tenté de faire prévaloir ses seuls intérêts stratégiques, les fragiles progrès vers la paix ont été compromis.

C’est pourquoi, dans la conjoncture régionale actuelle de gel d’une situation sans perspectives en Géorgie et de course aux armements insensée entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan; Américains et Russes seraient bien inspirés, avec leurs partenaires européens, de coopérer pour promouvoir des règlements équitables, avant que la situation de la région -qui n’est pas sans risque- ne devienne trop explosive et trop difficile à contrôler.

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Général (2S) Henri Paris, Président de Démocraties, a choisi de traiter de l’islamisme et des islamistes au Caucase

Evoquer le Caucase et l’Islam sans y mêler immédiatement la Russie est un non sens, selon général Paris. Le Caucase, barrière montagneuse forme une limite en même temps qu’une zone bordière avec le monde islamique représenté par la Turquie et l’Iran. Il explique que la Géorgie fournit une enclave chrétienne qui n’a pas empêché la Russie d’exercer une poussée sur le Caucase depuis de début du XIXème siècle. Général Paris fait un petit rappel historique des écrivains de renom qui abordent la lutte qui a opposé et oppose au Caucase la Russie et l’Islam., tels que Pouchkine et Lermontov entre autres du côté russe et Alexandre Dumas pour les Français, pour ne parler que d’eux.

Dans son analyse, il maintient que le pétrole d’Azerbaïdjan et l’oléoduc Bakou-Tbilisi-Ceyan ne font qu’envenimer un problème vieux de deux siècles, d’un coté. Et de l’autre, la guerre latente ne se cantonne pas à un conflit islamo-russe puisqu’il déborde sur la Géorgie avec le rattachement de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie à la Russie. En sus du duel entre la Russie et l’Islam, est en jeu une politique russe visant la reconstruction d’un Etat comprenant les anciennes républiques constitutives de l’URSS et de l’Empire russe.

Général Paris termine en affirmant que la réislamisation du Caucase aurait totalement échoué face aux divisions claniques et que les conflits ne sont pas d’essence religieuse mais ethnique et clanique.

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Quand à la contribution d’André PERTUZIO, Consultant pétrolier international et ancien conseiller juridique pour l’Énergie à la Banque mondiale, elle s’arrête sur Le Caucase, comme épicentre pétrolier

Le dictionnaire dit que l’épicentre est le foyer apparent des ébranlements sismiques qui se produisent autour de lui. Par cette analogie, monsieur PERTUZIO explique que le pétrole se trouve autour et dans le Caucase qui constitue une voie d’accès vers la Caspienne et ses richesses en hydrocarbures dont il est indissociable. Il rappelle qu’en 1942, l’armée allemande entreprenait l’opération Caucase en quête de pétrole, et qu’elle devait échouer en raison de Stalingrad. La région est divisée en Caucase du nord ou Ciscaucasie lequel est l’unique acquisition territoriale des tsars russes depuis Pierre le Grand et qui fait toujours partie de la Fédération de Russie. Selon monsieur PERTUZIO le Caucase du sud ou Transcaucasie commande l’accès à la Turquie et à l’Asie. Cette zone est indissociable de la Caspienne, zone pétrolifère de grande importance internationale, d’après l’orateur. Ce dernier ne manque pas d’enrichir son intervention par les diverses statistiques qu’il nous livrent : L’Azerbaïdjan possède des réserves de pétrole d’un milliard de tonnes et de gaz naturel d’un trillion de m3, sur la rive orientale de la Caspienne, le Kazahkstan dispose de réserves de plus de 4 milliards de tonnes de pétrole et 2,5 trillions de m3 de gaz naturel et le Turkménistan de 7,5 trillions de réserves de gaz naturel dont il est le 6ème producteur mondial. Quant au Caucase du nord, habité par de nombreuses ethnies et religions différentes, il représente pour la Russie un foyer potentiel d’agitation selon monsieur PERTUZZIO qui conclut ainsi que c’est l’ensemble detous ces éléments qui fait de la région du Caucase une zone géostratégique et énergétique de première importance.

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Le cinquième intervenant, monsieur BehrouzRAÏSSI, chercheur en relations internationales et ancien professeur de l’université libre d’Iran a choisi de traiter deLa diplomatie  énergétique de l’Azerbaïdjan.

MonsieurRAÏSSIestime que les spécialistes avancent différents arguments pour expliquer le manque de succès des négociations pour résoudre la crise de Karabakh après les récentes évolutions politiques dans les deux républiques d’Azerbaïdjan et d’Arménie.

