La langue française dans le monde arabe : une multitude de francophonies ?

Maxime NOTTEAU

Doctorant en géopolitique à l’Université Panthéon-Assas (Paris II), auditeur IHEDN-jeunes.

2eme trimestre 2012

La francophonie est plurielle, tant dans ses acceptions que ses acteurs. Méconnue, elle est pour­tant un formidable outil de développement moral et humain, depuis longtemps installé au sein du monde arabe. Consacrée dans la période postcoloniale, la francophonie continue cepen­dant de susciter le débat. Alors, à l’heure où le monde arabe est confronté à un bouillonnement jusqu’alors inconnu quelle est la place et le rôle de la langue et de la culture française au Maghreb et au
Machrek ?

French language in the Arab world: a multitude of «French-speaking» expériences?

The word «francophonie » or French-speaking includes numerous meanings and motivations. It is not yet well known but represents nevertheless a formidable moral and human development tool and has been present in the Arab world for many centuries. Although sanctioned and honored in the post-co­lonial period, «francophonie » continues to generate the debate. Thus, as the Arab World is confronted with an unprecedented seething time, what is the place and the role forthe French language and culture in the Maghreb and the Machrek?

« La langue française est langue d’Etat, la seule propre aux grandes affaires »

Dans une période d’incertitude majeure, de crise financière et politique – tout particulièrement dans l’Europe des 27 – de troubles sécuritaires, de crispations identitaires, au moment où les problèmes se règlent de manière mondialisée, glo­bale, et à l’heure où nous venons d’élire un nouveau Président de la République, quel message la France souhaite-t-elle véhiculer ? Quel cap, se propose-t-elle de suivre pour elle mais également pour la communauté internationale ?

Le message français est connu universellement. Cette universalité en est l’un des traits caractéristiques. Ce message est connu de longue date et n’a que peu évolué depuis l’avènement de la Ve République et la rupture tant annoncée par Nicolas Sarkozy, avec le consensus observé depuis 1958, n’a en réalité pas été totalement consommée[1].

Un élément reste cependant immuable qui est le vecteur de ce message et de la culture française, et ce vecteur n’est autre que la langue française. Une langue qui avant même d’être véhicule de la pensée, porte déjà en elle un humanisme, une vision, une traduction particulière du monde.

Aujourd’hui, les quelque 65 millions de Français métropolitains, d’outre-mer ou expatriés ne sont pas les seuls à avoir ce bien en partage. 220 millions de per­sonnes peuvent en effet s’enorgueillir de partager tout autour du monde, la langue de Molière. L’une des six langues officielles et une des deux langues de travail de l’ONU, la langue officielle de 29 États, la deuxième langue la plus enseignée dans l’UE, la sixième langue la plus parlée dans le monde[2].

La langue de Léopold Sédar Senghor également. Lui, le premier africain à avoir siégé à l’Académie française et pour qui la francophonie était : « cet humanisme inté­gral, qui se tisse autour de la terre. »[3]

Mais si la langue française est vivante sur les cinq continents, c’est au sud de la Méditerranée que se joue sans aucun doute son avenir. Berceau de la Francophonie institutionnelle, l’Afrique – et en particulier l’Afrique du Nord – est aujourd’hui un bastion de la langue française. Et c’est au sein même des pays arabes[4] membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) que l’on rencontre le plus grand nombre de locuteurs français en dehors de l’Hexagone.

C’est également au sein de cette zone que s’opèrent actuellement des change­ments politiques spectaculaires aux implications sociales, économiques et sécuri­taires de premier ordre.

Alors, à l’heure où le monde arabe est confronté à un bouillonnement jusqu’alors inconnu quelle est la place et le rôle de la langue française ? Que peut apporter la francophonie géographique mais également institutionnelle à cet espace traversé d’aspirations démocratiques ?

La France et le monde arabe se sont rencontrés il y a bien plus de deux cents ans et n’ont eu de cesse depuis lors d’échanger, et de partager. Si les liens établis de longue date entre ces deux entités se sont vus consacrés dans la période post­coloniale – tout spécialement au Maghreb – ils sont avant tout le fruit d’un intérêt culturel réciproque.

De nos jours, le désir de France est toujours vivant et démontre toute l’oppor­tunité de la présence et de l’utilisation de la langue française dans le monde arabe. Il convient de le démontrer en soulignant ce qu’est, ce qu’a été et ce que pourrait être la francophonie dans le monde arabe.

En somme, et pour paraphraser Maurice Druon, il convient de montrer que « la francophonie est une géopolitique ».

Non pas une, mais plusieurs francophonies.

Il existe non pas une mais des francophonies. La francophonie est un concept polymorphe du point de vue sémantique et des niveaux d’action – de la sphère privé à la sphère institutionnelle. Cette multiplicité de dimensions rend parfois le terme obscur. C’est là, un avis partagé par le Conseil économique, social et environne­mental (CESE) dans un rapport en date de juin 2009[5] : «la polysémie des termes francophone et francophonie contribue à rendre le discours sur ce sujet ambigu, souvent peu compréhensible et la francophonie peu populaire. »

La première définition du vocable francophonie est établie par Onésime Reclus à la fin du XIXe siècle. Le géographe qualifie alors de francophones « tous ceux qui sont ou semblent destinés à rester ou à devenir participants de notre langue ». Une désignation qui englobe donc les locuteurs qui utilisent le français dans leur vie sociale, administrative et professionnelle[6]. Cette acception correspond au sens lin­guistique du mot francophonie tel que défini plus tard par Xavier Deniau[7].

