L’enjeu syrien entre les États-Unis et l’alliance sino-russe

Général (2S) Henri PARIS

Président de DÉMOCRATIES.

3eme trimestre 2012

La Syrie est en proie à une guerre civile inexpiable entre gouvernementaux et une faction de démocrates pénétrée largement par des fondamentalistes islamistes. Cette guerre civile se place dans la suite du Printemps arabe qui a touché la Syrie le 15 mars 2011. Le bilan accuse quelque 17.000 tués et le triple de blessés en juillet 2012.

Derrière les factions se dessinent deux camps. Un camp occidental avec en tête les États-Unis, soutenus par la Ligue arabe au sein de laquelle le Qatar est particulièrement actif et qui souhaite la chute du régime de Bachar Al-Assad et la disparition du seul allié de l’Iran dans la région. La Ligue arabe souhaite l’instauration d’un régime à sa dévotion.

L’autre camp, la Russie et la Chine, soutient le régime de Bachar Al-Hassad, le Baas syrien, laïque et antiislamiste.

Aucune solution négociée n’a pu être trouvée, les positions des deux camps étant trop inconci­liables. Le canon tranchera.

Syria is victim of an inexpiable civil warpitting the government against a group of democrats conside-rably infiltrated by islamic fundamentalists.This civil war broke out in the wake of the « Arab Spring » which hit Syria on March 15th 2011.As of July 2012 17.000 were recorded as killed with the woun-deds triple that figure.

Behind the local belligerents two camps stand out :the western one headed by the US with the support of the Arab League of which Qatar is particularly active and wants the fall of the Bachar Al Assad alaouite regime and the end of the only ally of Iran in the region. The Arab League wishes setting up a client state in Damascus.

The other camp,composed of Russia and China, supports the Bachar Al Assad government, the local Baas party known as secular and antiislamic.

No solution is yet within sight because the positions of the two camps are wide apart and irreconcilable. The gunswilldecide.

En CE 18 JUILLET 2012, pendant que l’on se bat dans Damas, capitale de la Syrie, en fin de matinée, une explosion secoue le bâtiment de la Sécurité nationale, à quelques dizaines de mètres du Palais présidentiel. C’est un attentat qui a coûté la vie au ministre de la Défense, un chrétien, Daoud Radjah, au vice ministre de la Défense et beau-frère peu aimé du président Bachar Al-Hassad, Assef Chawkat, et au chef de la cellule de crise spécialement installé, Hassef Tourkmani. Sont également touchés, toute une série de hauts responsables, le ministre de l’Intérieur, Mohamed Al-Chaar, mortellement blessé et le chef du bureau du renseignement, Hicham Bakhtiar, parmi d’autres

Les circonstances exactes de l’attentat restent obscures. Selon une source, relayée par le général Moustafa Al-Cheik, l’un des chefs de l’Armée syrienne libre, (ASL) reprise par des racontars et par la chaine de télévision d’inspiration qatarie al-Jazira, l’auteur serait un ouvrier du bâtiment au service de l’ASL qui aurait posé et fait déclencher l’engin meurtrier dans la salle où les personnalités tenaient réunion. Selon une autre version, revendiquée par les djihadistes islamistes du groupe Lioua Al-Islam, l’auteur, kamikaze lui, serait un garde du corps de l’entourage du pouvoir. Il aurait actionné la charge dont il était porteur lors de la réunion. Les différences de versions ne sont pas sans importance : chacune conforte la responsabilité, et donc la tête, de la faction révolutionnaire ayant pensé et conduit l’attentat.

Depuis le 15 juillet 2012, l’ASL a porté les combats dans Damas même, visant donc sans ambages la prise de la capitale afin de faire chuter le régime en y installant son pouvoir. Les affrontements armés, accompagnés de massacre de population civile, se poursuivent dans le reste du pays. Homs reste le siège de combats de rue interminables, mais la bataille a aussi gagné Alep. Des quartiers de la ville passent alternativement des mains des insurgés à celles des gouvernementaux.

Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU, est allé jusqu’à « condamner fermement » l’attentat du 18 juillet, ce que les Américains conduisant la coalition favorable au Conseil national Syrien (CNS), n’ont pas jugé utile de faire. En effet, ils se déjugeraient alors de leurs alliés. Il n’en demeure pas moins qu’un discrédit moral a frappé l’opposition. Habituellement, les Occidentaux condamnaient les attentats. En la circonstance, il n’en est rien ! Deux poids, deux mesures !

Kofi Annan, le médiateur international chargé de trouver une solution à la crise syrienne a demandé un report de 24h du vote prévu au Conseil de Sécurité, le 18 juillet, sur une résolution menaçant le régime de Bachar Al-Assad de sanc­tions. Il espérait que le délai permettrait une négociation : échec ! Le report a été acquis, mais les Russes et les Chinois ont opposé leur véto. C’est le troisième après ceux d’octobre et de novembre 2011, toujours sur le même sujet. L’opiniâtreté des Occidentaux n’est pas payée de retour ou plutôt l’est en trouvant le même obstacle face à eux. De fait, le projet de résolution des Occidentaux était inacceptable pour Bachar Al-Assad. Il équivalait à une reddition en lui donnant 10 jours pour cesser l’utilisation d’armes lourdes et retirer ses troupes des villes, donc, stricto sensu, de Damas aussi, sous peine de sanctions diplomatiques et économiques

Le mandat de la mission de l’ONU en Syrie, la MISNUS, composé de 300 hommes, arrive à échéance le 20 juillet. Elle pourrait être reconduite pour 90 jours selon la proposition de Moscou. Le Conseil de sécurité pourrait aussi déci­der d’ « un renouvellement technique »» de 30 jours avec des effectifs réduits.

Depuis mars 2011, début de la rébellion, le bilan des victimes de la guerre civile en Syrie est évalué à quelque 17.000 morts et le triple de blessés.

Le régime de Bachar Al-Assad tient grâce au soutien des Russes et des Chinois. La rébellion est activement soutenue par les Occidentaux et par la Ligue arabe, Qatar en tête. À cet effet, ils ont formalisé leur soutien en créant un « Groupe des amis du peuple syrien » et en utilisant la Turquie comme base arrière pour l’ASL et le Conseil national syrien (CNS) qui s’y est implanté.

La Ligue arabe, dominée par l’Arabie saoudite et le Qatar, et avec l’accord des Américains entrainant les Occidentaux, pousse son plan de résolution de la crise. Elle cherche à le faire endosser par Kofi Annan. Ce plan se synthétise par une dé­mission négociée de Bachar Al-Assad et de son gouvernement, auxquels est promis un exil doré, exempt de poursuites.

Le refus est catégorique. Russes et Chinois soutiennent totalement Bachar Al-Assad. En effet, le plan de la Ligue arabe revient à mettre en place un gouvernement à sa dévotion. Il en résulte très logiquement l’opposition catégorique des Russes et des Chinois.

Le 23 juillet 2012, dans un communiqué, le gouvernement de Bachar Al-Assad menace ses adversaires d’emploi d’armes chimiques en cas d’invasion du territoire syrien. Que les rebelles aient besoin d’un appui plus affirmé des Occidentaux et de la Ligue arabe est certain ! Cependant, il est hors de question pour les Occidentaux d’intervenir par les armes. Le bourbier afghan a de quoi faire réfléchir. L’option d’une absence d’intervention militaire est acquise. Toute affirmation contraire re­lève de la désinformation, ce que pratique allègrement la Ligue arabe. Aussi, est-ce une erreur profonde de Bachar Al-Assad que de se lancer dans des menaces incon­sidérées, tombant de la sorte dans le piège de la désinformation ! Ne serait-ce qu’en reconnaissant la possession ce cet armement chimique !

Tel est le constat qui apparaît dans toute sa brutalité quelques jours après le début de la guerre de rue pour Damas, dont l’issue dicte d’évidence la victoire ou la défaite du régime de Bachar Al-Assad.

