L’absence du débat démocratique sur l’Islam profite à Daech . Le débat théologique au cœur des enjeux politiques

Lama ATASSI

Consultante en conduite du changement interculturel et en gestion de la diversité – vice présidente de l’ONG FIJD – essayiste

Résumé

Les blocages de la société musulmane ont des répercussions qui dépassent largement les questions terroristes, de conflits et de rapport de puissances. L’un des blocages fondamentaux, cruciaux, concerne le statut de la femme musulmane dans les pays musulmans mais aussi en Occident. C’est par l’absence de débat que non seulement ces blocages perdurent mais s’étendent à l’ensemble des populations en contact avec la communauté musulmane. Le combat est mené sur un terrain simpliste de violence pure, en répondant à la violence par la violence et donc à l’absurde par l’absurde, sans chercher à affronter le fond de pensée qui est à l’origine de tout conflit. Il y a une nécessité à mener le débat à partir de confrontations des logiques, d’argumenter librement en se basant sur la connaissance de l’islam et de son histoire.

Summary

The obstacles of Muslim society have repercussions which exceed by a large measure terrorist questions, and power conflicts and balance. One of the fundamental, crucial obstacles, concerns the status of the Muslim woman in Muslim countries but also in the West. It’s the absence of debate that not only perpetuates these obstacles but extends to all populations close to the Muslim community. The combat takes place on a simplistic ground of pure violence, by answering violence with violence and thus the absurd by the absurd, without facing or addressing the basic premise which is at the origin of all this conflict. It is necessary to launch debate rooted in logic confrontations, to debate freely on the basis of knowledge of Islam and of its history.

 

La fermeture des portes de l’ijtihad et l’islam aujourd’hui

Depuis le 11 septembre, le débat public en Occident évoque deux islams : l’un serait radical et l’autre modéré, Mais comment définir l’islam modéré?

Lorsque nous  examinons de plus prés les interprétations officielles des textes islamiques en vigueur, nous nous apercevons sans équivoque qu’il s’agit des mêmes sources d’interprétation des règles de la pratique de la religion, et que tous les courants islamiques bénéficient d’un consensus global par leurs chefs religieux respectifs officiellement responsables du culte, ces législateurs nommés légalement par les hautes instances publiques des pays musulmans qu’ils soient chiites ou sunnites.

L’exemple le plus significatif est celui du  statut de la femme dans la société ; selon la Charia et le Fiqh¹, ce statut est identique partout dans la plupart des pays à majorité musulmane à peu de chose près. La polygamie selon les mêmes sources est un droit légitime pour l’homme, un droit consenti  par les textes sacrés et donc par les instances juridiques responsables du culte sans frontières ; cette législation est aussi identique pour la répudiation de la femme, ainsi pour ce qui est de l’inégalité de partage de l’héritage des parents entre les enfants de sexe différent. En fait sur plusieurs questions fondamentales, peu de différences existent entre les législations des pays ou groupes appartenant à l’islam radical, et les autres, telle est la réalité dans les pays à majorité musulmane.

L’islam modéré apparaitrait donc comme un mode de vie de musulmans qui n’adhèrent pas à toutes les  lois islamiques, cependant en réalité et dans les faits, il est difficile d’être reconnu comme musulman par la communauté musulmane, lorsqu’on ne suit pas de manière précise et complète les règles et lois islamiques, par exemple le simple fait de ne pas porter le voile pour une femme dans beaucoup de communautés aujourd’hui, signifie déjà être loin de sa religion, et cette responsabilité de la non pratique de la religion par la femme est partagée entre l’homme et la femme, puisque selon les principes en vigueur du culte, l’homme est responsable de la pratique religieuse de sa femme, sa fille sa sœur et même sa mère, il ne s’agit pas seulement d’une responsabilité d’ordre purement spirituel mais bien d’une responsabilité juridique. La femme est positionnée par les Oulemas sous la tutelle du mari ou du père ou du frère ou du fils car elle n’est jamais responsable et ce à tout âge. La position de modéré est de plus en plus difficile à tenir pour les musulmans. Afin de résoudre ce conflit entre les modérés et les radicaux il faudrait instaurer un dialogue entre ceux qui sont chargés de la Fatwa² et du Fiqh,  mais ce débat  est prohibé et par définition tout débat autour de certains sujet est blasphème.

Nous sommes face à une impasse que seuls les responsables de culte peuvent résoudre mais ces derniers ne sont pas accessibles. Le musulman occidental, qui souhaite mener une vie en cohérence avec les valeurs modernes de la société dans laquelle il se trouve n’a aucun recours. Le simple fait d’être modéré le met parfois en totale incohérence avec soi et en rupture avec sa communauté d’origine, ce qui est très couteux psychologiquement et socialement pour l’individu lui-même et pour la société dans laquelle il se trouve.

Les gardiens de la parole de Dieu sont ceux même qui se réservent depuis le XIe siècle le monopole de « l’Ijtihad » terme qui signifie « l’interprétation du coran » ; Ijtihâd, en arabe  signifie aussi effort de réflexion. Les théologiens hauts responsables du culte interdisent depuis le XIe siècle toute interprétation du coran. Ainsi la fermeture de la porte de l’Ijtihâd est à l’origine de la crise que vivent les sociétés musulmanes actuelles. Et même si l’islam avait connu avant le XIIe siècle, une période florissante qui a vu un développement important de la pensée critique, alimentée notamment par la diffusion des traductions en arabe d’auteurs grecs comme Aristote. Aujourd’hui ce n’est plus le cas ; Les portes de l’Ijtihâd se sont fermées vers les XIe-XIIe siècles, et depuis, toute critique ou interprétation ou actualisation du texte sacré est strictement interdite.