Il trouve par ailleurs que le gouvernement d’Azerbaïdjan dans sa diplomatie d’énergie cherche à atteindre plusieurs buts stratégiques qui sont les suivants : Le renforcement de son pouvoir économique pour jouer un rôle plus important dans la région notamment au Sud du Caucase ainsi que la résolution du problème du Karabakh et le renforcement de sa gouvernance. De ce fait, L’Azerbaïdjan, avec la mise en œuvre de ses projets énergétiques actuels et futurs tente de jouer un rôle important dans la région et dans le reste du monde et atteindre ce but dépend directement de ses ressources. La Russie, qui a encore beaucoup d’influence dans la région est le plus grand adversaire de l’Azerbaïdjan d’après monsieur RAÏSSI qui pense que l’Azerbaïdjan est de plus en plus occidentalisé et orienté vers l’Amérique. Avec le soutient de Washington il joue un rôle important dans l’approvisionnement des besoins énergétiques de la Géorgie et semble devenir de plus en plus important dans la région du Caucase.  Il déduit de tout cela que finalement, les occidentaux, en condamnant les azéris pour crime contre l’humanité ont constamment tenté d’obtenir de plus en plus de faveur du gouvernement d’Azerbaïdjan.

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Le dernier intervenant de la deuxième table ronde, monsieur Y. Skakov, membre de l’Institut des Etudes orientales, Académie russe des sciences : a abordé le sujet d’actualité de L’Olympiade 2014: un enjeu pour le Caucase tout entier.

Monsieur Skakov estime que l’organisation des Jeux Olympiques est traditionnellement considérée comme un événement (ou plutôt une période) qui unit les peuples, les nations et les cultures. Les tentatives ciblées  à rendre la participation (ou la non-participation) aux Jeux olympiques le caractère politique menées depuis plusieurs années par le régime de Saakachvili, s’arrête maintenant après le changement (jusqu’ici partiel) du gouvernement en Géorgie.

À ce jour, monsieur Skakov pense que les prochains Jeux olympiques à Sotchi, avec tous ces cotés aussi bien positifs que négatifs (l’impact écologique par exemple) ne vont pas créer des conséquences possibles pour la région de Caucase – Mer Noire dans son ensemble. Les processus qui se déroulent dans la région développée par ses propres lois et sa propre logique peuvent sérieusement, d’après l’orateur, influencer sur les perspectives d’un événement aussi important que les Jeux Olympiques.

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Troisième table ronde : Coopération et défis mondiaux : Modérateur, Jacques NGUYEN THAISONDiplomate et Géopolitologue

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Monsieur Jacques Cheminade, homme politique, fondateur et animateur Solidarité et progrès candidat à l’élection présidentielle de 1995 et 2012 a débuté la troisième table ronde par une intervention qu’il intitule Le Caucase au cœur de la stratégie mondiale. Un risque et une espérance.

Le Caucase s’est trouvé au cœur de la déstabilisation de la Fédération de Russie. Dans son analyse, Monsieur Cheminadedéclare que la politique de reprise en main de la situation par le Président Poutine a été un indéniable succès stratégique, face à l’encerclement anglo-américain soutenu par l’importation de l’islamisme wahabite au Nord et de l’affairisme post-soviétique au Sud. Aujourd’hui, c’est sur la base de ce succès dans le Caucase que la Russie a pu, selon l’orateur, intervenir en Syrie avec l’autorité nécessaire. Il ajoute que face à des milices féroces qui, sous le vernis d’islamisme, séquestrent, trafiquent et rançonnent comme leurs semblables au Caucase, il est nécessaire de créer, par delà les considérations géopolitiques, un espace de développement économique mutuel créant les conditions durables d’une vraie paix.

Le deuxième intervenant, monsieur Gardner Hall, Professeur et Directeur des Etudes à l’Université Américaine de Paris, a parlé de l’OTAN, la Russie et le Caucase.  Sa contribution propose une stratégie alternative possible à l’OTAN vis-à-vis du conflit au Caucase. En mettant l’accent principalement sur ​​la Géorgie, il plaide pour la création d’une paix régionale et d’un développement communautaire pour l’ensemble du Sud Caucase, impliquant l’imbriquement de l’OTAN, de l’UE, des garanties de sécurité russes, et le déploiement de partenariats pour la paix. L’intervention de monsieur GARDNER s’est basée sur son prochain livre: NATO Expansion and US Strategy in Asia (l’expansion de l’OTAN et la stratégie américaine en Asie) qui sera publié par Palgrave Macmillan, à l’automne 2013.

