Le Djihad – Un piège infernal entretenu par l’Occident

Jacques Baud

Jacques Baud est colonel d’Etat-Major Général de l’Armée suisse, ancien membre du renseignement stratégique suisse et ancien chef du renseignement de l’Etat-Major Spécial contre les Prises d’Otages du gouvernement suisse.

 

Résumé

Les pays occidentaux développent une incompréhension de la notion de Djihad, de ses quatre principes de base, ainsi que de la véritable dimension asymétrique du phénomène. C’est pourquoi leurs réponses sont inadéquates à la menace islamiste à la fois dans le registre militaire (Irak, Afghanistan), dans le registre sociétal (port du « foulard islamique ») et dans les relations internationales (Pakistan, Soudan) ; pire, elles sont plus de nature à engendrer des difficultés supplémentaires qu’à promouvoir des solutions. Ce sont donc nos démocraties qui se trouvent chaque jour plus affaiblies et des régions entières (Afghanistan, Iran, Irak) qui sombrent toujours plus dans l’instabilité, si nous continuons à refuser de développer une stratégie de prévention et de renseignement adaptée.

 

Summary

Western countries develop a lack of understanding of the notion of Jihad, of its four basic principles, as well as of the true asymmetrical dimension of the phenomenon. This is why their responses are inadequate to the Islamist threat both in the military field (Irak, Afghanistan), in the social field (wearing the « Islamic headscarf »), and in the international relations (Pakistan, Soudan); even worse, they can more engender additional difficulties that to promote solutions. It is thus our democracies which are every day more weakened and whole regions (Afghanistan, Iran, Irak) which always sink more into the instability, if we keep refusing to develop a strategy of prevention and our intelligence capabilities

 

Ce que la chenille appelle fin du monde,

le reste du monde l’appelle papillon. (Lao-Tseu)

En 1990, le nombre d’attentats terroristes à travers le monde atteignait le chiffre de 455 provoquant la mort d’environ 350 personnes[1] (soit 0,77 morts par attentat). En 2016, selon une étude commanditée par le Département d’Etat américain, le monde a connu 11 072 attentats causant quelque 25 600 morts[2] (soit 2,31 morts par attentat). Autrement dit, malgré un léger infléchissement en 2015, non seulement les attentats ont augmenté en nombre, mais ils sont également devenus globalement plus meurtriers. Or, assez curieusement, depuis un quart de siècle, l’Occident semble subir ces changements sans que les politiciens, les citoyens, les journalistes, les militaires ni même les humanitaires s’interrogent sur le séquencement de ces événements et les enchaînements de décisions désastreuses qui y conduisirent.

La France, épargnée par les attentats islamistes entre 2001 et 2012[3], devient soudain la cible d’actes de violence brutaux et systématiques dès janvier 2015. Pourtant, à aucun moment, la classe politique – qu’elle soit de la majorité ou de l’opposition – ne relève ce brusque changement. A la question de savoir pourquoi la France est soudainement frappée, l’explication donnée par le gouvernement, et immédiatement relayée par un certain nombre d’intellectuels, est :

« Ne nous y trompons pas : un totalitarisme a frappé la France non pas pour ce qu’elle fait, mais pour ce qu’elle est »[4].

Mais personne n’a relevé que tous les attentats islamistes en Europe et en France depuis 2001 ont été perpétrés après un engagement actif du pays-cible dans l’un des conflits engagé par l’Occident contre une communauté ou des groupes musulmans dans le monde.

Certes une telle conclusion n’est valable qu’après un examen rigoureux des divers incidents. Ainsi, la déclaration selon laquelle il y a un continuum entre les attentats du milieu des années 1990 et ceux de 2015, qui est fréquemment évoquée, ne résiste pas à l’analyse : les attentats de 1995-1996, les attentats perpétrés par Mohammed Merah en 2012, et ceux qui ont frappé la France depuis janvier 2015 sont trois phénomènes qui obéissent à des objectifs distincts.

La résistance à comprendre la réalité du terrorisme et notre lecture du phénomène djihadiste reflète généralement davantage une préconception occidentale qu’une réalité islamiste. Cette incompréhension a conduit les pays occidentaux à apporter des réponses inadéquates à la menace islamiste à la fois dans le registre militaire (Irak, Afghanistan), dans le registre sociétal (port du « foulard islamique ») et dans les relations internationales (Pakistan, Soudan) qui sont plus de nature à engendrer des difficultés supplémentaires qu’à promouvoir des solutions. Au final, ce sont nos démocraties qui se trouvent chaque jour plus affaiblies et des régions entières (Afghanistan, Iran, Irak) qui sombrent toujours plus dans l’instabilité.

Associer le djihad au djihadisme et déclarer qu’il fait partie – sous sa forme guerrière – des obligations de l’Islam afin qu’il puisse s’étendre[5], est non seulement un non-sens, mais il conduit à stigmatiser l’ensemble de la communauté musulmane et à accentuer la fracture entre musulmans et non-musulmans dans la société française. Une démarche dont l’absurdité a été exemplifiée par la polémique sur le « burkini », un vêtement qui ne s’inscrit pas du tout dans la tradition musulmane, puisque créé en Australie, et qui a rencontré la critique de la classe politique française … et des djihadistes de l’Etat Islamique[6].

Les propos du Pape qui visaient à dissocier le terrorisme de l’Islam[7], peu après le sauvage attentat contre le père Hamel, à Saint-Etienne-du-Rouvray, en juillet 2016, ont pu choquer. Ils étaient néanmoins justes et sans doute fondés sur une analyse plus approfondie que l’on pense généralement. Mais pour comprendre ce qui alimente le terrorisme islamiste contemporain, il convient de revenir sur ce qu’est le djihad et de le situer dans les publications des islamistes en général et de l’Etat Islamique en particulier.

La notion de Djihad

La littérature islamiste et l’observation des actions djihadistes depuis le début des années 90 permet de dégager quatre principes de base, qui expliquent la manière dont le djihad est mené :

  • La nature fondamentalement défensive du djihad ;
  • La portée non-géographique du djihad ;
  • La prééminence de l’intention par rapport au résultat ;
  • La notion de victoire, dirigée plus sur soi-même que sur son adversaire.

Ces quatre notions ne sont pas propres au djihad. Elles sont issues de la culture islamique en général et on les retrouve dans des comportements quotidiens. Mais elles sont réunies, exacerbées, étroitement liées et imbriquées, parfois même sous des formes différentes, dans le djihad.

La nature défensive du djihad

En Occident, la notion de djihad est souvent associée à l’idée de croisade, de conquête et de guerre contre l’Occident. Or, la traduction occidentale de « djihad » par « guerre sainte » est inexacte et nous renvoie au vocabulaire (chrétien !) des Croisades. En arabe, le mot « guerre », dans son sens militaire, se traduit par « harb » ou « qital ».

Le mot « djihad » est étymologiquement lié à la notion de s’efforcer (djahada), d’effort (djouhd) ou de résistance, de refus d’abandon aux tentations. Il désigne avant tout la volonté de défendre à titre individuel ou collectif l’islam contre une agression extérieure, que celle-ci soit d’ordre moral ou physique. Le djihad est donc essentiellement une attitude de l’esprit, qui cherche à préserver un ensemble de valeurs et qui suppose un certain nombre de sacrifices pour y parvenir.

Parmi ces dernières, on peut dégager celles qui sont généralement considérées comme les deux principales formes du djihad :

  • le Djihad al-Akbar (« Grand Djihad »), qui est une démarche individuelle et permanente (fard ay’n), qui vise à élever son esprit en dépit des tentations du monde matériel, à travers une recherche de Dieu (Djihad bil-Nafs), et
  • le Djihad al-Asghar (« Petit Djihad ») [8] – le « plus facile » selon Mohammed – qui s’inscrit dans une démarche collective et vise à protéger l’islam contre des agressions extérieures (Djihad bis-Sayf).

