Les éléments étatiques en Iran

Ali RASTBEEN

Décembre 2005

A l’heure où l’Iran connaît un nouvel élan sur le plan international, la connaissance de son histoire et la composition structurelle de son régime politique, de ses racines historiques, géographiques et humaines, dans leur unité et leurs contradictions, nous semble judicieuse, à la compréhension du fonctionnement particulier de son système politique.

L’Iran pré-islamique

Avec ses 1 648 000 km2 et plus de 66 millions d’habitants1, situé au sud-ouest de l’Asie et portant le nom du grand plateau central de l’ancien Empire perse, l’Iran actuel est un des plus importants points de passage et le lieu de contact des peuples, des nomades et des civilisations à travers l’histoire. Il a été, jusqu’à un passé récent, le berceau d’empires vastes et largement connus. Outre ses importantes richesses naturelles, sa position géographique, à l’extré­mité du Proche-Orient et à la porte de l’Asie Centrale, lui confère une impor­tance géopolitique considérable. Le Golfe Persique au sud et la mer Caspienne au nord constituent des sources énergétiques de premier plan pour ce pays. Au lendemain de la disparition de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, l’Iran a, une nouvelle fois, retrouvé sa position charnière économique privilégiée entre l’Orient et l’Occident.

Dans le monde actuel marqué par des relations de plus en plus étroites entre les peuples, la connaissance de l’Iran devient un besoin et se fait en com­mençant par la découverte de son histoire :

L’Iran est le souvenir des peuples aryens qui se sont déplacés et installés sur ce territoire à partir du IlIe millénaire avant J.-C. Ils s’y sont éparpillés, mélan­gés avec les autochtones et ont fini par créer, vers le milieu du Ie millénaire, le grand empire achéménide. Auparavant, les Elamites et les Kassites avaient ins­tauré leur pouvoir pendant plusieurs dizaines de siècles sur certaines parties de ce territoire. L’empire des Achéménides a vu le jour en 559 av. J.-C. avec les conquêtes de Cyrus, et a disparu en 331 à la suite de l’invasion d’Alexandre le Macédonien.

Après Alexandre, un de ses généraux, Séleucos, à travers son mariage, gou­verna ce pays. Ses successeurs y ont gardé le pouvoir jusqu’à l’an 50 av. J.-C. Ils y ont créé des colonies grecques et macédoniennes jusqu’aux frontières orientales du pays, y propageant ainsi la pensée occidentale. En 250 av. J.-C., Arsace, de la branche des Aryens du Khorasan, remporta la guerre contre les Séleucides à Antioche, et fonda la dynastie des Arsacides qui régna jusqu’en 226 ap. J.-C. (soit 476 ans) devenant ainsi voisin des Romains, ce qui déclencha d’innombrables conflits.

En 224 ap. J.-C., Ardachir, fils d’un haut dignitaire du temple de « Nahid », situé à Istakr dans la province de Pars, se souleva contre le pouvoir des chefs de bureaux et installa la dynastie des Sassanides imprégnée d’une couleur religieu­se. Ses descendants régnèrent sur l’Iran jusqu’en 651 – 437 ans. Le dernier roi de cette dynastie, Yazdgard III fit face à l’invasion arabe et perdit la vie.

L’Iran islamique

En 633, l’armée arabe, sous la bannière de l’Islam, attaqua l’Iran. Jusqu’en 651, les envahisseurs, à la recherche de Yazdgard, s’enfoncèrent vers l’est du pays jusqu’à l’extrémité du Khorassan, mais le pouvoir islamique a mis plusieurs siècles pour installer définitivement son autorité. La domination arabe changea le tissu social du pays. Les tribus et colonies étaient porteuses de nouvelles conditions discriminatoires. Toutefois, la langue des Perses résista de son mieux à l’invasion multilatérale de cette horde étrangère et bien que des mots arabes soient entrés dans la langue persane, celle-ci, contrairement à beaucoup d’autres conquêtes arabes, préserva ses racines. Les premières réactions des Iraniens contre le pouvoir arabe se manifestèrent par la création de schismes et la participation des Iraniens dans des alliances de la noblesse Qurayche dans la lutte pour le pouvoir. Les Iraniens ont joué un rôle primordial dans l’avènement du califat des Abbassides. Ils ont également été à l’origine de nombreuses révoltes religieuses et paysannes de grande ampleur contre la politique discrimi­natoire sociale et religieuse des califes.

Le premier pouvoir iranien à l’Est du califat des Abbassides fut fondé par Tahert Zolyamineyn, général iranien du calife, suivi par les Samanides du Khorasan, les Saffârides du Sistan, les Ziyarides dans le sud et le centre, et les Bouyides qui dominèrent également Bagdad, siège du califat islamique et qui y exercent la fonction du gouverneur militaire.

