LE PETROLE ET LE GAZ NATUREL EN AFRIQUE : UNE PART CROISSANTE DANS L’APPROVISIONNEMENT ENERGETIQUE MONDIAL

Honoré LE LEUCH

Expert pétrolier international, Directeur de la Division Etudes & Conseils, Beicip-Franlab

Octobre 2009

De plus en plus de compagnies investissent en Afrique pour découvrir et exploiter du pétrole et du gaz naturel. Les bassins sédimentaires y sont importants et certains, encore peu explorés, offrent de bonnes perspectives de découvertes, notamment en offshore profond ou dans les bassins intérieurs. Ceci explique, malgré certaines difficultés, la croissance des activités, des investissements et de la production d’hydrocarbures de ce très vaste continent aux multiples pays. Si historiquement les compagnies européennes y étaient et restent les plus actives, les compagnies américaines et asiatiques, notamment les sociétés nationales chinoises, y investissent également de plus en plus. En raison de la faible consommation du continent, la majorité de la production est exportée, d’où la place croissante de l’Afrique dans l’approvisionnement énergétique mondial.

La production de pétrole en Afrique

L’Afrique a produit, en 2008, 10,3 millions de barils/jour1 (Mb/j) de pétrole, au lieu de 5,7 millions en 1988, comme l’indique la Figure 1 ci-après, soit une crois­sance moyenne en 20 ans de 3% par an. Cinq pays, le Nigeria, l’Algérie, l’Angola, la Libye et l’Egypte, représentent ensemble 84% de la production, le solde étant

  1. Un baril de pétrole correspond à 0,159 m3. A titre d’illustration, 10,3 Mb/j représentent l’équivalent d’environ 515 millions de tonnes par an, soit 5,5 fois la consommation annuelle pétrolière française.

réparti entre une dizaine de pays. Les séries statistiques de production, de consom­mation et de réserves prouvées utilisés dans cet article proviennent en majorité du BP Statistical Review of World Energy, juin 2009, considérée comme une référence dans le monde et disponible à www.bp.com.

La production africaine atteint 12,6 % de la production mondiale en 2008 (au lieu de 9% il y a 20 ans). La consommation pétrolière du continent étant en 2008 de 2,8 Mb/j, les exportations s’élèvent à 7,5 Mb/j, soit 73% de la production afri­caine. A noter à la Figure 1 que la chute de la production au début de la décennie 1970 résulte essentiellement de la baisse de la production libyenne, laquelle avait fortement progressé jusqu’en 1970 (3,4 Mb/j) pour chuter à 1,5 Mb/j en 1975, 1Mb/j en 1987 ; depuis elle est remontée à 1,8Mb/j.

Les quatre pays africains appartenant à l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) ont produit 7,9 millions de b/j en 2008, soit 77% du pétrole du continent (voir Figure 2). Ces pays sont, par ordre décroissant : le Nigéria (2,17 Mb/j), l’Algérie (1,993 Mb/j, y compris les condensats et liquides de gaz naturel), l’Angola (1,875 Mb/j) et la Libye (1,846 Mb/j). Les pays inclus à la Figure 2 dans la « courbe OPEP » correspondent à ceux appartenant aujourd’hui à l’OPEP, dont l’Angola qui a rejoint l’OPEP en 2007 ; le Gabon n’y est pas inclus, ayant été membre de 1975 à 1994 seulement. La société nationale algérienne Sonatrach est la première entreprise d’Afrique et est devenue l’une des grandes sociétés pétrolières et gazières du monde. Son plan d’investissement pour la période quinquennale de 2009 à 2013 prévoit des investissements cumulés de 63 milliards de $, en forte progression par rapport au plan précédent.

Les quatre pays africains membres de l’OPEP produisent près du quart de la production totale des 12 pays appartenant actuellement à l’OPEP dans le monde. La production du Nigéria aurait pu être plus importante sans les arrêts de pro­duction dans la région du delta du Niger résultant de troubles politiques et civils locaux, nombreux ces dernières années, surtout au début de 2009. Globalement, il est prévu que la production des quatre pays africains membres de l’OPEP continue à progresser au cours de la prochaine décennie pour dépasser 10 Mb/j.