En arrière de la scène, même pas en coulisse, le spectateur du monde assiste à un duel à fleuret démoucheté entre deux camps : les Occidentaux et la Ligue arabe contre les alliés chinois et russe.

Comment en est-on arrivé à ce stade alors que la guerre froide était estimée bien terminée ? Comment s’explique l’attitude des Russes et des Chinois ?

Pour apporter une réponse à ce questionnement, il convient de s’attacher de prime abord aux raisons de l’éclosion de la guerre civile syrienne, puis quelque peu à son déroulement avant d’examiner des éléments prospectifs.

 

Les prémices de la guerre civile syrienne

Les troubles éclatent en Syrie au printemps 2011, dans le cadre de ce qu’il est historiquement convenu d’appeler le Printemps arabe.

Bachar Al-Assad, chef de l’État syrien, est un dictateur et fils de dictateur. En cela, il ne défraye pas la chronique arabe. Et, il ne la défraye pas plus lorsqu’il pra­tique le terrorisme, comme son père, et soutient des groupements terroristes. Il ne la défraye encore pas plus cette chronique arabe, en étant le responsable en titre de l’une des ethnies cultuelles minoritaire, celle des Alaouites, une communauté dissi­dente du chiisme orthodoxe iranien, mais plus proche de lui que des sunnites, autre ethnie et communauté dominante en Syrie. Existent encore des minorités druze, kurde, chrétienne et chiite. La Syrie est une mosaïque de communautés et d’ethnies qui s’entremêlent. C’est l’ensemble de cette mosaïque, semblable à celle de l’Irak, qui explique la création par Hafez Al-Hassad d’un parti professant la laïcité, le Baas syrien, de tendance socialiste, système ressemblant à celui du Baas irakien de Saddam Hussein. Bachar Al-Hassad en hérite.

En dehors du Baas, dictatorial et alaouite dans sa majorité, le pays est happé par une aspiration générale à la démocratie mais aussi par un fondamentalisme isla­miste se réclamant des Frères musulmans. Al-Qaïda n’est pas absente du paysage. Les Frères musulmans, férocement réprimés, entretiennent des troubles chroniques.

L’agitation s’étend donc à la Syrie où les islamistes s’efforcent d’infiltrer les dé­mocrates. Ceux-ci finissent par créer un embryon de gouvernement provisoire, le CNS qui trouve asile en Turquie. Il n’y a là rien que de très normal car les Turcs, avec leur Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, pratiquent un islamisme modé­ré, mais éloigné de la laïcité des militaires encore fidèles à l’idéologie de Mustafa Kemal, Atatùrk, dont le Baas est trop proche à leurs yeux.

En Syrie, comme partout ailleurs dans le monde arabe, les islamistes affichent un visage modéré, ce qui leur permet de l’emporter aux élections qui suivent les chutes des régimes dictatoriaux. Ils parviennent ainsi à ne pas trop s’aliéner les dé­mocrates arabes et surtout occidentaux, eux, surpris et désorientés par cette poussée islamiste inattendue, se réclamant de la liberté des élections.

Les Occidentaux, par ailleurs, se souviennent de l’erreur commise en 1991 à l’égard du gouvernement algérien qui avait suspendu les élections favorables aux islamistes. Il s’en était suivi dix ans de guerre civile et l’éventualité d’une victoire des islamistes foncièrement opposés aux Occidentaux, aux Américains au premier chef.

Il s’agit donc de ne pas reproduire ce genre de schéma en Syrie, tout en soute­nant la chute de la dictature de Bachar Al-Assad, qui rappelle aux Américains celle de Saddam Hussein.

Par ailleurs, le régime de Bachar Al-Hassad est allié aux Iraniens, adversaires déclarés des États-Unis. Derrière la lutte contre Bachar Al-Assad se dessine celle contre l’Iran.