Sur ce point, on se référera au Professeur Jacques Barrat qui dans son éditorial a cru bon de reprendre les différentes approches et acceptions de la francophonie et de la Francophonie[8] en faisant référence plus particulièrement à l’ouvrage de Xavier Deniau.

Par ailleurs et c’est là encore, une preuve de toute la multiplicité de la franco­phonie, comme l’indique le rapport du CESE précédemment évoqué, on distingue trois types de pays avec un niveau de rattachement différent à la francophonie ins­titutionnelle :

  • les pays ou régions où le français est langue maternelle
  • les pays ou régions où le français est langue officielle ou langue seconde[9]
  • les pays où le français est langue étrangère.

Cette dernière catégorie regroupe essentiellement des pays d’Europe centrale et orientale (PECO) qui ont fait le choix d’adhérer à la francophonie et à ses valeurs[10]. Cette « francophonie choisie » est donc bien plus politique qu’induite par des acquis historiques puisque l’enseignement du français est dans ces pays, largement plus faible que celui de l’anglais ou bien encore de l’allemand et du russe.

« Le français n’est pas une langue étrangère »[11]

Il est intéressant de constater que l’Europe et le monde arabe présentent à ce jour un nombre similaires d’apprenants du français. 27,2 millions pour la première, 26,4 millions pour le second. Un élément souligne pourtant la différence entre cette région – et particulièrement à l’Est où s’exprime depuis peu un « désir de France » -et la rive sud de la Méditerranée au contact de la langue de Voltaire depuis des siècles.

Entre 2007 et 2010, le nombre d’apprenants du français a évolué de 12,6% dans la région Afrique du Nord/Moyen-Orient tandis qu’il reculait de 7% en Europe[12].

En Europe et hors du groupe France, Suisse, Belgique et Luxembourg, c’est en Roumanie que l’on trouve le plus grand nombre de francophones (de 16 à 35% de la population). Dans le reste des PECO, les francophones représentent à quelques rares exceptions près, de 5 à 15% de la population et dans la majorité des cas,
moins de 5%.

En comparaison, ils sont plus de 60% en Tunisie et en Algérie, de 36 à 60 % à Djibouti, de 16 à 35% au Maroc et au Liban, de 5 à 15 % en Mauritanie et ne sont plus que 5 % en Egypte.

Au sein du monde arabe, la Tunisie fait figure de leader en terme de francopho­nie. Le français a depuis très longtemps le statut de deuxième langue officielle après l’arabe et son enseignement y est même obligatoire depuis 1991[13]. Les élèves tuni­siens découvrent donc le français dès l’âge de huit ans et poursuivent son appren­tissage jusqu’au baccalauréat. Au lycée, le français est langue d’enseignement des matières scientifiques, techniques et économiques. Il en va de même à l’université[14]. L’enseignement technique et professionnel public se fait en français, quant à l’ensei­gnement privé, le français y domine outrageusement l’anglais ; il est par ailleurs la seule langue véhiculaire pour le cycle supérieur.

Aujourd’hui, cet idiome domine les échanges dans le domaine privé et concur­rence l’arabe dans l’administration.

Tout comme en Tunisie, au Maroc, le français jouit d’une place privilégiée dans le paysage linguistique et est synonyme de modernité. Depuis l’indépendance, le français n’a en réalité jamais vu son statut juridique défini. Si l’arabe est considéré comme langue officielle du pays, le français le concurrence dans l’administration, dans l’éducation et s’est établi comme langue des échanges économiques. Là encore, il est largement perçu comme conférant à ses locuteurs un certain prestige et fait office d’ascenseur social. Aussi est-il devenu un outil de travail privilégié voire indis­pensable dans la vie économique et financière.

Depuis 1987, le français est enseigné au titre de première langue étrangère à raison de quatre heures par semaine – comme l’anglais – à la différence près, qu’il est l’unique langue véhiculaire utilisée pour l’enseignement supérieur scientifique, technique et social.

La situation du français en Algérie est plus complexe bien que 60% des Algériens soient francophones. Malgré une vaste politique d’arabisation de la société lancée par un pouvoir cherchant à effacer les reliquats de l’ancienne puissance coloniale, la langue arabe « y est souvent mal parlée et peu ou mal écrite »[15]. Si les relations entre Paris et Alger se sont détendues, l’Algérie reste le seul grand pays francophone à afficher sa non-adhésion à l’OIF.

Enseigné comme langue étrangère au même titre que l’anglais, le français est cependant toujours appris de l’école primaire au baccalauréat et reste la première langue d’enseignement des matières scientifiques à l’université.

La presse francophone algérienne est par ailleurs la plus dynamique en dehors de l’Hexagone puisque l’on dénombre pas moins de quinze quotidiens en langue française.

Quant à la Mauritanie, le français y incarne avant tout la langue des élites intel­lectuelles. 5 à 15% de la population utilisent toujours cet idiome pour leur infor­mation. Les journaux français constituent « l’essentiel de la presse indépendante du pays »[16].

 

Le français, un vieil ami du Machrek

La francophonie est une des principales composantes de la culture libanaise et même après les terribles années de guerre, le Liban constitue toujours un avant­ poste du français au Proche-Orient. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le neuvième sommet de la Francophonie[17] s’est tenu pour la première fois en terre arabe, dans la capitale libanaise, avec pour thème le dialogue des cultures.

Preuve de cette pluralité, il se développe aujourd’hui au Liban un trilinguisme arabe-français-anglais. Trilinguisme que le gouvernement libanais a appelé de ses voeux dans un document officiel de 1994 intitulé : « la restructuration du système éducatif libanais »[18].

