Le refoulement forcé et le droit international humanitaire

Fadhil Abdul zahra Al GHARRAWI

(L’Arabie Saoudite comme exemple)

Militant des droits del’homme en Irak

3eme trimestre 2012

Introduction

La question des refoulements forcés est l’une des conséquences des guerres ou des conflits internes. Les accords internationaux relatifs aux droits de l’homme stipulent plusieurs dispositions relatives à la liberté de circulation des personnes. Ils permettent aux autorités de suspendre et de limiter certains de ces droits pour des raisons diverses, allant des questions d’ordre publique aux procédures de planification urbaine. A condition que ces autorités légitiment des actions et offrent des garanties aux personnes concernées (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques), et considèrent les déplacements des populations comme un résultat naturel des opérations militaires, soit spontanément, soit à la suite d’une décision prise par des forces armées. En temps de paix le principe de la liberté de circulation s’applique sur tous les habitants d’un pays et la liberté de mouvement peut se transformer en droit de fuite permettant aux individus d’échapper au danger.

En période de conflit le droit humanitaire émet plusieurs dispositions pour réduire le déplacement de la population civile, ou leur persécution. Aussi le droit humanitaire interdit tout particulièrement l’expropriation des personnes par la force (transport ou refoulement). L’article, dans son essence, est comme un système de protection des civils, et tout le temps et sous toutes les circonstances, il est interdit de forcer les gens à revenir à une zone où leur vie est en danger.

Le terme déplacement, ou expropriation ou exode ou transport ou transfert forcé de population qui suit les déplacements de la population est le résultat de l’utilisation de la force ou des autres formes de coercition contre des civils ou leur liberté. Il est à noter que le Droit humanitaire interdit tout processus d’expropriation forcée des populations et cite des exceptions légales à ce principe mais elles restent limitées, et toute violation de ces dispositions est un crime de guerre selon le Statut de la Cour pénale internationale. Et lorsque le déplacement forcé se produit dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre la population civile, il s’agit alors d’une violation grave des Conventions de Genève et peut être vu comme des crimes contre l’humanité.

Pour atteindre cet objectif le transfert ou l’expropriation est réalisée par le recours à une série de moyens qui inclut la coercition et la contrainte. Parmi ces moyens on retrouve le recours à la violence meurtrière, à la destruction des biens, ou leur pillage, et à la soumission du groupe qu’on souhaite exproprier à un ensemble de pratiques humiliantes et dégradantes, y compris le meurtre et l’usage de la force sans la discrimination. Et comme résultat de cette déportation ou déplacement forcé les exilés perdent leurs propriétés, leur stabilité ainsi que leur sécurité personnelle civile et politique, et les survivants d’entre eux sont contraints à construire une nouvelle vie basée sur la pauvreté, l’itinérance et l’utilisation des terres qui ne leur appartiennent pas et dans des conditions économiques, sociales et culturelles mauvaises et difficiles.

On peut dire qu’en l’absence de définition légale unanime pour « l es personnes déplacées de force », des efforts internationaux sont déployés depuis les débuts de l’attention de la communauté internationale au phénomène du déplacement forcé en vue de parvenir à une telle définition. Ainsi, le paragraphe (17) du rapport analytique du Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies donne en 1992 une définition des personnes déplacées de force, ce sont des « personnes qui ont été forcés à fuir en grand nombre leurs maisons de manière soudaine et inattendue à la suite d’un conflit armé ou de troubles internes, ou de violations continues des droits de l’homme ou des catastrophes naturelles ou produites par l’homme »» 1.

Il semble que le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et avec lui certains États et organisations internationales estiment limiter les déplacés de force sur les personnes qui ont quitté leurs maisons pour les mêmes raisons pour lesquelles les réfugiés ont quitté leur foyer.