 

La politique russe et chinoise

Russes et Chinois sont foncièrement contre tout interventionnisme, quel qu’en soit la raison. Pour eux, la défense des droits de l’Homme, conduite par les Occidentaux, les Américains en tête, poussant en avant leurs Organisations non gouvernementales (ONG) comme cheval de Troie, n’est jamais qu’un système im­périaliste.

En outre, ils sont opposés contre toute forme d’islamisme. Ils ont eux-mêmes à lutter contre les factions islamistes au Caucase comme au Sinkiang. Ils dénoncent l’aide octroyée généreusement aux rebellions tchétchènes et ouighoures par les pé-tromonarchies, Qatar en premier, Arabie Saoudite et Emirats arabes unis en second.

Ils ne sont donc pas à la veille de soutenir les démocrates arabes qu’ils perçoivent comme une éponge imbibée d’islamisme.

En outre, les Russes et les Chinois sont conscients de ce que l’enjeu syrien se double en réalité d’un enjeu iranien. Les Russes et les Chinois mènent d’excellentes relations commerciales avec les Syriens et leur allié iranien. Quelque 8 % des impor­tations pétrolières chinoises proviennent d’Iran. Or, ces importations représentent 50 % de la consommation pétrolière chinoise en expansion pour suivre leur crois­sance économique. La politique chinoise est très en faveur d’augmenter les impor­tations pétrolières iraniennes.

La volonté iranienne d’acquérir une capacité militaire nucléaire répond à une tendance, la prolifération nucléaire, inéluctable et irréversible, à l’analyse des Russes comme des Chinois.

L’exemple libyen corrobore entièrement l’analyse faite par les Russes et les Chinois. Au mépris de leur politique de non-interventionisme, ils ont accepté de s’abstenir lors du vote de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU, ce qui a permis aux Français et aux Britanniques d’entamer, le 18 mars 2011, leur cam­pagne aérienne de frappe, soit disant pour protéger les populations civiles contre la sanglante répression de Kadhafi, dictateur pas plus épouvantable que les autres. En réalité, il s’agissait d’abattre le régime de Kadhafi, ce à quoi les Occidentaux sont parvenus. Les pétroliers occidentaux se sont précipités. Les Chinois ont dû évacuer leurs ressortissants. Le chaos s’est installé. Les islamistes ont pris pied en Libye. Les débris des forces de Kadhafi se sont répandus dans le Sahel et en Afrique subsaharienne, renforçant d’autant les islamistes et Al-Qaïda au Maghreb islamiste (AQMI). Les Américains ont joué aux apprentis sorciers et ne tirent aucune leçon de leur soutien aux islamistes. Leur analyse, quant aux conséquences de l’attentat qu’ils ont subi le 11 septembre 2001, est erronée. Pour eux, la guerre froide n’est pas terminée.

À preuve, le 14 avril 2011, dans le cadre des BRICS, l’entente conclue entre les pays émergents que sont le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, les Russes et les Chinois ont proposé leur médiation dans le conflit avec la Libye de Kadhafi. La proposition a été rejetée par les Américains avec hauteur.

Qui plus est, du 18 au 30 mars, les Français ont tenté de placer l’action aérienne sous égide européenne. Ils ont échoué et ont dû accepter, le 31 mars, de passer sous commandement de l’OTAN, c’est-à-dire américain. Les États-Unis ont initié leur doctrine du command from behind, « le commandement à partir de l’arrière »», sans implication directe et donc sans risque de pertes. Auparavant, les Allemands avaient refusé de s’associer aux Français dans une démarche promouvant une action militaire sous égide européenne. Les Allemands ont été les fossoyeurs d’une Europe de la Défense et la pierre tombale a été scellée par les Américains avec leur emprise otanienne.

Au total, l’affaire libyenne s’est révélée un jeu de dupes que les Russes et les Chinois n’ont aucune propension à renouveler en Syrie.

