LA GUERRE CIVILE À SRI LANKA Genèse, modes d’actions et implications internationales d’un conflit séparatiste à base ethnique

Alexis BACONNET

Avril 2008

L’Océan Indien zone de paix. Tel fut le souhait1 — à l’initiative de Sri Lanka — de l’Organisation des Nations Unies (ONU), manifesté dans sa déclaration du 16 décembre 19712. Et pourtant depuis 1983 un conflit armé fait rage sur l’île de Sri Lanka, point stratégique sur une des routes commerciales du pétrole et territoire situé au cœur du périmètre de sécurité océanique de l’Inde. Depuis 1983 on y dé­nombre environ 68 000 morts dont la moitié de civils.

Le 23 juillet 1983, dans la péninsule de Jaffna au nord de l’île de Sri Lanka dans l’Océan Indien, 13 soldats gouvernementaux de l’armée sri lankaise sont tués dans l’explosion de leur véhicule sur une mine. L’acte est le fait d’un groupe de sé­paratistes tamouls : les Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE, fondé en 1976 par Velupillaï Prabhakaran, Eelam étant le terme tamoul équivalent à celui cingalais de Sri Lanka et désignant l’île dans son ensemble). Le 24 juillet, lors du rapatriement des corps des soldats à Colombo pour leur inhumation, des émeutes anti-tamouls éclatent. Les maisons et les magasins tamouls sont incendiés. Ces violences s’éten­dent rapidement de la ville la plus importante, Colombo, à l’ensemble de Sri Lanka et font 350 morts selon les autorités, 2000 selon les sources tamoules. Début août 1983, on dénombre 7000 réfugiés tamouls à Jaffna ayant fui le reste de l’île. La guerre civile identitaire — c’est à dire la guerre opposant au sein d’une même ci­toyenneté des groupes auxquels on appartient de naissance et dont il est impossible ou très difficile de changer3 — entre Cingalais (ethnie majoritaire de l’île) et Tamouls (principale ethnie minoritaire de l’île) commence.

Actuellement cette guerre n’est toujours pas terminée. Les séparatistes tamouls du LTTE mènent contre les forces gouvernementales une très violente guérilla depuis maintenant près de vingt-cinq années, guérilla à l’organisation exception­nelle qui n’hésite pas à recourir au terrorisme pour parvenir à la création d’un Etat tamoul indépendant. Après plus de deux décennies, les solutions militaires n’ont toujours pas ramené la paix et les diverses formes de médiations ne parviennent pas à aboutir. Quelles peuvent être les raisons de cette guerre opposant depuis plus de vingt ans deux ethnies étant parvenues à vivre ensemble sur le même territoire depuis près de deux mille ans ? Ces vingt-cinq années ont-elles radicalisé le conflit ou bien ont-elles contribué à l’essouffler ? Cette guerre de prime abord nationale n’a t-elle pas connu des implications régionales voire mondiales, notamment durant la Guerre froide ?

Quoi qu’il en soit, les causes du conflit, simples en apparences semblent être beaucoup plus complexes vues sous le prisme de la géopolitique. Tout comme ses formes. Une stratification dans le temps comme dans l’espace, de la Guerre froide à nos jours et de Sri Lanka au monde en passant par l’Asie du Sud semble carac­tériser ce conflit. Saisir les différents aspects de cette guerre dans sa durée, dans sa violence ainsi que dans son insolubilité, passe par un retour sur la genèse du conflit sri lankais avant d’étudier le caractère exceptionnel et multiforme du conflit puis les modes de règlements jusqu’à lors déployés.

Genèse du conflit sri lankais : complexité ethnique, colonisation et manipula­tions politiques

Géographie humaine de l’île

Situé à la pointe du sous-continent indien, l’île de Sri Lanka est au carrefour de l’Inde, de l’Océan Indien et du golfe du Bengale. Abritant 19.7 millions d’habi­tants sur 66 000km2 4, la composition ethnique de la population est extrêmement variée : 74 % de Cingalais, 18 % de Tamouls, 7 % de Moors (Cingalais et Tamouls islamisés) et 1 % de Burghers (descendants des colons Hollandais et Britanniques), Malais et Veddas. 70 % de la population est bouddhiste (type Hinayana), 15 % hindouiste, 8 % chrétienne et 7 % musulmane5. Les Cingalais occupent les terres intérieures de l’île ainsi que l’arc formé par les côtes occidentales et méridionales. Les Tamouls sont quant à eux localisés dans le cône nord de l’île ainsi que les côtes orientales.

Cingalais, bouddhistes et Tamouls, hindouistes viennent tous deux de l’Inde. Les Cingalais, d’origine indo-européenne (issus du nord de l’Inde) et les Tamouls d’origine dravidienne (issus du sud de l’Inde) se sont établis à Sri Lanka vers le premier millénaire avant J.-C.. Le bouddhisme est adopté au IIIe siècle avant J.-C.

par la population cingalaise. L’islam apparaît sur l’île au XVe siècle au contact du commerce arabe et le christianisme au XVIe siècle avec la création de comptoirs portugais puis hollandais.

Perspective historique de l’opposition et de la compétition ethnique entre Cingalais et Tamouls

Comme le souligne Alain Lamballe, le problème entre Cingalais et Tamouls n’est pas nouveau, chaque communauté se considérant comme « fils de la terre »6 et trouvant ainsi une solide raison pour ne pas s’entendre. Les Cingalais estiment faire partie d’une race privilégiée et vivre sur un lieu sacré du bouddhisme : Sri Lanka.

Avec les colonisations portugaise (1505-1568) et hollandaise (1568-1796), l’île connaît une séparation administrative. En effet, les deux colonisateurs successifs choisiront d’administrer séparément Tamouls et Cingalais. Cependant il semble difficile d’évaluer si une telle dichotomie contribua à polariser les communautés ou bien au contraire à les préserver du conflit. On peut penser que ce fut les deux, c’est à dire que les oppositions furent entretenues mais ne purent déboucher sur un conflit violent entre les deux communautés.

Le poids de la colonisation britannique (1796-1948)

Au XIXe siècle, débute la colonisation britannique de l’île, celle-ci étant limi­trophe de l’Inde. Elle va participer en partie à la modification du peuplement de Sri Lanka. Vers 1830, la Grande—Bretagne met en place une immigration de coolies tamouls en provenance de l’Etat indien voisin du Tamil Nadu. Ces Tamouls émi­grés d’Inde (appelés Tamouls indiens), originaires des basses castes de la société in­dienne, acceptent de travailler dans des conditions que refusent les habitants de Sri Lanka. Ils sont employés des plantations de thé, café, hévéas et cocotiers. On parle alors de Tamouls des plantations (Tamouls indiens) par opposition aux Tamouls de Jaffna (présents à Sri Lanka depuis 3000 ans). Ces derniers représentent les deux-tiers de la populations tamoule sri lankaise.

Mais les séquelles les plus durables laissées par la colonisation britannique sont celles de la polarisation de la société entre Cingalais et Tamouls. D’une part sera mis en place un processus de « racialisation » des groupes humains en présence, par l’application d’un statut officiel aux identités de chaque groupe7. D’autre part, les Tamouls ressortiront favorisés par le colonisateur à travers l’obtention de fonctions administratives ou commerciales au sein des firmes britanniques8, ce probablement en raison de leur infériorité numérique — les Britanniques ne pouvaient pas pren­dre le risque de confier le moindre pouvoir à une ethnie déjà majoritaire comme les Cingalais. Cette stratégie britannique de diviser pour régner va profondément influer sur la polarisation de la société sri lankaise.

Durant leur présence, les Britanniques instaurèrent un système et des institu­tions politiques calqués sur le modèle de Westminster, modèle conçu pour fonc­tionner sur un territoire jouissant d’un Etat-nation et par la même d’une nation. Or l’hétérogénéité ethnique, linguistique et religieuse de Sri Lanka, avec sa majorité (Cingalais bouddhistes) et ses minorités (Tamouls hindouistes, Moors Musulmans, Burghers chrétiens) ne s’y prêtait pas. Ces institutions politiques achevèrent donc de diviser les différentes communautés, donnant une prééminence aux Cingalais alors en droit de réclamer leur revanche sur les Tamouls en raison de la place qui fut la leur pendant la colonisation.

Dès lors, à l’indépendance de Sri Lanka en 1948, l’avènement de la démocratie a permis aux Cingalais, ethnie majoritaire, d’accéder au pouvoir et d’inverser radi­calement la pratique et les lois en adoptant une politique discriminante à l’égard des Tamouls pour l’ensemble des professions ainsi que pour l’accès à l’université (nume-rus clausus officieux). Ces derniers se trouvaient notamment interdits d’accès à de nombreux postes de l’administration comme ceux de l’enseignement, secteur où ils étaient jusqu’à 1948 sur-représentés. Dès lors l’éviction des Tamouls des emplois à responsabilité au profit des Cingalais allait accentuer les tensions entre ethnies.

Ainsi, le fragile équilibre entre Tamouls et Cingalais, qui reposait sur une capa­cité à s’ignorer plutôt qu’à s’affronter tout en vivant dans des zones différentes vola en éclat avec la colonisation britannique.

Problèmes économiques inhérents à Sri Lanka

Depuis son indépendance, Sri Lanka vit une sorte de paradoxe : son économie est relativement prospère et dynamique. Il fait office de pays bien portant comparé aux autres pays du Tiers-monde. Pourtant le chômage frappe toutes les ethnies de l’île. Cependant, la discrimination subie par la minorité tamoule concernant l’ac­cès aux emplois publics, pourvoyeurs de rang social, maintient ces derniers à une place de citoyen de seconde zone. Par extension cette discrimination s’étend à toute transaction économique d’importance, on la voit même reproduite pour l’accès au logement. Les Tamouls peinent à jouer un rôle important voire seulement normal en société9. Le plus souvent ils sont maintenus dans le sous-développement. Cette division entre les peuples sera par ailleurs accrue et nourrie par la concurrence sur le marché du travail entre Cingalais et Tamouls.