Il est à noter aussi que la loi qui traite des réfugiés est le Droit international des réfugiés, qui est l’une des nouvelles branches du droit international applicables aux réfugiés. Ce sont les dispositions de cette loi qui montrent les conditions devant être fournies pour qualifier une personne de « réfugiée »», et les droits dont jouit le titulaire de ce qualificatif et ce qui l’incombe en devoirs et obligations envers l’État de refuge. On peut dire que les dispositions de la présente loi s’appliquent aux réfugiés seulement sans les déplacées de force à l’intérieur de leur propre pays, et ce malgré les points communs de ces deux communautés de gens sur un bon nombre de choses. D’ailleurs, ces deux dernières sont forcées de quitter leur maison, de déménager dans un autre endroit et de faire face à un certain nombre de problèmes, difficultés et besoins similaires dans une large mesure même s’il existe des différences. En effet, il est connu que le réfugié lorsqu’il quitte sa maison il part habiter dans un autre État, alors que le déplacé quitte sa maison vers une autre destination à l’intérieur des frontières de l’État lui-même. Certains d’entre eux trouvent que le fait de se référer à la mesure du franchissement de la frontière internationale comme seul critère pour écarter les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays du champs d’application des dispositions du Droit international des réfugiés est considéré comme inacceptable car il en résulte une distinction entre deux communautés de personnes similaires en circonstances et besoins. Il s’en suit l’application d’une protection internationale spéciale, stable et efficace sur les réfugiés et la privation sans aucune justification des déplacés d’une telle protection.2

En réalité, si le droit international des réfugiés ne vise pas directement à protéger les réfugiés car ne contient pas de dispositions expressives à cet égard, il est préoccupé par leur protection indirectement comme une violation du Droit international humanitaire et des Droits de l’homme et en tant que moyen efficace vers la réduction du nombre de réfugiés. Et c’est ce qui contribue à l’atteinte de son objectif. La diminution du nombre de réfugiés à travers le monde allègera le fardeau des États hôtes, ce qui entraînera parallèlement une augmentation de leurs capacités à protéger et à assister les réfugiés sur leur territoire.3

En ce qui concerne l’Irak, le problème de l’asile, de l’exode et de l’expropriation n’est pas le résultat des évènements actuels, mais remonte aux années soixante dix, où le pays connut de grandes vagues successives. La première d’entre elles a commencé immédiatement après l’effondrement de l’autonomie kurde dans le nord de l’Irak en 1975. Cela a conduit à la fuite de milliers de Kurdes irakiens vers l’Iran et la Turquie, où des camps ont été établis pour les héberger. Certains d’entre eux ont été reçus ensuite par plusieurs pays occidentaux, notamment l’Allemagne, la Suède, la Grande-Bretagne et les États-Unis.

L’éclatement de la guerre Irak — Iran en 1980 a également abouti à la fuite d’environ un demi-million d’irakiens d’origine iranienne vers l’Iran, la plupart d’entre eux sont restés dans des camps situés près de certaines grandes villes. En outre les campagnes militaires menées contre les Kurdes entre les années 1987 et 1988 ont engendré l’exode d’environ 350 000 kurdes d’Irak vers l’Iran et la Turquie. Mais le nombre d’Irakiens déplacés par la force s’est accru de manière claire, après l’invasion du Koweït en Août 1990 et la guerre qui s’en est suit, notamment dans les pays vers lesquels ils se sont réfugiés comme l’Arabie Saoudite, la Turquie et l’Iran.

C’est ce qui a conduit à la généralisation du phénomène de l’asile sur le peuple irakien, car il a envahi toutes les communautés et les races sans exception, il a aussi touché toutes les régions du sud au nord en passant par le centre. Les irakiens réfugiés et exilés en Arabie Saoudite ont subi une grande souffrance, et le fait de les avoir forcés à retourner à leur pays a provoqué l’assassinat de beaucoup d’entre eux, ce qui peut être considéré comme le plus grand crime contre l’humanité.

Pour toutes ces raisons nous allons discuter la question des civils irakiens qui ont été déplacés de force en Arabie Saoudite, quels sont leurs droits, quelle est la responsabilité légale qui incombe aux autorités saoudiennes pour les protéger et quelles sont les violations qu’ils ont subies et qui ne correspondent pas à la réalité des droits de l’homme et des normes et conventions internationales.

Premier chapitre : les droits de l’homme selon les règles du droit international

Il est connu que les règles du droit international ne sont pas écrites sous forme d’une loi sur une échelle internationale qu’on consulte lorsqu’il est nécessaire de régler un différend ou une question internationale comme c’est le cas pour le droit civil ou le droit pénal ou encore le droit commercial par exemple.

