La guerre Iran-Irak à travers le cinéma iranien

Alain brunet

Auteur, cinéaste.

Février 2009

Au DÉBUT DE L’ANNÉE 1988, des entreprises allemandes fournirent à l’Irak une technologie qui permit à l’armée de Saddam Hussein de développer la portée des missiles SCUD de 250 à 900 kilomètres de façon à atteindre la capitale iranienne. Les modèles utilisés par l’armée irakienne possédaient les caractéristiques suivantes :

  • Modèle Al-Hussein • Modèle Al-Abbas

Charge               500 kgs                                       300 kgs

Portée                650 kms                                      900 kms

Téhéran fut frappée à plusieurs reprises par les missiles irakiens.

En 2002, la fondation de la Défense sacrée commanda à trois réalisateurs ira­niens de renom (Ebrahim Hatami Kia, Majid Majidi), un scénario sur le thème « Chroniques d’une capitale en guerre » (Tales of a warring city). Seule femme solli­citée, Rakhshan Bani Etemad accepta la proposition à condition d’avoir la maîtrise complète de son sujet.

Présenté au festival du film iranien de Fajr en 2004, le film de Rakhshan Bani Etemad et Mohsen Abdol Wahab « Nanneh Gilaneh » reçut le prix spécial du jury tandis que Fatemeh Motamed Arya était sacrée meilleure actrice.

Porte drapeau du cinéma iranien, Rahshan Bani Etemad est à l’heure actuelle une des meilleures réalisatrices du monde. Elue meilleure cinéaste d’Asie en 2000, elle a réalisé dix films de long-métrage qui ont été présentés dans plus de 200 festi­vals dans le monde entier.

Déclaration de la réalisatrice :

La guerre entre l’Iran et l’Irak a été décidée par les grandes puissances mon­diales. Les enfants de nos deux pays ont beaucoup souffert et continuent de souffrir à cause de ce conflit. C’est pourquoi, j’ai voulu faire un film de guerre mais aussi un véritable hymne à la paix.

Déclaration d’Henry Kissinger, ancien secrétaire d’état aux Affaires étran­gères, prix Nobel de la paix :

Cette guerre est sans intérêt … j’espère seulement que les deux pays se dé­truiront l’un l’autre.

La guerre Iran-Irak

Le Shah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi et Saddam Hussein qui n’est encore que vice-président du conseil de la révolution irakienne (le président étant Mr Al Bakr) signent le 6 mars 1975, en présence du roi Khaled d’Arabie Saoudite et du président algérien Houari Boumedienne, les accords d’Alger qui délimitent de façon précise la frontière entre les deux pays : l’Irak renonce à la pleine propriété du Chatt el Arab, Arvand Rud pour les iraniens.

L’Iran, de son coté, s’engage à ne plus intervenir dans les affaires intérieures irakiennes, en particulier dans le Kurdistan iranien et à restituer à l’Irak les îlots rocheux de Zein Al Qaous et Seif Saad. Saddam Hussein devient chef de l’Etat irakien en 1979.

Au début de l’année 1980, la situation est confuse en Iran, attisée par des luttes internes qui opposent les différentes factions nées avec la révolution. De nombreux accrochages se produisent entre l’Iran et l’Irak à propos du contrôle du Chatt El Arab.

Le 17 Septembre 1980, Saddam Hussein dénonce unilatéralement les accords d’Alger avec la bénédiction du gouvernement américain de Jimmy Carter.

Le 22 Septembre 1980, l’armée irakienne envahit l’Iran par sa frontière sud. Le but du Rais irakien est clair : déplacer la frontière sur la rive orientale du Chat El Arab de façon à assurer la sécurité de la ville de Bassorah. Il exige, de plus, la restitution de trois îles du Golfe Persique : la grande Tonb, la petite Tonb et Abou Moussa qui commandent l’entrée du Golfe Persique avec les autres îles iraniennes de Queshm, Lavan, Larak et Hormuz.. Cette dernière revendication indique claire­ment l’acceptation tacite de certains Etats arabes du Golfe de l’invasion de l’Iran ; en effet, ces trois petites îles sont revendiquées par les Emirats Arabes Unis et n’ont jamais appartenu à l’Irak. De plus, le Rais irakien espère provoquer le soulèvement de la province arabophone du Khuzestan à son profit.