Autre paradoxe le pays fonctionne relativement démocratiquement et légale­ment (par opposition aux autres pays du Tiers-monde), le niveau d’éducation y est assez élevé mais l’économie ne progresse pas aussi rapidement que la formation de la population. Les jeunes gens, notamment tamouls, se trouvent hautement diplô­més (niveau secondaire) pour un pays comme Sri Lanka mais ne parviennent pas à trouver un emploi. En effet l’économie de Sri Lanka est essentiellement basée sur les plantations, les gouvernements n’ayant pas réussis à y établir une industrie.

En dernier lieu, des réformes économiques libérales viendront accroître les iné­galités et participer à la radicalisation des tensions entre Tamouls et Cingalais. Ainsi, de 1972 à 1975 la nationalisation des plantations où sont massivement employés les Tamouls indiens et la disparition des emplois qu’elles fournissaient participeront à leur paupérisation. En 1978, la politique de libéralisation économique du nouveau Président Junius Richard Jeyawardene appuiera davantage les inégalités à Sri Lanka en déstabilisant la société sans répondre aux attentes de la population. La réduction du champ d’intervention de l’Etat laisse libre cours à l’apparition de disparités ré­gionales, de nouvelles discriminations sociales et de mouvements identitaires.

L’instrumentalisation des communautés ethniques

Les élites politiques, intellectuelles et religieuses dominantes vont adopter une lecture ethnocentrée (et pro-cingalaise) de l’histoire de Sri Lanka. Cette instrumen-talisation se manifestera dès les années 1950 par l’entretien de la discrimination mais aussi de rivalités entre Centre-Nord et Est pour le contrôle des terres, entre Colombo et sa région pour l’obtention d’emplois et au sein même du Haut-pays pour les questions de pénuries de terres et d’emplois entre villageois et travailleurs des plantations.

En 1956, Salomon Bandaranaïke, du Sri Lanka Freedom Party (SLFP, parti de gauche), est élu Premier ministre de Sri Lanka, instaure le cingalais comme langue officielle et accorde la prééminence au bouddhisme, religion de la majorité cingalaise. Il fait par la suite adopter le Singhala Only Act, discriminatoire quant à l’accès aux postes de la fonction publique à l’égard des Tamouls. Des émeutes de jeunes tamouls ont lieu en 1956, 1958 et 1961. L’hostilité grandissante entre communautés provoque des émeutes anti-tamouls en 1977, 1981 et enfin 1983.

Un problème de minorité en partie créé par la colonisation sera amplifié par les effets conjugués de la politique gouvernementale cingalaise et de l’économie, devenant ainsi une bombe à retardement prête à exploser à la moindre secousse. Enfin, comme l’ont mis en évidence Eric Meyer et Eleanor Pavey10 les orienta­tions religieuses des deux communautés pèseront lourds dans le choix et l’intensité de la violence. Methos bouddhique prônant « l’aménité » et « la retenue plutôt que l’affirmation de soi (…) conduit fréquemment à l’évitement des conflits et des vérités déplaisantes, à la flatterie, aux promesses non tenues et aux projets irréalistes, mais aussi à l’expression soudaine et irrationnelle des tensions contenues et lentement accumulées. » Quant à l’hindouisme shivaïte et au christianisme, ils « ont contribué à forger des attitudes plus tranchées, plus revendicatives et à valoriser la foi dans le pouvoir absolu et infaillible d’un dieu ou d’un maître. »

Le choix des armes

Dans les années 1970, les Tamouls s’organisent progressivement en groupes mi­litants pour la défense des intérêts de leur communauté. 1972 voit naître parmi des étudiants le mouvement des Tamil New Tigers (TNT) qui deviendra en 1976 le LTTE. Petit à petit d’autres mouvements se créent comme le People’s Liberation Organization of Tamil Eelam (PLOTE), le Tamil Eelam Liberation Organization (TELO) ou encore XEelam People’s Revolutionary Liberation Front (EPRLF). L’émulation entre ces différents mouvements se fera dans le sens de la radicalisation. Ces mouvements s’entre déchireront jusqu’en 1985, date à laquelle le LTTE réus­sira à s’imposer par élimination comme le seul mouvement insurrectionnel tamoul après annihilation des mouvements séparatistes partisans d’une solution politique.

 

Parallèlement, en 1971 l’insurrection du Janatha Vimukti Peramna (JVP, Parti de Libération du Peuple. Cingalais et marxiste) instaure une logique de violen­ce. Dès lors l’insurrection semble le meilleur moyen de se faire entendre pour les contestataires de tout ordre. Cette idée est maximisée par les mesures d’exceptions successives adoptées par le gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence ou dès 1982 avec la permanence du Prevention of Terrorism Act qui permet de procéder à des arrestations sur présomption et à des détentions au secret de trois mois11.

 

Désormais cette logique de violence prévaudra et mènera aux émeutes de 1983 puis à la guerre civile. Comme nous l’avons vu en introduction, les émeutes de 1983 trouveront leur fondement dans l’action du LTTE contre l’armée sri lankaise. Le LTTE prétendra avoir agit en représailles de la mort de Charles Anthony, bras droit du chef du LTTE Velupillaï Prabhakaran (V. Prabhakaran est le leader histori­que du LTTE. Né en 1954 près de Jaffna dans une famille de pêcheurs et élevé dans une atmosphère stricte et puritaine, il est marqué par la mort d’un parent durant les émeutes de 1958. Fondateur du TNT en 1972 et responsable de l’assassinat du maire de Jaffna en 1975, il s’impose à la tête du LTTE comme un chef aux qualités stratégiques exceptionnelles. Il apparaît comme un combattant intransigeant — il n’hésitera pas à tuer son compagnon d’armes Mahattaya soupçonné de s’éloigner du LTTE — et usant du culte de sa personnalité au sein de l’organisation)12. Par la suite des émeutes anti-tamouls éclatent et la passivité de la police sri lankaise, les légitimations des moines bouddhistes (les Tamouls étant hindouistes), la fourniture d’alcool par le gouvernement et la participation d’hommes de main aux ordres des politiques permettra à la violence de prendre une ampleur de pogrom.

Par ailleurs la forme purement militaire des réponses des autorités sri lankaises aux différentes insurrections (marxistes ou séparatistes) confortera les séparatistes dans le recours aux armes pour se faire entendre. Quant au Président Jeyawardene, il attendra le 28 juillet 1983 — soit trois jours après le début des émeutes — pour prendre la parole publiquement et cela sans même condamner les violences ni ap­peler la population au calme. Des organisations séparatistes tamoules à la classe politique cingalaise, la logique est celle de la guerre.

Le processus insurrectionnel ayant mené à la guerre civile fut long et gradué. Cette ancienneté est la raison première de l’opiniâtreté du conflit. Mais d’autres facteurs comme l’atypisme de l’organisation séparatiste du LTTE ou les implica­tions internationales indirectes ont contribué à amplifier puis cristalliser le conflit lui donnant un caractère exceptionnel et des formes multiples.

 

L’exceptionnel et multiforme conflit sri lankais

L’organisation de la guérilla séparatiste tamoule

Créé en tant qu’organisation avant tout militaire et d’obédience marxiste, le LTTE subordonne le politique au militaire. Pour l’historien militaire Martin Van Creveld le LTTE a transformé la société tamoule en armée ; ainsi cette société n’a pas d’armée, elle est l’armée13. Son fonctionnement est totalitaire. Aujourd’hui les références marxistes ont disparu. Recrutant essentiellement parmi les Tamouls de Jaffna il comprenait entre 2000 et 3000 combattants en 1983 et afficherait aujourd’hui entre 7 et 17 000 hommes. Les Tigres (nom des membres du LTTE) sont nombreux, qu’il aient versés dans la guerre suite aux exactions du camp sri lankais, aient été séduit par l’idéologie héroïque et sacrificielle entretenue par le mouvement ou encore enrôlés de force.

La structure idéologique repose sur la revendication d’un Etat tamoul indépen­dant — ou du moins largement autonome —, l’Eelam, à partir des provinces Nord et Nord-Est (Jaffna, Kilinochchi, Mannar, Vavunya, Mullaitivu, Trincomalee et Batticaloa) ainsi que sur la défense de l’identité tamoule. Le culte du chef est orga­nisé autour de Velupillaï Prabhakaran, fondateur du LTTE qui appel les militants à se sacrifier pour la cause de l’Eelam. On entretient au sein du mouvement le fana­tisme, la violence, l’abnégation et le suicide. Ce dernier est requis des combattants s’ils tombent aux mains de l’ennemi (chaque Tigre porte à son coup une capsule de cyanure à briser dans sa bouche en cas de capture) ou pour mener des attaques suicides contre une cible précise.

Le recrutement se fait indistinctement parmi les femmes (réunies au sein d’une branche spéciale appelée Birds offreedom) afin de pallier aux manques d’effectifs et pour l’atout quelles présentent pour approcher des cibles sans éveiller leur méfiance — c’est d’ailleurs une jeune militante du LTTE qui assassine le Premier ministre indien Rajiv Gandhi le 21 mai 1991. Ainsi, le 28 novembre 2007, toujours sou­cieux de surprendre l’adversaire, le LTTE a tenté d’assassiner Douglas Devananda, représentant de la minorité tamoule au gouvernement. Pour ce faire, une femme kamikaze atteinte de poliomyélite s’était introduite à l’entrée du ministère de l’Aide publique et sociale14. Sa maladie avait sans doute causé le relâchement de la vigi­lance des premiers contrôles. Le recrutement se prépare par un embrigadement dès l’âge de 13 ans dans les écoles. Une fois recrutés, les membres sont considérés comme morts, ils appartiennent tout entier au LTTE. Les membres suivent ensuite une sorte de cursus honorum au sein de l’organisation. Il combattent et s’ils vivent jusqu’à 30 ans sont versés dans un poste de cadre ou de responsable logistique ou des services de renseignements. La société tamoule de Sri Lanka est quadrillée par le mouvement qui contrôle même des associations culturelles ou d’aide sociale. Tout relâchement dans la lutte armée est interprété comme une défection et est punit par la mort. Et Gérard Chaliand de souligner : « on n’imagine mal ce qu’une telle militarisation pourrait produire si elle venait à prendre le pouvoir en dehors d’une implacable dictature »15.