Le pouvoir des Ghaznévides marqua le début de la présence des Turcs en Iran. Ce pouvoir est fondé en 976 à Ghazney, par Saboktakine, un esclave turc de la cour des Samanides. Mahmoud, le second roi ghaznévide, étendit son pouvoir à l’est et au centre de l’Iran et, conformément à la politique préconisée par Bagdad, réprima les mouvements religieux opposés au calife. Sous ce pré­texte, il attaqua les villes du centre (Rey et Ispahan) et les foyers d’agitation d’opposants qui n’étaient que des sectes chiites. Il fit disparaître les Bouyides, engagea une guerre de religion en Inde et y établit sa domination sur une par­tie du pays. Cependant, le calife, effrayé de constater la concentration de pou­voir à l’est de l’Iran entre les mains d’une seule autorité, fit secrètement entrer en Iran les Turcs Seldjoukides. Ceux-ci, sous le règne de Masoud, fils de Mahmoud, mirent fin à la dynastie ghaznévide (1037).

Du IIe au Ve siècle, s’étale la période de l’épanouissement de la culture et de la civilisation au sein de l’empire islamique, dans lequel les Iraniens ont joué un rôle primordial, concernant nombre de domaines scientifiques mais aussi de traduction, de rédaction et de vulgarisation d’ouvrages. Plusieurs siècles après, ces mêmes ouvrages sont utilisés en Europe comme sources d’enseignement.

Les Séldjoukides qui, dans leur soutien au calife, se rendirent jusqu’à Bagdad et consolidèrent le sunnisme, créèrent un immense empire qui s’étendit du plateau iranien a l’Asie mineure, l’Egypte et l’Algérie. Très rapidement, des divergences éclatèrent avec le calife. Les Turcs Séldjoukides constituèrent la pre­mière vague d’invasion en Iran pour y régner de 1037 à 1157. Or, à la suite de la mort du sultan Sandjar, les rois Séldjoukides gouvernèrent de manière indépendante sur différentes parties de l’Iran jusqu’à ce que, entre 1193 et 1200, leur dynastie soit détruite par les Turcs Ghoz ou les Kharazmchahians ou les Atabag (les dirigeants Séldjoukides). Cette dynastie a également été présente lors des Croisades. « Kharazmchah » était le titre du gouverneur qui régnait héréditairement sur le Khorassan et nommé à ce poste par le sultan Seldjoukide.

Le dernier Kharazmchah, sultan Mohammad, conquit la majeure partie de l’Iran et se dressa contre le calife de Bagdad, mais en 1226, il s’enfuit devant l’invasion de Gengis Khan.

L’invasion des Mongols fut la seconde attaque de l’Iran par les Turcs. Elle commença en automne 1226 pour se terminer en 1229. Tout le Khorassan fut détruit et sa population massacrée. En 1261, son petit-fils, Hùlagù fut chargé de reconquérir l’Iran. Après quatre années de guerre, il se dirigea vers Bagdad où il exécuta Mosta’sam, dernier calife abbasside. Il balaya le califat, massacra la population locale et s’installa à Maragha où il régna jusqu’en 1273. Ses suc­cesseurs restèrent en Iran jusqu’en 1364 et disparurent à la suite des soulève­ments locaux, ayant souvent des implications religieuses.

La troisième vague d’invasion turque commença par l’attaque de Timùr au Khorassan (1392), consécutive à la destruction de villes et au massacre de leurs habitants. Ses successeurs survécurent à l’est et au nord-est de l’Iran jus­qu’en 1522. Le mouvement religieux Hùrùfiya vit le jour sous l’invasion de Timùr et fut sévèrement réprimé. Après la mort de Timùr, ses fils entrèrent en conflit et l’empire éclata. Finalement, Zahir ed-din Babor Chah, transféra son pouvoir en Inde, où les tribus éparpillées en Iran et en Asie Mineure, continuè­rent à s’entre-tuer pour le pouvoir. Les tribus turques Aq-quyunlu finirent par éliminer les Qara-quyunlu en 1483 et assurèrent leur domination sur le nord ouest de l’Iran, l’Asie Mineure, l’Irak et le Fars. Elles établirent des relations avec la cité de Venise et des gouvernements européens, puis seront évincées du pou­voir par Chah Ismâ’ïl Séfévide en 1530.