Ainsi, pour les musulmans pratiquants, le (grand) djihad est une démarche quotidienne et pacifique, par laquelle il s’efforce de maintenir une ligne de conduite en accord avec sa foi, ce qui explique notamment que le mot « djihadiste » dérange les musulmans, qui y voient la stigmatisation d’une pratique dont l’essence n’est pas violente.

Le « djihad dans la voie de Dieu » (djihad fi Sabil Allah ou djihad fi sabilillah) peut prendre des formes diverses et bien que les exégètes islamiques ont exprimé des vues différentes à ce sujet, quatre formes sont plus fréquemment évoquées :

  • Djihad bil-Nafs (djihad avec l’âme), qui est une lutte individuelle et intérieure contre le mal. Il constitue également la forme supérieure du djihad (djihad al-akbar);
  • Djihad bil-Lisan (djihad avec la langue), qui est la défense et la diffusion de l’islam par le verbe (da’awah), les sermons et l’écriture ;
  • Djihad bil-Yad (djihad avec les mains), qui est la défense de l’islam par ses actes, en pratiquant la charité, en prenant soin des déshérités, des veuves et des orphelins[9], ainsi qu’en exécutant le pèlerinage de la Mecque (hadj) ;
  • Djihad bis-Sayf (djihad avec l’épée), qui est la défense de la communauté islamique, lorsqu’elle est attaquée par un ennemi extérieur. Le fait de combattre pour la défense de la foi est également appelé « combat dans la voie de Dieu » (qital fi sibil Allah). Il constitue la forme inférieure du djihad (djihad al-asghar).

Lorsqu’il conduit à la guerre (harb), le djihad a avant tout une connotation défensive. Ceci étant, cette notion peut ne pas se limiter à attendre passivement l’action de l’adversaire, mais peut aussi avoir une forme offensive (en terme opérationnel moderne on parlerait de forme « préemptive »)[10]. Il ne constitue alors qu’une obligation collective pour l’Oummah[11], dont la responsabilité incombe au chef de guerre. Les croyants peuvent donc s’y soustraire à titre individuel[12].

Ceci étant, la notion de djihad – dans son acception militaire – fait l’objet d’interprétations très diverses selon les exégètes et les factions religieuses. Nul doute que l’on trouve – notamment sur Internet – des interprétations très offensives du djihad. Toutefois, il apparaît assez clairement que le concept de djihad n’exprime pas a priori l’intention d’imposer l’islam, mais simplement de le défendre contre une agression :

« Si ton Seigneur l‘avait voulu, tous les habitants de la terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les hommes à être croyants »[13] ?

En admettant, par hypothèse, l’existence d’un projet global pour transformer la société occidentale en une société musulmane, on ne voit pas très bien quel serait le rôle joué par les attentats terroristes dans cette démarche. La progression de l’Islam en Europe s’est faite à travers une immigration largement consentie et encouragée par des politiques d’immigration peu responsables dans les pays européens eux-mêmes, et l’apport des bombes dans ce processus apparaitrait aller plutôt à contresens…

En outre, en admettant que l’objectif des djihadistes – comme on l’évoque souvent en Occident – soit de restaurer le Califat[14], il impliquerait logiquement d’abord des changements fondamentaux dans les pays musulmans eux-mêmes et non en Occident. Sans compter le fait que la France, la Belgique, l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou la Suède n’ont jamais fait partie du « califat » historique.

Naturellement, et particulièrement dans la multiplicité des sources et textes disponibles, on trouvera aisément des interprétations plus offensives du djihad, qui dépassent très nettement la notion de « défense » dans une vision de domination du monde. Mais ces interprétations semblent être le fait d’individus relativement isolés.

Dans leurs vidéos et textes officiels, l’Etat Islamique – et des autres mouvements djihadistes – mettent systématiquement leur combat dans la perspective des agressions menées par l’Occident en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie, au Yémen, etc., qu’ils perçoivent comme une continuation de nos croisades du Moyen-Âge. Depuis l’apparition de l’Etat Islamique, aucun attentat perpétré en Occident n’a été revendiqué au nom de l’extension du califat ou par l’instauration d’un régime islamiste en Occident : toutes les revendications se réfèrent aux actions militaires occidentales… mais ne sont jamais reflétées comme telles dans les médias !

Si l’on s’attarde sur la terminologie, il faut constater que ce sont les Occidentaux qui les premiers ont utilisé le terme de « croisade » pour encadrer la lutte contre le terrorisme[15], transformant ainsi une lutte légitime contre des activités terroristes criminelles en une lutte entre des sociétés différentes.

Il ne s’agit pas ici d’une simple erreur de vocabulaire, mais d’une idée plus profonde. En juin 2003, George W. Bush déclarait à la délégation palestinienne à Charm el-Cheikh:

« Je suis guidé par une mission de Dieu. Dieu m’a dit George, va et combat ces terroristes en Afghanistan. Et je l’ai fait. Alors Dieu m’a dit George, va et met une fin à cette tyrannie en Irak. Et je l’ai fait »[16].

Erik Prince, fondateur et directeur de la compagnie de sécurité privée « Blackwater », mandatée pour exécuter les basses-œuvres de l’armée américaine en Irak, et inculpé – mais jamais condamné – pour les meurtres causés par ses employés, se déclarait lui-même comme un « croisé chrétien chargé d’éliminer les musulmans et la foi musulmane de la surface du globe[17] ».

Cette notion de « croisade » est relayée au sein des forces armées américaines dans les plus hautes sphères du commandement, comme le lieutenant général Jerry Boykin, vice-sous-secrétaire à la Défense, qui pense que George W. Bush a été choisi par Dieu et déclarait : « Notre ennemi spirituel sera vaincu seulement si nous allons le combattre au nom de Jésus »[18].

Mais ce n’est pas tout, et l’idée d’une croisade contre l’Islam s’infiltre jusque dans les plus petits détails. La firme Trijicon a gravé des références aux évangiles sur les lunettes « ACOG » qui équipent les M-16 de l’armée américaine en Afghanistan, où ils sont surnommés les « fusils de Jésus »[19] !

La portée transnationale du djihad

Selon la jurisprudence islamique, le djihad guerrier peut être déclaré lorsque l’Oummah est menacée. L’Oummah désigne une communauté liée par une foi commune, mais n’est pas une notion géographique. Une agression contre la foi peut donc être interprétée comme une attaque contre l’ensemble de la communauté islamique.

Géographiquement, l’islam voit le monde en termes de « terre d’islam » (dar el-islam) et de « terre d’impiété» (dar el-kufr). Lorsqu’en « terre d’impiété » se font face les communautés musulmanes et infidèles (kafir), soit les deux communautés décident de s’affronter  et nous sommes dans une zone  de guerre (dar el-harb), soit les deux communautés décident de vivre en paix, dans quel cas on se trouve dans une zone où règne une paix contractuelle (dar el-ahd). Cette vision est basée non sur la géographie des frontières politiques, mais sur la notion de communauté.

Dès lors, les agressions continues contre les pays musulmans ont engendré une forme de solidarité et de compassion qui va bien au-delà des pays concernés et est renforcée par les rapports parfois tendus entre communautés immigrées et autochtones en Europe et ailleurs. C’est cette indignation qui alimente l’action violente, et non la volonté de propager un message religieux. Ainsi, l’un des quatre auteurs de la tentative d’attentat du 21 juillet 2005 à Londres, arrêté en Italie et interrogé par les services italiens, devait leur avouer : « Cela n’a rien à voir avec la religion… nous avons vu des images et des vidéos de la guerre en Irak »[20] !