Concernant la tête de l’organisation, le LTTE est commandé par Vellupillai Prabhakharan, chef politique et militaire à Sri Lanka. Les relations publiques et l’idéologie étaient jusqu’en 2006 à la charge d’Anton Balasingham (1938-2006) qui résidait à Londres. Cette dernière branche de l’organisation a été ensuite di­rigée par S.P. Thamilselvan — qui co-dirigeait le bureau politique de Londres avec A. Balasingham — avant qu’il soit tué le 2 novembre 2007 par l’armée sri lankaise16. Actuellement, P. Nadesan occupe la place de feu Thamilselvan. Les opérations in­ternationales du LTTE peuvent être divisées en trois branches : représentation po­litique et propagande, approvisionnement en armes et levée de fonds17. Au niveau local, le territoire contrôlé par le LTTE est divisé en zones au sein desquelles les commandants sont responsables des décisions tactiques.

Enfin, soucieux d’apparaître comme un mouvement de libération nationale en lutte pour l’indépendance et non comme un groupe terroriste, le LTTE soigne sa communication en exposant ses buts et sa légitimité via ses portes paroles ou via son site Internet spécialement dédié à sa cause18.

Structure, équipement et fonctionnement du LTTE

La militarisation du LTTE se trouve portée à l’efficience dans sa structure et sa logistique. Le mouvement est divisés en trois armes (terre, marine et air) connais­sant des spécialisations en brigades en leur sein. Ainsi les forces terrestres disposent de fantassins, de véhicules blindés légers artisanaux (de manufacture LTTE), du régiment anti-char Victor, des commandos Léopards et d’une garde prétorienne, la brigade Charles Anthony (du nom de feu le bras droit de Prabhakaran). Les for­ces marines (Sea Tigers) sont essentiellement composées de vedettes rapides armées pour protéger les convois d’armement ou de combattants ainsi que d’un sous-marin de poche19. Quant aux forces aériennes (Air Tigers), elles sont les plus restreintes. Elles consistaient jusqu’à peu en une poignée de combattants formés à piloter des ULM destinés aux attentats-suicide. Mais depuis le 26 mars 2007, le LTTE dispose de quelques aéronefs — peut-être une version améliorée d’un avion léger de fabrica­tion tchèque, le Zlin Z-143 ainsi qu’un avion d’entraînement de fabrication suisse et peut-être quelques hélicoptères militaires — dont il a fait usage lors d’un raid de bombardements sur Katunayake, principale base aérienne sri lankaise, située juste à côté de l’aéroport international de Colombo20. Ultime moyen aérien du LTTE, les aéronefs radiocommandés. Il s’agit d’avions et d’hélicoptères de modélisme équipés de caméras utilisés dans des missions de surveillance. La crainte des forces sri lankai­ses est de voir de telles machines utilisées comme vecteur terroriste, en les équipant notamment de mines claymore21. Enfin, un service de renseignement propre au LTTE, le Tiger Organisation Security Intelligence Service, d’une grande efficacité et une unité de commandos suicide (Black Tigers, déclinée en version marine et aé­rienne) viennent renforcer ce dispositif22.

L’armement dont dispose les Tigres provient de sources variées : récupération sur le champ de bataille mais aussi achat en Asie (Birmanie, Cambodge, Chine, Corée du Nord, Hong Kong, Thaïlande, Vietnam), en Turquie, en Afghanistan et au Pakistan — grâce à XInter-Services Intelligence (ISI) service secret pakistanais, au nom de la lutte contre l’ennemi commun indien23—, en Méditerranée (Chypre, Grèce), au Proche-Orient (Liban), dans les ex-satellites de l’URSS (Ukraine, Bulgarie) ainsi qu’en Afrique (Nigeria, Zimbabwe, Afrique du Sud). Il consiste en explosifs (TNT, C-4), mines (antipersonnel claymore, antipersonnel, antichar), mitrailleuses, fusils d’assauts, lance-roquettes RPG-9, mortiers de 81mm, missiles anti-aériens portables (type SA-7, SA-14, SA-16, stinger) et gaz RDX24. Les Tigres bénéficient également d’une micro-industrie d’armement capable de produire des mines ou des canons sans recul. Enfin, un département de recherche et développe­ment apporte ses découvertes essentiellement en matière navale — le sous-marin de poche sera réalisé par ce service. Cet ensemble offensif est soutenu par des moyens de communication satellites ainsi qu’un service sanitaire permettant de fonctionner comme une véritable armée.

En face l’armée sri lankaise inexpérimentée, indisciplinée et souffrant de déser­tions massives (évaluées à probablement 50 000 hommes en août 200325), peine à combattre cet ennemi bien équipé et est contrainte de se moderniser et de faire appel à des conseillers militaires (notamment israéliens26) en contre-insurrection.

Les Tigres disposent également d’un ingénieux système d’autofinancement fon­dé sur une multiplicité de sources. Deux branches de l’organisation assurent cette fonction, le Groupe Aiyanna dirigé par Pottu Amman et X Office des achats outre­mer ou KP Department nommé ainsi en raison du nom de son dirigeant Kumaran Pathmanathan27. Le Groupe Aiyanna conduit la recherche de renseignements et les opérations destinées à assurer le soutien financier du LTTE au sein de la diaspora alors que X Office des achats outre-mer est probablement destiné à l’acheminement des armes qu’il assure grâce à une flotte de navires appelée Sea Pigeons, enregistrée au Panama, au Honduras ou au Liberia. En premier lieu, pour obtenir des fonds, les Tigres lèvent l’impôt de manière consentie ou forcée sur la population tamoule de Jaffna ainsi que sur les membres de la diaspora tamoule mondiale – Etats-Unis (450 000 personnes), Canada (500 000 personnes), Europe (dont plus de 50 000 personnes en France)28, Australie et Nouvelle-Zélande. L’argent peu aussi provenir des dettes contractés par des immigrants illégaux tamouls (en Occident) envers le LTTE qui fait office de passeur, ou du détournement des fonds alloués par l’aide in­ternationale au programme de réhabilitation de Sri Lanka, ou encore du commerce de logiciels, CD ou DVD piratés. Enfin les trafics d’armes et de drogue permettent de fournir une quantité d’argent non négligeable aux Tigres ; par la production de drogue à Sri Lanka destinée au commerce national mais surtout par le rôle d’inter­médiaire joué dans le transit de la drogue depuis l’Inde (notamment l’Etat du Tamil Nadu, peuplé de Tamouls), le Pakistan et les pays du Triangle d’Or29. L’ensemble des fonds récoltés illégalement est ensuite réinjecté dans des sociétés écrans instal­lées à Sri Lanka ou en Asie du Sud-Est (notamment Singapour) afin de le blanchir. Ces même sociétés serviront à leur tour à développer les activités mafieuses ayant générées l’argent30. Ainsi, le LTTE générerait 200 à 300 millions de dollars améri­cains par an31, soit environ la moitié de ce que représentent les dépenses militaires annuelles du gouvernement Sri Lankais32.

Pour assurer le triomphe de sa cause et la circulation de ces revendications le LTTE gère des activités de propagande. Le responsable en est V. Manoharan. Chargé d’obtenir le soutien de la communauté internationale (tant politique qu’économi­que) en répandant un discours présentant la communauté tamoule de Sri Lanka comme une intolérable victime, cette cellule s’appuie sur 54 relais au Canada, en Europe de l’Ouest, en Asie du Sud-Est et en Australie. Elle véhicule ses propos par le biais de groupes de pressions ou par le contrôle de certains médias. Des ONG ont ainsi rejoint le LTTE au non de la prétendue paix que réclament celui-ci. Ce réseau de propagande agissant via la diaspora tamoule parvient même à contrôler l’orientation voire la publication ou non de travaux universitaires concernant Sri Lanka en usant de menaces33.

 

Cet ensemble économique se présente comme une garantie d’indépendance et donc de survie pour le LTTE. En ne dépendant de personne, il ne peut être contraint à abandonner la lutte pour des raisons financières ou logistiques (comme ce fut le cas avec de nombreuses guérillas instrumentalisées durant la Guerre froide).

Les nombreux sanctuaires du LTTE

Une des autres conditions de survie de la guérilla est l’existence de sanctuaires lui permettant de s’entraîner, se ressourcer et s’approvisionner. Le cas des Tigres est particuliers, si ce n’est unique parce qu’ils se trouvent dos à la mer (ils combattent dans le nord et l’est de l’île). Ils sont néanmoins parvenus, à faire de cet inconvénient un atout pour la circulation. En recourant à des vedettes ultra-rapides et armées (ou escortées de Black Sea Tigers) les Tigres ont réussis à utiliser à leur avantage la mer. D’abord en direction du Tamil Nadu puis de la Birmanie34 pour y faire séjourner des combattants dans des camps d’entraînement. Enfin, des rades discrètes sont également utilisées en Birmanie et en Thaïlande (notamment près de Phuket) pour y permettre les trafic dont le LTTE tire ces revenus. A titre de lieu d’entraînement, les Tigres ont également séjournés dans des camps palestiniens35.