En ce qui concerne leur relation avec la Syrie, il y a ainsi identité de vue entre Chinois et Russes. Ils perçoivent bien que la chute du régime de Bachar Al-Assad vise à priver l’Iran de son seul allié au Moyen-Orient. Par ailleurs, toute une série de liens commerciaux les lie à la Syrie. S’y ajoutent des accords militaires. Les Syriens ont cédé aux Russes la disponibilité du port de Tartous, ce qui représente la seule base navale russe en Méditerranée, dont profitent notamment leurs sous-marins à propulsion nucléaire. Les Chinois envisagent en prospective des facilités semblables.

Les Américains accusent les Russes d’entretenir quelque 10 000 coopérants mi­litaires en Syrie, ce qui est plausible en y comprenant le personnel affecté à demeure à Tartous.

Un épisode, une véritable saga, traduit les liens militaires entre Russes et gou­vernementaux syriens. Les Russes ont entrepris de livrer du matériel militaire par voie de mer aux Syriens en juillet 2012. À cet effet, ils ont chargé ce matériel sur un navire navigant sous pavillon de complaisance afin de profiter d’une assurance rele­vant de la Lloyd britannique. La marine américaine, prétextant de l’embargo auquel est soumise la Syrie et arguant du pavillon de complaisance a arraisonné le navire, l’obligeant à regagner son port russe d’attache. Les Russes ont repris leur pavillon national : la saga continue, le retard de livraison est d’une quinzaine de jours.

Russes et Chinois estiment invraisemblable la cécité politique des Américains, notamment leur alliance politique contre nature avec l’Arabie Saoudite et le Qatar, dépassant les besoins pétroliers. En revanche, ils ont bien saisi que les Américains ne tenaient pas à ouvrir un troisième front islamique, après ceux d’Irak et d’Afgha­nistan, surtout en année électorale.

 

Le déroulement de la guerre civile syrienne

C’est du 15 mars 2011 que date la première manifestation du Printemps arabe en Syrie. Dès lors, comme dans tous les pays arabes, la manifestation va s’étendre et se multiplier. La rue réclame une ouverture démocratique. Le vœu populaire était d’obtenir des élections un peu plus libres et la fin du népotisme de règle au palais présidentiel. Face à l’intransigeance du gouvernement, les manifestations ont pris de l’ampleur et ont dégénéré. Les intellectuels démocrates syriens ont été dépassés.

L’Arabie Saoudite et le Qatar ont assuré le soutien des insurgés en fonds et en armement. « Un groupe des amis du peuple syrien »» a été formé : y ont adhéré des Occidentaux, Américains et Français… comme des pays arabes, Arabie Saoudite et Qatar en tête… et même les Turcs.

Les insurgés ont été renforcés par des désertions qui, jusqu’en juillet 2012, en sont restées au stade individuel. De nombreux officiers, dont des généraux ancien­nement proches du pouvoir, sont passés à l’insurrection. Une ASL a été formée, mais n’est pas parvenue à structurer les insurgés en unités constituées.

Il est vrai que leur recrutement est hétéroclite : déserteurs, partisans de diverses formes de démocraties islamistes issues d’une myriade d’organisations. Ensuite, il existe une vieille constante historique : les déserteurs, comme les anciens prison­niers, n’ont jamais fourni de bonnes troupes. L’insurrection, par ailleurs, recrute es­sentiellement chez les sunnites. De la manifestation, l’évolution est passée à l’insur­rection puis à la guerre civile. L’insurrection s’attaque à Damas, le 15 juillet 2012, puis s’en prend à Alep. Et à Homs, on continue de se battre. La guerre civile s’étend.

Les troupes gouvernementales bénéficient d’un armement lourd, dont les Occidentaux réclament la remise dans les hangars à travers leur projet de résolution. C’est faire œuvre de naïveté voulue que de se poser l’interrogation d’une accepta­tion éventuelle d’un tel projet par les Russes et les Chinois.

Reste aux Qataris et aux Saoudiens à passer au niveau supérieur : livrer aux insurgés un armement lourd de provenance inévitablement occidentale et, notam­ment américaine, avec les servants. À bien remarquer que les forces armées saou­diennes et qataries sont des mercenaires, souvent d’origine pakistanaise. Ce serait intéressant que d’examiner leur aptitude au combat !