L’enseignement du français est majoritairement assuré par les écoles privées ca­tholiques. Le secteur public ne le néglige pas pour autant puisque son enseignement est assuré dès l’école primaire.

A l’instar du Maghreb, au Liban, les matières scientifiques sont enseignées en langue étrangère, le français devance sur ce point l’anglais, même si ce dernier connaît une expansion significative dans toutes les directions.

Dans le domaine de l’enseignement supérieur, les trois universités francophones que sont l’Université libanaise, l’Université Saint-Joseph de Beyrouth et l’Université Saint-Esprit de Kaslik, jouissent d’une renommée particulière et ne déméritent pas face aux établissements anglophones telle que l’Université américaine de Beyrouth.

Si l’enseignement du français a très longtemps été tourné vers la communau­té chrétienne – majoritaire – il s’ouvre de plus en plus à la communauté chiite. Sur ce point, il faut préciser qu’aucun recensement n’a été effectué depuis 1932. Pour autant, il ne fait plus guère de doute, que les chiites constituent aujourd’hui la première communauté libanaise. Nombre de Libanais expatriés issus de cette communauté travaillent en Afrique de l’Ouest et portent donc une attention toute particulière à l’apprentissage du français pour pérenniser leurs rapports avec les francophones locaux.

Enfin, dans les médias la parole francophone tend à décliner quelque peu. Le quotidien LOrient-Le Jour incarne toujours la référence médiatique pour les élites francophones mais la multiplicité des titres arabophones isole l’information en langue française.

Quant à l’Egypte qui a longtemps été la tête de pont de la francophonie en Méditerranée, il est aujourd’hui difficile de recenser le nombre de francophones dans la population. Une fois encore, la population – surtout les jeunes – perçoit le français comme le moyen de se démarquer socialement. « Plus sélect»[19] que l’anglais, le français est une voie d’accès à la modernité et non plus seulement le vecteur d’une richesse culturelle singulière. Moins orienté « business »[20] que la langue de Shakespeare, le français attire également une proportion plus grande de filles.

Avant la prise de pouvoir de Nasser, les périodiques français étaient légion – plu­sieurs dizaines au Caire et à Alexandrie. Il est désormais impossible pour le lecteur francophone de retrouver la même offre. Noyées dans la masse des titres anglo­phones et arabophones, il subsiste deux à trois publications en langue française que le lecteur courageux pourra trouver dans les quartiers bourgeois.

Concernant enfin, le reste du monde arabe, c’est à dire la Syrie, la Palestine, l’Irak ainsi que la péninsule arabique, il va sans dire que l’influence anglophone est de plus en plus pressante à mesure que s’éloigne la côte levantine.

Comme au Liban, la diffusion du français s’est opérée par la scolarisation des communautés chrétiennes – et ce de manière non exclusive à l’égard des non-chré­tiens – mais n’a jamais atteint un niveau similaire à celui du pays des cèdres.

En Syrie, depuis 2003, le français est enseigné comme « seconde langue étrangère obligatoire dans tous les établissements publics à partir de l’équivalent de la classe de cinquième en France »[21] et hormis à Alep, c’est désormais l’anglais qui officie en première position.

En Irak, ancien allié de poids de la France au Moyen-Orient, il faut faire preuve de ténacité pour retrouver des francophones.

A l’instar des chrétiens irakiens, nombreux sont les chrétiens de Palestine à avoir émigré et ainsi entraîné une baisse drastique du nombre de francophones en Terre Sainte.

La Jordanie et les pétromonarchies étant historiquement liées à la Grande-Bretagne, la francophonie ressort essentiellement de la présence de travailleurs fran­cophones expatriés, au premier rang desquels, les membres de la diaspora libanaise.

C’est avant tout en s’intéressant au domaine culturel que l’on rencontre le « plus de France ». C’est en effet à Abou Dabi – plus puissant émirat des EAU – qu’a été inaugurée le 18 novembre 2006, l’Université Paris-Sorbonne-Abou Dabi.

Etablissement émirati, la langue de travail du personnel est comme dans toutes les entreprises du pays, l’anglais. Le français reste cependant la langue d’enseigne­ment principale.

Autre illustration de cette francophonie de prestige, l’implantation du Louvre Abou Dabi dans le « district culturel » établi sur l’île de Saadiyat[22].

Comme le note Yves Montenay : « si cela est une excellente chose pour le standing du français, l’impact doit en être relativisé par les implantations beaucoup plus impor­tantes de leurs homologues anglophones »[23].

En effet, dans la bataille culturelle engagée depuis quelque temps au Moyen-Orient, la France a certes de nombreux atouts à faire valoir, mais elle n’en reste pas moins en retrait par rapport aux anglophones qui sont porteurs d’une vision de la mondialisation et donc de la culture, bien différente de celle que prônent les francophones.

 

La francophonie est un fait culturel avant d’être un fait colonial

Si l’implantation de prestigieuses institutions culturelles françaises aux Emirats arabes unis ressort avant tout de considérations diplomatiques, elle traduit cepen­dant une réalité historique. C’est en premier lieu par la voie de la culture et non par celle des armes que la France s’est imposée dans le monde arabe et plus précisément au Levant.

Qu’est-ce qui peut mieux attester de la précocité des liens entre les deux extré­mités du « mare nostrum » que l’échange de cadeaux et de correspondances entre Charlemagne et Hâroun al-Râshid ? Cadeaux parmi lesquels la légende veut que le calife abbasside offrit à l’empereur carolingien, un éléphant blanc d’Asie prénommé Abul-Abbas et qui fut logé à Augsburg… en Bavière du Sud.