 

La polyvalence des modes d’actions armées

Concernant les modes d’actions armées, le LTTE oscille entre guerre et guérilla. La guérilla menée par les Tigres se montre très violente et rationalisée. Elle maîtrise les procédés asymétriques classiques que sont le refus de l’affrontement direct, la surprise, le développement d’un sentiment d’ubiquité de la menace chez l’ennemi, les embuscades et le harcèlement, l’attaque de camps retranchés ou encore la récu­pération des armes ennemies sur le champ de bataille.

Mais l’excellent réseau de financement, les moyens ainsi que la dextérité dont bénéficie le LTTE lui permettent de posséder un équipement relativement lourd et de mener des attaques frontales contre l’armée sri lankaise. C’est là un fait ex­ceptionnel pour une guérilla que de pouvoir s’inscrire dans des opérations plus conventionnelles.

Mais l’atout maître des Tigres est leur clairvoyance stratégique et tactique. Si à l’origine elles étaient dues au sens inné de la guerre de Prabakharan, les Tigres ont su développer leurs connaissances vers une stratégie intégrale combinant guérilla, terrorisme et volontaires de la mort36. Le LTTE s’est d’abord attaché à maîtriser les préceptes de la stratégie indienne à travers le traité de l’Arthashastra37 qui énonce les grande lignes de la guérilla. Mais l’organisation sait également s’entourer et profiter de ses rencontres. Ainsi, les Tigres se sont formés au contact de conseillers israéliens, mais n’ont pas hésités à également profiter de l’expérience palestinienne. Grâce aux liens tissés par le trafic de drogue, le cartel de Medellin (Colombie) leur a permis de suivre des cours de tactique à l’école militaire d’Antigua38.

Le LTTE recours également au terrorisme. En effet, l’« organisation terroriste la plus efficace au monde »39 déploie une grande ingéniosité pour terroriser son en­nemi. Avant tout mouvement de guérilla, le LTTE recours d’abord au terrorisme de guérilla, c’est à dire un terrorisme dont le but est d’abord de tuer ou détruire, comme s’il s’agissait du prolongement d’actions militaires. Mais dès le milieu des années 1980, l’abandon des revendications des attentats manifeste un élargissement des finalités du terrorisme tamoul. Celui-ci est désormais également utilisé pour répandre la peur, la démoralisation et la confusion chez l’ennemi.

L’enlèvement est une pratique d’intimidation courante mais demeure essentiel­lement le fait des forces de l’ordre sri lankaises. Le LTTE y à déjà recouru (dans la années 1990, notamment dans l’Est sur la population musulmane40) sans cepen­dant en institutionnaliser la pratique. Reste les enlèvements d’enfants aux fins de recrutement par le LTTE (d’après les Nations Unies, environ 5000 enfants ont été recrutés entre 2002 et 2006), mais dans ce cas la finalité n’est pas de terroriser.

Autre instrument terroriste, l’attentat suicide. Celui-ci à été conçu au Liban le 22 septembre 1983 lors des attentats contre les QG des soldats français et améri­cains à Beyrouth. C’est cependant à Sri Lanka qu’il sera amélioré à partir de juillet 1987 — premier attentat suicide du LTTE contre le camp sri lankais de Nelliady — grâce à l’émulation née du contact entre groupes terroristes mondiaux. Ainsi, les Tigres déclinent leurs commandos suicide à toutes les situations. Jeunes filles (Birds of freedom) ou hommes (Black Tigers) équipés de ceintures explosives, plongeurs, camions, ULM, vedettes rapides, tous les vecteurs de morts sont utilisés. Ce mode de terrorisme permet d’approcher des cibles de haute importance (comme Rajiv Gandhi) ou stratégiques et de maximiser la destruction. Ensuite, la renonciation à la vie par le volontaire développe chez l’ennemi un sentiment d’absence totale de moyen de réaction. Afin de surprendre l’ennemi, les kamikazes sont choisis avec un souci de discrétion qui confine à la perfidie. Ainsi du choix de jeunes filles ou encore de personnes malades (le 28 novembre 2007, le LTTE a tenté d’assassiner Douglas Devananda, représentant de la minorité tamoule au gouvernement. Pour ce faire, une femme kamikaze atteinte de poliomyélite s’était introduite à l’entrée du ministère de l’Aide publique et sociale. Sa maladie avait sans doute trompé la vigilance des premiers contrôles). La non revendication des attentats visant des ci­bles civiles est la règle, et ce pour ne pas s’attirer la perte d’un éventuel soutien de la scène internationale (notamment humanitaire comme nous l’avons vu plus haut). L’absence de revendication ou le recours aux démentis permet de laisser planer un doute, de ne pas accabler le LTTE sur la scène internationale ou encore d’accuser un autre mouvement ou le gouvernement cingalais. Seul les attentats contre des ci­bles militaires sont revendiqués. Actuellement le LTTE serait responsable d’environ 200 attentats suicides depuis 1987. Parmi les récents attentats, le plus violent fut celui qui causa plus de 100 morts parmi des soldats sri lankais le 16 octobre 2006.

Enfin, pour preuve de sa réactivité et de son caractère innovant, le LTTE n’hé­sitera pas à recourir à tous les modes de terrorisme s’offrant à lui. Il usera ainsi de l’arme chimique contre l’industrie sri lankaise du thé (empoisonnement des expor­tations au cyanure de potassium) en 198641, contre le camp militaire de Kiran (at­taque à la bertholite) en juin 1990 (le changement d’orientation des vents dispersa le gaz et personne ne fut tué)42 et durant la défense de Jaffna (attaque au gaz) en novembre 199543, ainsi que du cyberterrorisme lors d’attaques via Internet contre les missions diplomatiques sri lankaises dans le monde en août 1997. Cependant, ces deux méthodes ne semblent jusqu’alors pas avoir été réitérées.

 

Ubiquité de la guerre et guerre totale

La guerre à Sri Lanka est résolument douée d’ubiquité, essentiellement en rai­son de l’opiniâtreté et de la dextérité du LTTE. Ainsi, la guerre à Sri Lanka est une guerre civile, donc localisée sur le territoire de l’Etat qui l’abrite mais elle s’étend par certains aspects aux niveaux : régional (espaces maritimes adjacents, Etat indien du Tamil Nadu, Birmanie, Thaïlande…) ainsi qu’international (Proche-Orient, Colombie, diaspora en Occident…). Elle est également une guerre de tous les espa­ces, les Tigres n’hésitant pas à exploiter tous les moyens s’offrant à eux pour mener le combat : terre, air, surface et fond de mer, espaces naturels et zones urbaines.

D’autre part, le LTTE a su mobiliser l’intégralité des ressources tamoules vers un seul objectif : l’accession à l’indépendance face au gouvernement sri lankais. On peut ainsi qualifier la guerre menée par le LTTE de guerre totale puisqu’il y a un en­jeu vital engagé (l’existence de l’Eelam pour les Tamouls voire des Tamouls eux-mê­mes si l’on repense aux violentes représailles anti-tamoules des forces de l’ordre et de la population sri lankaises en 1983), une mobilisation de l’ensemble des secteurs de la «nation» tamoule (opinion, économie, diaspora, hommes, femmes et enfants), la mise en œuvre de moyens de violence physique selon une stratégie générale mi­litaire (terrorisme — assassinats, destructions d’infrastructures, kidnappings, cyber-terrorisme, terrorisme chimique — ; pression sur la presse locale par kidnappings ou assassinats ; pression sur les ressources industrielles ou agricoles — avec les attaques contre le port et la zone industrielle de Trincomalee, contre les dépôts pétroliers en banlieue de Colombo ou encore le contrôle de l’écluse du canal de Maavil Aru44 ; guérilla et guerre conventionnelle en Eelam et ailleurs dans Sri Lanka) et enfin un but de guerre absolu (aptitude à la montée aux extrêmes au nom de la liberté absolue des Tamouls, de la sauvegarde de l’Eelam, voire de l’intégrité physique des Tamouls si l’on considère les émeutes anti-tamoules de 1983)45.

Il semble cependant qu’il y ait dissymétrie puisque la guerre menée par le pou­voir sri lankais ne semble pas relever de la guerre totale. En effet, pour celui-ci l’enjeu n’apparaît pas vital (le territoire et le gouvernement demeureront quoi qu’il arrive) et la mobilisation n’est pas totale (par exemple l’économie et la population sri lankaises ne sont pas toutes entières tournées vers la guerre). D’autre part, la stratégie militaire du gouvernement n’est pas générale. Enfin, le but de guerre n’est pas absolu, puisque le gouvernement sri lankais n’est pas prêt à une montée aux extrêmes contrairement au Tigres Tamouls.

 

Enjeux géostratégiques du conflit sri lankais

Historiquement, les Tamouls de Sri Lanka viennent d’Inde. Or pour les Tamouls du Tamil Nadu, les Tamouls sri lankais représentent un capital de sympathie impor­tant sur lequel les autorités politiques locales du Tamil Nadu ont souvent misé. Au fil des campagnes électorales les politiques instrumentalisaient la sensibilité tamoule en prenant position en faveur de l’Eelam ou des réfugiés tamouls sri lankais. Ainsi, dès mars 1983, les Tigres s’entraîneront dans le camp militaire de Salem au Tamil Nadu.

Rendue possible par la constitution de type fédérale de l’Inde, la politique du Tamil Nadu — 55 millions de Tamouls vivent dans cet Etat — a sans doute favorisé la guerre à Sri Lanka. Sans les sanctuaires offerts par cet Etat indien au LTTE, ce dernier alors moins puissant financièrement (la diaspora tamoule mondiale était beaucoup moins importante) aurait pu être en partie asphyxié par l’armée sri lankaise. Actuellement, un regain de soutien se fait entendre publiquement au Tamil nadu, qu’il s’agisse d’hommes politiques, d’avocats ou d’artistes46 et 10 000 tamouls sri lankais s’entasseraient dans les camps du Tamil Nadu47. Mais un autre facteur semait le trouble : la politique secrète des autorités centrales indiennes.