La dizaine d’autres pays africains producteurs de pétrole n’appartenant pas à l’OPEP a produit 2,4 Mb/j en 2008, soit 23% de la production africaine. Ce sont par ordre décroissant : en premier, l’Egypte (722 000 b/j), qui produit à terre et en mer depuis longtemps et qui a eu un maximum de production en 1993 (941 000 b/j). Puis, deux pays qui ont commencé à produire au cours de la décennie 1990 : le Soudan (480 000 b/j), avec une production qui devrait continuer à progresser en raison des vastes ressources potentielles restant à explorer ; la Guinée Equatoriale (361 000 b/j), avec une production offshore pratiquement stable depuis 2004. Les deux pays suivants produisent depuis longtemps : la République du Congo Brazzaville (249 000 b/j) avec une production en majorité offshore, en plateau depuis dix ans et qui pourrait croître en cas de nouvelles découvertes ; le Gabon (235 000 b/j), qui a connu une production maximale de 365 000 b/j en 1996. Le Tchad (127 000 b/j), est un nouveau pays producteur présenté ci-après. D’autres pays africains ont également une production pétrolière, notamment la Tunisie (89 000 b/j) ; le Cameroun (84 000 b/j) ; la Côte d’Ivoire ; la République démo­cratique du Congo ; la Mauritanie, pays récemment producteur avec une faible production et où l’exploration a été relancée.

De nouveaux pays africains deviendront prochainement des pays producteurs de pétrole. En premier, le Ghana (qui avait connu une petite production marine dans le passé), où une découverte significative, le champ de Jubilee, effectuée il y a deux ans en offshore profond par les opérateurs Tullow Oil et Kosmos Energy, asso­ciés à d’autres partenaires dont Anadarko Petroleum et la société nationale Ghana National Petroleum Company (GNPC), est déjà en cours de développement et pourrait prochainement produire 120 000 b/j dans une première phase. Une dé­couverte en mer très profonde (1800 m d’eau) vient également d’être faite en 2009 par l’opérateur Anadarko Petroleum au large de la Sierra Leone mais son caractère commercial n’est pas encore connu.

Plusieurs découvertes encourageantes de pétrole ont été faites récemment en Uganda, près du Lac Albert, par les opérateurs Tullow Oil et Heritage, lesquels envisagent la pose d’un pipeline de 1200 km vers l’Océan Indien via le Kenya pour exporter la production. Ces résultats, après ceux obtenus au Soudan, au Tchad, au Niger, en Ethiopie, en République démocratique du Congo, illustrent la prospec-tivité des bassins intérieurs d’Afrique centrale, encore trop peu explorés, car ces pays enclavés nécessitent en cas de découvertes des infrastructures coûteuses pour transporter et exporter la production. D’autres bassins offshore, tant au large de l’Afrique de l’Est que de l’Afrique de l’Ouest ont également été peu explorés et pré­sentent de bonnes perspectives. Toutefois, l’apport de ces nouveaux pays produc­teurs, s’il est important au niveau de chacun des pays concernés, devrait avoir un impact global limité sur l’augmentation future de la production africaine, compte tenu du poids actuel des cinq premiers pays producteurs.

La forte progression de la production en Angola, au Nigeria et, dans une moindre mesure, en Guinée Equatoriale et d’autres nouveaux pays producteurs d’Afrique subsaharienne explique pourquoi depuis 2000 la production de pétrole de cette région excède très légèrement pour la première fois celle des pays produc­teurs d’Afrique du Nord (comprenant aux fins du présent article l’Algérie, la Libye, l’Egypte et la Tunisie), comme l’illustre la Figure 3. Pour l’avenir, chacune de ces deux régions continuera à connaître une croissance de la production.