L’analyse des messages échangés – en arabe – sur les réseaux sociaux en Occident montre que le soutien à l’Etat Islamique est plus fort en Europe qu’en Syrie même ! À la fin 2014, des chercheurs italiens ont quantifié la proportion de messages positifs envers l’EI comme suit : Belgique – 31%; Grande Bretagne – 23,8%; Etats-Unis – 21,4% ; France – 20,8% ; Canada – 15,3% ; – Italie 9,8%. Par ailleurs, il est intéressant de constater que, selon la même étude, les sentiments négatifs envers l’Etat Islamique dus aux attentats terroristes ne sont que de 4,7%, tandis que les sentiments positifs sont à 37,5% dus au fait que l’EI est perçu comme un juste défenseur de l’Islam[21].

La prééminence de l’intention sur le résultat

Alors que la culture occidentale privilégie le résultat à la manière de l’obtenir, l’Islam tend à mettre l’accent sur la démarche : « Les actes ne valent qu’en fonction de leur intention. Et à chaque homme revient ce dont il a eu l’intention »[22].

Pour simplifier, l’action n’a pas d’obligation de résultat, mais une obligation d’effort (djihad). Une lecture que l’on retrouvera plus bas dans la notion de victoire.

Ceci explique le fait que des islamistes soupçonnés de terrorisme s’attribuent la paternité d’un nombre incalculable – et souvent bien peu réaliste – d’attentats. Cela a été notamment le cas dans les affaires de Khalid Sheikh Mohammed (« KSM »), de Zacarias Moussaoui et de José Padilla aux Etats-Unis. KSM a « avoué » sa participation à plus de 30 attentats terroristes dans le monde (y compris le 11 septembre 2001, les chaussures-bombes de Reid, l’attentat de Bali et bien d’autres) et a été surnommé « one-stop shopping Terrorist Super Store».[23]

Au-delà du fait que ces aveux ont été obtenus sous la torture, le fait que les « coupables » refusent l’assistance d’un conseil juridique (à défaut d’un avocat) souligne le caractère djihadiste de leurs « aveux ». Sans doute innocents dans les faits pour certains crimes dont ils s’accusent, ils en assument une responsabilité au niveau de l’intention. Ainsi, le système judiciaire américain leur donne l’opportunité de poursuivre leur djihad et de servir de modèle pour de nouvelles générations de terroristes ! Ici également, cette démarche éclaire une dimension asymétrique. Le système des tribunaux militaires mis en place pour juger les terroristes présumés ne permet pas de produire des témoins ou des discussions contradictoires par rapport aux charges retenues contre les accusés. En d’autres termes, il n’y a aucun moyen pour déterminer la véracité des crimes dont s’accusent les détenus. Ainsi, ces procès ne permettront pas de faire toute la lumière sur les faits réels mais les condamnés auront rempli leur part du « contrat » de djihadiste.

La notion de victoire

Il découle de la définition même du djihad et de l’importance donnée à l’intention de l’action, une notion de la victoire fondamentalement différente que celle généralement comprise en Occident. Alors qu’en Occident la victoire est associée à la destruction de l’adversaire, dans l’islam, elle est associée à la détermination à ne pas abandonner le combat. Nul ne peut vaincre un adversaire plus fort que lui, mais il est de son devoir de tenter de le faire. Ainsi, dans l’islam, dans le Grand Djihad comme dans le Petit Djihad, la notion de la victoire est fondamentalement identique : essentiellement une victoire sur soi-même, une victoire sur la facilité apparente et sur le découragement.

En d’autres termes, la victoire dans l’islam n’a pas de caractère absolu (comme dans les doctrines militaires occidentales) mais incrémentiel : il suffit de marquer sa volonté de combattre pour être victorieux. Concrètement, la victoire se résume souvent par le fait d’« avoir le dernier mot », même si celui-ci n’a pas de caractère décisif.

C’est pourquoi, les Egyptiens célèbrent la guerre d’octobre 1973 et la rupture de la ligne Bar-Lev comme une victoire[24] – même s’ils ont été vaincus par la suite. La même raison explique les messages de victoire de Saddam Hussein en 1991, ou d’Hassan Nasrallah contre l’intervention israélienne au Liban en 2006, comme le soulignait le magazine britannique The Economist[25]. Compris en Occident comme des « fanfarons », leur victoire avait été acquise non pas par la destruction de l’adversaire, mais par leur refus de céder devant la pression de forces considérablement plus puissantes, malgré des pertes et des destructions majeures. Comme le soulignait The Economist, nous sommes ici au cœur du phénomène asymétrique : la victoire de l’un apporte la victoire de l’autre !

C’est un même phénomène qui explique les tirs de roquettes palestiniens depuis la bande de Gaza. Imprécis et, au final, peu meurtriers, ils constituent une réponse alternative aux attentats à la bombe, devenus difficiles à exécuter depuis l’érection du « Mur » entre Israël et les territoires occupés. Ils sont une manière de défier la supériorité israélienne et constituent une victoire au sens du djihad, même si le nombre de leurs victimes est considérablement plus faible que celles des ripostes israéliennes. Mais cette détermination à ne pas « baisser la tête » est ce qui garantit la popularité du Hamas. Ici aussi, au gain tactique des Israéliens répond un gain stratégique du Hamas palestinien. C’est l’essence de la guerre asymétrique.

Ceci explique également le fait que – militairement – les Palestiniens ne recherchent pas ce qui serait appelé en Occident « une victoire décisive », mais se cantonnent dans des campagnes d’attentats ponctuels sans portée décisive en terme opératif, mais qui suffit à montrer qu’ils ne baissent pas les bras, leur apportant ainsi une victoire stratégique.

 

Les attentats-suicide

Souvent considérés comme la « marque de fabrique » des djihadistes, les bombes humaines sont le fait d’individus qui acceptent de se sacrifier pour une cause et se font exploser dans le but de tuer d’autres personnes.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les exégètes les plus divers – chrétiens et musulmans – se sont efforcés de convaincre que le suicide est interdit dans l’islam et que par conséquent les attentats-suicides l’étaient également. En fait, s’il est vrai que le suicide est interdit dans l’islam, l’expression « attentat-suicide » est typiquement occidentale et ne suffit pas pour conclure que les auteurs de ces attentats ne se comportent pas en musulmans. On pourrait appeler ce type d’attentat « bombe humaine » et cette discussion n’aurait plus de sens, car la question ici n’est pas de se donner la mort, mais du contexte dans lequel cette action a lieu.

L’islam ne tolère pas le suicide (al-Intihar), qui est  explicitement interdit par Le Coran, dans le verset 29 de la sourate « An-Nisaa ». Encore faut-il comprendre ce qu’est le suicide. Pour l’islam – comme pour les chrétiens – la notion de suicide est associée à celle de démission et de fuite devant l’adversité. C’est une perte de confiance dans la volonté de Dieu, pour ne pas dire une défiance vis-à-vis de la volonté divine. Le suicide ainsi défini, est une expression du désespoir, qui va exactement à l’encontre de la notion de djihad.

Mais les « combattants-suicide » (istishadiyiin) n’entrent pas dans cette perspective et sont, au contraire, associés à l’idée de sacrifice, de don de soi, de victoire sur soi-même et de courage. C’est la vision du combattant qui va jusqu’au sacrifice suprême. Ce n’est pas ici une fuite, comme le terme « suicide » le sous-entend, mais une démarche active de courage et d’abnégation pour atteindre un objectif supérieur. Mourir ne relève pas d’une démarche suicidaire mue par le désespoir, mais d’une recherche personnelle, qui transcende la vie au profit de la défense de l’islam.

La mort n’est pas recherchée, mais elle élève l’individu lorsqu’il la trouve dans la défense de l’islam. Le combattant devient ainsi « martyr » (chahid) à condition que son acte soit commis pour la cause de l’islam. En 1997, Ekrima Sabri, Grand Mufti de Jérusalem et Imam de la mosquée Al-Aqsa déclarait : « A la fin, Dieu jugera la personne et si sa raison était bonne ou non. Nous ne pouvons pas juger. Le critère est si la personne le fait pour lui-même ou pour l’Islam »[26].