Profitant des balbutiements de la révolution islamique, Saddam Hussein entend tirer parti de la désorganisation de l’armée iranienne occupée à d’autres tâches et en pleine organisation après le départ en exil ou l’exécution des généraux du régime impérial. Du coté irakien, cette guerre portera le nom de Qadissiyah de Saddam en souvenir de la bataille qui opposa les armées arabes aux combattants perses de la dynastie sassanide. Pour les Iraniens, elle deviendra la guerre imposée (jang e tahmili)

Les Etats-Unis et quelques pays européens ont été informés de l’invasion ira­kienne et soutiennent l’initiative du Rais irakien ; en effet, les dirigeants américains redoutent les effets secondaires de la révolution iranienne et voient également dans l’invasion irakienne un bon moyen de reprendre leur main mise sur le pétrole ira­nien.

La guerre, en principe, ne doit pas durer plus de 30 jours ; en réalité, le conflit s’étendra sur plus de 100 mois.

L’aviation irakienne est équipée de mirages français et de migs russes tandis que les Iraniens disposent de 330 avions américains sur lesquels pèse désormais l’em­bargo qui interdit la livraison de pièces détachées. Avec l’accord de Ronald Reagan et sur proposition de Donald Rumsfeld, la France livre à l’Irak quatorze kilos d’ura­nium enrichi destinés à la centrale nucléaire d’Osiris qui sera ultérieurement bom­bardée et anéantie par les chasseurs phantoms israéliens.

Pendant les neuf premiers mois du conflit, l’armée iranienne subit de nombreux revers, à commencer par l’occupation du grand port de Khorramshar.

Contrairement aux idées reçues, les motifs de l’invasion irakienne ne reposaient pas sur des fondements aussi simplistes que l’opposition entre sunnites irakiens et shiites iraniens mais beaucoup plus sur l’ambition de Saddam Hussein de s’appro­prier les 1200 kilomètres de rives iraniennes alors que l’Irak n’avait qu’un accès réduit à la mer. Ce faisant, il espérait s’arroger le droit de blocage du détroit d’Hor-muz et contrôler le flux du pétrole qui approvisionne l’Europe, le Japon et les Etats-Unis. Il se trouve, de plus, que la réalité géographique a donné à l’Iran la presque totalité des îles ou îlots qui commandent l’entrée et le trafic maritime du Golfe Persique : Queshm, Hormuz, Larak, Lavan, la grande Tonb, la petite Tonb, Abou Moussa, Kish, Hendorabi, Forur, Bani Forur, Jabrin, Nakhilu, Ummmal Karam, Bunneh, Dara, Kharg, Khargu, Minoo, Qabr e Nakhoda sans oublier le grand port de Chabahar qui commande directement l’extrémité de la corne de l’Afrique.

Le conflit s’enlisa après la prise et l’occupation de Khorramshar par l’armée irakienne et il fallut près de trente mois pour que les Iraniens puissent reprendre la ville et la libérer définitivement le 24 Mai 1982 après 574 jours d’occupation irakienne. Les Etats-Unis et l’Europe exigèrent un cessez-le-feu immédiat qui fut accepté par les irakiens mais rejeté par l’Iran qui s’estimait agressé et envahi. Le gou­vernement iranien refusa les offres et compensations financières énormes qui ac­compagnèrent la proposition. La guerre sainte allait désormais commencer et durer de plus de six ans. L’Irak de Saddam Hussein dût alors faire face à l’intransigeance iranienne et la communauté internationale décida de fournir au Rais irakien tous les éléments nécessaires à une hypothétique victoire. Saddam Hussein redéploya ses troupes et la stratégie de ses généraux reposa sur une progression basée sur trois axes principaux :

Qasr E Shrin au Nord, Mehran au centre, Susangerd et Khorramshar au sud.

L’armée irakienne ne parvint jamais à pénétrer plus avant dans le territoire ira­nien.

Les forces en présence :

Irak                   330.000 Hommes

2200 Chars, 3000 Blindés légers, 75 Migs russes, 80 Mirages français.

Iran 730.000 Hommes

2000 CHARS, 2200 Blindés légers, 330 Avions de combat américains, 255 F4D équipés de missiles sparrow et sidewinter, 80 F 14 Grunman Tomcat chargés de missiles phœnix, 214 hélicoptères Bell, 3 sous marins d’origine russe. Les forces aériennes iraniennes furent contraintes de former d’urgence de nouveaux pilotes car tous les « top guns « de l’ancien régime avaient été limogés ou étaient partis en exil. Sur les 100 pilotes formés aux Etats-Unis sur les F14 Grunman, seuls les majors Reza Attai et Sharam Rostami furent conservés par le nouveau régime.