Sous la domination turque, les Iraniens subirent une double discrimina­tion. Celle de l’époque arabe continua sous une forme de traditions et de pré­ceptes religieuses. À celle-ci, vinrent s’ajouter l’interdiction de porter des armes et de ne pas pouvoir effectuer le service militaire. Ces vexations étaient mainte­nues jusqu’à l’avènement de Chah Abbas Ier. Ce dernier, les supprima par le biais de la création d’une armée de fusiliers. La supériorité du peuple turc consistait à avoir les biens et le contrôle du peuple conquis. Le « Yassa » de Gengis était supérieur aux lois et traditions islamiques. La réaction populaire face à l’oppression turque s’exprimait à travers des soulèvements à caractère religieux. Le mouvement ismaélite et d’autres schismes à l’époque des Séldjoukides, l’extension du soufisme qui était une forme de résistance, en sont des exemples. Le soulèvement des Sarbédarans était également une sorte de réaction urbaine de l’époque mongole qui vit jour à Kerman et dans d’autres villes sous forme de mouvement à caractère héroïque.

L’installation des Séfévides, à une époque où des petits monarques locaux (des chefs de tribus) avaient fait leur apparition un peu partout dans le pays, et transforma la nation. Cette dynastie était issue du culte soufi qui constituait un des fondements du pouvoir. Elle arriva au pouvoir à travers ses liens tribaux. Les tribus qui vivaient en Asie Mineure et y menaient des guerres de religion sous la bannière des fondateurs du pouvoir contre les Arméniens et les Géorgiens, notamment étaient des Turkmènes et attribuaient un caractère divin à leur chef. Ils capturaient les enfants et les femmes et les vendaient sur le marché des esclaves. Chah Ismâ’îl fonda en 907 de l’hégire (1501) la dynastie des Séfévides en éliminant celle de Aq-quyunlu.

Le roi Séfévide attribua un caractère religieux à son mouvement et s’éle­va contre la pensée iranienne fondée sur la tradition et les quatre religions et hissa le chiisme duodécimal dont les adeptes se cachaient jusqu’alors, au rang de la religion officielle. Il est à l’origine d’importants massacres en Iran visant les adeptes d’autres religions. Pour assurer l’expansion de ses propres croyances, le monarque fut obligé d’introduire des religieux en provenance des tribus de la Jordanie et du Liban. Son successeur écrivit à propos d’un religieux qu’il avait fait venir de Djabal Amel qu’il était « le successeur du dernier Imam » et qu’il fallait se soumettre à lui. La dynastie Séfévide était fondée par des religieux chiites et le pouvoir de sept tribus Qizilbash. Le pouvoir excessif de ces religieux et leur rivalité avec les tribus Qizilbash affaiblit le pouvoir. Le dernier roi séfévi-de fut destitué en 1722 et tué en 1729.

La dynastie des Séfévides qu’avait établi des contactes avec le Vatican et des monarques européens, fut abolie par le fils du chef de la tribu Qaldjaï, gou­verneur de Kandahar. La domination de cette famille sur Ispahan dura sept ans.

Nader, de la tribu Afshar, décima les Qaldjaï et s’installa sur le trône en 1736. Il fut assassiné en 1748 par ses commandants. La guerre pour le pouvoir reprit en Iran. Agha Mohammad khan, tua le dernier roi Zand et devint le monarque unique de l’Iran. Son couronnement eut lieu en 1795 à Téhéran. Un an plus tard, il mena la campagne de Géorgie, mais fut assassiné par ses serviteurs en cours de route. Son neveu lui succéda.

Les Qadjars comme les Afshars étaient une des sept composantes des Qizilbash, au service du Chah Ismail. Arrivés au pouvoir, sans expérience, ils gouvernèrent le pays comme une tribu. Les successeurs de Agha Mohammad Chah s’appuyèrent sur deux leviers : l’arbre généalogique qui faisait remonter leur ancêtres au commandant Gengis et leur foi dans la religion chiite. Les rois Qadjar considérèrent le peuple comme des serfs et les fonctionnaires comme des domestiques. Or, à cette époque tout était révolu. La Russie, présente au nord et la Grande-Bretagne au sud et à l’est, étaient devenus les voisins de l’Iran. Le colonialisme occidental planifia leur action contre l’Iran, tandis qu’à l’intérieur du pays, les guerres, les destructions et la vassalité persistaient. L’Europe profita de l’ignorance de la cour Qadjar : la Russie attaqua l’Iran et occupa la Géorgie, l’Arménie, puis tout le Caucase, préparant le terrain à une invasion de l’Iran.