On est ici très proche de la notion du « kamikaze » japonais, où l’on retrouve d’ailleurs la même dimension mystique[27]. On rétorquera avec justesse que ces derniers ne s’attaquaient pas aux civils. Toutefois, la majeure partie des attaques ont été menées contre les forces américaines et colisées en Irak et en Afghanistan : « La bombe-suicide est le missile de croisière du pauvre : c’est une bombe peu coûteuse et guidée qui explose sur l’objectif »[28].

Au plan stratégique, et c’est sans doute là sa principale raison d’être, la bombe humaine manifeste la détermination de l’organisation terroriste et de ses militants. La mort n’est plus associée à la notion de défaite, mais à celle de victoire. Ainsi, la notion traditionnelle (symétrique) du combat qui fait que la victoire est associée à l’élimination de l’adversaire, est ici inversée.

Une dimension religieuse mal comprise en Occident

On attribue souvent aux terroristes islamistes la qualification de « fous de Dieu », et la volonté d’« imposer leur religion » ou « leur manière de voir » de manière « totalitaire ». On débat sur la question de savoir si l’Islam est une religion de guerre ou de paix, en comparant la fréquence d’apparition des mots « guerre » ou « amour » entre le Coran et la Bible … A cette approche souvent simpliste, s’ajoutent paradoxalement les tentatives d’exégètes musulmans pour distinguer le « bon islam » du « mauvais islam », qui contribuent à cette confusion. Toutes ces polémiques sont spécieuses. D’ailleurs, de récentes études un peu moins superficielles et basées sur l’analyse du langage tendent à démontrer que la Bible est un ouvrage plus guerrier que le Coran[29]

Le problème n’est donc pas la religion en soi, mais la manière de la lire et de la pratiquer. Il n’y a qu’un islam, mais diverses manières de le comprendre, de l’interpréter et de le pratiquer. Il y a des millions de musulmans – y compris fondamentalistes – qui vivent normalement sans être terroristes, ni en Occident, ni ailleurs.

La religion n’est donc que l’équivalent d’un « système d’exploitation » pour l’action terroriste, et qui lui donne les éléments pour fonctionner, mais n’en constitue pas automatiquement la finalité. Les motivations des terroristes sont à chercher dans des registres sociaux, sociétaux, économiques, historiques, légaux ou politiques. Les agglutiner sous le titre de « violence religieuse », comme le font de nombreux experts, n’est pas vraiment constructif et constitue un obstacle majeur à l’identification des solutions.

Les interrogatoires des jeunes Palestiniens, qui ont pu être arrêtés avant de perpétrer un attentat-suicide, montrent qu’ils ne se sacrifient pas « pour » la religion, mais que celle-ci offre un cadre culturel propice à ce mode d’action[30]. Leurs motivations sont le plus souvent liées à des revendications identitaires ou un sentiment d’humiliation nationale[31]. La qualification « antisémite » que nous donnons aux attentats est « confortable » car elle place le terrorisme dans une fatalité immuable, qui nous dégage de nos responsabilités. Or pour les Palestiniens, il s’agit essentiellement d’un combat contre un ennemi dont l’occupation territoriale n’a fait que s’étendre au fil des ans, alimentant une exaspération croissante, mais il ne s’agit pas d’un antisémitisme comparable à celui que l’on a connu en Europe lors de la période nazie, par exemple.

Les motifs de la violence ne sont donc pas la religion. La tendance de l’Occident à vouloir tout maîtriser et décider pour tous est l’élément moteur de la révolte qui appelle la violence. Le Docteur Marc Sageman – un sociologue et psychiatre, ancien membre de la CIA – a étudié près de 500 cas de terroristes djihadistes, dans le cadre de son ouvrage Leaderless Jihad et constate que le processus de radicalisation d’un individu est favorisé par quatre facteurs[32] :

1 – Un sentiment de colère issu de sa perception des souffrances subies par ses coreligionnaires dans le monde ;

2 – La manière dont l’individu place cette colère dans le contexte d’une guerre plus globale contre l’islam ;

3 – Si cette « colère » fait écho à son expérience personnelle au sein de la société occidentale (comme les discriminations ou difficulté à s’intégrer) ;

4 – L’embrigadement dans un groupe, dont la dynamique peut lui faire traduire sa « colère » en acte violent.

Ces observations répondent aux écrits doctrinaux du djihad moderne et sont en cohérence avec les revendications des actes terroristes observés ces dernières années. Encore une fois, nous sommes très loin d’une volonté de changer la société occidentale ou d’imposer le salafisme en Europe.

En d’autres termes, il s’agit de faire réagir les populations occidentales par rapport aux interventions décidées par leurs gouvernements, comme en Espagne en 2004. Après l’attentat de Nice, l’Etat Islamique a publié une vidéo où il tient pour responsable la passivité de la population aux actions du gouvernement français : « Telle est la rétribution du peuple criminel qu’est le peuple français qui n’hésite pas à sortir par centaine de milliers dans les rues pour son ventre, pour son contrat de travail, mais qui, sachant que l’argent de ses impôts finance l’armée de Tsahal et le massacre de palestiniens, que ses impôts financent les bombardements en Irak et au Sham et aux quatre coins de la planète de la Oummah (…) n’élève pas une seule parole »[33] !

Pris au piège de leurs décisions, les gouvernements préfèrent propager l’idée d’un terrorisme servant une finalité religieuse et donc inéluctable, refusant même de tenter de comprendre la motivation des terroristes, exprimée dans leurs messages. Pourtant, l’un des quatre auteurs de la tentative d’attentat du 21 juillet 2005 à Londres, arrêté en Italie et interrogé par les services italiens, devait leur avouer : « Cela n’a rien à voir avec la religion… nous avons vu des images et des vidéos de la guerre en Irak ! »[34].

…Mais nous refusons d’écouter les terroristes et de comprendre leurs motivations. Par crainte d’excuser, on n’écoute pas, on n’explique pas et donc, on ne comprend pas. Ainsi, les mécanismes de la radicalisation sont interprétés au gré des croyances.

La radicalisation est un processus complexe dans lequel les mosquées, prisons ou internet ne sont que des éléments facilitateurs. Les attentats terroristes ne sont pas issus du néant, mais sont une conséquence d’événements, le plus souvent provoqués par l’Occident, comme le constate l’un des plus importants « think tanks » américains, le CATO Institute : « Au lieu de la religion, presque tous les attentats-suicide dans le monde ont en commun un objectif politique déterminé : forcer un pays démocratique à retirer ses forces militaires d’un territoire, que les terroristes considèrent comme leur patrie ou estiment particulièrement »[35].

L’élément déterminant dans le processus de radicalisation et la raison fondamentale du djihad armé est notre ingérence dans le mode de vie des musulmans par la force ou par la politique. Les autres aspects ne concernent que les modalités de l’action terroriste.

 

Conclusions

Quelle que soit notre manière de comprendre le djihad, nous ne pouvons faire l’économie de comprendre la perception des terroristes eux-mêmes. Or, dans notre obsession de ne pas vouloir leur donner raison, nous refusons cet exercice intellectuel, pourtant à la base du travail du renseignement. C’est en substance ce que déclarait le premier ministre Manuel Valls, lors de la cérémonie de commémoration de l’attaque du 9 janvier 2015 contre l’Hyper Cacher de Paris : « Pour ces ennemis qui s’en prennent à leurs compatriotes, qui déchirent ce contrat qui nous unit, il ne peut y avoir aucune explication qui vaille. Car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser »[36] !