Les approvisionnements en armes et munitions attirèrent la cupidité de nom­breux pays qui se chargèrent de livrer les deux belligérants : la Syrie et la Lybie four­nirent l’Iran tandis que l’Irak était approvisionné par la France, l’URSS, l’Egypte et la Chine.

Sur le plan financier, la répartition des livraisons d’armes à l’Irak en 1985 se matérialisa de la façon suivante : URSS 17 Milliards de dollars, France 5,5, Chine 1,8, Égypte 1,7.

Devant l’importance des enjeux financiers, les Etats-Unis acceptèrent également de livrer les deux armées, provoquant un énorme scandale, l’Irangate. Le gouverne­ment américain livra ainsi plus de 1000 missiles TOW à l’armée iranienne. La par­ticipation de l’armée américaine à cette guerre fut beaucoup plus importante qu’on ne pense ; en effet, à la demande de ses alliés arabes, les États-Unis déployèrent une importante armada dans le Golfe Persique :

2 destroyers lance missiles, 3 frégates lance missiles un croiseur lance missiles.

Sur le plan financier, la guerre a coûté 300 milliards de dollars à l’Iran. Le nom­bre de victimes s’éleva à 1.200.000 personnes, 700.000 du côté iranien et 500.000 pour l’armée irakienne.

On assista à des scènes surréalistes que bien des responsables occidentaux eurent du mal à comprendre : en 1985, les Irakiens interceptèrent près de 80 chars Chieftain iraniens tandis que ces derniers capturèrent plus de 90 chars T62 enne­mis. Les commandants des deux camps décidèrent d’instituer un cessez le feu de dix jours pour permettre l’échange de leurs matériels respectifs de façon à cannibaliser les pièces détachées et faciliter la remise en marche d’une partie de leurs chars. Quand les opérations de cannibalisation furent terminées, les responsables rétabli­rent le contact et le combat reprit de plus belle…

En 1987, l’Iran lança les opérations Kerbala 5 et 6 qui provoquèrent des pertes énormes sans pour autant désigner un vainqueur. L’Iran prit le contrôle du Golfe Persique mais les américains offrirent leur pavillon à certains Etats du Golfe de façon à sécuriser le flux du pétrole destiné aux Européens, au Japon et aux Etats-Unis.

La province du Kurdistan a particulièrement souffert des attaques de l’armée de Saddam Hussein à la fois en raison de sa proximité géographique et de la haine farouche que le Rais irakien vouait à la population kurde. Il suffit de se souvenir de l’abominable massacre d’Halabja en mars 1988 quand les mirages irakiens lestés de bombes chimiques bombardèrent cette petite ville de 70.000 habitants, faisant en l’espace de deux minutes plus de 5000 victimes dont 2800 enfants de moins de cinq ans. Halabja porte aujourd’hui le nom de « petite Hiroshima » (Hiroshima e kutchik)

La première attaque à l’arme chimique fut fomentée par l’armée irakienne contre la ville de Sardasht le 28 juin 1987. Nousheh et Halamsheh furent également gazées et détruites par les mirages irakiens. Toutes ces attaques à l’arme chimique furent préparées et ordonnées par un cousin de Saddam Hussein Ali Hassan Majidi dit « Ali le Chimique ». Cet homme, jugé responsable de la mort de plus de deux cent mille personnes, a été condamné à mort le 26 juin 2007.

Un décret de Saddam Hussein daté du 29 Mars 1987 décida la mise en œuvre de la solution finale pour la population kurde. Le 3 Juin 1987, Ali le Chimique signa l’ordre de mise en application du décret 28/3650 qui prévoyait l’éradication totale de 1000 villages kurdes. Le texte était ainsi rédigé : Toute fourniture de nour­riture ou de machines vers des villages prohibés est totalement interdite ; les forces armées ont ordre de tuer tout être humain ou animal présent dans ces zones.

Qala Diza, une ville de plus de cent mille habitants, fut totalement rasée.

Le 28 Février 2008, l’assemblée nationale irakienne confirma la condamnation à mort d’Ali Hassan Majidi et la petite ville martyre d’Halabja fut désignée pour l’application de la sentence.