Des efforts sont encore fournis par la communauté internationale afin de codifier ces règles du droit visant à faciliter leur consultation, la lecture de leur contenu et la peine que prévoit le texte juridique et la partie qui signe cette peine lors de la violation de ces règles. Quelle que soit le cas, les dispositions du droit international sont clarifiées à travers les sources de ce droit prévues à l’article 38 du statut principal de la Cour de justice internationale. Ces sources primaires et secondaires sont les suivants:

  1. Les principales sources

C’est l’ensemble des conventions internationales publiques et privées, leurs sources d’obligation se répartissent comme suit : d’abord la volonté générale des États signataires car la volonté constitue une source d’engagement parmi d’autres, deuxièmement, la convention internationale acceptée et respectée par l’existence de ses deux composantes appelées dans les sciences juridiques l’élément physique et l’élément moral, et troisièmement les principes généraux du droit approuvés par les États civilisés.

  1. Les sources secondaires

Ce sont les dispositions des tribunaux internationaux comme le Tribunal de La Haye pour juger les criminels de guerre et la Cour internationale de Justice et ce que publie la Cour pénale internationale fondée en 2002, dont l’idée de création a vu le jour à Rome en 1998. On retrouve aussi les doctrines et les opinions des hauts érudits du droit international de différentes nations. Ce sont là des sources de réserve pour les règles du droit international.

À la lumière de ce qui précède, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui a été approuvée par l’écrasante majorité des pays (sauf certains comme l’Arabie Saoudite) est considérée comme une importante et principale étape vers l’élaboration d’une liste des droits humains internationaux qui disposent d’une force juridique et morale au sein de la communauté internationale. Il ne fait aucun doute que la Déclaration universelle des droits de l’homme assure les normes des droits fondamentaux de l’humanité qui sont devenues une importante source à de nombreuses constitutions et lois nationales dans les pays du monde. Et c’est la même chose en ce qui concerne les accords relatifs aux droits. Soulignant que chaque État signataire de ces conventions a juré de protéger son peuple grâce à l’application de la loi et à l’interdiction des traitements cruels et inhumains et reconnait le droit pour chaque être humain à la vie, la sécurité, la liberté et à la vie privé. Aussi, les conventions internationales mentionnées interdisent l’esclavage et assurent un jugement légal et une protection contre les arrestations ou détentions arbitraires et approuvent à chacun la liberté de penser, d’expression, de religion ainsi que la liberté d’opinion et le droit au rassemblement pacifique et à l’émigration, etc..

En ce qui concerne ce qui est stipulé à l’article (5) de la Déclaration universelle des droits de l’homme il n’est pas permis de soumettre un homme à la torture ou aux peines, ou à un traitement cruels et inhumains ou rabaisser sa dignité. Il est aussi indiqué dans l’article (6) « que tout être humain partout où qu’il se trouve a le droit d’avoir son identité légale »». Conformément à l’article (14) de la Déclaration « toute personne a le droit de chercher asile en d’autres pays ou d’essayer de s’y réfugier pour fuir la persécution. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites pour des crimes non politiques ou sur des agissements contraires aux intérêts des Nations unies et de ses principes ».

Il est des accords importants qui protègent les droits humains fondamentaux comme la Convention de 1948 pour la répression du crime de génocide et son châtiment, et la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et crimes commis contre l’humanité et la Convention sur la prévention de la torture physique ainsi que la prévention des expériences sur les êtres humains et les prisonniers de guerre et les prisonniers.

On peut dire que ces violations des droits de l’homme sont considérées comme des crimes internationaux volontaires qui exigent des comptes de ceux qui en sont responsables, conformément aux preuves juridiques qui ont démontré les responsables qui les ont commis.

Deuxième chapitre : les droits des déplacées de force selon les conventions internationales.

Telle une conséquence aux catastrophes naturelles, aux guerres, aux conflits internes et externes, à la propagation de phénomènes de violations des droits de l’homme et d’oppression des systèmes dictatoriaux, les problèmes d’expropriation, d’exode et de déplacement ont émergé des zones de conflit et d’injustice vers des zones plus sûres et plus stables.