L’acte terroriste est un acte criminel et il n’est pas question de lui trouver des excuses. Mais, il est impératif de l’expliquer correctement. La montée du terrorisme depuis le début des années 1990 résulte en grande partie des maladresses et incohérences de la politique occidentale. Des politiques plus avisées (et plus honnêtes), moins idéologiques et moins aveugles n’auraient sans doute pas motivé des terroristes de mener des attentats. La guerre en Irak en est l’exemple le plus frappant où les mensonges du gouvernement américain ont été soutenus et répétés par les pays de la « nouvelle Europe », avec un prix de ces mensonges que nous n’avons toujours pas fini de payer.

On attend du renseignement qu’il détecte et identifie des réseaux, alors que sa fonction première est de comprendre comment pense et agit l’adversaire. Avec la doctrine du « djihad ouvert » défini depuis un peu moins d’une dizaine d’années et qui frappe l’Occident aujourd’hui, la concentration des ressources sur les « réseaux » (lorsqu’ils existent !) est un véritable rocher de Sisyphe. Or, notre incapacité de comprendre les ressorts asymétriques du djihad a eu pour conséquence que les forces occidentales se sont engagées dans ces guerres sans réelle stratégie ou avec des stratégies inadéquates, laissant les échelons inférieurs (tactiques) se débattre avec les difficultés et les contradictions politiques.

Le djihad est avant tout une attitude de l’esprit qui refuse de courber l’échine, même face à un adversaire supérieur. Souvent interprété en Occident par la volonté de ne pas perdre la face, il est aussi la recherche d’une dignité dans la défaite militaire et une manière de montrer sa détermination. Malgré une rhétorique influencée par la religion, cette détermination ne s’inscrit pas toujours une démarche religieuse, mais a souvent des objectifs plus politiques et plus séculiers.

Contre un Occident surpuissant qui tente de s’imposer dans le monde par un usage (souvent illégal) de la force, le djihad devient une manière d’exprimer une identité individuelle ou collective, et tout simplement une manière d’exister.

Malgré le fait que les pays occidentaux rejettent l’expression de « choc des civilisations », ils l’ont matérialisée à travers des interventions qui étaient ni justifiées, ni pertinentes.

Particulièrement en France, la lutte contre le terrorisme s’inscrit dans un climat de tension alimenté par des décennies d’incurie en matière de politique migratoire

Impuissant à comprendre la violence terroriste, l’Occident tend à se réfugier dans des sophismes savamment construits pour essayer de placer la violence terroriste dans une cohérence, qu’il soit capable de comprendre. L’idée d’une « guerre sainte » ou de l’islamisation inéluctable de l’Occident est un fantasme occidental, qui repose davantage sur des craintes que sur des observations concrètes.

Le terrorisme marxiste des années 1960-1980 en Europe était marqué par l’inéluctabilité de la guerre entre classes sociales. Par ailleurs, les mouvements révolutionnaires marxistes, disposaient d’un appareil doctrinal et structurel dont la finalité était de mettre en place une société post-révolutionnaire.

Rien de semblable n’est observé en ce qui concerne les mouvements terroristes islamistes. Leur combat ne s’inscrit pas dans une fatalité, tandis que leurs attentats apparaissent comme détachés d’une cohérence révolutionnaire.

Ainsi, le fait de placer pêle-mêle tous les attentats sous l’étiquette d’ « Al-Qaïda », puis de l’Etat Islamique, devient une explication à elle seule, qui tend à exclure toute réflexion approfondie sur le terrorisme, sa vraie nature et ses causes. L’influence américaine en matière de lutte contre le terrorisme a été particulièrement stérile et a entraîné les autres pays occidentaux dans un aventurisme inutile et meurtrier.

Or, le terrorisme n’est pas une fatalité et n’est pas apparu par génération spontanée : en Palestine, en Irak ou au Jammu-Cachemire c’est une présence étrangère, considérée comme illégitime qui est à l’origine de son apparition. En Algérie, c’est un processus électoral tronqué qui en est le déclencheur… Certes, le terrorisme est une méthode, dont le choix même n’est pas acceptable. Mais laisse-t-on réellement suffisamment d’options ouvertes pour que d’autres choix soient raisonnablement possibles ?

Les interventions occidentales en Afghanistan et en Irak s’appuient sur une succession de vrais mensonges et de fausses vérités auxquels s’ajoutent des différences de perception qui alimentent une forme de « paranoïa » islamiste et qui ne peuvent que conduire à la colère et à la haine. Sous nos latitudes, de simples changements dans les programmes scolaires déclenchent déjà des actes de violence. On peut dès lors concevoir que des changements sociétaux plus profonds proposés – pour ne pas dire imposés – par la communauté internationale provoquent eux-aussi des réactions violentes dans d’autres cultures. Il ne s’agit ni d’excuser, ni d’accepter la violence, mais de remettre en question l’action internationale (militaire et surtout civile) qui est en amont de l’apparition de la violence.

La lutte contre le terrorisme islamiste

Le djihad a ainsi trois particularités dont il faut tenir compte dans une stratégie de contre-terrorisme :

  • L’action dissuasive n’a conceptuellement pas d’impact, car le djihad implique par essence que l’on refuse de se laisser impressionner par la force de son adversaire et que le rapport de force n’a pas d’influence sur la détermination à poursuivre la « lutte ».
  • C’est la détermination de résister qui compte et c’est à ce niveau que se situe l’« obligation » du moudjahid. Autrement dit, il doit montrer qu’il ne courbe pas l’échine et doit – d’une certaine manière – « avoir le dernier mot ». Il est important de souligner que cette détermination ne doit pas nécessairement se traduire par un acte de violence, mais peut s’exprimer par d’autres moyens (verbalement ou par écrit, par exemple).
  • La victoire dans le djihad ne se mesure pas au nombre de victimes qu’il cause ni à l’intensité de son action. C’est son référentiel absolu qui rend l’acte terroriste meurtrier, plus que la volonté d’obtenir des « scores élevés ». Ainsi, le spectre de sa réponse peut s’étendre de la déclaration emphatique au sacrifice suprême, à condition qu’elle soit suffisante à marquer sa détermination. On trouve assez rarement des références à l’« extermination » d’un ennemi et on constate souvent que les attentats ne sont pas « optimisés » pour faire un maximum de victimes.

Pour peu que l’on cherche à exploiter ces caractéristiques, il existe des clés pour combattre le terrorisme islamiste.

En appliquant une approche « clausewitzienne », la lutte contre le terrorisme djihadiste passe par l’identification de son centre de gravité : la détermination. Comme on l’a vu, l’expression de la détermination est au cœur de la notion de djihad. Inspirée par la perception d’une menace générée par une volonté occidentale perçue ou réelle de modifier la société islamique.

Le terrorisme doit être combattu avec fermeté, mais avec discernement. On ne peut vaincre un adversaire que l’on ne connaît qu’à travers des rumeurs et des idées préconçues. La nature criminelle du terrorisme tend à nous aveugler et à mépriser les causes mêmes de cet adversaire. Si la méthode n’est pas légitime, sa cause peut l’être.

Appréhender la vraie dimension asymétrique des conflits

La perplexité américaine par rapport à ce phénomène asymétrique est illustrée par un rapport du 16 octobre 2003, écrit par Donald Rumsfeld, Secrétaire à la Défense à propos de la guerre américaine contre le terrorisme : « Notre situation est-elle donc telle que « Plus nous travaillons dur, plus nous reculons »[37] ?

L’Occident n’a pas saisi la vraie nature asymétrique du terrorisme et continue à la définir en fonction des moyens utilisés ou des objectifs recherchés, alors qu’elle résulte de l’application de logiques différentes de part et d’autre. Se résumant souvent à « éliminer » des individus prêts à mourir, la stratégie occidentale tend à alimenter donc le cycle de la violence au lieu de l’affaiblir.