En tant que première puissance catholique du monde, la « fille aînée de l’Église » se devait de tourner son regard vers une région où se trouvent les lieux saints de la Chrétienté. Ensuite il faut remarquer que de par sa position géographique, la France est une puissance méditerranéenne. Afin d’établir des relations commer­ciales, les commerçants et armateurs français, notamment de Marseille avaient tout intérêt à se tourner vers l’Orient.

« L’éléphant blanc » n’était qu’un présent parmi d’autres adressé par Hâroun al-Râshid à l’empereur carolingien. Il ne fût pas le seul, ainsi Charlemagne se fît-il offrir les clefs de Jérusalem par ce même calife. Jérusalem reprise en 1099 à la suite d’une entreprise ô combien marquée par la main française, les croisades. Cette reconquête militaire et religieuse des lieux saints a eu pour conséquence la diffusion de la culture française par l’intermédiaire des aristocrates et souverains nouvelle­ment installés sur les terres alors récemment reconquises, et ce pendant près de deux siècles.

Plus encore, les « capitulations de l’Empire ottoman » vont permettre à François Ier de conclure une alliance stratégique avec la puissance musulmane. Rencontrant en la personne de Soliman le Magnifique un précieux allié contre la maison de Habsbourg, le souverain français obtint par ses diverses capitulations établies dès 1536, un véritable monopole sur le commerce maritime avec les ports de l’Empire ottoman et se vit confier la garde des lieux saints. Ces diverses capitula­tions dureront jusqu’à l’établissement de la république de Turquie en 1923.

C’est peu après l’établissement des « capitulations », au cours du XVIIe siècle, que les premières congrégations religieuses s’installent au Liban et fondent des écoles où sont dispensés les premiers enseignements en arabe, en italien et en français.

L’arrivée des premiers soldats français au Liban est postérieure à la « Grande guerre ». Et si Napoléon III envoie non sans arrière-pensée – la « Question d’Orient » bat alors son plein – un corps expéditionnaire mettre fin aux violences entre chré­tiens et druzes qui embrasent la Montagne libanaise en 1860, rappelons nous bien que les Capucins, les pères Carmes, les Jésuites puis les Lazaristes ont pris en charge l’instruction des Libanais – laquelle devient gratuite pour les filles et les garçons en 1736 – depuis déjà plus de deux siècles. Il y a bien là un fait autrement plus culturel que colonial.

Le « voyage en Orient » qui devient l’un des sujets favoris des écrivains et poètes romantiques français, de Lamartine à Nerval en passant par Chateaubriand, est encore une illustration de cette fascination culturelle.

Le cas de la « francophonisation » de l’Egypte est tout aussi éloquent. La cam­pagne d’Egypte, entreprise militaire initiée en 1798 par Bonaparte pour barrer la route des Indes orientales aux Anglais, se double en effet d’une expédition scienti­fique. Le général français amènent avec lui, ingénieurs, mathématiciens, géologues, botanistes, et historiens – lesquels vont fonder l’Institut d’Egypte – afin de « recueil­lir le plus grand nombre de connaissances sur ce pays, et de promouvoir ainsi les sciences tout en développant des projets agricoles et industriels »[24].

A la suite de Bonaparte, c’est le vice-roi d’Egypte Méhémet Ali, qui pérennise l’influence française et fait de l’Egypte, le phare de la culture et par la même de la francophonie méditerranéenne et ce avant même la naissance du Liban.

Peu avant la colonisation britannique[25], le règne du khédive Ismail, petit-fils de Méhémet Ali, est considéré comme le temps du mimétisme absolu avec la France.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’institution du protectorat par la Grande-Bretagne n’a pas ébranlé la classe supérieure égyptienne francophone – les « pharaons » – composée « des Français, mais aussi de très nombreux Grecs et Libanais, et bien sûr des notables égyptiens coptes ou musulmans »[26]; lesquels « allaient jusqu’à imaginer que le français devienne la deuxième langue officielle de l’Egypte »[27].

 

La colonisation, une période de francisation paradoxale

Si au Machrek, le français tenait avant tout le rôle de langue d’ouverture, de culture, de science, il sert au contraire au Maghreb à effacer l’autre, à le déculturer puis à l’acculturer de manière brutale.

Il est paradoxal de constater qu’au cours de la période coloniale, la scolarisation des musulmans était en réalité très limitée. Plus encore, les contacts entre musul­mans et Pieds-noirs n’ont fourni aux populations autochtones qu’une connaissance orale du français. Craignant de se voir submergés par les musulmans, les colons ont parfois bloqué les réformes qui eussent permis de sortir les autochtones de leur statut de citoyens de second-rang. De fait, les lois de Jules Ferry n’ont pas été appliquées à l’Algérie à l’exception de la Kabylie « qui, échappant au blocage intercommunautaire a été partiellement scolarisée »[28].

L’officialisation du français au détriment de l’arabe – mais également du berbère notamment au Maroc et en Algérie – a donc eu un effet assez singulier. D’une part, il a freiné la francisation des autochtones mais en même temps il leur a montré que la langue française détachée de l’usage qu’en faisait le colon, devenait une arme précieuse et qu’elle recouvrait en cela toute sa valeur morale et culturelle. D’où la célèbre formule du poète algérien Kateb Yacine : «j’écris en français pour dire aux Français que je ne suis pas français ».

Au Maroc et en Tunisie, les rapports avec la puissance française sont bien dif­férents. La forme même de la domination exercée par la France est différente. Il s’agit de protectorats et non de colonies. Si l’officialisation du français plonge les autochtones dans un malaise similaire à celui des Algériens, les rapports entre la langue française et les Tunisiens et Marocains vont au final se révéler beaucoup moins passionnés.