L’exemple du Tchad, un nouveau pays pétrolier mais enclavé

Après trois décennies de recherche pétrolière et plus de 35 puits d’explora­tion, la production de pétrole a commencé au Tchad en octobre 2003 à partir de 3 gisements exploités dans le bassin de Doba par ExxonMobil, Petronas et ChevronTexaco. En 2005, cette production a atteint 173 000 b/j et, comme prévu, a décliné à 127 000 b/j en 2008, un niveau où la production pourrait se stabiliser grâce à la mise en exploitation de trois champs supplémentaires et au forage de nou­veaux puits de production. Au total, la mise en exploitation de ces six champs, dont les réserves prouvées sont estimées à environ un milliard de barils, aura nécessité des investissements qui atteindront, avec les nouveaux puits prévus et le pipeline de transport, 8 milliards de $, l’un des investissements énergétiques les plus importants à avoir été entrepris en Afrique. L’évacuation de la production pétrolière de ce pays enclavé vers la côte atlantique camerounaise a nécessité la pose d’un pipeline de près de 1100 km et un investissement supérieur à 2 milliards de $. Ces quelques chiffres expliquent les difficultés réelles de l’exploration, de la mise en exploitation et du transport des ressources en hydrocarbures des bassins intérieurs africains. La recherche de pétrole au Tchad, dans d’autres bassins que celui de Doba, se poursuit, notamment par la compagnie chinoise CNPC, qui explore aussi au Niger (pays où les découvertes déjà effectuées par les opérateurs précédents étaient insuffisantes à l’époque pour justifier un développement commercial).

La production de gaz naturel en Afrique

La production de gaz naturel en Afrique, très faible en 1970, a connu depuis cette date une progression continue, comme le montre la Figure 4. En effet, elle a plus que triplé en 20 ans, de 1988 à 2008, augmentant de 60 à 215 milliards de m3/ an, soit en moyenne un taux de croissance de 6 % par an. Ce taux est bien supérieur à l’augmentation de la production mondiale qui a atteint pendant la même période 60%, soit un taux annuel de croissance de 2,5%. Globalement, la part de l’Afrique dans la production mondiale de gaz a progressé de 3% en 1988 à 7% en 2008. Quatre pays, l’Algérie, l’Egypte, le Nigeria et la Libye, produisent aujourd’hui 86% de la production africaine gazière, le solde provenant d’une dizaine d’autres pays.

En 2008, la production africaine de gaz est, à hauteur de 44%, consommée dans le continent. Les 56% restant, soit près de 120 milliards de m3, sont exportés en majorité vers l’Europe et pour une faible part vers l’Amérique.

Le principal pays producteur de gaz en Afrique est l’Algérie, avec 86,5 milliards de m3/an en 2008 (49 milliards en 1990). Environ 60 milliards de m3, soit 70% de la production, sont exportés, en majorité vers l’Europe, avec un objectif de 85 à 100 milliards à un horizon de cinq à dix ans. La consommation intérieure, en progression, est d’environ 26 milliards de m3/an. Le gaz est exporté soit par métha­niers, sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL), avec 22 milliards de m3/an ainsi exportés en 2008, soit par deux gazoducs sous-marins vers l’Italie et vers l’Espagne pour alimenter l’Europe pour le solde de 38 milliards de m3. Pour continuer à ac­croître la capacité d’exportation du pays, plusieurs projets d’investissements tant en unités de GNL qu’en nouveaux gazoducs sont en cours de réalisation ou d’étude (dont le gazoduc Medgaz vers l’Espagne qui sera en service dans quelques mois et le gazoduc Galsi vers la Sardaigne et l’Italie prévu être en service dans quatre ans, lesquels se rajouteront aux deux gazoducs déjà en service vers l’Italie et l’Espagne). L’organisation en avril 2010 du prochain Congrès mondial du GNL en Algérie, à Oran, illustre la notoriété du pays, qui avait fait construire la première unité de GNL dans le monde en 1964, sur la scène gazière internationale.

L’Egypte est devenue depuis 1985 le second pays producteur de gaz africain, sa production ayant rapidement augmenté de 7 à 59 milliards de m3/an entre 1988 et 2008, surtout depuis le démarrage des exportations de GNL en 2005. La produc­tion gazière, outre l’alimentation prioritaire du marché national (lequel atteint 41 milliards de m3/an en 2008, soit 70% de la production intérieure), est exportée soit par méthaniers (14 milliards de m3 en 2008), des unités de liquéfaction ayant été récemment construites, soit pour le solde par gazoducs vers plusieurs pays de la ré­gion. Les découvertes de gaz de la dernière décennie et la progression de la produc­tion gazière ont fortement redynamisé le secteur face à une production nationale de pétrole en déclin. Cette forte croissance résulte de la nouvelle politique gazière décidée par le pays au milieu des années 80, fondée entre autres sur des recomman­dations de la Banque Mondiale, dont l’objectif était d’encourager les compagnies à rechercher, non seulement du pétrole, mais aussi du gaz naturel (auparavant, en cas de découverte de gaz par une compagnie, seule la société nationale EGPC pouvait l’exploiter). Le prix de vente du gaz, lorsqu’il est vendu par les exploitants sur le marché national, a également été augmenté, ce qui a encouragé les compagnies à investir plus en exploration pour découvrir de nouvelles réserves. Ces investisse­ments se sont traduits, entre autres, par d’importantes découvertes de gaz effectuées par plusieurs opérateurs en offshore méditerranéen, se rajoutant aux découvertes à terre déjà connues.