L’implication de l’Inde dans l’affaire sri lankaise sera marquée par une absence de continuité politique et stratégique. La première position qu’elle soutînt fut d’ar­mer et d’entraîner les Tigres par le biais de son service de renseignement, le Research andAnalysis Wing (RAW). Son but était triple : éviter un mécontentement sérieux des tamouls indien (dont le nombre avait été accru par l’affluence de réfugiés ta-mouls sri lankais) qui risquerait de mener à une situation insurrectionnelle sup­plémentaire en Inde (avec les problèmes du Cachemire, du terrorisme sikh et de la guérilla naxalite48) ; tenter de neutraliser les groupes séparatistes tamouls en les armant ; nuire à Sri Lanka qui dans la Guerre froide optait pour une politique pro­américaine alors que l’Inde avait signé son rapprochement avec l’URSS (traité indo­russe deu 9 août 1971). Ainsi pendant le mandat d’Indira Gandhi (1966-1977), le RAW avec l’appui des autorités du Tamil Nadu accueille les séparatistes dans des camps d’entraînement, les forme aux technologies militaires et les équipe en armes. En armant et formant ces groupes, New Delhi espère faire en sorte qu’ils s’entre-déchirent et se neutralisent. C’est presque chose faite en 1985, à ceci près que l’un d’eux, le LTTE était si bien structuré qu’il à pu non seulement résister mais s’imposer comme LE mouvement séparatiste tamoul (les autres ayant été anéantis ou extrêmement affaiblis).

 

Mais en 1984 survient la mort d’Indira Gandhi (assassinée par des fanatiques sikhs). Rajiv Gandhi son fils, arrive au pouvoir et modifie progressivement l’in­fluence indienne. Tout en continuant à armer les Tigres grâce au RAW, R. Gandhi se montre plus favorable et surtout plus engagé dans la recherche de négociations (notamment celles de 1985). Mais la situation à Sri Lanka se détériorant (massa­cres de civils) et l’Inde souhaitant jouer un rôle de gendarme régional, R. Gandhi signe un accord d’intervention avec Sri Lanka le 27 juillet 1987. Cet accord vient légitimer une action d’ingérence à caractère humanitaire déclenchée par l’Inde le 3 juin 1987. La motivation en est également le maintien du calme au Tamil Nadu. L’Inde opère un revirement complet de sa politique à l’égard de Sri Lanka. De 1987 à 1989 elle engage une force de paix — XIndian Peace KeepingForce (IPKF), forte de 70 000 hommes — qui se substitue en réalité à l’armée sri lankaise dans le bourbier de la guerre civile. Le 15 avril 1989, à la demande de Colombo, l’Inde accepte de se retirer de Sri Lanka. Elle compte 1500 morts et 3000 blessés. Le LTTE ressort grandi de cette intervention. Pour des raisons encore inconnues, le LTTE n’a pas conduit d’attaques suicide durant l’intervention indienne mais, le 21 mai 1991, les Tigres assassineront Rajiv Gandhi en guise de représailles ainsi que pour prévenir toute nouvelle intervention indienne dans la guerre civile.

La guerre civile à Sri Lanka à toujours été un enjeu pour la stabilité régionale. La crainte sri lankaise de voir l’île tomber dans le giron de l’Inde contraste avec la recherche par cette dernière d’une prééminence à travers une « Doctrine Monroe » de l’Océan Indien49. Le rôle de gendarme envisagé par l’Inde prend tout son relief avec l’importance stratégique de la position géographique de Sri Lanka (situé à l’intérieur du périmètre de sécurité océanique de l’Inde).

L’île est séparée de l’Inde par un détroit d’une trentaine de kilomètres (détroit de Palk). Cette proximité en fait une zone de surveillance indienne, celle-ci ayant déjà construit des installations maritimes sur les côtes du Tamil Nadu. Ensuite parce que Sri Lanka se trouve sur la route maritime liant les pays du Golfe au détroit malais. L’intérêt stratégique porté à la stabilité sri lankaise fut donc toujours sérieux a fortiori durant la Guerre froide. Enfin, la possession par Sri Lanka, sur sa façade orientale du port de Trincomalee considéré comme la meilleure rade de l’Océan Indien en fait un enjeux stratégique majeur. Cependant, ce dernier point sera peut-être à nuancer à l’avenir en raison de la construction d’un port en eau profonde, à Gwadar sur la côte baloutche du Pakistan50. Par ailleurs, l’idée d’une partition de Sri Lanka en deux Etats (tamoul et cingalais) déplait fortement à l’Inde qui y voit la source potentielle d’instabilités régionales.

A tous ces enjeux inscris comme constantes géopolitiques de la région venaient s’ajouter ceux de la Guerre froide jusqu’en 1989. Sans être d’obédience marxiste l’Inde se tourne pour des raisons stratégiques (non-alignement, méfiance à l’égard de l’impérialisme américain, rapprochement entre les ennemis pakistanais et chinois) vers l’URSS (traité d’amitié indo-russe du 9 août 1971). Par ailleurs la po­litique pro-américaine des dirigeants cingalais inquiète. En juillet 1983, Sri Lanka refuse l’aide proposée par l’Inde et sollicite celle des Etats-Unis, Grande-Bretagne, Pakistan et Bangladesh. Par souci diplomatique, les Etats-Unis ne pourront directe­ment accepter. Ils se serviront de l’intermédiaire joué par Israël pour satisfaire cette demande en l’échange de l’usage de la rade de Trincomalee51.

Pour l’ensemble de ces raisons, l’Inde intervient à Sri Lanka en 1987 afin d’as­seoir son statut de puissance régionale en évitant tout agissement de l’extérieur et tout bouleversement des rapports de forces.

Le conflit sri lankais à l’ère de l’hyperterrorisme

Durant les années quatre-vingt-dix, le LTTE fort du précédent retrait indien multiplie les opérations de guérilla et les attentats terroristes. L’armée sri lankaise bien que mieux équipée et mieux entraînée ne parvient pas à affaiblir le potentiel des Tigres. Ceux-ci assassinent le Président sri lankais Ranasinghe Premadasa le 1er mai 1993, abattent deux avions de transport sri lankais et détruisent d’impor­tants réservoirs d’hydrocarbure en 1995, la Banque centrale de Colombo en 1996, le World Trade Centre de Colombo en 1998, tentent de tuer la Présidente Chandrika Kumaratunga en 1999 et assassinent le ministre de l’industrie en 2000.

Mais les attentats d’Al Qaida à New York et Washington le 11 septembre 2001 impulsent temporairement une réflexion du LTTE sur sa politique terroriste. Les Tigres décrètent unilatéralement un cessez-le-feu le 25 décembre 2001. La mé­diation norvégienne, dans le conflit depuis 2000, n’y est cependant peut-être pas étrangère.

Peut-être les Tigres craignaient-ils une implication des Etats-Unis dans le cadre de leur lutte contre le terrorisme ? Néanmoins les négociations entamées en septem­bre 2002 sont rompues le 21 avril 2003. Le 30 avril 2003, le LTTE est enregistré sur la liste noire des organisations terroristes de l’administration Bush — même si le LTTE est classé comme mouvement terroriste par les Etats-Unis depuis 1987. Une accalmie se faire jour. Mais le 12 août 2005 un attentat des Tigres tue le ministre sri lankais des Affaires étrangère, Lakshman Kadirgamar (d’origine tamoule). En réa­lité, le gouvernement sri lankais a cru pouvoir bénéficier de l’effet post 11 septembre pour radicaliser sa position à l’égard du LTTE. Cependant, cette attitude eu pour conséquence un retour à la guerre ouverte.

Le 11 septembre semble avoir instauré temporairement une période de ques­tionnement au sein du LTTE, voulant peut-être jauger l’attitude américaine. Celle-ci ne s’étant pour l’instant pas concrétisée vis-à-vis d’eux autrement que par la liste du 30 avril 2003, le combat se poursuit. De son côté, l’Europe souhaitant signifier son désaccord avec les pratiques du LTTE a fait inscrire le 22 mai 2006 les Tigres sur la liste européenne des organisations terroristes. Inscription à laquelle les Tigres ont répondu en exigeant le départ de tous les membres européens de la Sri Lanka Monitoring Mission à compter du 1er septembre 200652.

En plus de vingt-cinq années de guerre, une constante se dessine : les popula­tions civiles sont au cœur de la violence. Le conflit armé sri lankais a semblé s’es­souffler avec plusieurs phases de négociations (1994, 2002 et 2006). Cependant, toutes furent marquées par un retour à la guerre. Quel mode de règlement pourra libérer Sri Lanka de la guerre ?

 

Quel mode de règlement pour cette guerre civile ?

L’échec de toutes les négociations

Du fait de l’obstination des acteurs, l’ensemble des cessez-le-feu successifs obte­nus depuis 1989 ont toujours été rompus. Les négociations de août 1994, septem­bre 2002 et février-octobre 2006 n’ont pas abouti. A chaque fois la guerre a repris le dessus.