 

La décolonisation, la consécration de la francophonie au Maghreb

C’est au milieu des années cinquante que va s’opérer le transfert du centre de gravité de la francophonie arabe. Celui-ci glisse en effet du Machrek vers le Maghreb.

A la faveur de l’arrivée de Nasser aux commandes de l’Egypte, la classe diri­geante bourgeoise est remplacée par des fonctionnaires et des militaires nationa­listes arabophones. Un premier coup est ainsi porté aux « pharaons» puis un second en 1956 avec la nationalisation du canal de Suez et l’imbroglio politico-militaire qui s’en suit.

S’affichant aux côtés de l’ancienne puissance coloniale anglaise et de l’ennemi sioniste, la France venait de sceller le destin de ses partisans, lesquels n’étaient clai­rement plus en odeur de sainteté au Caire.

Parallèlement, l’influence française au Liban, indépendant depuis 1943[29], s’ef­face petit à petit au profit des États-Unis. En 1958, le président Camille Chamoun – que d’aucuns présentent alors comme un « pur produit des Anglais » – ouvre la porte du pays des cèdres aux Marines, lesquels débarquant à Beyrouth ne tardent pas à circonscrire les premiers incendies politiques et religieux qui déboucheront moins de vingt ans après sur une terrible guerre civile.

Dépassée par le conflit Est/Ouest qui prend alors tout son sens au Proche et Moyen-Orient, et se retrouvant confrontée aux velléités d’indépendance des popu­lations maghrébines, la France est obligée de réduire la voilure et de réorienter ses efforts au Maghreb.

Comme évoqué précédemment, c’est à la faveur de la décolonisation que va se trouver consacrée la francophonie au Maghreb.

Si l’on prend le cas de l’Algérie, l’indépendance est synonyme de départ pour les pieds-noirs, les francophones étrangers, et quelques harkis. Pour autant, si les membres du FLN désormais au pouvoir peuvent s’enorgueillir de rendre à l’Algérie son caractère arabo-musulman, c’est sans compter sur la présence d’une élite tech­nique et administrative formée à l’école française. Cette élite indispensable au bon fonctionnement de l’Algérie nouvellement indépendante va continuer d’utiliser le français qu’on lui a inculqué. De fait se rend-on compte en Algérie, au Maroc et en Tunisie – avec beaucoup plus de souplesse pour ces deux derniers pays – que le français est la langue de l’administration, de l’armée, de l’éducation…

Aujourd’hui la question linguistique ne fait plus débat en Tunisie ainsi qu’au Maroc. Le territoire tunisien est plus restreint, les communautés berbères beau­coup moins nombreuses, l’unité nationale plus forte, la scolarisation plus précoce et plus complète. La position géographique de la Tunisie de même que son ac­cessibilité en ont fait une terre beaucoup plus encline à saisir la diversité cultu­relle de la Méditerranée et les avantages que lui apportaient la proximité de la France. Il n’est dès lors pas étonnant de voir le président Habib Bourguiba se muer dans les années soixante en promoteur de la Francophonie institutionnelle. Une Francophonie synonyme de modernisation et d’ouverture pour son pays, qu’il appelait de ses voeux aux côtés de Senghor, Diori et Sihanouk.

Moins ouvert que la Tunisie, le Maroc a cependant su profiter d’une bonne entente continue avec la France et n’a pas été confronté aux nationalisations et à la socialisation de l’économie. À la faveur de la libéralisation économique intervenue à partir des années quatre vingt-dix et à l’afflux d’entreprises françaises, les autorités marocaines se sont retrouvées confortées dans leur choix de soutenir l’enseignement du français.

En Algérie, l’arabisation a servi à légitimer le pouvoir en place à grand renfort d’attaques contre l’ancienne métropole mais également à légitimer le projet poli­tique du FLN à l’intérieur du pays. On comprend donc aisément que la question linguistique reste sensible du côté d’Alger.

Aussi, tant que cette question demeurera une question politique et tant qu’à Paris et à Alger, on ne regardera pas de manière franche et honnête les 132 ans d’his­toire commune, il y a peu de chances de voir l’Algérie exprimer le voeu d’intégrer la Francophonie institutionnelle.

 

« Sans une réciprocité linguistique et culturelle fondée sur l’égalité des échanges, il n’y aura pas de dialogue
durable »[30]

Un demi-siècle après les indépendances, alors que le français est confortable­ment installé au Maghreb, que la Francophonie est devenue une réalité, il serait malvenu de céder à un optimisme béat.

A l’instar d’Ahmed Moatassime, des inquiétudes sinon des critiques s’élèvent à l’encontre du couple francophonie-monde arabe. L’auteur qui dans un ouvrage[31] écrit en 2001, se demande si un dialogue est possible entre les deux entités, avance une série de constats et de questions qui vont à l’encontre des autosatisfecit de l’OIF. Questions et constats qui, dix ans après sont toujours d’actualité.

En effet, se faisant fort de l’idée que « la Francophonie [était] née en dehors de France » et ne voulant ainsi pas être taxés de soutenir une nouvelle entreprise coloniale – fût-elle culturelle – les « gouvernements français ont souhaité rester à l’écart de ce mouvement dont les premières institutions ont été créées en 1970»[32]. Il faut ainsi attendre 1986, et l’organisation à Versailles – excusez le symbole – du premier sommet des chefs d’État francophones pour que soit officialisé l’engagement de la France dans la Francophonie institutionnelle.