Paradoxalement, l’offensive des insurgés, visant la prise de Damas, a été ren­due possible par leur différents revers dans le reste du pays. En effet, battus, dans une mesure relative, les insurgés se sont réfugiés dans Damas où ils ont formé une forte concentration permettant une insurrection d’ampleur. Le soutien étranger est absolument indispensable à l’insurrection. De là dépend sa victoire ou sa défaite dans la tentative de prise de la capitale, soumise à une contre-attaque gouvernemen­tale, le 27 juillet 2012. De même, quelques jours après, les gouvernementaux s’en prennent à Alep, leur victoire étant acquise à Damas.

En mai 2012, une nouvelle négociation, une de plus, a été engagée par des délé­gations américaines et européennes, avec les émissaires iraniens. Elle s’est déroulée à Amman, les Jordaniens offrant l’hospitalité en terrain neutre. La négociation s’est terminée sans résultat, les Iraniens continuent à tergiverser et à gagner le temps nécessaire à l’élaboration de leur capacité militaire nucléaire.

Toute option militaire visant une intervention en Iran, seule solution pour arrê­ter à jamais le processus conduisant à l’obtention d’une capacité nucléaire militaire, est suspendue, pour ne pas dire renvoyée à des horizons indéfinis. L’insurrection syrienne n’est pas étrangère à cet échec occidental.

Ainsi va le monde.

Les éléments prospectifs

À Damas, le canon tranchera ! Bachar al-Hassad trouvera-t-il les capacités indis­pensables à mater l’insurrection ? Peut-être ! Vraisemblablement ! Même s’il perd la bataille de Damas, mais arrive à conserver une portion de territoire national pour y implanter son gouvernement.

En revanche, vainqueurs ou vaincus dans la bataille de Damas, gouvernemen­taux et insurgés sont condamnés à négocier et à former un gouvernement de com­promis, qui peut passer par la démission de Bachar Al-Assad, mais pas par un chan­gement de régime.

Toute chasse aux sorcières ultérieure serait paralysante et annonciatrice de futurs conflits.

Derrière la guerre civile syrienne, il serait d’un aveuglement singulier que de ne pas percevoir les prodromes d’un conflit sino-américain. Il en est de même des relations entre les États-Unis et la Russie comme avec les États arabes, dans une moindre mesure.

L’antagonisme entre Américains et Russes dépasse la guerre froide et l’existence d’une idéologie soviétique. Il y a conflit entre deux puissances, quel que soit le régime qui les gouverne.

Les États-Unis ont définitivement échoué dans leur tentative d’alliance avec les États arabes, au-delà des pétromonarchies et d’ailleurs pour autant qu’elles durent. Elles sont condamnées à s’allier aux islamistes.

Quant à la politique spécifique de la Russie et de la Chine, elle demeure inva­riable. Moscou et Pékin rejettent catégoriquement un gouvernement mis en place par les Occidentaux et la Ligue arabe, un gouvernement donc à leur solde, pensent-ils.

La personne même de Bachar Al-Hassad n’offre aucun problème. Moscou et Pékin ne sont pas opposés à son départ. En revanche, un changement de régime est inadmissible. C’est là le point de non-retour que fixent Moscou et Pékin.

En définitive, la guerre civile syrienne, telle qu’elle se déroule en juillet 2012, ne peut se conclure que par une solution repoussant l’attentisme. Désormais, c’est au canon de trancher. Et en la circonstance, il a toujours tranché.

Quelle que soit l’issue de ce conflit, elle est défavorable aux Occidentaux. Une victoire de l’insurrection conduit à la mise en place d’un régime islamiste, hostile au système occidental. Une victoire des gouvernementaux amène le maintien au pouvoir de Bachar Al-Assad et de son Baas, plus que jamais lié aux Russes et aux Chinois.

Article précédentSyrie : de la géopolitique des populations à des scénarios prospectifs
Article suivantVers la fin de l’influence régionale syrienne ?

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.