Il ne fait aucun doute que la question des réfugiées et des expropriés dans le monde est l’un de ces cas les plus complexes qu’ait connu la famille internationale. En effet, il y a plus de 30 million de personnes réfugiées, déplacées, sans abris et exilées dans le monde qui ont aujourd’hui besoin de soin, de logis, de sécurité et de stabilité en plus de leur autres besoins en services humains.

Il existe une série d’évènements et de procédures entre liés qui concernent les réfugiés à l’instar de l’identification des causes de la migration et de l’exode de masse et l’assurance des besoins primaires en différents services et en protection et puis le refoulement volontaire des déplacés et l’assurance des conditions sécuritaires pour leur retour.

L’exil n’est pas choisi pour sa réalité, mais la personne est poussée par des circonstances cruelles vers une situation nouvelle, elle doit donc vivre en exil, même si elle dépend des autres pour plusieurs besoins fondamentaux comme la nourriture, les vêtements, l’éducation, le logis, et les soins de santé etc. Il n’y a pas le moindre doute que les Nations unies fournissent de grands efforts pour développer des solutions à cette question, que ce soit par l’intermédiaire du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) ou à travers les autres dispositifs annexés aux Nations unies.

Il ne fait aucun doute qu’il existe une relation étroite entre le problème des migrants forcés et la question des violations des droits de l’homme. Ces violations ne pousse pas seulement les déplacés à fuir leurs pays par la force, mais les empêche aussi de revenir dans leurs patries tant que la raison qui les a fait migrer est toujours présente, c’est ce qui s’est réellement passé pour les civils irakiens qui ont fui vers l’Arabie Saoudite à cause de l’oppression de l’ancien régime.

La Convention du 12 Août 1949 sur la protection des personnes civiles en temps de guerre, représente une importante évolution du droit international codifié dans le domaine humanitaire. En effet, cette dernière a mis au point un accord spécial pour les civils, et a aussi jeté les bases du principe général visant à protéger la population civile, et qui a consacré le droit de respecter en tout temps l’appartenance des personnes protégées, leur honneur, leurs droits familiaux, leurs convictions religieuses et leurs us et coutumes. Elles devraient être traitées humainement en toutes circonstances et en tout temps et protégées notamment contre tout acte de violence ou de menace, et il faut protéger les femmes en particulier.4

Ainsi, lors de conflits armés internationaux et non internationaux, les réfugiés jouissent de protection générale contre les dangers résultant d’opérations militaires, non pas en tant que telles, mais comme des civils ordinaires. Aussi, ils ne devraient pas être des objets d’attaque ou des cibles à des actes de violence ou de menace dans le but de répandre la terreur parmi eux ou les intimider, ou les exiler ou les déplacer de force, ou les retourner à leurs pays par la force.5

À ce propos, il est à noter que l’article (17) du Protocole additionnel II avait négligé de mentionner quelques-unes des conditions de déplacement forcé visées à l’article (49) de la Quatrième Convention de Genève comme la nécessité de rapatriement des déportés par la force vers leurs pays d’origine dès la cessation des hostilités, et en tenant compte de ne pas séparer les membres d’une même famille.6

Il est à noter aussi que le droit international humanitaire avait établi un ensemble de garanties après le refoulement, ainsi si une personne est déplacée ou exilée, elle aura droit à une variété de formes de protection et de droits fondamentaux, ainsi qu’à des dispositions spéciales relatives aux personnes réfugiées spécifiquement. Car ces personnes constituent une partie de la population civile, elles ont alors le droit lors de leur refoulement de bénéficier d’une protection et des droits accordés à la population civile en général.

La quatrième Convention de Genève énumère les conditions essentielles pour l’opération de déplacement, et les garanties sont principalement liées aux circonstances qui doivent être fournies lors du déplacement, comme fournir des logis convenables aux réfugiés et ne pas séparer les membres d’une même famille.