Le Nigéria, qui possède des réserves très importantes de gaz naturel, est le troi­sième pays producteur, avec 35 milliards de m3/an en 2008. Une partie de cette production (21 milliards de m3 en 2008) est exportée sous forme de GNL grâce aux usines de liquéfaction NLGN. Un gazoduc de 680 km, le West Africa Gas Pipeline, entrera bientôt en service pour transporter du gaz vers le Bénin, le Togo et le Ghana. Le Nigeria a un potentiel de gaz très élevé, encore peu utilisé. D’importantes quan­tités de gaz naturel produites en association avec la production de pétrole, en dehors des quantités réinjectées dans les gisements, continuent à être brûlées à la torche , pratique dommageable à l’environnement, car il n’existe pas actuellement de mar­ché local suffisant, ni d’unités de traitement, de liquéfaction ou de gazoducs de capacité adéquates pour traiter tout le gaz produit et le transporter localement ou l’exporter. De nouvelles unités sont toutefois en projet (le 7ème train de liquéfaction de l’usine NLGN et la nouvelle usine Brass LNG). Dans ce contexte, l’annonce, avec le concours notamment de Sonatrach, du projet de construction du gazoduc transsaharien Nigeria-Algérie d’une longueur de 4100 km, avec une capacité de transport jusqu’à 30 milliards de m3/an, pour un investissement supérieur à 10 mil­liards de $, pour lequel une décision reste à prendre, illustre les enjeux énergétiques pour pouvoir approvisionner la demande croissante mondiale en gaz naturel.

La production gazière de la Libye a atteint 15,9 milliards de m3 en 2008 (au lieu de 5 milliards de m3 il y a 10 ans en 1998 et 1,2 milliards en 1988). Sur ce total, 10,4 milliards de m3 sont exportés, 0,5 milliard sous forme de GNL et 9,9 milliards via le gazoduc sous-marin Greenstream posé par Eni vers l’Italie, dont la capacité pourrait être augmentée. L’intensification récente de l’exploration dans le pays devrait conduire à une augmentation des exportations de gaz.

Parmi les autres pays producteurs de gaz naturel en Afrique, on peut notam­ment citer les exemples de la Guinée Equatoriale, de l’Angola, du Mozambique, de la Côte d’Ivoire, de la Tunisie, de la Tanzanie. La Guinée Equatoriale, suite à la mise en service en 2007 d’une première usine de liquéfaction sur l’île de Bioko a exporté 5 milliards de m3 en 2008 ; une extension de cette usine est à l’étude.

L’Angola, qui possède des réserves de gaz importantes, a en construction une usine de GNL d’une capacité de 7 milliards de m3, pour exporter le gaz produit excédant les besoins locaux. La production de gaz du Mozambique est exportée par gazoduc vers l’Afrique du Sud à hauteur de 3,2 milliards de m3/an ; ce projet est un exemple récent de coopération entre deux pays pour monétiser le gaz découvert depuis plu­sieurs décennies au Mozambique, non exploité à l’époque en l’absence de débou­chés commerciaux. Un autre exemple réussi d’exploitation de gaz naturel est celui de la Côte d’Ivoire où la production locale, certes limitée, est depuis plus de dix ans principalement utilisée à la production locale d’électricité.