Mais aujourd’hui, le « déficit de réciprocité et d’égalité des échanges dans la relation OIF-Monde arabe»[33] est tel que l’Europe du Nord-ouest apparaît sans mal comme la figure de l’Occident dominateur.

Il est obligatoire pour un enfant maghrébin d’apprendre le français alors que parallèlement – et sans même considérer les moyens pédagogiques dont nous béné­ficions – l’enseignement de l’arabe en France – alors qu’il est la deuxième langue la plus parlée dans l’Hexagone – reste d’une faiblesse considérable.

En 2009, 222 professeurs enseignaient l’arabe à seulement 6000 élèves, soit 0,1 % des effectifs, quand l’anglais en touche 97,9 % et l’espagnol 41 %[34]. Même l’apprentissage du russe est plus développé – 0,3 % – ce qui au regard de l’histoire récente et de la proximité géographique se justifie sans mal…

Doit-on préciser que dans les années soixante-dix, « 10 % des enseignants français [servaient] en dehors de nos frontières. Au Maghreb, ils étaient environ 20 000 ! »[35]

Face à cet écart entre l’offre[36] et la demande – environ 60 000 – nombreux sont les jeunes à se tourner vers des associations ou des mosquées où « la qualité de l’ensei­gnement n’est jamais contrôlée et qui, pour certaines [associent] un endoctrinement religieux incompatible avec l’épanouissement intellectuel d’un adolescent»[37].

Il y a encore lieu de critiquer la pratique française en demandant pourquoi la place faite aux écrivains francophones non-nationaux est aussi réduite.

Pourquoi après avoir cherché à exporter notre langue de par le monde, après nous être alarmés de la voir concurrencée par l’anglais, par le mandarin demain, après avoir trouvé des alliés pour la défendre, nous obstinons-nous à maintenir l’autre à l’écart ? Surtout lorsqu’il est issu de la rive sud de la Méditerranée[38] ?

« La langue française est à eux, elle leur appartient. Qu’importe, nous en avons chipé notre part et ils ne pourront plus nous l’enlever. Ils n’attendent pas moins que nous les en remerciions ». Ces propos tenus par l’écrivain algérien Mohammed Dib sont d’une tristesse affligeante mais traduisent sans mal la réalité.

Comment ne pas penser alors avec émotion à Camus – « ma patrie, c’est la langue française » ? Comment ne pas se dire en relisant la Promesse de l’aube, que Romain Gary – dont la mère avant même de s’installer en France avec son fils, l’avait déjà bombardé Ambassadeur de France – n’avait jamais eu d’autres aspirations que de devenir français ? Car pour lui, la liberté et la dignité humaine ne pouvaient s’expri­mer qu’en français.

La situation est d’autant plus triste que la domination du français dans l’ensei­gnement au Maghreb – qui ne ressort pas d’un choix comme pour l’enseignement au Liban – entraîne une baisse qualitative de la maîtrise de l’arabe littéraire qui se retrouve cantonné à la littérature et au domaine religieux – récitation du Coran.

Plus encore, le prestige social induit par la pratique du français – de même que la nécessité professionnelle – engage les maghrébins en renonçant à l’arabe à oublier une partie de leur culture. Mais « lorsque l’on a honte de soi, c’est la fin de la civili­sation ». Cet aphorisme d’Ibn Khaldoun bien que vieux de plusieurs siècles n’a en aucun cas perdu de sa véracité.

« La Francophonie renforce le poids de ceux qui ne pèsent pas lourd ». Oui, mais comment ?

La Francophonie institutionnelle est relativement jeune puisque telle que nous la connaissons – l’OIF et ses cinq opérateurs[39] – elle n’existe que depuis 1997. Plus encore, ce n’est que depuis 2002 et le sommet de Beyrouth, que la Francophonie s’est donnée les moyens de faire de la politique, « sa politique ».

En « petite ONU », son action porte sur la promotion de la langue française et de la diversité culturelle et linguistique ainsi que de la paix, de la démocratie et des droits de l’Homme, le soutien à l’éducation, à la coopération, au développement durable, à l’accès aux nouvelles technologies mais également à la place des femmes… L’OIF existe ainsi pour alerter, sensibiliser, tenter de contraindre la communauté internationale. Acteur diplomatique au niveau international, l’OIF se démarque dans le domaine du « softpower ».

Elle a ainsi eu un rôle prépondérant dans l’élaboration et l’adoption en 2001 de la Convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles[40].

C’est donc non sans une certaine ironie que l’on constate le décalage entre le discours de promotion de la diversité et son application réelle. À la différence du commonwealth, la Francophonie affiche une diversité beaucoup plus importante : géographique, politique, culturelle mais également économique.

Les trois thèmes récurrents du discours entre la Francophonie et le monde arabe que sont : les droits de l’Homme, la diversité culturelle et la mondialisation, pâtissent pourtant tous du « deux poids, deux mesures » des francophones « de nais­sance ».

Dans le domaine des droits de l’Homme, du développement de la société civile, notre « proximité » avec la Tunisie ou bien l’Egypte ne nous a à aucun moment permis de saisir le décalage entre les pouvoirs et leur société. Qu’a donc fait de sa vocation la Francophonie en se plaçant du côté des dirigeants plutôt que de la rue ?

Là encore, on peut sourire en entendant Ban Ki-moon féliciter l’OIF pour être prête à « unir ses forces avec celles de l’ONU et d’autres partenaires internationaux, tels que l’Union africaine, la Ligue des Etats arabes, l’Union européenne et l’Organisation de la coopération islamique, pour aider à faire progresser la gouvernance démocratique et le respect des droits de l’homme là où de telles transitions sont en cours. »

Le projet est ô combien louable, mais là encore se profile un nouvel écueil. L’action normative de la Francophonie est incitative et indirecte. Son exécution dépend donc de la bonne volonté de ses États membres. Plus que d’inciter la « rue arabe » dans cette période cruciale, il faut lui proposer quelque chose de concret !