Les dispositions contenues dans les quatre Conventions de Genève et ses deux Protocoles, ou dans le statut du Comité international de la Croix Rouge, ne confient pas à la Commission une compétence explicite de protection et d’aide aux personnes déplacées de force dans leur pays. Elles sont toutefois préoccupées par la protection et l’assistance aux expropriés de force dans leur pays dans le cadre de leur intérêt général pour la protection et l’assistance à tous les civils, ainsi que dans leurs efforts pour assurer le respect du droit international humanitaire, qui contient de nombreuses dispositions relatives à leur protection et leur assistance.

Le Comité n’est donc pas spécialisé dans la protection et l’assistance aux réfugiés en tant que tels, mais comme des civils protégés par les règles du droit international humanitaire. Seulement, les conditions de déplacement forcé interne subis par les réfugiés en font de ces personnes des civils parmi les plus vulnérables qui ont le plus besoin de protection et d’assistance urgente, tout comme les personnes âgées, les malades, les enfants et les femmes.7

Troisième chapitre : le retour forcé et le droit international humanitaire

Le principe reconnu au plan international (défense d’expulsion et de refoulement forcé) oblige les États à ne pas retourner les réfugiés forcés vers un pays où ils peuvent être exposés à de graves violations des droits humains. Ce principe se trouve dans l’article 33 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, qui stipule ce qui suit :

« Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».

Ce principe a été reconnu par la communauté internationale comme l’une des normes habituelles du droit international, et s’applique à tous les États, indépendamment du fait qu’ils soient partie ou pas de la présente Convention.

Il est à noter que le retour doit être entièrement volontaire. Obliger les personnes physiquement à retourner à leur pays, ou les priver de leurs droits d’une manière qui ne leur laisse pas d’autre choix que d’y retourner, est considéré comme une violation du droit international, des droits de l’homme et des droits des réfugiés.

Il est intéressant de souligner : qu’il est dangereux que les États tentent en toutes circonstances, de se soustraire à cette responsabilité en disant que les personnes exilées et les réfugiés sont moralement obligées de retourner dans le pays d’où ils s’étaient enfuis pour participer à sa reconstruction. Ces États ne prennent pas en compte les raisons spécifiques qui ont conduit ces personnes à fuir leur pays, et ne s’intéressent qu’à répandre la peur parmi elles.

En ce qui concerne les réfugiés de force parmi les irakiens en Arabie Saoudite, après le désastre de la guerre du Golfe de 1991 et le retrait des forces irakiennes du Koweït, des milliers de soldats de l’armée irakienne se sont rendus aux forces américaines et britannique, et aux autres forces de la coalition. À la suite de la répression de l’insurrection populaire de 1991 une vague de déplacement majeure de la population avait eu lieu du Kurdistan et du sud vers l’Arabie Saoudite, la Turquie et l’Iran8.

Il y avait parmi eux des familles des régions chiites du sud du pays. En début du mois d’avril deux camps ont été mis en place dans le désert nord d’Arabie Saoudite afin d’y installer pas moins de 32 000 réfugiés. Les prisonniers de guerre ont été réinstallés seulement dans le camp « Al Artaouiya », tandis que les civils, les femmes et les enfants ont été réinstallés dans le camp de « Rafha ».

Le gouvernement du Royaume d’Arabie Saoudite a permis aux représentants du Comité international de la Croix Rouge (CICR) et du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) de visiter les camps.

Malgré le fait que le CICR et les autorités saoudiennes n’avaient pas réussi a émettre une déclaration publique à cet égard, l’organisation Amnesty International avait compris que le Comité international de la Croix Rouge considère les réfugiés comme des prisonniers civils de guerre, et que les termes de la Quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre datée du 12 août 1949 s’applique sur eux, tandis que le gouvernement saoudien les considère comme de simples réfugiés. Il est à noter que : les autorités saoudiennes avaient retourné des centaines d’exilés irakiens de force des camps « Al Artaouiya » et « Rafha » vers l’Irak où ils ont rencontré de graves violations des droits de l’homme, et bien plus que cela, ils ont été conduits à la mort par les voyous de l’ancien régime. Selon le Comité américain pour les réfugiés, au moins 3387 irakiens exilés ont été renvoyés de force en Irak en 1991 sans passer par des entretiens avec le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) ou le Comité international de la Croix rouge. Aussi, au moins 4.000 irakiens ont été refoulés sans aucune observation internationale pendant la première partie de l’année 1992.

