L’énergie au Japon

André pertuzio

Consultant pétrolier international et ancien conseiller juridique pour FàiCTgk à la Banque Monctak.

Trimestre 2010

Le 1er AOÛT 1941, LE PRÉSIDENT RoOSEVngT décrétait un embargo total sur le pétrole destirié au Japon, suite u un ensemble de mnsures aestinéee à couper ce pays de ses sources d’npprovisionnement énergétic[ue. Comme le dira plus tard Winston Churchill, « le Japon n’avait pluc d’autre voie que la guerse » pour se libé­rer d’une pnralytie totale, aveo comnen premier objectif les Indgs néerlandaisee, pays producteur. C’était là le but poursuivi par Roosevelt dans sa détermination d’entrer en guerre. L’arme du pétrole s’était révélée, comme prévu, fatale, arme stratégique déterminnnee œntre un pays dénué de ressourégs énergétiques propres ou faciles à obtenir.

Cette situation est l’une des données premières concernant la politique écono­mique et la stratégie internationale du Japon.

Après la guerre et la défaite, le Japon, uni dans le patriotisme, évolua avec la même détermination que l’empereur Meiji avait mise au xixe siècle pour moder­niser son pays en utilisant les savoirs, technologies et méthodologies de l’Occi­dent européen, afin d’en faire une grande puissance en devenir. Sous la coupe des États-Unis, le Japon adopté un régime démocratique quoique toujours dominé par l’oligPrchie des anciens Zanbatiu, aujourd’hui grandes sociétés comme Mitsui, Mitsubishi, Sumitomo, etc. Le pPys se oéveloppc alors économiquement de feçon spectaculaire jusqu’à ddvenir lc deuxième puissance économique du monde. Mois cela c demandé et demande de plus en plus de conoommatian d’énergie, nvec tous les aléas que recèle une dépendance totale à cet égard.

Nous allons donc voir la réalité de la situation énergétique du Japon d’au­jourd’hui.

Panorama énergétique du Japon

La consommation énergétique du Japon s’est accrue en cinquante ans de 566 %, passant de 80 000 tonnes par an en i960 à environ 540 000 tonnes au­jourd’hui, le Japon étant le quatrième consommateur mondial, avec une consom­mation per capita de 4,5 à 5 tonnes par an, ce qui est la moyenne des puissances industrielles membres de l’OCDE, les États-Unis étant la première avec 8 tonnes par an, la Chine, deuxième consommateur mondial mais avec seulement 1,3 tonne par an per capita, l’Afrique ne consommant que 0,5 tonne par an. Cette consom­mation énergétique du Japon se répartit de la manière suivante, évaluée en tep (tonne équivalent pétrole, c’est-à-dire la quantité de calories dégagée par une ma­tière énergétique équivalente à celle dégagée par une tonne de pétrole) : charbon, 120 millions, pétrole, 240 millions, gaz naturel, 90 millions, électricité primaire, 90 millions (nucléaire et hydraulique).

Il est à noter que les 450 millions de tonnes de matières fossiles sont à peu près totalement importées, la production locale n’étant annuellement que de 800 000 tonnes de pétrole et les réserves de gaz représentant 20 millions de tep, soit des quantités négligeables.

Les importations de pétrole brut sont les plus importantes et proviennent à 88 % du Moyen-Orient, dont 1/3 d’Arabie Saoudite, 6 % d’Indonésie, Australie et du Vietnam, 3,5 % de Russie et le reste d’Amérique latine. Ce pétrole, dont environ 40 millions de tonnes de produits pétroliers est à usage industriel et domestique ainsi qu’à des centrales thermiques produisant de l’électricité. Les transports, notamment automobiles, ne représentent qu’environ 40 % du pétrole utilisé, soit une consom­mation inférieure à celle des pays occidentaux, qui est d’environ 50 % et à celle des États-Unis qui atteint 60 %. En matière de gaz naturel, 97 % des importations sont représentées par du GNL (gaz naturel liquéfié), dont le Japon est le premier importateur du monde et qui prend de plus en plus d’importance dans la politique énergétique du pays. Nous en donnerons plus loin le détail.

Ce panorama énergétique est celui d’une grande puissance industrielle, mais dont l’autosuffisance en la matière est limitée à l’électricité primaire d’origines nu­cléaire et hydraulique, soit environ 18 %, d’où une très active politique de diversi­fication internationale.