 

La transition entre conflit de valeurs et guerre

Il serait temps de mener dans l’espace publique démocratiquement le débat sur les différentes définitions possible de la laïcité dans le monde. Car la réalité française a besoin d’approfondir la définition française de la laïcité, ce afin qu’elle réponde plus au reflet de la réalité sociopolitique de la France d’aujourd’hui.

Selon la définition officielle voir gouvernementale en France  « La laïcité repose sur trois principes : la liberté de conscience et celle de manifester ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public, la séparation des institutions publiques et des organisations religieuses, et l’égalité de tous devant la loi quelles que soient leurs croyances ou leurs convictions.

La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs convictions. Elle assure aussi bien le droit d’avoir ou de ne pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir.

Elle garantit le libre exercice des cultes et la liberté de religion, mais aussi la liberté vis-à-vis de la religion : personne ne peut être contrainte par le droit au respect de dogmes ou prescriptions religieuses.»

Nous retrouvons dans  cette définition la démarcation entre les deux islams, modéré et  radical.  Dans le discours médiatique, l’islam radical est  l’islam des soldats de Daech et d’Al Qaida, pour caricaturer nous dirions que:

est considéré comme radicale toute personne qui a une barbe ou un voile ou bien l’homme polygame, et bien entendu celui qui perpétue des actes violents et terroristes contre autrui, d’autre part est perçu comme modéré celui qui ne présente aucun danger visible.

Comme le dit le texte officiel, modéré est donc celui qui  manifeste ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public. Les limites sont ainsi posées par cette définition et l’ennemi est désigné, mais les motifs idéologiques morales voir religieuses de la mobilisation contre Daech ne sont pas clarifiés. Il semble aller de soi que la violence de Daech doit être stoppée mais derrière sa violence que se cache-t-il?

Il est important de rappeler que les français ne sont pas les seuls à mener cette guerre contre Daech et que leurs alliés dans cette guerre ne sont pas tous laïques, chacun des membres de l’alliance contre Daech mène sa guerre pour des raisons qui lui sont propres. Nous sommes donc face à une ambiguïté et la question de la laïcité ne peut se poser ouvertement, pas plus que celle des valeurs humanistes ou des droits de l’homme, et pourtant nous en avons besoin pour affronter Daech. Notons qu’il s’agit bien d’un conflit de valeurs avec l’Etat islamique, conflit qui s’est transformé par la suite en guerre et non pas le contraire, mais à quel moment la transition entre conflit de valeurs et guerre s’est elle opérée et comment?

Ce profond conflit de valeurs entre deux visions du monde, les politiciens occidentaux tentent de l’éviter car la question est très délicate et complexe, alors, le combat est mené sur un terrain simpliste qui est celui de la violence pure, en répondant à la violence par la violence et à l’absurde par l’absurde.

Il y aurait une  nécessité à mener le débat à partir de la confrontation publique des logiques opposées : ce dialogue devrait provoquer l’implication tant attendue des autorités religieuses  musulmanes et des communautés musulmanes alliées ou non dans la lutte contre Daech, et ce même en l’absence d’hiérarchie islamique. Cette ouverture du dialogue censuré aujourd’hui dans le monde musulman, obligerait les différentes parties  à prendre plus clairement position et à s’engager de manière responsable sur des questions de droit, des questions qu’ils ont toujours voulu éviter. Il va de soi que ce débat ne peut avoir lieu que dans des pays démocratiques, il doit se faire  en se basant sur la connaissance de l’islam et de son histoire. Les valeurs universelles des droits de l’homme d’aujourd’hui doivent être une base pour le  dialogue  afin de ramener des communautés et des populations entières à la réalité.

Il est important de rappeler que cette guerre contre l’islam radical n’a pas de frontières et qu’elle ne  répond plus aux normes habituelles connues depuis la nuit des temps entre les pays ou les sociétés en guerre. L’ennemi n’est pas seulement en Iraq, ou en Syrie, ou en Afghanistan, ou en Libye, ou au Mali.  L’ennemi qui est à l’origine des actes terroristes n’est pas un Etat en particulier, ni une personne en particulier, il s’agit d’un ennemi sans visage, mystérieux. L’ennemi pourrait surgir n’importe où, n’importe quand,  il est partout. Rappelons que lorsque l’occident avait fait front au nazisme, l’ennemi était bien identifié, en la personne de Adolphe Hitler, l’ennemi avait des frontières géographique et une idéologie officielle claire, incriminée et incriminable, rappelons aussi qu’ avant la survenue de Daech, à l’époque d’Al-Qaïda, l’occident avait pu désigner le visage d’un certain ennemi public qui était Ben Laden, il a tenté d’officialiser ainsi le combat idéologique avec l’islam radical, mais il serait temps de constater l’échec de la stratégie de la personnalisation de l’ennemi ; Car il suffisait de recenser les pages des profiles dans les réseaux sociaux en 2011 (sanctionnées depuis)  pour comprendre que  Ben Laden est considéré comme un héros par beaucoup de musulmans.

L’ouverture de ce dialogue est nécessaire même s’il ne serait  pas facile d’expliquer au grand public certaines réalités et alliances politiques et certains choix momentanées de guerres froides qui n’étaient que des choix stratégiques de guerre, mais qui avaient le malheur d’ignorer certaines valeurs éthiques ou morales universelle. Cette réalité est peut être un autre frein à l’ouverture du débat, mais il est important de démystifier les incohérences dans les discours politiques, voir d’aller plus loin et de débattre de la définition de la laïcité , afin que les musulmans  comprennent que la laïcité  n’est pas qu’un simple outil pour accéder à l’égalité économique et sociale  mais un nécessité de survie exportable.