La Francophonie se pose en rempart contre une mondialisation débridée, une globalisation génératrice de misère humaine et sociale. Mais tout comme Hachimi Idrissi[41], on se demande si la Francophonie a réellement les moyens de sa politique. Alors que les pays du Nord se ferment de plus en plus aux hommes et aux biens provenant du Sud, quid des politiques d’intégration et d’immigration à l’égard des francophones? La domination économique peut également s’exprimer en français[42].

Aussi reste attachée aux pays du Nord, à ces « francophones de naissance », l’image de bailleur de fonds tandis que s’affiche un Sud encore en développement, pour qui l’apprentissage du français est une condition sine qua non d’accès au monde moderne. Au sein même de ce Nord, il existe un déséquilibre patent entre la France, principal contributeur de l’OIF – 75% du budget – et ses partenaires.

En 2006, la France a contribué au financement de l’OIF à hauteur de 58,4 M€, auxquels il faut ajouter 9 M€ pour l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) sur un budget global de 79,3 M€. Le temps où le gouvernement français voulait rester à l’écart du mouvement francophone semble bien loin.

Bien loin semble également la communauté de langue dès lors que l’OIF s’ouvre aux PECO et à des pays d’Afrique et d’Asie qui ne sont pas francophones. Sans aucun doute trouve-t-on des étudiants albanais ou slovènes chez qui résonnent un réel désir de France. Mais peut-on réellement comparer ces États au Liban, au Maroc, à la Tunisie[43] ? Peut-on considérer la Méditerranée, symbole même du dialogue interculturel Nord-Sud de la même manière que l’Europe centrale et orientale ? En faisant dévier son action vers la politique au détriment de la langue, la Francophonie se perd. Elle perd en efficacité. Elle perd en visibilité. C’est là le dernier point qu’il convient d’aborder.

 

Les francophones s’intéressent-ils à la Francophonie ?

Qui se soucie de la Francophonie ? Qui se souvient du nom du dernier secrétaire d’État à la coopération et à la Francophonie ?[44] Qui se souvient que le poste a été supprimé le 14 novembre 2010 et les prérogatives attachées à cette fonction, rever­sées à celles du ministre des Affaires étrangères et européennes qui comme tout le monde le sait, dispose d’un temps libre conséquent…

Si cela traduit malheureusement le manque d’intérêt des autorités françaises pour la question, un autre élément est tout aussi fâcheux.

Quid de la lisibilité de l’OIF ? Le CESE lui-même parle d’une « impression de nébuleuse francophone qui nuit à la compréhension ». Comment « distinguer ce qui est français de ce qui est multilatéral, ce qui est associatif de ce qui est institutionnel » ? Il est impératif que l’OIF devienne intelligible.

Les combats que mène la Francophonie institutionnelle sont d’une importance majeure. Il est donc impératif que l’OIF communique de manière beaucoup plus dynamique, qu’elle multiplie les relais dans la société civile, qu’elle se donne à voir.

Le 20 mars dernier avait lieu la journée internationale de la Francophonie. À cette occasion, 47 manifestations[45] étaient organisées dans neuf pays du monde arabe[46]. En comparaison, la Belgique en organisait trois, la Suisse, deux… La cou­verture médiatique de cette opération a confiné au néant. Aucun article pour le quotidien beyrouthin LOrient-Le Jour, pas davantage pour les hebdomadaires L’Express ou Le Point… quelques propos épars tout au plus dans les autres médias.

Il est malheureux qu’aux yeux d’un grand nombre de Français, la Francophonie ressorte d’un combat passéiste, égoïste, et ne bénéficie pas d’un intérêt plus consé­quent.

Ainsi, que conclure de cette relation entre le monde arabe et la francophonie ? Du fait de l’histoire, de la géographie et de la culture, les interactions ont été riches et nombreuses entre le monde arabe et francophone et ont toujours incarné « une aventure périlleuse mais une rencontre providentielle »[47]. La francophonie est plurielle, tant dans ses acceptions que ses acteurs. En quelques décennies, l’OIF est un deve­nu un très bel outil, de développement moral et humain, mais la diversité culturelle n’est pas synonyme de seule protection de la langue française.

N’en déplaise aux déclinistes, si le français n’est plus la langue internationale qu’elle a été de la Révolution à la « grande guerre » il n’en demeure pas moins, qu’elle n’a jamais de par le monde, été autant parlée et étudiée qu’aujourd’hui.

Prenons donc garde à ce que le français ne prenne pas la place de l’anglais. Prenons garde à ce que le français ne soit pas le vecteur d’une autre globalisation.

Si la Francophonie signifie diversité culturelle, ouverture, partage, alors qu’elle n’hésite pas à s’exprimer dans d’autres langues. La démocratie ne parle pas seule­ment français[48]. Pour l’heure, il est impératif qu’une réelle volonté politique émerge sur ce point au plus au sommet de l’État.

Si la culture touche au politique, ce n’est pas seulement parce qu’elle donne le souffle de vie à la communication, c’est parce qu’elle traduit le monde. Alors revenons à une culture d’enseignement du français à la portée de toutes les bourses, ne réservons plus le français qu’aux seules élites, développons la formation profes­sionnelle, et alors nous commencerons à avoir une réelle action politique. Balayons devant notre porte et apprenons des autres. De sorte resterons nous fidèles aux idéaux de la langue française.