Sécurité et diversification des approvisionnements

Un pays dépendant à ce point de ses importations de matières énergétiques, charbon et hydrocarbures pour plus de 80 % de ses besoins, doit nécessairement veiller à la sécurité de ses approvisionnements et, pour ce faire et donc permettre la croissance économique, doit améliorer les rendements énergétiques, diversifier les sources d’approvisionnement, soit, à la fois, les matières énergétiques et les four­nisseurs, et enfin entreprendre une politique de participation à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures dans le domaine international.

  1. En ce qui concerne l’efficacité dans la transformation et l’utilisation des énergies, les Japonais sont donc devenus très performants, notamment du point de vue technique et de l’utilisation rationnelle des produits.
  2. En ce qui concerne la diversification de l’utilisation des différentes éner­gies, c’est-à-dire la part dévolue à chacune d’entre elles en vue des néces­sités industrielles et autres, le Japon a réduit autant que possible ses im­portations de pétrole en les maintenant à un niveau donné et même en les diminuant. C’est ainsi que, de 262 millions de tonnes en 1978, ce niveau est revenu en 2008 à un niveau légèrement inférieur à 240 millions, soit de 73 à 44 % des besoins énergétiques qui passaient dans le même temps, de 350 à 540 millions de tep. En même temps, le charbon passait de 13 à 22 %, le gaz naturel de 4,5 à 17 % et l’électricité primaire (nucléaire et hydraulique) de 8,5 à 17 %.
  3. En ce qui concerne la diversification géographique, elle s’est révélée dif­ficile pour le pétrole car la source d’approvisionnement évidente était et reste le Moyen-Orient, les importations d’Indonésie ayant diminué de moitié en raison du déclin de la production, mais ce pays n’intervenait il y a vingt ans que pour 13 % (aujourd’hui 6 %). En revanche, le Japon importe dorénavant du brut de Russie, en pourcentage modeste quoique supérieur à celui de l’Indonésie, et sans doute destiné à augmenter lorsque la bretelle de l’oléoduc de la Sibérie vers le Japon sera terminée. Pour l’ins­tant, la Chine a gagné car son embranchement sera construit le premier et transportera 600 000 barils par jour, soit 30 millions de tonnes par an. Une quantité similaire pour le Japon représenterait donc 12,5 % des importations.
  1. En ce qui concerne le gaz naturel, ce dernier est évidemment l’énergie dont la croissance a été la plus spectaculaire sous forme de GNL (gaz naturel liquéfié), dont le Japon est le premier importateur mondial. La di­versification géographique et les prises de participation de sociétés impor­tatrices japonaises y sont très importantes. Ce GNL, qui est utilisé pour la production d’électricité et dont le prix est étalonné sur celui du pétrole qu’il remplace, est regazéifié dans 26 terminaux de regazéification d’une capacité totale de 230 millions de m3 pour des importations annuelles de 90 milliards environ, cette surcapacité permettant une grande flexibilité dans la réception des méthaniers et les variations de la demande. Il en est de même en Corée du Sud, elle aussi dépendante des importations et grande consommatrice de GNL (4 terminaux d’une capacité de 77 mil­liards de m3 pour une consommation de 30 milliards), au Japon, en Corée et à Taiwan, constituant le plus grand marché de GNL du monde. Si le Japon ne dispose pas d’un réseau de gazoducs internes reliant les régions, celles-ci ont cependant un accès direct à plusieurs terminaux.
  2. En ce qui concerne les pays fournisseurs, le Japon s’approvisionne auprès de nombreux pays avec lesquels les sociétés d’électricité ont des contrats d’achat. Le principal fournisseur était l’Indonésie jusqu’au déclin de sa production de GNL, quoiqu’un renouvellement du contrat d’approvi­sionnement pour 16,3 milliard de m3 par an vienne d’être conclu. Mais c’est aujourd’hui le sultanat de Brunei qui est le premier fournisseur du Japon en GNL, suivi par l’Australie, la Malaisie, le Qatar, en attendant le GNL à produire en Iran suivant le projet South Pars, auquel participent de nombreuses sociétés internationales.

La diversification géographique se traduit également par des prises de par­ticipation en amont par les sociétés japonaises. Il est ainsi d’Abu Dhabi, où Mitsui est l’un des partenaires de l’usine de GNL, d’Oman, où Sanboku Natural Gas Power Co intervient dans des usines de production d’élec­tricité, de la Guinée équatoriale, où Mitsui et Marubeni participent à la construction d’une usine de liquéfaction de gaz naturel, et surtout de Sakhalin, où des consortiums internationaux se sont créés avec Gazprom en vue des projets Sakhalin 1 avec Exxon Mobil et une participation de la société japonaise Sakhalin Oil and Gas Development. Ce projet de GNL d’un montant de 15 milliards de dollars prévoit la production de 11 mil­liards de m3 par an. Quant à Sakhalin 2, avec Exxon Mobil et Shell, il comprend aussi Mitsui et Mitsubishi comme associés. Le projet de 20 mil­liards de dollars prévoit une usine de GNL de 7,5 milliards de m3 par an. Ces deux projets sont particulièrement intéressants étant donné leur proximité du Japon.