Si le débat théologique et politique est censuré dans le monde arabo-musulman pourquoi ne pas l’ouvrir en France ?

L’ouverture de ce débat sur la laïcité en France  mènerait vers le sujet tabou qui est le  débat islamique, sujet qui nous mène au cœur des enjeux politiques. Les régimes souvent totalitaires  des pays arabo-musulmans cautionnent l’interdiction du débat  public sur le thème religieux, par peur d’être accusés eux-mêmes de blasphémer, car aborder ce sujet tabou mènerait les populations vers un soulèvement qui serait  guidé par  les hauts responsables de la sphère religieuse dans le monde musulman. Ceux qui dispensent le prêche du vendredi peuvent à tout moment appeler à la réforme et mobiliser des révolutions islamiques, comme ce fût le cas en Iran par exemple.  Ces instances des hautes sphères religieuses officielles, ceux qui détiennent le pouvoir religieux, les gardiens de la parole de dieu,  agissent  sans frontières, ils ont une souveraineté qui concurrence celle des présidents,  rois ou militaires dans le monde arabo-musulmans, il en résulte qu’il est impossible  de débattre  en profondeur avec les théologiens de l’islam ou même de tenter de remettre en questions l’idéologie officielle enseignée depuis des centaines d’années et ancrée dans les sociétés.

Nous avons tous entendu ce discours médiatique qui dit que depuis le démantèlement de l’empire Ottoman et l’apparition de la manne pétrolière  des dictatures et des partis uniques ont dominé ces pays et que ces régimes même laïques  ont eu tous des alliances avec les islamistes pour assoir leur légitimité. Certains pensent à tort ou à raison  que les conséquences de cette alliance tacite ou non entre les dictatures et les religieux sont à l’origine du renforcement des religieux, mais ce n’est pas aussi simple ni aussi évident à prouver et la question de savoir qui des deux manipule l’autre dans les pays arabes ou musulmans, reste sans réponse et mérite d’être élucidée.

Les conflits internes de l’Islam ne sont pas forcément entre chiite et sunnite

L’islam n’a pas de monopole ou une hiérarchie comme le christianisme, mais paradoxalement, la Fatwa qui est un  décret religieux rendu par une autorité musulmane reconnue, est censée être exécutoire pour tout Musulman, quel que soit le lieu où il réside.

Mohamed Abd Al-Jabr ³(1935-2010) spécialiste de la pensée du monde arabe et musulman a défini Les trois principales tendances politico-théologiques quant à la conception de l’Etat en Islam :

– Les Sunnites pour qui  le califat est un empire politique (mulk)

– Les Chiites restreignent le califat à la descendance d’Ali

– Les Kharidjites : le droit au califat est consenti à tout musulman juste (kull muslim ‘âdil)

Pour les trois écoles « l’Islam est une religion et un Etat » (al-’islâm dîn wa dawla), c’est ici que réside le  dogme fondamental en Islam opposable à toute tentative d’ouverture à la séparation de la vie spirituelle de la vie politique.

Les sunnites forment la branche majoritaire de l’Islam. L’ensemble des traditions prophétiques constitue la Sunna. L’importance donnée à la Sunna, acceptée comme complément du Coran et comme le seul commentaire qu’on doive en faire, distingue les Sunnites des Chiites. Les Chiites, à la différence des Sunnites, considèrent la Sunna comme peu importante et croient que l’on peut commenter le texte du livre sacré avec les moyens que l’humain peut puiser dans son intelligence.

Les dogmes religieux de l’Islam sunnite n’ont subi aucune transformation profonde comme nous avons vu précédemment, mais pour ce qui est de la législation, il y a eu des divergences qui ont donné des écoles différentes – les quatre rites : malékite, schafeïte, hanéfite et hanbalite. Les imams qui les fondèrent sont reconnus comme  les pères de la législation musulmane. Le rite hanbalite est la branche de l’islam sunnite la plus conservatrice des quatre. Les hanbalites demeurent essentiellement  en Arabie Saoudite, de ce courant est issue cette forme d’islamisme radical qu’est le wahhabisme ou le salafisme.

Le courant soufi de l’islam est marginal d’un point de vue politique, justement il n’a pas de projet politique, bien qu’il soit persécuté et rejeté par beaucoup d’autres courant de l’islam il est le plus adaptable à la pensée occidentale individualiste et de sa vision de la place spirituelle de  religion dans les sociétés. Les soufis n’ont pas d’ambition extérieur à l’être,  ils représentent une exception dans la mesure où pour eux l’Islam n’est qu’une religion pas un Etat, ils se  sont organisés assez tardivement (XIe et XIIe siècles) en confréries (turuq, pluriel de tarîqa, signifie méthode, chemin, voie) fondées par des maîtres spirituels. Chaque soufi se rattache à une « chaîne » (silsilah) qui représente sa généalogie spirituelle, grâce à laquelle il est relié par différents intermédiaires au Prophète. À quelques exceptions près (comme certaines voies naqshbandies), toutes les voies spirituelles se rattachent traditionnellement au Prophète par l’intermédiaire d’Ali ibn Abi Talib.

Trois courants politiques se disputent la scène politique sunnite

Parallèlement à  la révolution iranienne qui a annoncé la volonté d’une autre organisation politique et économique par le peuple iranien, l’islam sunnite avait aussi  ses courants politiques suivant les pays et les continents. Trois courants se disputent la scène politique: les frères musulmans, les soufis, les salafistes.