Il convient de noter que : l’organisation Amnesty International a recensé des dizaines de cas de refoulement forcé d’irakiens exilés. Et dans la plupart de ces cas, les enquêtes menées par Amnesty International indiquent que le refoulement a été utilisé pour punir les personnes accusées d’infractions pénales en plus des personnes considérées par les autorités du camp d’être des fauteurs de troubles. Cette technique (de refoulement) est également utilisée pour faire taire toutes les formes de critique et de protestation des réfugiés qui vivent dans la peur constante de les retourner de force en Irak. Dans d’autres cas, le refoulement se produit à la suite d’une entente secrète entre certaines autorités du camp et les services de renseignements irakiens. Mais dans la plupart des cas, le refoulement était pratiqué par les autorités saoudiennes pour des raisons communautaires, en particulier contre les civils chiites.

Quatrième chapitre : la responsabilité juridique de refoulement des réfugiés irakiens de l’Arabie Saoudite

Le principe reconnu au plan international (de non-refoulement) oblige les États à ne pas retourner les réfugiés de force vers un pays où ils risquent d’être exposés à de graves violations des droits humains. Ce principe est cité dans l’article 33 de la Convention de 1951 relative aux réfugiés, elle stipule que « Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».

Ce principe a été reconnu par la communauté internationale comme l’une des normes habituelles du droit international, et s’applique à tous les États, indépendamment du fait qu’ils soient une partie ou pas de la présente Convention.

Il est à noter que : le retour doit être entièrement volontaire. Obliger les personnes physiquement à retourner à leur pays, ou les priver de leurs droits d’une manière qui ne leur laisse pas d’autre choix que de revenir, est considéré comme une violation du droit international, des droits de l’homme et des droits des réfugiés.

Il est intéressant de souligner: qu’il est dangereux que les États tentent en toutes circonstances, de se soustraire à cette responsabilité en disant que les personnes exilées et les réfugiés sont moralement obligés de retourner dans le pays d’où ils s’étaient enfuis pour participer à sa reconstruction. Ils ne prennent pas en compte les raisons spécifiques qui ont conduit ces personnes à fuir leur pays, et ne s’intéressent qu’à répandre la peur parmi elles.

Nous croyons que : les autorités saoudiennes en refoulant de force les civils qui se trouvaient dans les camps de « Al Artaouiya » et de « Rafha », leur geste constitue un crime contre l’humanité pour plusieurs raisons, parmi lesquelles :

  1. Cette action était contraire à la Convention des Nations unies sur les réfugiés de 1951 et, en particulier en ce qui concerne les obligations de l’État accueillant les réfugiés et les exilés, comme la nécessité de la création de camps d’accueil équipés de toutes les exigences de la vie et qui fournissent des refuges sûrs pour eux. Ainsi les autorités saoudiennes pour avoir retourné des réfugiés par la force en Irak et risqué leur vie ont commis une violation flagrante de la Convention des réfugiés de 1951.
  2. Cette action était contraire à la résolution n°688 du Conseil de sécurité, tandis que cette résolution condamne l’oppression subie par la population civile dans de nombreuses parties de l’Irak, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies demande à utiliser toutes les ressources à sa disposition, y compris les ressources des Nations unies afin de répondre sur une base urgente, aux besoins pressants des réfugiés et des exilés irakiens9. Tandis que la communauté internationale appelle à protéger les réfugiés et les exilés irakiens en Arabie Saoudite, en Turquie et en Iran, nous constatons que les autorités saoudiennes ont eu l’initiative contrairement à la communauté internationale de mettre en danger les réfugiés et les exilés en les renvoyant de force et en les contraignant à signer des documents contraires à leur volonté de retourner à leur pays.
  3. À la lumière de ce qui précède, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui a été approuvée par l’écrasante majorité des pays (sauf certains comme l’Arabie Saoudite) est considérée comme une importante et principale étape vers l’élaboration d’une liste des droits humains internationaux qui disposent d’une force juridique et morale au sein de la communauté internationale. Soulignant que chaque État signataire de ces conventions a juré de protéger son peuple grâce à l’application de la loi et à l’interdiction des traitements cruels et inhumains et reconnait le droit pour chaque être humain à la vie, à la sécurité, à la liberté et à la vie privé. Aussi, les conventions internationales mentionnées interdisent l’esclavage et assurent un jugement légal et une protection contre les arrestations ou détentions arbitraires et approuvent à chacun la liberté de penser, d’expression, de religion ainsi que la liberté d’opinion et le droit au rassemblement pacifique et à l’émigration, etc..