Il faut donc s’orienter différemment et s’attaquer aux causes profondes du terrorisme djihadiste. Accaparée par les militaires et policiers, la lutte contre le terrorisme a abandonné le terrain stratégique à la société civile, et n’a ainsi jamais atteint la cohérence nécessaire. Ainsi, tour à tour, la répartition des richesses, les inégalités sociales, l’absence d’Etat de droit, l’absence de démocratie ou l’inégalité des sexes dans la société sont évoqués comme causes du terrorisme. Mais là encore, ce sont nos aspirations occidentales qui constituent le point de référence.

En matière de contre-terrorisme (dans un contexte islamiste), ce sont davantage nos ambitions de transformer les sociétés voisines que la promotion de nos intérêts qui sont l’enjeu ici. Il faut continuer à aider les pays peuples qui en ont besoin, mais avec plus de subtilité. Un meilleur dosage de l’aide au développement et de l’intervention humanitaire doit faire partie de cette réflexion. Il ne s’agit pas d’interrompre l’aide aux pays et populations qui en ont besoin, mais de rendre plus discrète son « empreinte », de mieux la répartir sur une échelle du temps ajustée aux cultures locales, etc.

Jusqu’à quel point notre aide soulage et à partir de quel point cette aide génère la détermination des islamistes ?… Et là se cache un nouveau danger : sous prétexte de ne pas « céder » à la menace d’une réaction violente, on persiste à vouloir imposer nos valeurs, qui sont naturellement justes et nobles, mais pas toujours en adéquation avec le processus historique propre à ces populations.

La question est de définir ce que l’on entend par « défensive » et « offensive ». Actuellement, la stratégie occidentale à l’égard du terrorisme est fondamentalement défensive – même si elle semble offensive par ses opérations militaires – car elle ne tente pas de s’attaquer au centre de gravité du terrorisme (la détermination des terroristes) et n’atteint donc pas les mécanismes qui génèrent de nouveaux terroristes, mais ne parvient qu’à en limiter (parfois) les manifestations.

En résumé, on arrête des terroristes, mais on ne réduit pas leur volonté de recourir au terrorisme et le recrutement de nouveaux volontaires. La stratégie occidentale contre le terrorisme n’a pas réussit à atteindre le niveau de « prévention » et reste bloquée au niveau de la « préemption », laissant ainsi délibérément, en dépit des apparences, l’initiative au terrorisme.

La lutte contre le terrorisme en Occident manque d’imagination, d’ouverture d’esprit et d’expérience, et s’avère incapable de travailler en fonction de stratégies globales. L’Occident qui veut promouvoir les valeurs d’ouverture, de liberté individuelle, de droits de l’Homme et autres tend à se transformer en une forteresse où les droits des citoyens se rétrécissent comme une peau de chagrin. L’appareil de lutte contre le terrorisme mis en place par les Etats-Unis et en Europe depuis le 11 septembre 2001, a non seulement discrédité l’Occident et la noblesse de ses intentions, mais a alimenté une certaine hostilité contre lui et a favorisé l’apparition de nouveaux acteurs terroristes, péjorant ainsi globalement la situation sécuritaire.

 

Améliorer la qualité du renseignement

Paradoxalement, la qualité du renseignement s’est appauvrie ces dernières années. Malgré des investissements considérables et des accroissements d’effectifs dans presque tous les pays occidentaux, le renseignement n’a pas vraiment évolué. Les barrières légales quant à l’intrusivité du renseignement se sont assouplies un peu partout soit à travers l’autorisation de nouvelles techniques de collectes (écoutes, interceptions des courriels, etc.) soit à travers des mesures organisationnelles (fusion des renseignements extérieurs et intérieurs) qui ont étendu le champ d’action des services de renseignements. Mais la quantité d’informations disponible reste mal traitée. On tend à l’automatiser, mais on lui retire sa substance humaine, essentielle pour entrer dans l’esprit des terroristes.

La lutte contre le terrorisme doit s’appuyer sur des réflexions nouvelles. Captif de l’émotion qui a suivi le « 9/11 », le renseignement n’a pas su se détacher d’une philosophie punitive. Au lieu de se pencher sur la nature du terrorisme, de ses causes et sur la manière de le contenir, on s’est attaché à identifier les (mouvements) terroristes potentiels et à échanger des informations pour en limiter les mouvements. Dans la plupart des pays occidentaux, on a développé les organes de collecte d’information au détriment des organes analytiques.

Le caractère transnational du terrorisme a eu un impact sur le fonctionnement des services de renseignements, notamment par le rapprochement – voire la fusion – entre services de renseignements intérieurs et extérieurs dans certains pays. Si les moyens ont changé, la logique reste la même. L’expérience – aux Pays-Bas avec la création de l’AIVD[38] et aux Etats-Unis avec le DHS[39] – montre que l’on a augmenté la granularité des services stratégiques au lieu d’élargir le champ de vision des services de sécurité intérieure. Avec comme résultat, que le renseignement occidental s’est davantage structuré pour répondre à la question « Comment empêcher le prochain attentat ? » qu’à la question « Comment empêcher l’apparition de nouveaux terroristes ? »

Après les événements du « 9/11 » et les pannes qui ont conduit à l’intervention américaine en Irak, l’enquête entreprise par le Congrès américain sur les services de renseignement a montré que le service de renseignements le plus performant durant la crise irakienne a été le Bureau of Intelligence and Research (INR) du Département d’Etat américain. Avec seulement 305 analystes, il est l’un des plus petits services de la communauté du renseignement américain. Ses petites dimensions offrent l’avantage d’avoir des analystes moins spécialisés, avec une meilleure vue d’ensemble des problèmes, mais avec une expérience professionnelle plus longue que dans les autres grands services : l’expérience moyenne est de 11 ans, tandis que certains cadres, comme le chef de la Section Proche-Orient/Asie du Sud a 25 ans d’expérience analytique sur cette région[40] !

La compréhension des phénomènes terroristes reste encore très insuffisante. Récemment, le juge Jean-Louis Bruguière affirmait sur une station de radio : « Il y a eu un continuum [terroriste] entre 1995 et aujourd’hui »[41].

C’est à l’évidence inexact, mais en parlant ainsi, on tend à voir le terrorisme comme un phénomène monolithique et à y trouver des réponses standardisées qui n’épousent pas la complexité du phénomène. Les Etats-Unis paient aujourd’hui en Irak et en Afghanistan le prix de cette erreur conceptuelle. L’incompréhension du terrorisme islamiste n’est pas seulement un effet de la faiblesse des services. Le terrorisme est également un domaine qui est délaissé par le milieu académique. La recherche dans ce domaine reste encore très lacunaire. Un auteur américain relevait récemment que 80% des articles publiés entre 1995 et 2000 contenaient essentiellement des produits recyclés et ne contenaient que relativement peu de réflexions nouvelles, tandis qu’il relevait également avec justesse que la plupart des auteurs sur le terrorisme tendent à prendre la posture de « pompiers » plutôt que d’étudier les « phénomènes de combustion »[42].

Dans un contexte asymétrique de terrorisme islamiste, la « première ligne » de défense contre le terrorisme est la politique étrangère. Idéalement, elle devrait être définie dans le cadre d’une stratégie globale de lutte contre le terrorisme, avec comme objectif essentiel de lutter contre l’éclosion même du terrorisme. Occasionnellement, l’« action » peut constituer une ressource additionnelle pour la politique étrangère, à condition de s’inscrire dans une cohérence générale.

Or, dans pratiquement aucun pays la lutte contre le terrorisme ne fait l’objet d’une stratégie globale qui vise à le combattre depuis ses causes jusqu’à ses effets.

La nécessité de revigorer l’analyse stratégique

Les critiques adressées aux services de renseignement après les attentats de 2015 et 2016 en France et en Belgique n’ont mis réellement le doigt que sur des mesures de nature policière, qui ne touchent que marginalement le vrai travail du renseignement. La tendance a été d’améliorer la capacité de réponse et non l’anticipation. Les mesures proposées pourraient, au mieux, permettre de détecter les activités préparatoires d’un attentat, et donc en aval de la décision terroriste, mais n’abordent jamais les facteurs qui influencent la décision terroriste.