Vingt ans après la fin des hostilités, on estime à 80.000 le nombre des victimes iraniennes tuées par le gaz moutarde et autres armes chimiques. Un ressortissant hollandais Franz Van Araat, ami personnel de Saddam Hussein, fournit de grosses quantités de TDG américain, de gaz sarin, taburin et cyclosarin à l’armée irakienne. Reconnu et jugé comme criminel de guerre, l’homme fut condamné à une peine de 17 ans de réclusion.

Le 3 Juillet 1988, un croiseur américain USS VINCENNES abattit délibéré­ment un airbus d’Iran Air au large de Dubaï. Deux cent quatre vingt dix passagers iraniens trouvèrent la mort et il fallut plus de quinze ans pour que les Etats-Unis reconnaissent l’agression et dédommagent les familles des victimes.

Le 18 Juillet 1988, l’Ayatollah Khomeiny, sur les conseils et les pressions du commandant en chef des forces armées iraniennes, Ali Akbar Rafsandjani, accepta le cessez-le-feu et l’Irak décida de revenir aux accords d’Alger de I975. Après huit ans d’une guerre acharnée et particulièrement meurtrière, l’armée irakienne fut condamnée à quitter le territoire iranien. Saddam Hussein prit le temps de recons­tituer son arsenal avant d’envahir le 2 Août 1990, le Koweït pour essayer de réussir sur la rive arabe du Golfe Persique ce qu’il n’avait pu réaliser sur la rive iranienne.

 

Le cinéma de guerre

A l’instauration de la République Islamique d’Iran, la situation du cinéma ira­nien se dégrada très sensiblement et de nombreux cinémas furent mis à sac. Un très grave incendie ravagea le cinéma Rex d’Abadan en Août I978 pendant la projection du film de Massoud KIMIA’I Les Cerfs. La population, traumatisée par cet événe­ment, se mit à redouter la répétition de ce genre d’attentat.

Plus de deux cents salles furent détruites avant l’avènement de la République Islamique car elles représentaient aux yeux des nouveaux maîtres du pays le vérita­ble symbole de la corruption et l’occidentalisation du pouvoir impérial. Les princi­pales vedettes de l’époque furent interdites d’écran ou condamnées au silence ou à l’exil : Nasser Malek Motti, Poori Banai, Azar Shiva, Fardin, Googoosh, Forouzan, Miri, Beik Iman Verdi, Irene, Reza Fazeli, Behrouz Vossoughi.

Dès l’annonce de la mobilisation générale par le gouvernement iranien, le mi­nistère de la culture et le comité de propagande de la Dense sacrée sous la direction du futur président Khatami instituèrent une politique de production de films de guerre qui devait glorifier le courage des engagés, exalter leur héroïsme et induire la notion de martyr pour les soldats partis sur le front. Dans l’idéologie du cinéma de guerre iranien, il était important de démontrer que le conflit opposait un système de croyances qui redéfinissait la bataille de Kerbala où s’affrontèrent en l’année 680 les partisans shiites d’Ali (shiat e Ali) et les représentants de la mouvance arabe sunnite de la Moaviyya.

Un immense complexe cinématographique fut érigé près de la ville sainte de Qom afin de permettre aux réalisateurs de bénéficier de tous les moyens techniques, les décors et les matériels nécessaires à la réalisation de ces films de guerre.

Le codex cinématographique devait donc définir de façon très précise les règles de la guerre en images :

Deux entités bien distinctes composaient les forces armées iraniennes : l’armée régulière (Artesh) et les gardiens de la révolution (Sepah E Pasdaran) un corps d’élites secondé par les bassijis ou mobilisés. Les films de guerre donnèrent un large avantage au corps des gardiens de la révolution dans la mesure où, avant d’être des héros sur le front, ils avaient déjà été les principaux protagonistes de la révolution is­lamique. Dans le corps des gardiens, il n’existait pas de héros isolé car l’armée devait donner l’image d’un seul homme dressé derrière la bannière de l’Islam shiite et son représentant sur terre, le guide suprême de la révolution, l’Ayatollah Khomeiny.

Les soldats de l’armée ne portaient pas la barbe et étaient équipés d’uniformes de bonne qualité alors que le bassij arborait une barbe de quelques jours, était vêtu d’un simple treillis et ne portait jamais de galon car il n’existait pas de grade dans l’armée des mobilisés. Un slogan les résumait : une armée, un seul homme, tous égaux devant Dieu, tous égaux devant la mort.