Cela ne signifie pas que les autorités saoudiennes ont le droit de justifier le fait de retourner les réfugiés de force en Irak et les exposer à toutes sortes de torture par le fait qu’elles ne consentent pas aux termes de la Déclaration universelle des droits de l’homme. En effet, les droits de l’homme représentent la dimension humaine du monde entier. Il incombe donc des obligations aux autorités saoudiennes pour la protection des réfugiées de force d’un point de vue des droits de l’homme et, en particulier en ce qui concerne le droit à la sécurité et la sûreté et à un refuge sûr pour le retour volontaire, elle a ainsi pratiqué une violation flagrante des droits de l’homme.

  1. La Convention du 12 Août 1949 sur la protection des personnes civiles en temps de guerre, représente une importante évolution du droit international codifié dans le domaine humanitaire. En effet, cette dernière a mis au point un accord spécial pour les civils, et a aussi jeté les bases du principe général visant à protéger la population civile, et qui a consacré le droit de respecter en tout temps l’appartenance des personnes protégées, leur honneur, leurs droits familiaux, leurs convictions religieuses et leurs us et coutumes. Elles devraient être traités humainement en toutes circonstances et en tout temps et protégées notamment contre tout acte de violence ou de menace, et il faut protéger les femmes en particulier10. Par conséquent, les autorités saoudiennes avaient violé les dispositions de la Convention et ses deux protocoles annexes en retournant les civils irakiens par la force vers l’Irak, en particulier concernant la protection des civils lors des conflits armés. Cela est dû au fait que les réfugiés jouissent dans le cadre de conflits armés internationaux et non internationaux de protection générale contre les dangers résultant d’opérations militaires, non en tant que tels mais comme des civils ordinair Ils ne devraient donc pas être des objets d’attaques ou des cibles à des actes de violence ou de menace dans le but de répandre la terreur parmi eux ou les intimider, ou les exiler ou les déplacer de force, ou les retourner à leurs pays par la force11.
  2. Il est à noter que le droit international humanitaire avait établi un ensemble de garanties après le refoulement, ainsi si une personne est déplacée ou exilée, elle aura droit à une variété de formes de protection et de droits fondamentaux, ainsi qu’à des dispositions spéciales relatives aux personnes réfugiées spécifiquement. Car ces personnes constituent une partie de la population civile, elles ont alors le droit lors de leur refoulement de bénéficier d’une protection et des droits accordés à la population civile en général, y compris leur non-refoulement forcé vers leur pays d’origine, qui constitue une violation du droit international humanitaire.
  3. Il est à noter aussi que la loi qui traite des réfugiés est le Droit international des Réfugiés, qui est l’une des nouvelles branches du droit international applicables aux réfugiés. Ce sont les dispositions de cette loi qui montrent les conditions devant être fournies pour qualifier une personne de « réfugiée », et les droits dont jouit le titulaire de ce qualificatif et ce qui l’incombe en devoirs et obligations envers l’État de refuge. On peut dire que les dispositions de la présente loi s’appliquent aux réfugiés seulement, et les droits de l’homme prennent en charge les affaires des déplacés de force, par conséquent, les autorités saoudiennes avaient violé ce faisant, le droit des réfugiés et les droits de l’homme, qui contiennent un principe explicite dans le traitement de la situation des réfugiés et des déplacés forcés qui est le retour volontai

Il est donc clair de ce qui précède que, bien que l’Arabie Saoudite ait accueilli des réfugiés irakiens après les événements de 1991, elle a cependant exercé contre eux les pires violations des droits de l’homme. Parmi ces violations la non création de conditions de vie décente, la pratique de la torture psychologique et physique à leur encontre, le non traitement des groupes spéciaux tels que les femmes et les enfants d’une manière concordante avec les accords qui leur assurent des protections tels que la CEDAW et la Convention relative aux droits de l’enfant. Ainsi on considère que ces actes sont un crime contre l’humanité qui exige que leurs responsables comparaissent devant le tribunal pénal pour être jugés comme des criminels de guerre selon les règles du Droit international humanitaire et celles des droits de l’homme.