[1]L’arrivée d’Alain Juppé au Quai d’Orsay en janvier 2011 marque en effet le retour à une politique extérieure conforme aux us et coutumes de la Ve République.

[2]BONIFACE (Pascal), VEDRINE (Hubert), « Atlas de la France », Armand Colin, Fayard,

2011.

[3]SEDAR SENGHOR (Léopold), « le français, langue de culture », Esprit, novembre 1962. Le terme francophonie a été créé par Onésime Reclus. Il désigne l’ensemble des personnes faisant usage du français dans leur vie sociale, administrative et professionnelle.

[4]Mauritanie, Maroc, Tunisie, Egypte, Djibouti, Liban.

[5]Conseil économique, social et environnemental, « le message culturel de la France et la vocation interculturelle de la francophonie », rapport du mercredi 1er juin 2009 présenté par Mme Julia Kristeva-Joyaux.

[6]BARRAT (Jacques), MOISEI (Claudia), « Géopolitique de la Francophonie, un nouveau souffle ? », La documentation française, Paris, 2004.

[7]DENIAU (Xavier), « La Francophonie », coll. « Que sais-je ? », n°2111, PUF, Paris, 6e éd., 2003.

[8]l’OIF rassemble en son sein 75 pays : 56 membres à part entière et 19 observateurs. Elle englobe un opérateur principal : l’agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF) et quatre opérateurs directs : l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), l’Association internationale des maires francophones (AIMF), l’Université Senghor d’Alexandrie, TV5. Avec un champ d’action très large, on peut aisément la comparer à une « petite ONU ». Elle ne doit cependant pas faire oublier le rôle premier des États .

[9]Il s’agit essentiellement des pays d’Afrique subsaharienne et du Maghreb dont le caractère francophone est issu de la période coloniale.

[10]Pour Françoise Massart-Piérard : la « légitimité politique de la Francophonie trouve son fondement dans sa morale (sa vision du monde, ses idéaux, ses valeurs) »

[11]Habib Bourguiba.

[12]BONIFACE (Pascal), VEDRINE (Hubert), « Atlas de la France », Armand Colin, Fayard,

2011.

[13]Au lendemain de l’indépendance, cet enseignement était quasiment obligatoire, il faut néanmoins attendre 1991 pour que celui-ci devienne officiel.

[14]Université où les sciences humaines sont également pour partie enseignées en français.

[15]BARRAT ibid..

[16]Ibid..

[17]En 2002. Décalé d’un an à cause des attentats du 11 septembre 2001.

[18]Les cahiers de l’Orient, « Vous avez dit francophonie ? », Automne 2011, n°103

[19]BARRAT, ibid.

[20]ibid.

[21]Les cahiers de l’Orient, ibid.

[22]Débuté en 2010, le chantier devrait être achevé en 2013.

[23]Les cahiers de l’Orient, ibid.

[24]BARRAT ibid.

[25]Elle débute en 1882.

[26]Les cahiers de l’Orient, ibid.

[27]ibid.

[28]ibid.

[29]22 novembre 1943. Le retrait total des troupes françaises s’opèrent quant à lui en 1946.

[30]Boutros Boutros Ghali, 2000.

[31]MOATASSIME (Ahmed), « Francophonie — Monde arabe : un dialogue est-il possible ? », coll. Histoire et perspectives méditerranéennes, L’Harmattan, 2001.

[32]Conseil économique, social et environnemental, ibid.

[33]MOATASSIME, ibid.

[34]HUGUES (Bastien), « La langue arabe, mal aimée des écoles françaises », Le Figaro, 4 février

2011.

[35]Les cahiers de l’Orient, ibid.

[36]D’après le site langue-arabe.fr, pour la seule académie de Paris, 17 établissements proposent un enseignement de l’arabe : 1 école élémentaire, 3 collèges, 7 lycées, 6 formations en BTS et

CPGE.

[37]Association française des arabisants (AFDA), «faire ouvrir une classe d’arabe dans un établissement scolaire du second degré », afdarabisants.blogspot.fr

[38]L’écrivain Jonathan Littell semble avoir bénéficié d’un autre traitement comme le remarque avec tact Rabah Soukehal. (Les cahiers de l’Orient, ibid.). Il s’est ainsi vu décerné la nationalité française en 2007 après la parution de son roman « les bienveillantes » et ce pour « contribution au rayonnement de la France ».

[39]Cf. note n°9.

[40]Rappelons nous dès 1993, l’adoption au Ve sommet de la Francophonie d’une résolution sur l’ « exception culturelle » dans le cadre des négociations des accords du GATT.

[41]Directeur de l’agence Maghreb Arabe Presse (MAP)

[42]Rappelons ainsi que le Maghreb est aujourd’hui plus dépendant de la France qu’il ne l’était à l’époque coloniale.

[43]Le rapport du CESE est sans appel sur ce point : « Il serait opportun d’éviter d’employer le terme d’États francophones qui fait sourire, à propos de pays dont le français n’est ni la langue maternelle, ni la langue seconde, et utiliser, par exemple, celui de pays adhérent à l’OIF ».

[44]Depuis l’intégration du ministère de la Coopération au MAEE en 1999 et jusqu’en 2010, la gestion de la Francophonie était attribué à un secrétaire d’État.

[45]Au total, 47 événements dont 14 au Liban, 10 au Maroc, 8 en Egypte…

[46]Et ce en collaboration avec les opérateurs culturels français : Ambassade, Institut Français…

[47]MOATASSIME, ibid.

[48]Cf. Etienne Barilier « la démocratie parle-t-elle français ?»

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