Ces échecs procèdent tant du LTTE que des gouvernements sri lankais. Les Tigres exigent la levée de l’embargo sur le carburant et le ciment et refusent les propositions d’autonomie sur les provinces Nord et Nord-Est, réclamant l’indé­pendance — ou du moins une large autonomie — et la création de l’Eelam. Leur intransigeance les pousse à systématiquement se retirer des négociations et prolonge la guerre. Leur volonté est entière et confiante comme le montre ces mots de V. Prabhakaran : « Avec persévérance et sacrifice, l’Eelam tamoul peut être réalisé en un siècle. Mais si nous conduisons des opérations Black Tigers (attentats suicide) nous pou­vons écourter la souffrance du peuple et achever l’Eelam en une période plus courte. »53

Les exactions des forces de l’ordre sri lankaises sur les civils tamouls, leur com­portement en force d’occupation, font grandir les rancœurs et les motivations de ces derniers. Enfin, certaines mesures de contre-terrorisme apparaissent da­vantage belligènes que pacificatrices. Ainsi de l’éviction de 300 Tamouls hors des murs de Colombo par les forces gouvernementales sri lankaises début juin 2007. Cette mesure, ayant conduit la communauté internationale à accuser le Président M. Rajapakse de nettoyage ethnique, porte en elle le risque de polariser l’ensemble de la population de Sri Lanka et donc d’étendre la guerre civile.

Ces agissements s’ajoutent à la mauvaise gestion du conflit par les gouverne­ments sri lankais de tous bords. Du Président Premadasa se rapprochant du LTTE durant l’intervention indienne au recours systématique à la répression armée depuis 1983, les politiques cingalais jouent sur une hypothétique maîtrise des éléments du conflit pour servir leurs intérêts électoraux, entretenant une vision millénaire et cingalocentrée de l’histoire de Sri Lanka. Enfin le retour en force de la Présidente Kumaratunga en avril 2004 mettant fin à sa cohabitation avec un gouvernement de droite, artisan des négociations de paix avec le LTTE, marquait la volonté de ne pas répondre aux demandes des Tigres (retrait des troupes, désarmement, adminis­tration intérimaire tamoule et système fédéral) qui selon elle mettaient en danger l’unité du pays54.

Depuis avril 2006 la violence a repris ses droits. Les Tigres sur-renchérissent alternant attentats très meurtriers (16 morts à Trincomalee et 8 à Colombo en avril 2006, 68 dans le district d’Anuradhapura en juin 2006, une centaine de morts dans l’attaque d’un convoi de marins en octobre 2006), opérations de guerre (depuis juin 2006) et surprises stratégiques (recours à leur premier raid d’aviation en mars 2007). Durant les derniers pour-parlers de paix (février-octobre 2006), les Tigres ont donc continué à perpétrer attentats et attaques. Cela relève probablement d’une stratégie dont le but serait de maintenir la pression sur le gouvernement sri lankais afin de tenter de le faire céder ou encore de le pousser à la faute afin de légitimer une solution par les armes. De leur côté, les forces sri lankaises conduisent également des opérations de guerre continues depuis 2006.

Cependant le 11 juillet 2007, le LTTE a subit un cuisant revers en perdant Thoppigala au nord de Jaffna. C’est dans cette zone couverte de jungle, tenue par les Tigres Tamouls depuis 1994, qu’une partie des combattants du LTTE s’était ré­fugiée. Dans le même sens, la base du LTTE de Alampil a été sérieusement endom­magée lors de deux attaques de l’armée gouvernementale les 11 et 27 juillet 2007. Le 2 septembre 2007, les Tigres perdaient leur base de Sea Tigers de Silavattura dans le district de Mannar. Autre problème influant sur le mordant du LTTE, ses dissensions internes. En effet, le colonel Soosai chef des Sea Tigers et membre dirigeant du LTTE à Sri Lanka a été remplacé (certaines rumeurs prétendent que le récent accident d’entraînement dont il a souffert aurait été en réalité un atten­tat55). Cela fait suite à la sécession d’un autre chef d’envergure, le colonel Karuna (commandant du district Est de Batticaloa-Amparaï), ayant eu lieu en mars 200456. Enfin, d’autres rumeurs feraient état d’aigreurs parmi les cadres des Tigres depuis que V. Prabhakaran a placé son fils à la tête de la Air Wing and Computer Unit (ce­lui-ci est néanmoins diplômé en ingénierie aéronautique depuis 2006)57.

Face aux difficultés rencontrées, le LTTE a lancé une nouvelle campagne de recrutement forcé au début du mois d’août 2007, exigeant que chaque famille vi­vant sur les territoires qu’il contrôle lui cède un membre pour servir l’organisation. Et d’après le ministre de la Défense sri lankais, les Tigres envisageraient même de recourir à nouveau aux armes chimiques (cyanure de potassium, acide sulfurique).

Velupillaï Prabhakaran a déclaré le 27 novembre 2007 à l’AFP, l’impossibilité d’une paix avec le gouvernement « génocidaire » sri lankais. Cependant, depuis le déclenchement par ce dernier en janvier 2006 d’une grande offensive contre le LTTE, il ne fait pas de doute que les Tigres Tamouls se trouvent dans une situa­tion de faiblesse. Néanmoins, la capacité de repli maritime régional des Tigres ainsi que leur opiniâtreté et leurs nouveaux armements (aviation, armes chimiques) ne permettent pas au gouvernement sri lankais de crier victoire, ce d’autant plus que les Tigres ont déjà survécu à une situation similaire d’asymétrie paroxystique en 1987.

Des médiations internationales incertaines

Concernant les médiations internationales, l’organisation régionalement com­pétente aurait du être la South Asian Association for Regional Cooperation (SAARC). Cet organisme fondé en 1985 regroupe en effet l’Afghanistan, le Bangladesh, le Bhoutan, l’Inde, les Maldives, le Pakistan, le Népal et Sri Lanka dans le but de promouvoir les coopérations commerciales et industrielles mais aussi la paix. Cependant faute d’une diplomatie plus souple de l’Inde, la SAARC n’a pas joué le rôle qu’elle aurait pu concernant la guerre à Sri Lanka. Regroupant des pays pour beaucoup hostiles les uns aux autres autour d’un système d’échanges économiques, la SAARC n’a jamais pu devenir l’instrument régional de discussion escompté. En effet, tantôt l’Inde se montrait hostile à la concertation pour des problèmes qu’elle estimait relever de sa diplomatie régionale, tantôt elle faisait trop peur pour être suivie par les autres membres de la SAARC qui craignaient des empiètements de la puissance indienne. En janvier 2004, les Etats membres de la SAARC avaient signé un protocole antiterroriste devant s’appliquer à compter de janvier 2006. Cependant, la volonté de solutionner politiquement le conflit sri lankais exclu dans un premier temps un recours à cet instrument juridique. Les membres de la SAARC ne sont pas en mesure de solutionner la guerre civile à Sri Lanka. Le Bangladesh est un Etat faible en proie à des révoltes internes, le Bhoutan et les Maldives n’ont aucun moyen financier ou militaire sérieux, l’Inde est jugulée par les répercussions que pourrait avoir le conflit sur sa propre communauté tamoule, le Pakistan est au cœur de la problématique du terrorisme islamiste depuis 2001 et beaucoup trop fragilisé par ces propres dissensions communautaires. Quant au Népal, il est beau­coup trop occupé à gérer sa propre sortie de guerre civile (1996-2006) ainsi que son partage du pouvoir avec la maoïstes. Enfin, le sommet de la SAARC des 3 et 4 avril 2007, a empêché un rapprochement des Etats membres du fait des tensions entre l’Inde et le Pakistan.

Quant à l’ONU, son implication n’était pas possible puisque étant face à un cas de guerre civile elle ne pouvait intervenir que sur demande expresse du gouver­nement légal de Colombo, souverain sur le territoire de Sri Lanka. Le droit inter­national ne pouvait se saisir de la question. Aurait-il suffit pour cela de prouver le rôle du RAW indien dans l’entraînement et l’armement des Tigres afin de qualifier l’Inde d’Etat tiers au conflit ? On peut en douter puisque c’est officiellement qu’In-dira Gandhi permet en 1983, au RAW, d’entraîner les guérillas tamoules au Tamil Nadu. D’autant plus que la volonté onusienne d’agir pouvait également manquer en raison de la latitude laissée à l’Inde vis-à-vis d’un petit Etat (Sri Lanka) situé dans sa zone immédiate d’influence ainsi qu’en raison du climat international de la Guerre froide.

Restait la possibilité d’une intervention politique extérieure, c’est à dire d’un re­cours aux bons offices ou à la médiation d’un Etat tiers. C’est ce qui est mis en œuvre depuis 2000 avec l’arrivée d’une délégation norvégienne, la Sri Lanka Monitoring Mission (SLMM). Si la SLMM apparu d’abord comme une mission de bons offices — rôle d’entremetteur visant à faciliter la recherche d’une solution à l’amiable —, elle mua en mission de médiation — implication supérieure de l’Etat tiers par la propo­sition de bases à un règlement — avec l’avancement des négociations58. Elle demeure sous cette dernière forme en dépit de la faillite actuelle du processus de paix. La Norvège s’était présentée comme propice à aider au règlement du conflit en raison de son absence de passé colonial et d’intérêts (tant économiques que stratégiques) dans la région ainsi que de ses bons rapports avec la communauté de 8000 Tamouls parfaitement intégrés vivant sur son sol. Suite à la signature d’un cessez-le-feu du 22 février 2002, la SLMM s’enrichit du soutient de nouveaux membres : Suède, Finlande, Danemark et Islande. Cependant l’inscription en mai 2006 des Tigres sur la liste européenne des mouvements terroristes conduira le LTTE à exiger le départ de tous les membres européens de la SLMM à compter du 1er septembre 2006.

Malgré cela les manœuvres des Tigres comme l’ordre d’assassiner leurs oppo­sants engagés dans le processus politique et les oppositions d’une fraction de la population cingalaise à un accord avec le LTTE font piétiner les négociations.

A terme, unité ou partition de l’île ?

Avec la durée du conflit les violences se sont accrues et les exactions successives des deux camps ont radicalisé les populations. Chacun demeure campé sur sa posi­tion. Mais les Tigres du LTTE se refusent à transiger, un Etat indépendant tamoul doit être crée et les souffrances de la population tamoule les soutiennent. Pour eux l’Eelam est la seule garantie de sécurité et de paix. Le cessez-le-feu de 2002 débou­chera sur des pour-parlers aux seins desquels les parties sembleront s’accorder pour une solution fédérale au conflit.