 

Notes

  • Mohammad Safi Yousouf, la Protection internationale des déplacés de force à l’intérieur de leur pays, Dar Al Nahda Al Arabiya, le Caire, 2004, p. 15.
  • Ibid, p. 51.
  • Ibid, p. 53.
  • Voir : The Geneva Conventions of August 12, 1949, International Committee of the Red Cross, Geneva,

2007, p. 165.

  • Mohammad Safi Yousouf, la Protection internationale des déplacés de force à l’intérieur de leur pays, Dar Al Nahda Al Arabiya, le Caire, 2004, p. 43.
  • Ibid, p. 43.
  • Ibid, p. 103.
  • À la mi-avril, les rapports ont déclaré que 2 000 000 de citoyens kurdes qui représentent environ la moitié de la population du Kurdistan ont quitté leurs villes et villages pour échapper aux forces du système. Ils se sont dirigés vers les frontières turco-iraniennes ou vers les montagnes, où il règne une sécurité relative. Le rapport a aussi déclaré que 500 000 personnes ont franchi la frontière turque et plus d’un million de Kurdes et d’habitants du sud se sont dirigés vers l’Iran. Beaucoup de ces réfugiées à la frontière étaient dans des conditions extrêmement mauvaises attendant de franchir ces deux pays. Tous les jours entre 2 000 et 3 000 personnes d’entre eux mouraient à cause des mauvaises conditions météo, de la maladie et de la famine. Et suite à la pression de l’opinion publique, la Turquie a permis l’entrée des réfugiés sur son territoire après avoir refusé dans un premier temps. Quant à l’Iran, il a ouvert ses frontières et a accueilli 1,3 million de réfugiés du Kurdistan et du sud. Le retour des réfugiés était rapide au Kurdistan, la création de la zone de sécurité dans la région et l’hostilité vécue par les réfugiés, en particulier en Turquie étaient des éléments qui les ont motivé à y retourner, donc il y avait eu un retour important de réfugiés de l’Iran et de la Turquie à la fin du mois de mars 1991. Et selon des sources des Organisation des Nations unies, 1 470 000 citoyens kurdes sont revenus de ces deux pays vers l’Irak à cette année. À la mi-1991, les rapports ont signalé que 23 000 réfugiés civils et 13 000 prisonniers irakiens parmi ceux qui ont refusé de retourner en Irak et qui ont choisi de se réfugier étaient dans deux camps dans le nord de l’Arabie Saoudite, et un autre groupe de personnes réfugiées se sont techniquement trouvées hors du système de l’asile (car une des conditions requises pour les réfugiés est le franchissement de frontières internationales et la demande d’asile dans un autre État) ceux là étaient des réfugiés à l’intérieur de l’Irak, en particulier dans le sud, qui se sont exilés dans les sillages de la répression sanguinaire de l’insurrection. Au 31/12/1991 leur nombre total avait atteint 700 000 personnes, et a augmenté à 900 000 le 31/12 / 1997. Ainsi, l’Irak occupe la cinquième place parmi les pays ayant la plus grande nombre de citoyens réfugiés en interne. Voir une recherche du professeur Hashim Naama, intitulée « la Migration des irakiens et ses effets sur la structure de la population » sur le site internet :http://www.ahewar.org.
  • Voir : Dr. Monther Al Fadhl, Etudes sur la question Kurde et l’avenir de l’Irak, Dar Aras pour l’impression et l’édition, Arbil, Irak, 2e édition, p. 84.
  • Voir : The Geneva Conventions of August 12, 1949, International Committee of the Red Cross, Geneva, 2007, P, 165.
  • Mohammad Safi Yousouf, la Protection internationale des déplacés de force à l’intérieur de leur pays, ibid,
  1. 43.
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