Trop souvent les failles du renseignement sont expliquées par un manque de ressources et de données, tandis que les réponses sont apportées à travers des atteintes toujours plus marquées à la sphère privée des individus et à la nature même de la société démocratique. Significativement, parmi les 40 mesures proposées en France par le rapport Fenech[43] et les 30 mesures adoptées en 2015 par le gouvernement belge[44] aucune n’est de nature préventive et aucune n’apporte de solution à l’anticipation dans le domaine du terrorisme.

En réagissant de manière tactique ou policière, on se retrouve pris dans l’éternelle boucle entre le glaive et la cuirasse, où l’évolution de l’un entraine celle de l’autre. En matière de renseignement, l’Occident s’est engagé dans une course à la détection d’indices toujours plus ténus pour des attentats – réussis ou non – toujours plus nombreux. Au fur et à mesure de l’évolution des moyens de collecte d’information, on observe une furtivité croissante des procédures terroristes. On constate que beaucoup d’attentats déjoués n’étaient pas vraiment planifiés et que ceux qui ont réussi avaient été préparé sous l’horizon radar des services de sécurité. Autrement dit, on dépense une énergie toujours plus grande à détecter des évènements qui deviennent toujours plus difficilement détectables.

La prestation de Colin Powell au Conseil de Sécurité du 5 février 2003, pour justifier une intervention en Irak, a illustré a posteriori l’inefficacité du renseignement américain et le manque d’honnêteté intellectuelle de l’administration américaine. Les Etats-Unis en ont payé le prix en considération, en dignité et en vies humaines. En Europe, on a largement critiqué la décision américaine. Mais cet événement a été tout autant la manifestation de l’incapacité du renseignement européen à apporter un autre regard sur les événements du monde. Malgré la détermination remarquable et courageuse du Président de la République française et de son ministre des Affaires étrangères à cette occasion, la politique étrangère de la France n’a pas pu s’appuyer sur une analyse et des éléments fournis par ses services de renseignements, suffisamment solides pour contrer le « show » américain et – au minimum – jeter un doute dans l’esprit des dirigeants du monde.

Par ailleurs, en matière de coopération internationale, il est impératif que les sensibilités européennes, généralement plus fines, soient un vrai contrepoids à la suprématie américaine en matière de renseignement. Cela implique pour l’Europe – ou plus précisément, pour les Etats européens – de disposer des instruments de prise de décision et d’action nécessaires.

Une analyse plus approfondie montre qu’en fait, le renseignement stratégique occidental a failli dans sa capacité à anticiper les conséquences d’interventions hasardeuses, alors que tous les éléments d’analyse nécessaires étaient disponibles en amont. Plus exactement, le facteur qui a clairement favorisé l’éclosion du terrorisme djihadiste en Occident, et plus particulièrement en France, Belgique, Allemagne depuis 2012, est la faiblesse du couple « renseignement-décideurs politiques ».

En d’autres termes, la sécurité pourrait être améliorée significativement si l’on mettait l’accent sur les performances du renseignement en amont de la décision politique. Dans la mesure où le terrorisme prend ses racines dans nos actions de politique étrangère, il faut impérativement améliorer le rôle du renseignement stratégique et son intégration systématique à la décision politique au plus haut niveau, de sorte à prendre des décisions qui minimisent la probabilité de déclencher des velléités terroristes. En refusant de comprendre la dimension stratégique du terrorisme, on est conduit à se concentrer sur sa dimension tactique. C’est de cette manière que l’on a abordé la radicalisation, en alimentant par la même occasion le discours des partis d’extrême-droite.

Dans leur rôle d’anticipation des menaces, les services devraient également être en mesure d’analyser les effets stratégiques induits par la manière de répondre au terrorisme. Or, ici aussi une confiance aveugle est placée dans les mesures « musclées », sans vraiment les placer dans une stratégie de prévention et – paradoxalement – dans une approche contre-terroriste qui cherche à gagner les cœurs et les esprits.

Ainsi, les cas d’enfants mineurs qui ont fait l’objet de plaintes de la part de leurs établissements scolaire et amenés au commissariat de police pour « apologie du terrorisme » parce qu’ils n’avaient pas été « Charlie »[45], ou la mère de famille qui avait amené ses deux petites filles voilées sur la plage et accusée d’ « apologie du terrorisme »[46] démontre non seulement une dispersion coupable des efforts de lutte contre le terrorisme, mais également l’absence totale d’une réflexion sur les effets pervers d’une politique mise en œuvre par des policiers et magistrats ignorants. En France, il ne semble pas que des études aient été effectuées pour mesurer l’impact de ces actions dépourvues de bon sens sur le développement du terrorisme ; mais en Grande-Bretagne, un rapport classifié du Security Service britannique (MI-5) de 2008[47], mettait en question le comportement des forces de l’ordre vis-à-vis de la population musulmane dans l’application des mesures anti-terroristes, en constatant leur effet stimulant sur les comportements violents et terroristes.

Le caractère asymétrique du djihadisme nous impose une réflexion plus stratégique et « en creux ». Les méthodes que l’on avait pu utiliser avec un succès relatif dans les années 70-80 sont aujourd’hui inopérantes. L’apparente fermeté avec laquelle on traite les questions sécuritaires est en fait l’expression d’une faiblesse intellectuelle qui place nos émotions avant l’analyse froide des problèmes et nous fait refuser la réalité. Cette faiblesse se manifeste dans une conceptualisation médiocre de l’action antiterroriste qui génère plus de terrorisme et accroit objectivement la vulnérabilité de la population.

Le décret du président Trump interdisant l’immigration de réfugiés en provenance d’Irak, d’Iran, de Libye, de Somalie, du Soudan, de Syrie et du Yémen a soulevé une vague d’indignation en Occident. Mais pourquoi cette même population occidentale n’a-t-elle pas manifesté avec la même vigueur lorsque ses propres autorités créaient les conditions d’une émigration massive en provenance de ces pays ? Pourquoi a-t-elle même soutenu les interventions militaires au Moyen- et Proche-Orient ? Le chaos en Libye dès 2011 était prévisible puisque la France et la Grande-Bretagne ont aidé ceux qui – à l’époque – formaient le gros des combattants étrangers qui tuaient leurs propres militaires en Afghanistan et en Irak[48] et que les rebelles eux-mêmes l’admettaient[49]. La crise des migrants qui a suivi depuis les côtes libyennes et qui a causé plus de 12 000 morts depuis 2014[50] était elle aussi parfaitement prévisible, et Mouammar Kadhafi lui-même avait averti l’Occident[51]… avant d’être déposé avec l’aide de l’Occident.

 

[1] U.S. Department of State, Patterns of Global Terrorism – 1990, G.P.O., Washington D.C., 1991.

[2] National Consortium for the Study of Terrorism and Responses to Terrorism, Annex of Statistical Information, Country Reports on Terrorism 2016, University of Maryland, juillet 2017.

[3] Voir les rapports annuels d’EUROPOL (EU Terrorism Situation And Trend Report) entre 2007-2012

[4] Manuel Valls, 19 novembre 2015

[5] Voir Philippe Bilger, « Finkielkraut : « Le djihad est une obligation léguée par Mahomet à tous les musulmans » », Le Point.fr, 11 décembre 2015

[6] « Répression du burkini : Daesh s’en frotte les mains », VSD, 24 août 2016

[7] « Islam et terrorisme: le pape François met en garde contre les amalgames », LEXPRESS.fr/ AFP, 1 août 2016

[8] Littéralement « djihad majeur » et « djihad mineur »

[9] A l’époque où apparaît l’islam, il n’y a pas de systèmes de sécurité sociale, les populations du désert, souvent nomades et sur un territoire sans frontières (Califat) ne bénéficient pas de la protection et de l’aide d’un suzerain – comme on le voit à la même époque en Europe – le bien-être social dépend donc souvent d’actions individuelles. Le mariage avec plusieurs femmes est ainsi autorisé, afin que les veuves de ceux qui se sont battus pour l’islam ne sombrent pas dans la misère.