Le soldat iranien était donc dépeint sous la forme d’un homme simple, cou­rageux, religieux, prêt à donner sa vie pour la Guerre Sainte au nom de la défense sacrée de la patrie. Les combattants étaient coiffés du keffieh symbolisant la lutte du peuple palestinien contre Israël.

Leur cou était ceint d’une écharpe blanche qui, à l’origine, était le symbole de la pureté de celui qui la portait avant d’être maculée par le sang du futur martyr. La religion était omniprésente dans la vie du combattant iranien : son front était ceint d’un bandeau portant la mention Allah, le drapeau iranien était orné de l’em­blème de l’Islam et les sorties de tranchées se faisaient aux incantations de Allah O Akbar.

Au mois de Juillet 2007, le gouvernement iranien décida que le drapeau iranien ne serait plus jamais mis en berne car il porte dans son motif central une version stylisée du mot Allah et les cinq parties de l’emblème représentent les cinq piliers de l’Islam.

Dans le codex cinématographique de l’époque, l’officier irakien était défini se­lon des normes très précises : rasé de près, coiffé d’un béret rouge à l’image de celui qu’arborait Saddam Hussein quand il se rendait sur le front, mais dont la cou­leur symbolisait également le sang des futurs martyrs iraniens. Les officiers irakiens étaient en général dépeints sous l’image de tortionnaires tant envers les prisonniers iraniens qu’envers leurs propres soldats manipulés par le pouvoir baas irakien et victimes de Saddam Hussein et de sa haine viscérale envers l’Iran. Les jeunes en­gagés irakiens, en particulier les shiites et les kurdes, étaient souvent mal armés et considérés comme de la chair à canon destinée à freiner les avancées iraniennes.

L’ennemi irakien, à part les soldats de la conscription, était toujours équipé d’armes ultramodernes car elles étaient fournies par les puissances occidentales qui soutenaient l’Irak. Encore une fois le cinéma de guerre fut obligé de recourir à des subterfuges pour faire passer les scènes de violence dans lesquelles intervenaient des femmes : ainsi le viol n’était jamais montré à l’écran mais « suggéré » par l’arrachage du voile et les cris off~ de la victime. Ces scènes de violence furent particulièrement utilisées dans les films consacrés à l’invasion de la ville de Khorramshar par les forces spéciales irakiennes. De nombreuses femmes furent violées, énuclées puis décapitées par les soldats irakiens qui voulaient, par ces scènes d’horreur, obliger les habitants à quitter la ville.

 

Les trois maîtres du cinéma de guerre iranien sont incontestablement :

Morteza Avini, mort au champ d’honneur et qui servira de référence à tous les réalisateurs iraniens.

Rassul Mollaqolipour, engagé volontaire sur le front, il filma l’invasion de Khorramshar par les hordes irakiennes. Il devint par la suite un réalisateur très prolifique et signa une bonne quinzaine de films.

Ebrahim Hatami Kia, ancien assistant d’Avini, réalisa plusieurs films qui figu­rent parmi les plus remarquables de cette guerre reconnue comme une des plus san­glantes du vingtième siècle : L’Immigré, L’Éclaireur, L’Union des Bons, De Kharkeh au Rhin, Les Cendres Vertes, L’Agence de Verre, Basse Altitude, Au Nom du Père ; au total, plus de 250 films de guerre virent le jour dans les studios iraniens.

Mais, au même titre que les cinéastes et écrivains italiens surent et osèrent trans­gresser la portée du film de guerre (Dino Risi, Mario Monicelli, Curzio Malaparte), des cinéastes iraniens, et non des moindres, utilisèrent ce vecteur pour faire passer un autre message. Ainsi, Kamal Tabrizi avec le magnifique « Leyla est Avec Moi » tout comme le chef-d’œuvre de Bahram Bezai « Bashu le Petit Étranger » acclamé dans le monde entier.

Il est également intéressant de noter la production d’un film iranien sur les « malgré nous » comme les Alsaciens de France déplacés de leurs villages en 1914 et 1940, Un endroit pour vivre de Bozorg Nia. Il est amusant de signaler que dans certains films de guerre iraniens la partition de la chanson française « En Passant par la Lorraine » fut utilisée par certains réalisateurs iraniens car elle représentait le type même de la musique militaire. De plus, elle illustrait et soulignait les attaques irakiennes et son origine française lui conférait le statut de musique occidentale issue d’un des pays qui soutenaient l’Irak.

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