Les salafistes sont  antérieurs aux Frères musulmans. L’idéologie salafiste remonte au IXe siècle, alors que le mouvement des Frères musulmans date de 1928 en Égypte. Le salafisme a été inspiré par l’imam Ahmed ibn Hanbal (780-855). Il prône un islam rigoriste appuyé sur un appel aux ancêtres et condamnant les innovations théologiques. L’un des disciples de cette doctrine Mohamed ibn Abdelwahab (1703-1792), devient au XVIIIe siècle l’une des principales références idéologiques. Abdelwahab, est aussi le fondateur du dogme wahhabite et cofondateur de la monarchie saoudienne. Les salafistes au départ n’avaient pas de projet de réforme ou de révolution comme les frères musulmans, puisqu’ils sont déjà aux commande en Arabie Saoudite, ils n’avaient alors aucune ambition d’expansion politique, tout comme l’Arabie Saoudite. Ainsi  les frères musulmans ont longtemps  gardé  le monopole de l’opposition dans beaucoup de pays arabes et musulman et ont été très actif et ambitieux ces dernières décennies.

Avec le printemps arabes et les ambitions de leadership de l’Arabie Saoudite dans le monde arabe une concurrence a vu le jour entre les deux courants islamiques, et la confrérie n’est  plus seule, désormais, les frères musulmans doivent compter avec le courant salafiste, selon l’islamologue  français Francois Burgat4 :  « les Frères musulmans ont été la principale expression de l’islamisme, aussi bien dans le monde arabe qu’en Europe… ils sont à présent concurrencés par le salafisme.» il résume la situation antérieure des courants islamiques  dans son article paru dans le Monde Diplomatique,  en disant « les scènes politiques arabes depuis les années 1970 : les soufis étaient réputés voter pour les régimes en place, les Frères musulmans appelaient régulièrement à se prononcer contre, tandis que les salafistes, considérant que les élections constituaient un facteur de division de la communauté, se tenaient éloignés des urnes »

Les Frères musulmans (mouvement fondé en 1928 en Egypte par Hassan Al-Banna)  ont su entrer dans la vie politique dans beaucoup de pays, former et mobiliser des troupes électorales. A l’origine Hassan Al-Banna voulait lutter contre la colonisation britannique, régénérer la société égyptienne en la ré-islamisant, prendre le pouvoir. Parmi les slogans de Hassan El-Banna : « le Coran est notre constitution ». L’idée de  l’islamisation par le bas, a été reprise par AL-QAIDA (al-qaida en arabe  signifie la base et le bas à la fois). La base selon Al Banna va de la famille jusqu’à l’ensemble de la société et de l’Etat.  La confrérie a connu de grandes vagues de répressions, en Egypte et en Syrie et ailleurs. L’Arabie Saoudite5  a accueilli les frères musulmans et les a protégés pendant des années, aujourd’hui la concurrence entre le courant salafiste et le courant de la confrérie fait qu’elle ne les tolère plus. Divers courants cohabitent au sein de la confrérie, certains sont plus libéraux et

appellent à une adaptation de l’islam au contexte européen, d’autres sont plus proches des salafistes.

Plusieurs conflits théologiques à la fois

Le conflit actuel n’est en aucun cas chiite-sunnite, du moins pour les frères musulmans et même pour  les soufis, il s’agit d’un conflit religieux surtout entre les salafistes puristes et les chiites ; des liens historiques lient les mollahs aux  frères musulmans,  tous deux ont des valeurs et des  rêves similaires. Il est important de rappeler que Les frères musulmans avant la crise syrienne,  n’avaient aucune divergence de taille avec la République islamique d’Iran, l’Iran a financé le Hamas et a bien accueilli la victoire de Morsi en Egypte. Selon Mustapha Zahrani, directeur de l’Institut for Political and International Studies (IPIS), le centre de recherche du ministère des Affaires étrangères iranien, « La pensée des Frères a été importante pour les fondateurs de la République islamique », et  « le régime des Mollahs partagent des valeurs communes avec les Frères musulmans », il ajoute  « Nous croyons dans la démocratie islamique et un islam modéré : tout comme les organisations proches des Frères musulmans, en Turquie comme en Égypte ». Le véritable problème est politique entre eux, il s’est posé en 2011 quand Téhéran s’est  engagé dans la défense du régime de Bachar Al-Assad non pas sur la base des affinités confessionnelles chiites-alaouites6, mais pour des raisons stratégiques remontant à 1979 (l’Axe de la résistance contre Israël, la guerre Irak-Iran, etc.). L’argument confessionnel n’est venu qu’ensuite, quand le régime de Damas a été affaibli au point d’être menacé: le Hezbollah et Téhéran sont intervenus aussi pour « défendre les lieux saints chiites »7  et la diversité confessionnelle face à un salafisme djihadiste radicalisé, à la fois instrumentalisé par Damas et financé et armé par les pétromonarchies.

L’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie  avaient de bonnes relations avec Damas jusqu’en 2011. L’Arabie Saoudite, La Turquie et le Qatar  ont soutenu le soulèvement de la rue syrienne  pour rapidement  et systématiquement le faire confesser et mettre en concurrence dès le départ le courant salafiste à sa tête, le Sheikh  Adnan Arour avec le mouvement des frères musulmans. Une entente les a unis,  sur une base commune qui est le projet de l’islamisation de la Syrie. Au début des événements en Syrie, l’Arabie Saoudite salafistes et les autres pays qui soutenaient  les frères musulmans se sont mis d’accord pour repousser à plus tard  toutes divergence religieuse. Dans un objectif commun qui est la victoire d’une république à connotation  islamique sunnite en Syrie, aujourd’hui avec du recul il paraît claire que  la rue syrienne de l’opposition a été victime  des surenchères de radicalité entre ces deux mouvements.