Des réserves prouvées de pétrole en augmentation

La Figure 5 montre une forte croissance des réserves prouvées de pétrole en Afrique, laquelle a entraîné une hausse de la part du continent dans les réserves mondiales. Ces réserves ont augmenté en 10 ans au rythme de 6% par an, passant de 72 à 126 milliards de barils, soit une progression totale de +75%, alors que les ré­serves mondiales augmentait de seulement 18% pendant la même période. La part de l’Afrique est passée en dix ans de 7% à 10% des réserves mondiales. Un autre chiffre illustre la croissance relative des réserves prouvées en Afrique : au cours des deux dernières décennies, la part de l’Afrique dans l’accroissement total des réserves prouvées mondiales de pétrole entre 1988 et 2008 a été de 25%, bien supérieure à la part du continent dans les réserves.

Les quatre pays appartenant à l’OPEP concentrent 84% des réserves prouvées africaines avec un total de 106 milliards de barils. Leurs réserves prouvées ont pro­gressé de 57% depuis 1998, trois fois plus que la croissance moyenne des réserves prouvées mondiales sur la même période. La progression dans les pays africains non OPEP a été encore plus forte, avec un doublement des réserves en dix ans qui y atteignent 20 milliards de barils.

La progression des réserves prouvées de pétrole a été plus forte en Afrique sub­saharienne que dans les pays du Maghreb. Cette croissance explique pourquoi les réserves des pays de l’Afrique subsaharienne dépassent légèrement depuis 2003 celles des pays d’Afrique du Nord, avec une part de 51% en 2008 (au lieu de 37% en 1980).

Les réserves prouvées de gaz naturel

Elles sont estimées fin 2008 à un total de 14 650 milliards de m3. La progression récente des réserves prouvées de gaz en Afrique a été moins forte que celle du pé­trole, avec une progression de 36% de 1998 à 2008, conduisant à une part dans les réserves mondiales relativement stable d’environ 8%, comme l’illustre la Figure 6.

Les quatre pays, par ordre décroissant de réserves prouvées gazières, sont le Nigéria (le cinquième pays au monde en termes de réserves avec 4 500 milliards de m3), l’Algérie (où les réserves de gaz sont relativement supérieures à celles de pé­trole), l’Egypte, l’Angola. Les réserves actuelles de ces quatre pays correspondent à 84% des réserves gazières de l’Afrique, une part identique à celle indiquée ci-dessus pour le pétrole, mais avec une répartition différente entre les pays.

Les réserves ultimes de pétrole et de gaz naturel.

Comme souligné à la note 5, les réserves ultimes sont par définition bien supé­rieures aux réserves prouvées, car à ces dernières se rajoutent les réserves probables et possibles, celles des gisements découverts mais non encore développés et celles des gisements restant à découvrir. L’Agence Internationale de l’Energie (AIE), dans sa publication intitulée World Energy Outlook (WEO) 2008, a estimé qu’en Afrique, les gisements de pétrole déjà découverts et non encore développés représentaient un potentiel de plus de 35 milliards de barils récupérables (soit une augmentation probable de 30% des réserves prouvées actuelles de pétrole du continent). De nom­breux bassins africains sont encore peu explorés. Ainsi l’AIE estime dans le WEO 2008 que les ressources de pétrole à découvrir pourraient atteindre 85 milliards de barils. Il est à rappelé que l’Afrique est l’un des plus grands continents avec une superficie de 30 millions de km2 qui contiennent des bassins sédimentaires étendus. Des pays comme l’Algérie, la Libye, le Soudan, ainsi que les bassins intérieurs de l’Afrique et les nombreux bassins offshore le long des côtes africaines sont considé­rés comme ayant encore de vastes zones prospectives où l’exploration est à intensi­fier pour mieux connaître leur potentiel en hydrocarbures. Les découvertes réalisées au cours des deux dernières décennies illustrent tout l’intérêt de telles stratégies.

Des prévisions de production et des investissements en hausse

Le WEO de 2008 publié par l’AIE prévoit, pour le scénario dit de référence, que la production africaine de pétrole et de gaz continuera à croître d’ici à 2030 : • Pour le pétrole, la production augmenterait, selon cette prévision qui est seulement donnée à titre illustratif, de 10,3 Mb/j à 12,7 Mb/j, soit une croissance moyenne de 1% par an durant la période. La croissance pro­viendrait des quatre pays membres de l’OPEP, dont la production attein­drait 10,8 Mb/j en 2030 au lieu de 7,9 Mb/j en 2008 ; pour les autres pays africains non membres actuellement de l’OPEP, la production pourrait diminuer légèrement, passant de 2,4 Mb/j en 2008 à 1,9 Mb/j en 2030. D’autres sources donnent pour le pétrole africain des prévisions à long terme plus optimistes. • Pour le gaz naturel, la croissance estimée dans le WEO serait bien supé­rieure puisque la production africaine est prévue croître de 215 milliards de m3 en 2008 à 452 milliards en 2030, soit une croissance moyenne de 3,5% par an, le double de la croissance mondiale prévue sur la même pé­riode pour la production gazière mondiale.