On voit que, dans tous ces projets, les sociétés japonaises vont à la source de GNL et ne sont plus seulement des acheteurs.

Notons que cette diversification internationale s’étend aussi au pétrole, avec Petrobras au Brésil et au Vietnam, et même à l’éthanol en joint-ven­ture, avec les producteurs brésiliens. Inversement, des intérêts australiens participent à la construction d’un pipeline au Japon avec Osaka Gas Co, et la China National Petroleum Corp. intervient dans l’importante raffinerie de Takaishi à Osaka.

Il est d’autres exemples de cette coopération internationale qui permet aux sociétés japonaises une grande flexibilité pour s’adapter aux besoins et aux circonstances, et réduire la marge d’insécurité inhérente à un pays qui dépend des importations pour la continuité de ses productions et de sa croissance.

Terminons en ce qui concerne les hydrocarbures en ajoutant que le Japon dis­pose d’importantes réserves stratégiques pour cinq mois de consommation, ce qui est supérieur aux normes généralement en usage dans les pays industriels.

Electricité et nucléaire

Quels que soient les efforts et les réussites du Japon pour assurer la sécurité de ses approvisionnements, il est certain que l’autosuffisance est le but poursuivi, qu’elle soit totale, cas unique de la Russie, ou partielle pour les autres grandes puis­sances industrielles. Dès lors, et ce dès 1973, la décision est prise d’investir dans l’industrie nucléaire pour la production d’électricité. Cette démarche est d’ailleurs concomitante avec la démarche française en la matière, la France étant elle-même à peu près entièrement dépendante des importations énergétiques, avec, il est vrai, plus de proximité et donc de facilité pour son approvisionnement. C’est ainsi que le Japon possède aujourd’hui 55 réacteurs nucléaires contre 59 en France, déve­loppant une puissance de 48 220 mégawatts, qui place le Japon au troisième rang mondial pour la production d’électricité nucléaire et assure près de 30 % de ses besoins en électricité, qui atteignent 1 100 TWh par an (milliards de KWh). La construction de 11 réacteurs supplémentaires est prévue afin de parvenir vers 2017 à environ 43 % de la consommation, le reste étant actuellement produit par les centrales thermiques (60 %) ou hydrauliques (10 %).

Au plan technique, le Japon est aujourd’hui le seul pays possédant des installa­tions qui couvrent le cycle complet du combustible. C’est donc un leader mondial en la matière et son industrie est à même de jouer un grand rôle dans le dévelop­pement international de l’industrie nucléaire. Le Japon a déjà conclu à cet effet plusieurs accords, notamment avec les États-Unis, la Chine, l’Union européenne et, récemment, avec la Russie, celle-ci assurant un approvisionnement régulier en com­bustible par sa société d’État TVEL en contrepartie de transferts de technologie.

Certes, dans un pays traumatisé par Hiroshima et Nagasaki, l’énergie nucléaire rencontre dans l’opinion de fortes oppositions, accrues par des accidents dus aux tremblements de terre, tel celui de la grande centrale de Kashiwazaki-Kariwa qui comprend 7 réacteurs, survenu en juillet 2007. Les conséquences du séisme sur cette centrale d’une capacité de 8 200 GW, soit 13 % de la production de la com­pagnie Tepco (Tokyo Electric Power), ont ému l’opinion publique et il semble que les structures antisismiques, communes au Japon, aient été insuffisantes. Mais, en tout état de cause, il y sera remédié, sans se dissimuler qu’un facteur risque existera toujours. En effet, l’énergie nucléaire est vitale pour le Japon.

Au terme de cet exposé, il faut reconnaître l’extrême capacité du Japon à évoluer selon les circonstances et à s’y adapter en restant une grande puissance, militaire avant la guerre, économique aujourd’hui, avec un développement que l’on a qualifié de « miracle japonais ». Ce grand pays de vieille civilisation est aujourd’hui à la pointe de la modernité, sans avoir oublié sa culture et ses racines qui lui permettent, quoi qu’il arrive, de surmonter les difficultés et de s’affirmer comme grande puissance.

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