Hall Gardner’s discussion, NATO, Russia and the Caucasus, will propose a possible alternative NATO strategy toward conflict in the Caucasus with a focus primarily on Georgia; it will argue for the creation of a regional peace and development community for the entire south Caucasus, involving overlapping NATO, EU and Russian security guarantees and the deployment of Partnership for Peace peacekeepers. The discussion is based on Hall Gardner’s forthcoming book: NATO Expansion and US Strategy in Asia to be published by Palgrave Macmillan in the Fall 2013.

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L’intervention de monsieurJean-Michel Vernochet, écrivain et journaliste s’intitule vers une reconfiguration Géopolitique du Caucase. Déconstruction étatique et recomposition fédérative.

Monsieur Vernochetaffirme que la recomposition du Proche Orient et de l’Europe Orientale – comme lieu deprojection de la puissance militaire américaine vers le Caucase et l’Asie centrale [Camp Bondsteel] – va s’axer autour de trois pôles d’accrétion : la Grande Albanie, le Grand Kurdistan et le Grand Azerbaïdjan. Reconfiguration qui s’inscrirait selon lui, dans une grande stratégie de contention [endiguement] du bloc continental eurasiatique.

Pour ce qui est du Grand Azerbaïdjan, celui-ci absorberait, selon monsieur Vernochet le Haut-Karabagh et empièterait largement sur la République islamique d’Iran appelée à se morceler selon les vœux des islamo-marxistes de l’Organisation des Moudjahidines du  Peuple d’Iran, de Washington à Bruxelles via Londres et Tel-Aviv.

Monsieur Vernochet insiste sur l’intérêt géostratégique d’un Iran sans bras ni jambes, dont la province d’Azerbaïdjan orientale et le Kurdistan auraient été retranchés à l’Ouest, et amputé à l’Est du Baloutchistan et des zones Kurdes –  déplacés au XIXe siècle – des marches orientales, enfin au sud privé des riches champs pétroliers du Khouzistan [Arabistân]… Un tel Iran éclaté ne présentera plus la moindre menace, d’après l’orateur, pour quiconque et pour le millénaire à venir.

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Le quatrième intervenant, monsieur ElieHatem, Docteur en Droit, Avocat, et Professeur à la Faculté Libre de Droit, d’Économie et de Gestion de Paris a abordé les enjeux russo-turcs autour de la région du Caucase.

Monsieur Hatem maintient que la crise actuelle en Syrie met en exergue un affrontement américano-russe, dans une sorte de nouvelle guerre froide, et le retour à la bi-polarisation de la société internationale. Mais cet affrontement existe en réalité d’une manière latente, depuis plusieurs années, bien avant cette affaire, notamment dans les Balkans mais surtout dans le Caucase, selon l’orateur. Ce dernier estime que les enjeux énergétiques et pétroliers de la Caspienne, s’agissant de l’extraction, de l’exploitation mais aussi du transit de ces richesses, constituent l’un des facteurs qui anime cet affrontement. A cela s’ajoutent des facteurs ethniques et religieux. Alliée de longue date des Etats-Unis et bénéficiant d’un double atout -sa situation géographique au bord de la Méditerranée, d’une part, et son influence culturelle sur le «monde turcophone » et son désir de diriger le « monde musulman sunnite », d’autre part, notamment depuis l’arrivée de l’AKP au pouvoir- la Turquie sera entraînée par Washington selon maître Hatem, pour faire pression sur Moscou relativement aux routes du transit du brut.

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Le dernier intervenant, monsieur Pierre Berthelot, Enseignant-Chercheur associé à l’IFAS et à l’IPSE : a traité des conséquences politiques des relations entre l’Azerbaïdjan et Israël sur le Caucase?

Monsieur Berthelotpense que lorsque l’on évoque les alliances ou traités de paix signés par Israël pour assurer sa sécurité, dans son environnent plus ou moins proche, on pense naturellement à l’Egypte et à la Jordanie (tous deux arabes), à la Turquie (bien qu’aujourd’hui en zone de turbulence) ou à des Etats situés en amont du Nil et susceptibles de constituer des menaces pour le Soudan ou l’Egypte, aujourd’hui si instables, en particulier d’un point de vue hydrique. En revanche, il trouve que la relation avec un Etat jeune, issu du démembrement de l’URSS, l’Azerbaïdjan, riche en pétrole est plus méconnue. Son étude représente pourtant, selon l’orateur, un intérêt certain car elle offre de nouvelles perspectives d’analyses concernant aussi bien le Caucase, le Proche-Orient ou l’Islam. Il conclut que, si les deux Etats semblent trouver leur compte dans ce rapprochement, un certain nombre de menaces hypothèquent en partie sa pérennité.

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