Ces quelques prévisions démontrent que l’Afrique aura dans le futur une place plus importante sur la scène pétrolière et gazière internationale. L’intensification des investissements pétroliers et gaziers consacrés par les compagnies à l’Afrique illustre cette tendance. Si l’on reprend une estimation du WEO 2008, les investisse­ments cumulés en exploration et production en Afrique pour la période 2007-2030 atteindraient près de 1200 milliards de $ (exprimés en $2007), soit en moyenne plus de 50 milliards de $2007 par an. Ce total représenterait en moyenne 14% des investissements mondiaux du secteur pendant la même période. L’Afrique devien­drait, selon l’estimation de l’AIE, l’une des zones les plus actives, car les investisse­ments cumulés pendant la période 2007-2030 y seraient supérieurs à ceux prévus dans des zones comme la Russie, l’Amérique Latine ou l’Asie et seraient même très légèrement supérieurs à ceux prévus au Moyen-Orient (1128 milliards de $2007).

 

De plus en plus de compagnies pétrolières actives en Afrique

L’Afrique est devenue l’un des continents où de très nombreuses compagnies pétrolières et gazières, plus de 400, opèrent ou détiennent des participations. Outre les compagnies « majors », y opèrent de plus en plus des centaines de compagnies de taille petite à moyenne (appelées les « independents ») de toute nationalité. Les suc­cès techniques et financiers de certaines de ces compagnies (telles que les entreprises Anadarko Petroleum, UMIC devenue Ocean Energy puis Devon, CMS Nomeco, Tullow, Addax, Maurel et Prom, Burren Energy, Kosmos Energy, Heritage, etc.) ont attiré et continuent d’attirer de nouveaux investisseurs, d’Europe mais aussi des autres continents. Les compagnies nationales, qui ont été créées dans les pays pro­ducteurs africains au cours des quatre dernières décennies, exercent également un rôle important, voire majoritaire, dans les projets pétroliers et gaziers du continent.

Les grandes compagnies continuent à être des acteurs très actifs en Afrique tant en exploration qu’en développement de nouveaux gisements, notamment en offshore très profond où l’utilisation des techniques les plus avancées est requise. L’Afrique représente pour ces compagnies une part croissante de leurs activités et de leurs investissements. Les compagnies européennes, comme Total, Shell, BP, Eni et Repsol, ont été traditionnellement les plus actives. Ainsi, pour Total, le premier producteur international de pétrole en Afrique, ce continent représente 45% de sa production mondiale de pétrole et 14 % de celle de gaz en 2008 (soit en moyenne 33% de sa production d’hydrocarbures au lieu de 29% en 2000). En termes d’in­vestissements en exploration et production, la part du continent dans ses investisse­ments mondiaux du secteur est passée de 19% en 2000 à 33% en 2008, ce qui en fait, selon Total, « l’un des pôles de croissance du groupe ». Pour Eni, en 2008, 54% de sa production pétrolière sont réalisés en Afrique.

Les compagnies américaines, tant les « majors » que les « independents », de­viennent également plus actives en Afrique, d’autant plus que depuis plusieurs décennies l’Afrique est une nouvelle priorité des Etats-Unis en matière d’approvi­sionnement énergétique et de relations commerciales. Les exportations de l’Afrique vers les Etats-Unis ont dépassé 85 milliards de $, dont 80% pour les hydrocarbures. A titre d’exemple, ExxonMobil est aujourd’hui devenu le second producteur in­ternational de pétrole en Afrique. La part du continent dans ses investissements a doublé en une décennie, progressant de 9% en 2000 à 22% en 2004 et 21% en 2008. L’Afrique représente actuellement 29% de la production mondiale de pétrole d’ExxonMobil ; sa production y a plus que doublé en six ans.