Soutenir des djihadistes sunnites violemment anti-alaouites6 et anti-chiites avait pour objectif principal  d’affaiblir l’Iran. La Syrie et l’Irak sont ainsi et aussi les victimes de guerres par procuration de l’Arabie wahhabite contre l’Iran. L’État islamique (Daech) n’est que le dernier avatar territorial du néo-salafisme sunnite radicalisé.

Par ailleurs, il est important de rappeler que  la crise actuelle  qui oppose le Qatar et le reste des membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) n’est pas que politique ou économique, elle serait avant tout religieuse. La crise actuelle oppose deux conceptions complètement différentes de l’islam. Il y a d’un côté le wahhabisme et, de l’autre, l’islam prêché par les Frères musulmans et que soutiennent le Qatar et la Turquie. Les saoudiens reproche au Qatar  son rapprochement avec l’Iran et des frères musulmans.

Enfin, la crise syrienne divise actuellement  l’Iran et l’ensemble des organisations  se réclamant de la pensée de Hassan al-Banna, le fondateur des Frères musulmans. Et il serait intéressant de savoir quelle serait la situation de ce conflit religieux entre Salafiste et frères musulmans si le conflit syrien trouve une issue?

Les danger de la globalisation de la crise de l’islam

Les conflits religieux au moyen orient ont touché l’occident ; et la France est l’un des pays concerné. L’insécurité, la peur de la radicalisation de la communauté musulmane, une crise sociale, la monté du racisme, la mise en danger de la laïcité en France…  sont les nouveaux défis à relever.

Séculariser les sociétés de la région MENA c’est garantir une paix sociale en France et en occident. L’occident et surtout la France, avait d’ailleurs encouragé la sécularisation des ces pays, ainsi le  monde musulman et arabe, a bien connu un processus de sécularisation  pendant la phase de décolonisation,  elle  s’est inscrite dans l’accès  la modernité de ces pays.  Dans la majorité des pays dit musulmans ou ayant une majorité de musulmans, nous avons assisté depuis les années 30 à une évolution émancipatrice globale visible pour le du statut de la femme. Le monde musulman après le démantèlement de l’empire Ottoman,  a connu la période du « rêve arabe » qui est une sorte de  pseudo-éveil aux droits humains et à l’égalité sociale. Mais ce rêve arabe n’a pas duré longtemps. Les  besoins pétroliers des nouvelles grandes puissances dans la région et leurs guerres d’intérêts, ont eu raison de ce vent de libération des consciences. L’ingérence  des grandes puissances dans les affaires internes  puis le soutien inconditionnel de l’occident à des régimes totalitaires ou militaires dans la plupart des pays du MENA  a donc servi  à rompre et à corrompre l’évolution sociale qui était en marche dans  ces pays. La ré islamisation comme réaction, est un phénomène récent qui a commencé dans les 70 pour se poursuivre jusqu’à aujourd’hui,( l’Iran, l’Afghanistan, la Syrie, l’Algérie..). Le soucis de sécularisation ne s’est pas accompagné avec le souci d’équité et d’égalité y compris pour les minorités que l’occident a toujours pensé défendre. Les intérêts financiers et économiques, les besoins énergétiques nécessitaient l’abandon du projet de développement socio-politique- économique de ces pays.

Les médias abordent souvent le danger de l’islam radical en se préservant d’aborder  tout ce qui pourrait être considéré comme ingérence dans les affaires internes des Etats dit islamistes.  Considérons que tous les pays arabo-musulmans font références à la religion musulmane dans leurs constitutions (sauf le Liban qui se considère officiellement comme multiconfessionnel).

L’Iran et surtout l’Arabie saoudite appliquent des lois proches de celles appliquées par  l’Etat islamique Daech et par les Talibans concernant le port obligatoire du voile par la femme, la lapidation, l’atteinte à la dignité humaine de la femme en lui imposant la loi de la répudiation, le mariage forcé ou  la polygamie. La communauté internationale considère qu’elle  ne peut s’immiscer dans les affaires internes des Etats musulmans pour leur demander de modifier leurs constitutions afin qu’elle soit conforme à la charte universelle des droits de l’homme.

Ainsi une incohérence totale régit les relations  internationales avec les pays qui ne respectent pas les valeurs de la communauté internationale et la charte des droits de l’homme,  par exemple  lorsque l’union européenne a refusé l’entrée de la Turquie dans l’union européenne, elle  a évoqué des notions lié à ces valeurs universelles des droits de l’homme comme conditions d’accès à l’union européenne, paradoxalement L’OTAN lui n’a pas demandé à la Turquie de telles conditions pour l’intégrer et y poser ses bases militaires. De la même manière  boycotter l’Iran fut motivé devant l’opinion publique par le non respect de l’Iran des valeurs universelles des droits de l’homme, mais ces mêmes droits n’ont pas servi à boycotter l’Arabie saoudite ou d’autres pays qui ne respectent pas non plus les droits de l’homme.

C’est ainsi que les limites de la souveraineté  interne d’ un Etat dépendent de ses rapports internationaux avec les grandes puissances ; Selon la résolution 26/25, l’ingérence porte sur des matières à propos desquels le principe de souveraineté des Etats permet à chacun de se décider librement. Il s’agit la de la compétence nationale (article 2§7 de la Charte des Nations-Unies), la compétence réservée parfois, ou résiduelles.