Mais pour les Cingalais la partition est crainte. Ils voient à travers la création d’un Etat tamoul indépendant un premier pas vers l’extension du monde hindouiste indien sur leur civilisation bouddhiste, l’Etat indien du Tamil Nadu étant peuplé de Tamouls et les Tamouls de Sri Lanka étant hindouistes. Pour beaucoup de Cingalais la politique fédéraliste du Premier ministre Ranil Wickramasinghe (UNP, United National Party. Droite), pendant la cohabitation (débutée en 2001), consistait à li­vrer un tiers de l’île aux Tamouls, uniquement pour les apaiser et sans contrepartie. D’où le revirement électoral aux législatives d’avril 2004 puis au présidentielles de novembre 2005 avec le retour de la gauche nationaliste (Alliance Populaire).

L’Inde de son côté s’oppose à toute nouvelle création d’Etat dans la région (par crainte d’une déstabilisation de la zone) et donc à toute partition de Sri Lanka au point d’avoir refusé d’accueillir en 2002 les négociations de paix entre Tamouls et Cingalais. Mais ses volontés relèvent du vœu pieux depuis l’humiliation de l’IPKF en 1987-1989.

Néanmoins, si Cingalais et Tamouls demeurent figés sur leurs positions, la las­situde induite par le conflit les rend désireux de paix. Cette lassitude est mesurable côté cingalais par les désertions (environ 50 000 hommes) recensées dans l’armée et côté tamoul par la population fuyant l’île.

Quant à savoir si la diaspora tamoule risque d’être un vecteur de relance du conflit en cas de conclusion de la paix à Sri Lanka, le rôle modérateur joué par celle-ci dans le cas des attaques suicide peut apparaître rassurant. Le porte-à-faux subit par la diaspora dans ses pays d’adoption développe l’hostilité de celle-ci à l’encontre des attentats suicide et participe à la réduction de cette pratique, la diaspora étant la principale source de revenus du LTTE.

Cependant, le caractère totalitaire de l’organisation des Tigres ne doit pas être oublié puisqu’il est évident qu’il peut sérieusement empêcher la concrétisations d’éventuels désirs de paix qui viendraient à naître au sein de la population tamoule — le LTTE a pour pratique d’abattre ses concurrents au sein de la communauté tamoule mais aussi les Tamouls tenant d’une position modérée.

L’espoir d’une paix est conditionné par la création d’un Etat tamoul ou chose très improbable, au su de la solidité de l’organisation, par l’extinction du LTTE. Ce dernier agit déjà de manière autonome en tant que mouvement mais aussi sur le territoire qu’il contrôle. Il y dispose d’un Etat de fait avec son gouvernement. Il y applique une justice avec ses lois, détient une police, lève l’impôt et les Tigres sont sa propre armée. Le nombre de morts et l’entêtement des parties fait que l’issue réside peut-être en un Etat tamoul fédéré à Sri Lanka avec de larges prérogatives institutionnelles et administratives.

Force est de constater que le processus de paix à Sri Lanka n’est qu’une suc­cession d’éclaircies émaillant un climat de guerre permanente. Face à leur crainte d’une partition de l’île, les Sri Lankais ont élus l’intransigeant Mahinda Rajapakse (Alliance Populaire) à la Présidence du pays en novembre 2005. Mais le nombre de voix accordées à Rajapakse (50, 33 %) montre à quel point le pays est en réalité indécis et divisé. Le poids des nationalistes cingalais des partis marxistes (JVP) et bouddhistes (Jathika Hela Urumaya, JHU) au sein du gouvernement de coalition a conduit Mahinda Rajapkse à ne même plus parler de fédération. De nouvelles négociations se sont tenues à Genève les 22-23 février 2006. Les parties s’étaient engagées à se réunir à nouveau les 19-21 avril 2006. Mais la violence a repris en avril 2006 avec des explosions et des émeutes à Trincomalee ainsi qu’une attaque suicide contre les principales infrastructures militaires à Colombo. Pour certains, le développement de l’extrémisme parmi les Tamouls comme parmi les Cingalais rend peu probable une résolution pacifique à court terme. Suite à la défection d’une par­tie radicale de l’UNP, Rajapakse dispose maintenant d’une majorité parlementaire ne reposant plus sur le JVP et le JHU, tous deux hostiles aux négociations avec le LTTE. Rajapakse a ainsi pu reprendre le dialogue en février 2007.

Mais aujourd’hui, une solution militaire au conflit semble également exclue des choses réalisables mais malheureusement pas des volontés. Si le LTTE est sorti affaibli par le tsunami du 26 décembre 2004 (nombreux morts, perte d’armement et endommagement des moyens navals nécessaires au réapprovisionnement) il de­meure une organisation compartimentée, disposant de ressources nombreuses ainsi que d’une incroyable opiniâtreté le rendant très difficile à éradiquer. Pour preuve, la prise le 19 janvier 2007, de la base LTTE de Vaharai (Nord-Est) par l’armée sri lankaise eu pour réponse la surprise totale de l’attaque aérienne de la base de l’armée de l’air de Katuyanake le 26 mars 2007 — la cible étant l’une des mieux gardée du pays et l’existence d’avions en possession du LTTE étant alors inconnue. D’autre part, le LTTE démontre sa capacité à toujours mener des attaques innovantes, no­tamment avec l’assaut contre la base aérienne de Anuradhapura le 22 octobre 2007, combinant bombardement aérien et infiltration d’un commando Black Tigers59, le recours à des kamikazes à l’apparence vulnérable et faible (jeune fille atteinte de la poliomyélite devant le ministère de l’Aide publique et sociale le 28 novembre 2007) et la procuration de technologies sophistiquées (armements récents, moyens aériens). Néanmoins, l’armée sri lankaise et le président Rajapakse multiplient les bombardements en territoire tamoul (destruction d’un centre de communication du LTTE à Kilinochchi le 25 novembre 2007, nouveaux bombardements le 27 novembre 2007 90 minutes après le discours annuel de V. Prabakharan), plus que jamais déterminés à porter la guerre au cœur des fiefs tamouls60. Enfin le ton accu­sateur employé à l’encontre de la communauté internationale par V. Prabakharan dans son discours annuel (Heroe’s Day speech) pourrait-être interprété comme un aveu d’isolation61. La SLMM ne porte pas ses fruits, la communauté internationale s’accorde à considérer le LTTE comme une organisation terroriste et l’armée sri lankaise enchaîne les offensives.

Mais même si l’on parvenait à pacifier Sri Lanka, il resterait aux Tigres la possi­bilité d’agir au et depuis leurs sanctuaires, notamment le Tamil Nadu. Or, une telle guerre en Inde serait incontrôlable. Elle trouverait une répercussion sur l’ensemble des problèmes indiens, qu’ils soient d’ordre communautaires (musulmans, sikhs) ou sociaux (naxalites). La destruction de la guérilla du LTTE passe par la destruc­tion de ces sanctuaires. Sans aide sérieuse de la communauté internationale pour démanteler les réseaux du LTTE au sein de la diaspora ni d’appui réel de l’Inde, une paix par les armes est impossible. Le LTTE est une hydre dont certaines têtes, notamment financières, se trouvent dans la diaspora, en Occident. La solution du conflit sri lankais semble donc autant policière et judiciaire dans les pays d’accueil de la diaspora, que politique et militaire à Sri Lanka.

A Sri Lanka, un problème de minorité ethnique est devenu un problème mili­taire avec la violence, l’organisation et la combativité des Tigres Tamouls. La passi­vité de la communauté internationale vis-à-vis des agissements du LTTE a contri­bué à développer le conflit. La situation politique, économique et sociale du pays se dégrade et le problème se complexifie. Les Tamouls veulent l’autonomie ou du moins un Etat fédéral. Les Cingalais quant à eux souhaitent conserver Sri Lanka dans ses frontières actuelles et les Musulmans, tamoulophones mais d’appartenance culturelle sri lankaise, réclament un Etat fédéral.

* Chercheur en Science Politique au Centre de Recherche et d’Etude en Droit et Science Politique (CREDESPO, ex-CERPO), Université de Bourgogne.

Notes

  1. Eric Meyer & Eleanor Pavey, cit..
  2. « Weekly Country Report. Sri Lanka. 15-21 October 2007 », International Centre for Political Violence and Terrorism Research, Singapore,http://www.pvtr.org
  3. « Weekly Country Report. Sri Lanka. 19-25 November 2007 », International Centre for Political Violence and Terrorism Research, Singapore, http://www.pvtr.org et B. Muralidhar Reddy, « Despair and distrust », Frontline 24 — Issue 24, 08-21 December 2007, http:// www.flonnet.com/fl2424/stories/20071221502803800.htm
  4. Muralidhar Reddy, « Despair…, Art. cit..
  5. Ashok K. Mehta, « Sri Lanka’s Reservoir Of Self-Destruction », Far Eastern Economic Review, 169 N°7, septembre 2006.
  6. Pour les principaux traits de définition de la guerre totale, voir François Géré (dir.), Thierry Widemann (dir.), La guerre totale, Economica, Institut de Stratégie Comparée, Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS), Paris, 2001, pp. 26-28 ; 203.
  7. « Au Tamil Nadu, on aime bien les Tigres », The Week cité in Courrier International N°841,

14-20 décembre 2006.