L’importance pour ces compagnies européennes et américaines de la part de la production pétrolière africaine, bien supérieure à celle atteinte globalement par l’Afrique dans la production mondiale de pétrole (actuellement 12,6%), et la forte progression récente de leurs investissements dans ce continent laissent augurer que les activités d’exploration et de développement des découvertes continueront à y progresser tant que les conditions contractuelles et fiscales encourageront à y in­vestir.

Les compagnies asiatiques, notamment les compagnies chinoises, japonaises, indiennes, malaises, coréennes, certaines compagnies du Moyen-Orient, d’Amé­rique latine et de Russie sont également de plus en plus présentes en Afrique. En termes d’investissements, les compagnies pétrolières chinoises y ont été très actives au cours de la dernière décennie, en particulier en Afrique de l’Ouest (par exemple en Angola ou au Nigeria, etc.), de l’Est ou Centrale (tels qu’au Soudan ou au Tchad) et du Nord (Algérie ou Libye). La production africaine des compagnies asiatiques y reste limitée, mais progresse. En revanche, elles cherchent à importer de plus en plus de pétrole de ce continent pour couvrir leur demande énergétique ; ainsi l’An­gola est devenu le second fournisseur de pétrole de la Chine en 2008, après l’Arabie saoudite. Un rapport d’août 2009 publié par le Royal Institute of International Affairs2, analyse les différents modes d’intervention de ces compagnies au Nigéria et en Angola, soit directement par la conclusion de contrats pétroliers d’exploration et de production, soit par le financement connexe des secteurs de l’aval pétrolier et des infrastructures dans le cadre d’accords de type « oil-for-infrastructure », trop récents pour en connaître la véritable portée à long terme.

 

le pétrole et le gaz naturel : une aide précieuse au développement

Les revenus générés par l’exploitation pétrolière et gazière ont permis aux pays producteurs qui en bénéficient de contribuer positivement au développement de ces pays, surtout pendant les périodes où le prix du pétrole a été plus élevé comme depuis cinq ans. Des auteurs s’interrogent parfois pour savoir si la mise en exploi­tation des ressources naturelles est « une bénédiction ou une malédiction » pour le pays concerné. Or, l’étude des retombées sur l’économie nationale montre que dans la majorité des cas l’impact des projets pétroliers et gaziers conduits selon les bonnes pratiques a globalement favorisé le développement économique et social des pays, étant ainsi une bénédiction pour le pays. Certes, des améliorations dans l’utilisation des revenus pétroliers sont peut-être possibles dans quelques pays. Les initiatives ré­centes, telles que l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (EITI), lancée en 2002 au Sommet Mondial sur le Développement Durable et soutenue par des Etats, des investisseurs, des organisations de la société civile et des institutions internationales, ont permis de favoriser la transparence dans les revenus pétroliers.

L’exemple déjà cité du projet de développement des gisements tchadiens mis en exploitation depuis 2003 est instructif, car il avait à l’époque, avant son lance­ment, suscité des critiques de certaines organisations. Aujourd’hui, le projet, qui était difficile car situé dans un pays enclavé, est une réalité. Il a généré jusqu’à maintenant 4,5 milliards de $ de revenus pétroliers pour le pays et ses populations. Pour favoriser la transparence et les retombées du projet pour le pays, des structures de surveillance avaient été mises en place, dont le Groupe International Consultatif, indépendant du pays et des investisseurs. Ce groupe, après dix ans d’observation du projet, vient de publier en juin 2009 un bilan du projet qui répond notamment à la question suivante : « Malgré la forte contestation qui prévalait, la Banque Mondiale a-t-elle bien fait de s’impliquer dans un projet pétrolier comportant des risque envi­ronnementaux et sociaux importants et hôte de pays aux capacités institutionnelles faibles pour pouvoir gérer les impacts multiples ? Nous répondons : Oui ».

Cet exemple extrême montre que la croissance des activités d’exploration et de la production de pétrole et de gaz en Afrique a et aura des retombées positives pour le développement de l’Afrique et de ses populations et en conséquence doit être encouragée. Outre la couverture des besoins énergétiques locaux et l’impact sur le développement du continent, elle contribuera, par les exportations vers les pays consommateurs, à couvrir une part croissante de la demande énergétique mondiale.

 

 

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