Quels sont les domaines où un Etat peut se déterminer librement et exclusivement ?

Il n’y a pas de définition a priori de ces domaines, c’est ce que la CPIJ a dit dans un avis du 7 février 1923: La question de savoir si une certaine matière entre ou non dans le domaine exclusif de l’Etat, est une question essentiellement relative, « elle dépend du développement des rapports internationaux ». Donc c’est suivant la qualité des rapports internationaux qu’ont les pays avec les grandes puissances, que ces grandes puissances  situent la boussole en termes des valeurs morales  de la communauté internationale. Cette moralisation de la communauté internationale ne répondrait à aucune logique connue et affichée.

Nous avons bien vu que Daech n’a pas inventé un nouvel islam, ni de nouvelles lois islamiques, l’Etat islamique  a juste utilisé des moyens répressives plus cruels que ceux utilisés dans d’autres  pays islamique pour faire appliquer les mêmes lois. Aucun courant n’ose remettre en cause l’interprétation des versets coraniques, qui autoriseraient: la violence physique ou morale contre les femmes et les non musulmans, la polygamie ou le port obligatoire du voile, etc.  Cette réalité vient de la valeur accordée aux premières interprétations  du texte sacrée, ils sont indiscutables et au même niveau de sacralité que le texte du Coran lui même.

Aucun président ou roi, n’a pu aller jusqu’à faire évoluer le discours religieux en profondeur

Les Etats à constitution musulmane, mais réputés  modérés, tentent parfois de prendre des mesures anti-islamique sans fondement juridique ou théologique. Récemment  le président Sissi avait  souhaité moderniser la société égyptienne, il a pensé qu’il suffisait d’ordonner  à Al Azhar8 de légiférer au sujet de la répudiation de la femme afin de mettre un terme à cette pratique, mais en donnant cet ordre  le président  ne pouvait que rester flou, car il connait les limites de l’autorité religieuse du Sheikh d’Al Azhar sur l’interprétation du texte. Et pour finir le Conseil des oulémas d’Al-Azhar, la plus haute autorité islamique en Egypte, a fini par réaffirmer la validité de ce « divorce verbal » comme une pratique « en vigueur chez les musulmans depuis l’époque du Prophète: le divorce ne nécessitant ni témoin ni document ». Al Azhar a  rejeté ainsi la requête flou du président Abdel Fattah al-Sissi de réviser la légalité de cette pratique. Le débat public fût évité par les deux parties,  car il n’est pas à la porté du Sheikh d’Al Azhar, ce dernier s’attirerait les foudres des Oulémas salafistes et autres.  Aucun président ou roi, n’a pu aller jusqu’à faire évoluer le discours religieux en profondeur. Si la polygamie ne s’est pas propagée dans la plupart des sociétés des  pays de l’islam dit modéré c’est parce que la communauté musulmane n’a pas choisi de le faire tout simplement,  par coutume et non pas par force de loi. Seules la Tunisie et la Turquie avaient  interdit la polygamie légalement et officiellement, mais paradoxalement la majorité des combattants de l’Etat islamique en Syrie sont tunisiens, et l’héritage laïque de Kemal ATATUK en Turquie est entrain d’être remis en question aujourd’hui surtout dans certaines régions, des cas de polygamies ont été recensés ces derniers temps malgré l’interdiction officielle. Ces exemples prouvent qu’il ne suffit pas d’imposer une loi par le haut pour faire évoluer une société.

Les rares tentatives des courants soufis d’imposer un statut digne à la femme,  d’un point de vue humain et juridique ont échoué, et les rares penseurs qui ont tenté de discuter avec les théologiens du statut de la femme ont été excommuniés. Il y aurait selon les observateurs  une évolution qui s’opèrent en deux sens opposés et ce  malgré le silence juridique des textes officiels. L’un irait vers l’islamisation radicale, l’autre vers l’abandon  de l’islam.

La révolution iranienne fut un vent de régression choisi par les femmes musulmanes iranienne  nous diront certains. Ce même vent de re islamisation a soufflé  dans tout le monde musulman sunnite depuis les années 70, le mouvement des frères musulmans qui avait été mis en veille  par les dictateurs de tous les pays à culture islamique s’est réveillé,  et a décidé de mener ses  révolutions sunnites, tout comme l’ont fait les mollahs chiites en Iran, un de leurs objectifs soutenu par le camps occidentale dans sa guerre froide contre l’Union soviétique était de récupérer des pays comme l’Afghanistan, ou la Syrie des mains des  marxistes  soviétiques . Le prétexte pour les populations régionales est le blasphème des communistes. Les Etats unies se voyaient intérieurement  comme le pays de la liberté et de la prospérité qui seront exportées  à la région du moyen orient, mais aux yeux de ces populations les américains n’ont apporté que les guerres.

Il y a toujours eu deux courants réformistes dans les pays du MENA, le courant marxiste et le courant islamistes. La laïcité dans le monde arabe se confond encore aujourd’hui  avec marxisme et  elle est synonyme de blasphème pour la majorité de la population. On ne connait pas vraiment  de courants libéral ou bien conservateur, modéré, laïque non marxiste dans les pays du MENA, le libéralisme lui même est interprété presque inconsciemment comme le pouvoir sans limite de la corruption de la haute sphère de l’Etat et des hommes d’affaires. Les deux pôles politiques de l’opposition sont encore aujourd’hui,  les marxiste et les islamistes. Les deux souhaitent dans l’idéal,  réformer les régimes en place et retrouver la souveraineté nationale et mettre fin à la corruption généralisée. Les deux ont fait évoluer leur discours lors des printemps arabes en évoquant la démocratie pour plaire aux américains, car la Russie soutenait les régimes en place; mais les deux courants ne répondent pas aux exigences de la communauté internationale en terme des droits de l’homme et de démocratie. Le courant islamique étant majoritaire, alors les marxistes de l’opposition arabe ont accepté un deal, qui s’est mal fini en Tunisie et en Egypte comme auparavant en Iran.