[10] On pourrait rapprocher cette notion à celle de « défense offensive » prônée par les Soviétiques en 1987-1989, qui plaçait l’action militaire offensive dans un contexte stratégique défensif.

[11] Oummah = Communauté des croyants

[12] Ici également de nombreuses lectures différentes de cette obligation existent. Ainsi, pour certains, dès lors que des populations (civiles) musulmanes sont menacées, il y a une obligation individuelle de prendre les armes.

[13] Q’uran, Sourate 10, Verset 99.

[14] En réalité, il n’y a pas eu « un » Califat, mais une succession de Califats entre 632 et 1924 et, dont l’extension maximale a été de l’Inde à l’Andalousie, sans frontières intérieures. Les configurations politiques et religieuses de ces « empires » musulmans ont très largement varié durant cette période.

[15] « 9/11 George Bush – This Crusade Is Gonna Take A While », YouTube, 17 septembre 2001

[16] Ewen MacAskill, “George Bush: ‘God told me to end the tyranny in Iraq’ “, The Guardian, 7 octobre 2005

[17] “Erik Prince and the last crusade”, The Economist, 6 août 2009.

[18] William M. Arkin, “The Pentagon Unleashes a Holy Warrior”, Los Angeles Times, 16 octobre 2003

[19] Les références délibérées à « Jean 8:12 » et « 2 Corinthiens 4:6 » sur les lunettes de visées Trijicon ACOG ont fait grand bruit aux États-Unis, où la laïcité est la règle dans les forces armées ; Vr. Joseph Rhee, Tahman Bradley & Brian Ross, “U.S. Military Weapons Inscribed With Secret ‘Jesus’ Bible Codes”, ABC News, 18 janvier 2010)

[20] David Leppard & John Follain, “The Third Terror Cell on the Loose?”, The Times, 31 juillet 2008.

[21] Shiv Malik, “Support for Isis stronger in Arabic social media in Europe than in Syria”, The Guardian, 28 novembre 2014

[22] Hadith attribué à Mohammed, rapporté par Al-Boukhari, Imam, 41. Cité dans le Livre des Haltes, Abd Al-Qadir Al-Djazairi, traduit par Michel Lagarde, Brill, 2000, ISBN 9004115676.

[23] http://mayday.blogsome.com/2007/03/19/khalid-sheikh-mohammed-the-wally-world-of-wickedness/

[24] Un musée au Caire (« Panorama de la guerre d’Octobre ») est spécialement dédié à cette opération.

[25] “Nasrallah wins the war”, The Economist, 17 août 2006

[26] John Daly, « Suicide bombing : no warning, and no total solution », Jane’s Terrorism & Security Monitor, 17 septembre 2001

[27] En Occident, certains experts, jugeant le phénomène en fonction de ses effets et non de ses motifs/objectifs récusent cette comparaison. Vr. Conesa Pierre, « Aux origines des attentats-suicides », Le Monde Diplomatique, juin 2004, pp. 14-15

[28] Rapport du Criminal Intelligence Directorate de la Police Montée Royale du Canada, « Suicide Bombings – Canadian Perspective », 18 mars 2003

[29] Samuel Osborne, « ‘Violence more common’ in Bible than Quran, text analysis reveals », The Independent.uk, 10 février 2016; Christine Talos, « La Bible est bien plus violente que le Coran », Tribune de Genève, 11 février 2016

[30] The Atlantic Council, Topics in Terrorism: Toward a Transatlantic Consensus on the Nature of the Threat, « Understanding Suicide Terrorism: Countering Human Bombs and Their Senders », Anne Speckhard, Ph.D., juillet 2005.

[31] NATO Research & Technology Organisation, Report – Suicide Terrorism : The Strategic Threat and Countermeasures, août 2004.

[32] Marc Sageman, Leaderless Jihad : Terror Networks in the Twenty First Century, University of Pennsylvania Press, 2008, 208.

[33] Verbatim de la vidéo « Leur coalition et notre terrorisme » de l’Etat Islamique, publiée fin juillet 2016.

[34] David Leppard & John Follain, « The Third Terror Cell on the Loose?  », The Times, 31 juillet 2008.

[35] Robert A. Pape, « Suicide Terrorism and Democracy – What We’ve Learned Since 9/11 », Policy Analysis (CATO Institute), 1er novembre 2006.

[36] « Pour Valls, il ne peut y avoir d' »explication » possible aux actes des djihadistes », Le Figaro.fr, 9 janvier 2016

[37] Memorandum de Donald Rumsfeld du 16 octobre 2003, adressé à diverses personnalités du Département de la Défense : Général de l’Air Force Richard Myers, chef du Joint Chiefs of Staff; Vice-secrétaire à la Défense Paul Wolfowitz; Général des Marine Peter Pace, vice-chef du Joint Chiefs, et Douglas Feith, sous-secrétaire à la Défense pour la Stratégie (USA Today, 22 octobre 2003)

[38] Algemene Inlichtingen en Veiligheidsdienst (AIVD) (Service Général de Renseignement et de Sécurité)

[39] Department of Homeland Security

[40] Ignatius David, « Spy World Success Story », Washington Post, 02 mai 2004

[41] Jean-Louis Bruguière, « Le Grand Réferendum », Sud-Radio, 19 avril 2017

[42] Andrew Silke, “The Devil You Know: Continuing Problems with Research on Terrorism”, Terrorism and Political Violence, Winter 2001, Vol. 13, N° 4, pp. 1-14

[43] Assemblée Nationale, Rapport N° 3922, Rapport fait au nom de la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’Etat pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015, établi sous la présidence de M. Georges Fenech, 5 juillet 2016.

[44] Vr. Thomas Renard (editor) (with contributions from: Sophie André, Elke Devroe, Nils Duquet, France Lemeunier, Paul Ponsaers, Vincent Seron), Egmont Paper 89, Counterterrorism in Belgium: Key Challenges and Policy Options, octobre 2016, p. 11-12.

[45] Sylvain Mouillard, « Un enfant de 8 ans au commissariat pour « apologie du terrorisme » », liberation.fr, 28 janvier 2015 ; « Apologie du terrorisme: un enfant de 9 ans auditionné dans l’Aisne, son père porte plainte pour « diffamation » », francesoir.fr, 31 Janvier 2015 ; Emilie Cabot, « Apologie du terrorisme – Une fillette de 10 ans entendue par les gendarmes », Paris Match, 3 février 2015.

[46] Emilie Defresne, « Des filles entièrement voilées à la plage à Marseille, leur mère fait l’apologie du terrorisme islamique… », medias-presse.info, 16 août 2016

[47] Security Service – MI5 (UK RESTRICTED), Behavioural Science Unit Operational Briefing Note: Understanding radicalisation and violent extremism in the UK, Report BSU 02/2008, 12 juin 2008

[48] Joseph Felter and Brian Fishman, Al Qa’ida’s Foreign Fighters in Iraq: A First Look at the Sinjar Records, Combating Terrorism Center, Department of Social Sciences, US Military Academy, West Point, New York, 2007

[49] Praveen Swami, Nick Squires and Duncan Gardham, “Libyan rebel commander admits his fighters have al-Qaeda links”, The Telegraph, 25 mars 2011

[50] https://www.iom.int/news/mediterranean-migrant-arrivals-reach-358403-official-deaths-sea-4913

[51] https://www.youtube.com/watch?v=-nYUbfpZCkg

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