  1. Martine Bulard, « L’Inde reprend son rang », Le Monde diplomatique, janvier 2007.
  1. En 2007, la guérilla maoïste naxalite — débutée en 1967 — est présente dans 16 des 28 Etats
    de l’Inde. Elle recevrait un entraînement des Tigres Tamouls notamment pour le maniement
    des explosifs, Cédric Gouverneur, « En Inde, expansion de la guérilla naxalite », Le Monde
    diplomatique, décembre 2007.
  2. Hervé Coutau-Bégarie, Géostratégie de l’océan Indien, Economica, Fondation pour les

Etudes de Défense Nationale (FEDN), Paris, 1993, p. 259.

  1. Alain Lamballe, « Le Pakistan se vend à la Chine, l’Inde s’interroge », Défense Nationale et Sécurité Collective, N°1, Janvier 2007.
  2. Lionel Paul, cit., pp. 103-104.
  3. Muralidhar Reddy, « Sri Lanka. Uncertain gain », Frontline, Vol. 23 — Issue 18, 09-22 septembre 2006,http://frontlineonnet.com/fl2318/stories/20060922006113000.htm
  4. Rohan Gunaratna, « The LTTE and suicide terrorism », Frontline, 17 — Issue 03, 5-8 février 2000,http://www.flonnet.com/fl1703/17031060.htm
  5. Jusqu’en avril 2004, la Présidente Kumaratunga (gauche) cohabitait avec un gouvernement de droite, artisan des négociations de paix avec le LTTE, in Cédric Gouverneur, « Au Sri Lanka, crise politique et paix en suspens. Un Etat «de facto» pour les Tigres tamouls », Le Monde diplomatique, février 2004 et in Emmanuelle Charrière, « Sri Lanka 2003-2004, Victoire de la gauche et des nationalistes », Annuaire de l’état du monde, Serge Cordellier, Encyclopédie de l’état du monde, Paris, La Découverte, cd-rom, 2004.
  6. « Weekly Country R Sri Lanka. 27 August-02 september 2007 », International Centre for Political Violence and Terrorism Research, Singapour, http://www.pvtr.org
  7. Ayant perdu pied à Sri Lanka, Karuna s’était réfugié à Londres, où il été arrêté le 2 novembre

2007.

  1. « Weekly Country Report. Sri Lanka. 27 August-02 september 2007 », International Centre for Political Violence and Terrorism Research, Singapour,http://www.pvtr.org
  2. The Cambridge encyclopedia of India, Pakistan, Bangladesh, Sri Lanka, Nepal, Bhutan and the Maldives, Editor Francis Robinson, Cambridge University Press, London, 1989, p. 226.
  3. Eric Meyer & Eleanor Pavey, « Bons offices, surveillance, médiation : les ratés du processus de paix à Sri Lanka », Critique internationale N°22 La résistible expansion du protestantisme conservateur, janvier 2004.
  4. Eric Meyer, « Les «disparitions» à Sri Lanka : d’une stratégie ciblée à la généralisation incontrôlée », Cultures & Conflits N°13-14 Disparitions,
  5. Eric Meyer, Sri Lanka. Entre particularismes et mondialisation, La Documentation française, Asie plurielle, Paris, 2001, p. 146 et Graeme C. S. Steven & Rohan Gunaratna, Couterterrorism, Santa Barbara, Denver, Oxford, ABC CLIO, Contemporary World Issues, 2004, pp. 179-181.
  6. Martin Van Creveld, La transformation de la guerre, Editions du Rocher, L’Art de la Guerre, Monaco, 1998, p. 84.
  1. « 2 attentats suicides ensanglantent Colombo », European Strategic Intelligence & Security Center, Bruxelles, 28 novembre 2007, http://www.esisc.org/page.asp?ID=58
  2. Gérard Chaliand, « Les Tigres Tamouls du Sri Lanka », 1999, in Voyage dans 40 ans de guérillas, Paris, Lignes de repères, Diplomatie, 2006, pp. 247.
  3. Françoise Chipaux, « Sri Lanka : l’armée tue le chef politique des Tigres tamouls », Le Monde, 03 novembre 2007.
  4. Graeme C. S. Steven & Rohan Gunaratna, cit., p. 199.
  5. eelam.com
  6. Graeme C. S. Steven & Rohan Gunaratna, cit., p. 199.
  7. Shani Raja, « Sri Lanka’s Tigers Grow Wings », Far Eastern Economic Review, 170 N°3,

Avril 2007.

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  2. Jean-Marc Balencie (dir.) et Arnaud de La Grange (dir.), cit., 1996, p. 93 et in Peter Chalk, « Liberation Tigers of Tamil Eelam’s (LTTE) international organization and operations — A preliminary analysis », Commentary n° 77 (Canadian Sécurity Intelligence Service publication), 17 mars 2000, (http://www.fas.org/irp/world/para/docs/com77e. htm).
  3. Jean-Marc Balencie (dir.) et Arnaud de La Grange (dir.), cit., 1996, p. 94.
  4. « Group profile : Liberation Tigers of Tamil Eelam », Jane’s Information Group, 27 March 2007 (http://www.janes.com/security/international_security/news/jwit070327_1_n.shtml
  5. Eric Meyer & Eleanor Pavey, cit..
  6. Ces conseillers israéliens auraient d’ailleurs entraînés à la fois les forces de sécurité sri lankaises et le LTTE, in Lionel Paul, La question Tamoule à Sri Lanka (1977-1994), L’Harmattan, Recherches asiatiques, Paris, 1997, p. 219. Par ailleurs, Israël fournissait aussi en armes le régime sri lankais, in Frédéric Encel et François Thual, Géopolitique d’Israël, Dictionnaire pour sortir des fantasmes, Seuil, Paris, 2004, p. 55.
  7. Omar Karmi, « Feeding the Tiger — How Sri Lankan insurgents fund their war », Jane’s Information Group, London, 10 August 2007,http://www.janes.com/news/security/jir/

jir070810_1_n.shtml

  1. Alain Lamballe, Terrorism in South Asia, Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), Research Paper N°3, Paris, novembre 2005, p. 139,http://www.cf2r.org/fr/ activities/rapports-recherche.php#rr_3
  2. Alain Labrousse, « Drogue et terrorisme : les liens du sang », Politique internationale N°98 Drogue et terrorisme, hiver 2002-2003 et Eric Meyer, cit., p. 148.
  3. Jean-Luc Marret, Micro- et Macro-financements terroristes dans l’Union européenne : réalités et ripostes, Notes de la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS), 12 janvier 2006, http://www.frstrategie.org/barrecompetences/secuInterieureTerrorisme/20060112.pdf
  1. Omar Karmi, cit..
  2. 606,2 millions de dollars américains en 2006, CountryWatch, « Political overview », Sri Lanka Country Review 2007, CountryWatch Incorporated, Houston, 2007.
  3. Eric Meyer, cit., p. 149.
  4. Laurent Amelot, « Chine et océan Indien : l’enjeu birman », Stratégique N°70-71 Stratégies asiatiques,
  5. Jean-Marc Balencie (dir.) et Arnaud de La Grange (dir.), cit., 1996. p. 83.
  6. Gérard Chaliand (dir.) et Arnaud Blin (dir.), Dictionnaire de stratégie militaire, Perrin, Paris,

1998, p. 418.

  1. Eric Meyer, cit., p. 145.
  2. Lionel Paul, cit., p. 219.
  3. Gérard Chaliand (dir.) et Arnaud Blin (dir.), Histoire du Terrorisme. De l’antiquité à Al Qaida, Bayard, Paris, Nouvelle édition augmentée, 2006, p. 268.
  4. Eric Meyer, « Les «disparitions» à Sri Lanka… », cit..
  5. Theodore Karasik, Toxic Warfare, RAND Project AIR FORCE, Published by RAND, Santa Monica — Arlington — Pittsburgh, 2002, p. 18,http://www.rand.org/pubs/monograph_ reports/MR1572/MR1572.pdf
  6. Rohan Gunaratna (ed.), Terrorism in the Asia-Pacific. Threat and Response, Eastern Universities Press, Regionalism & Regional Security, Singapore, 2003, p. x.
  7. Theodore Karasik, cit., pp. 22-23, (Endnotes)
  8. En 1983, Pascal Chaigneau nuançait déjà ce souhait en exposant les enjeux et impératifs planant sur cette zone géographique pendant la Guerre froide, « Océan Indien : Les velléités d’une zone de paix », Défense Nationale N°4, avril 1983.
  9. Résolution 2832, Déclaration faisant de l’océan Indien une zone de paix, Assemblée Générale des Nations Unies, 16 décembre 1971.
  10. Jean-Pierre Derriennic, Les guerres civiles, préface de Pierre Hassner, Presses de Sciences Po, Paris, 2001, p. 71 et Gaston Bouthoul, Traité de polémologie. Sociologie des guerres, Bibliothèque scientifique Payot, Paris, 1970/1991, p. 447. J.-P. Derriennic souligne qu’« Elles peuvent aussi être appelées «raciales» ou «ethniques». », Idem.
  11. CountryWatch, « Political overview », Sri Lanka Country Review 2007, CountryWatch Incorporated, Houston, 2007.
  12. Alain Lamballe, Le problème tamoul à Sri Lanka, Paris, L’Harmattan, 1985, p. 20.
  13. Pour Eric Meyer, les Britanniques ont agi en « chosifiant les identités de chaque groupe en les qualifiant de raciales ce qu’elles ne sont pas », « La crise sri lankaise : enjeux territoriaux et enjeux symboliques », Hérodote N°49 Géopolitiques en Asie des moussons, 2e trimestre 1988,
  14. 58.

 

  1. Jean-Marc Balencie (dir.) et Arnaud de La Grange (dir.), Mondes rebelles : Acteurs, conflits et violences politiques tome 2, Asie, Maghreb, Proche et Moyen-Orient, Europe, Paris, Editions Michalon, 1996, pp. 82-83 et Mondes rebelles, Paris, Editions Michalon, 2001, p. 320 et

Martial Dassé, « Sri Lanka : les guerres civiles », Défense Nationale, N°4, Avril 1990.

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