Face aux valeurs universelles des droits de l’homme qui constituent une base pour la moralisation de la vie publique  que véhicule les associés occidentaux, des dirigeant de pays comme l’Arabie Saoudite ont accepté de tout négocier  et de trouver des Fatwas qui leur permettent par exemple de dépasser quelques interdits théologique comme les intérêts bancaires,  un seul sujet devait rester tabou  et indiscutable  c’est le statut de la femme dans l’islam. Peut être que l’emprise de l’homme sur la femme est le seul privilège qu’on laisse au citoyen démuni des pays sans réelle souveraineté.

« Par respect!»  diront les occidentaux,  des traditions musulmanes aucun théologien étranger à l’islam et aux cercles fermés des centres islamiques  n’osera aborder le sujet de la femme avec un Mufti musulman ou bien avec des Oulémas, les dialogues interreligieux sont très diplomatiques et  veillent à  ménager leurs interlocuteurs musulmans.

D’un autre côté et en interne, comme les femmes musulmanes doivent obéissance d’un point de vue théologique aux hommes, il leur est impossible de débattre ou de chercher à se rebeller, les rares femmes qui ont osée aborder le sujet de manière médiatisée et au delà des frontières furent diabolisée par les sociétés arabes.

En Egypte, Nasser qui fut soutenu par les frères musulmans  au moment de la révolution des officiers libres contre la monarchie et les britanniques a du les mettre en prison et les persécuter, au même titre que les communistes pour éviter le débats public. Eviter le débat public (donc éviter la démocratie) c’est aussi rendre service au pouvoir religieux. Partout tout comme à  Damas et au Caire dans le monde arabe musulman  il n’était pas possible de gouverner avec la force militaire  sans le consentement du pouvoir des théologiens islamiques, ces théologiens sans frontières invisibles presque.

El Assad en Syrie a soutenu le travail de prêche pour voiler les femmes, un travail de fond mené pendant des années  par les protégées du régime les «kobayssiyates»,  elles ont  poussé  la  grande majorité des femmes sunnites à porter le voile  entre 1990 et 2010. Voiler les femmes  étaient ce qu’il a autorisé en échange du silence des pouvoirs religieux «lointains» sur les massacres commis par son père à Hama dans les années 80.

Avant l’arrivée des Assad père puis fils, c’est à dire entre 1950 et 1970, et pour éviter toute polémique  avec les religieux, le sujet de la religion fut interdit par les premiers baasistes,  et les leaders progressistes de cette époque  ont imposé par le haut un nouveau statut social aux femmes: Mais rapidement Hafez El Assad a été contraint d’affronte les frères musulmans qui ont tenté une révolution à l’iranienne. La société syrienne ne les a pas vraiment suivi et ce ne sont pas eux qui ont islamisé la société mais les violences inhumaines commises contre la population par le régime dans les années 80, a été à l’origine de l’islamisation de la société par réaction, il y a eu même des cas de conversion à l’islam par des chrétiens dans les prisons.

Pour qu’une évolution s’opère dans un groupe social il faut un débat, un dialogue, une ouverture, et les tentatives d’émancipation par le haut, même s’ils correspondent à la logique internationale et à l’évolution du système de la pensée humaine de notre ère elle devrait commencer par suivre un chemin de cohérence et de logique afin de l’ancrer dans les mœurs. La preuve de l’échec de ces politiques  d’émancipation forcée par le haut dans les pays qui évoluaient doucement mais surement, est bien ce retour en force de l’islam radicale,  cette ré islamisation qui cherche à prendre sa revanche en considérant que c’est le colonialisme qui lui a imposé des dictateurs injustes.

Dans les années 1960, la femme musulmane du Caire, de Bagdad, de Damas, de Beyrouth, se baladait en mini jupe, fumaient ou buvait de l’alcool, pour certaines en public en signe d’émancipation mais dans ses relations avec les hommes, il n’y avait pas l’once d’une émancipation – sa soumission à son père son frère et puis son mari devait rester inchangé, et, au contraire, elle était en proie à la culpabilisation et à une société qui ne tolérait pas ses agissements de liberté déguisée ou d’apparence ; un véritable conflit interne s’opérait en elle surtout si elle avait la foi.

L’homme aussi souffrait de la même ambiguïté et d’un conflit interne surtout face à la question de l’éducation de sa fille et des limites qu’il pouvait ou ne pas laisser à sa femme, sa sœur, ou sa fille.

De l’incohérence, de l’ambiguïté, nait un certain déchirement interne, les immigrés en France même de seconde ou troisième génération adoptent des stratégies identitaires élaborées et différentes afin de préserver leurs cohérences internes, car c’est lorsque la cohérence interne  devient impossible, le déséquilibres psychologiques se produisent, et c’est ce qui poussent des jeunes et moins jeunes à l’extrémisme et à la violence.

Certaines des stratégies identitaires à adopter seraient de fuir tout questionnement, car impossible de débattre sur le plan théologique sur un sujet tabou comme la femme et son statut.

Une révolution selon certains courants islamistes ne vient pas du haut mais du bas, c’est ainsi que  Al Qaida en arabe possède deux sens, l’un veut dire la base et l’autre veut dire la norme. Selon ce courant la base de la société, la rue, détiendraient les règles traditionnelles et les normes à suivre que sont la pensée politique juridique et sociale islamique à mener. Le sommet est le pouvoir c’est à dire les régimes qui ont tenté de les éloigner de cette tradition populaire des classes des laissés pour compte.

Nous savons que les régimes dans les pays à majorité islamique gouvernés par des dictateurs ne peuvent être gouvernés sans la bénédiction du pouvoir religieux social, donc démocratiquement la

Volonté de la rue. C’est sur cette réalité si logique que se fondent les projets politiques islamistes. La rue va les défendre, va mener la révolution pour eux, sans rien comprendre à leur projet politique. Quelle alternative offrir aux rues du monde arabo-musulman entre le pouvoir des islamistes (Mollah, frères musulmans, ou wahhabites) et le pouvoir des dictateurs ?

Que reproche le monde musulman à l’Occident ?

Al Jazeera et tous les médias arabes ont porté à la connaissance de la rue arabe que la France  est l’ennemi de l’islam car le niqab (voile intégral) est interdit dans les lieux publics et que le voile est interdit dans certains endroits – cette information a suffit pour considérer la France comme un pays raciste qui porte atteinte à leur culture valeur et identité. La Grande Bretagne n’a pas du tout été sur ce terrain et n’a jamais touché au sujet de la femme dans l’islam et au voile. Il est important de noter la grande différence en termes de valeurs entre les deux pays, toutes les deux anciennes puissances colonisatrices.

L’émancipation de la femme musulmane n’est pas du tout un sujet qui préoccupe les Anglo-saxons, du moment que les relations économiques sont préservées en faveur de la Grande Bretagne, les musulmans vivant sur le sol britannique ne seront pas dérangés de quelque manière que ce soit, aux États-Unis de culture anglo saxonne les étrangers vivent en communautés fermés. Les crimes d’honneur et polygamie et violence faites aux femmes sont réprimandés par la loi pour préserver la paix sociale mais la liberté de cette femme et son émancipation n’est pas un sujet public éthique comme en France. En effet, et dans les pays de culture latine les pouvoirs publiques se préoccupent, se sent concernée par la question de l’émancipation de la femme dans le monde musulman.

Cette dualité entre la vision latine et la vision anglo-saxonne de la problématique de l’islam est restée intacte jusqu’à l’agrandissement du spectre d’Al-Qaïda en Occident. Les deux visions culturellement différentes tout en étant occidentales, ont du se rapprocher récemment et se soutenir pour contrer le nouveau danger: l’ennemi invisible.

Notes :

1- Le Fiqh (arabe : fiqh, فقه : dérive du verbe signifiant comprendre) est l’interprétation temporelle des règles de la charia. Il est quelquefois traduit par jurisprudence islamique

2- Fatwa : décret religieux rendu par une autorité musulmane reconnue

3-Mohamed Abed Al-Jabr, La raison politique en islam, Paris, Broché 2007

4-   Un changement islamiste dans la continuité  / Salafistes contre Frères musulmans, Francois Burgat, Le Monde diplomatique, juin 2010

5- Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 07.03.2014 à 14h57 •

Pour l’Arabie saoudite, les Frères musulmans sont des terroristes. Riyad a inscrit la confrérie égyptienne sur sa liste des « organisations terroristes », vendredi 7 mars 2014, a annoncé le ministère de l’intérieur saoudien. 

Cette décision constitue une escalade majeure contre les Frères musulmans égyptiens, auxquels Ryad est hostile, et témoigne des craintes croissantes du royaume d’un retour au pays de Saoudiens rendus plus extrémistes par la guerre en Syrie.

Elle a été prise dans un contexte de grave crise au sein des monarchies arabes du Golfe après la décision de l’Arabie saoudite, de Bahreïn et des Emirats arabes unis de mettre au pas le Qatar, qui appuie la montée islamiste dans la foulée des « printemps arabes ».

6- Alaouites: La confession alaouite est celle d’une minorité en Syrie en Turquie et au Liban ; de cette minorité  est issu Bachar El Assad. Elle est née en Mésopotamie au milieu du IXe siècle par Mohammad Ibn Nussayr Al Namiri. Ce dernier aurait reçu une révélation du onzième imam chiite (Al Hasan Al Askri). Cette révélation va créer cette branche  de l’islam. Leur nom vient d’Ali, cousin et gendre du Prophète Mahomet, considéré comme le véritable successeur (calife) du Prophète. Quatre tendances existent chez les alaouites. Une grande proximité avec l’islam  chiite.

7- Les lieux saints chiites en Syrie – Lieux de pèlerinage – Parmi les nombreux lieux saints et sanctuaires de Damas, il en est trois qui attirent particulièrement les pèlerins chiites. Ce sont :

1°)  La mosquée de Sayyidah Zaynab, en arabe : مسجد السيدة زينب, qui abrite le mausolée de Zeinab (fille d’Ali et de Fatima). Elle se trouve à Sayyida Zeinab, dans la grande banlieue sud de Damas.

2°) Le tombeau de Hussein, dans la Grande Mosquée, la mosquée Rouqqaya8.

3°) La mosquée et l’université de Al-Azhar, qui se situent au cœur du Caire depuis le Xe siècle. Centre religieux majeur de l’Egypte et du monde sunnite dans son ensemble, Al-Azhar exerce depuis sa création une réelle influence sur la société égyptienne. Son histoire millénaire et son emplacement au centre du monde arabe lui ont permis d’acquérir un statut incomparable dans le monde musulman.

 

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