À l’intérieur du pays, les religieux étaient en proie à des luttes intestines. Tout d’abord, les « ossoulis »2 s’affrontèrent aux «akhbari3», les évincèrent bru­talement, les renvoyèrent et réécrivirent les textes religieux. Suite à la défaite de l’Iran face à la Russie, une religion nouvelle vit le jour : le « cheikhisme4», suivi du « babisme»5 accompagnés de violents soulèvements et de crises sociales. C’est dans ces conditions que l’idée du « Vélayet faqih » fut avancée par les « ossoulis ». Les religieux qui possédèrent un poids important, intégrèrent la scène politique sous le règne du 4ème roi Qadjar (Nasser ed-Dine) et tentèrent de faire admettre leurs idées face au pouvoir despotique du roi. Ils devinrent les partenaires des responsables administratifs et soutinrent le bazar. À cette pério­de, la croissance économique était déséquilibrée d’une part par l’absence de réaction de pouvoir Qadjar contre la politique coloniale, et d’autre part, par le despotisme individuel du pouvoir, qui avec la domination commerciale des puis­sances étrangères, empêchèrent l’extension de la propriété foncière.

La chute des industries manufacturières face aux articles importés a été un des facteurs qui précipitèrent la crise sociale et préparèrent le terrain à l’insur­rection populaire pour réclamer le changement du système politique. L’assassinat du quatrième roi Qadjar (1896) au moment où il allait entamer la cinquantième année de son règne, fut le détonateur de la révolution.

Sous le règne de son successeur, Mozzafer ed-Dine alors que la revendi­cation générale était la justice et la liberté, les religieux se divisèrent en deux groupes : « partisans de la liberté », « despotiques » bien qu’ils sollicitèrent ensemble la création d’une « maison de justice ». Les religieux participèrent aux événements qui conduisirent à la signature du décret de la Constitution dans laquelle, ils mettaient en place le vélayat faqih parmi les premiers principes. À partir de 1906, le système politique iranien devient constitutionnel. Les religieux devinrent alors les principaux acteurs de la vie politique.

Lors de la Première Guerre mondiale, l’Iran devint l’axe stratégique régio­nal. À la suite de la Révolution d’Octobre 1917, la Russie disparut de la scène. Cependant, les affrontements entre les religieux et les conservateurs d’une part, et les révolutionnaires de l’autre, atteignirent leur apogée. La Grande Bretagne resta la seule puissance étrangère en Iran sitôt la paix signée. Son projet consis­tait à mettre en place une ceinture autour de l’État bolchévique révolutionnai­re. Le coup d’État du 22 février 1921 mit fin à la domination des Turcs au Nord de l’Iran. Dès son avènement, le nouveau régime militaire tenta, à l’instar des Ottomans, de préparer le terrain pour instaurer une république. Une forte opposition des religieux face à ce projet, se manifesta, et en décembre 1925, l’ancien colonel Réza Pahlavi, devint roi d’Iran et fonda la dynastie des Pahlavi.

L’arrivée au pouvoir de Réza Chah relégua au second plan le conflit entre les réformateurs et les conservateurs. Cependant, les rénovations indispen­sables survenues sous son règne ainsi que les réformes administratives et sociales n’étaient pas radicales. Son despotisme personnel empêcha les religieux d’intervenir dans les domaines non ecclésiastiques, en particulier, dans la vie politique. Cependant, durant l’occupation de l’Iran en août 1941 par les Alliés, la destitution du monarque et le retour aux libertés politiques, permirent aux religieux de se hisser à nouveau sur la scène politique et, animés d’une concep­tion conservatrice, ils commencèrent, à mobiliser la population dans les mos­quées et dans les lieux de cultes, puis publier des livres et des journaux, et à s’opposer au modernisme. Les demeures des dignitaires religieux se transformè­rent en centres de règlement des affaires politiques. La réaction des modernistes fut brisée par le lien qui se tissait entre les religieux et les conservateurs. Ahmad Kasravi, juriste et savant iranien, perdit la vie dans ce combat. Au cours de cette période, les religieux jouèrent sur deux tableaux : d’un côté, ils se montrèrent opprimés par la dictature et de l’autre, ils tentèrent de trouver leurs privilèges d’avant 1925. Simultanément, un groupe de modernistes religieux tenta de s’intéresser à la culture et aux sciences modernes. L’école Fayzieh de Qom, fon­dée en 1336 de l’hégire (1917) par l’ayatollah Mohammad Feyz et, qui depuis 1340 de l’hégire (1921), fut le lieu d’enseignement de l’ayatollah Cheikh Abdolkarim Haéri Yazdi, s’efforça, en collaboration avec les institutions de Nadjaf, d’étendre l’enseignement théocratique et continua de former les jeunes théologiens. .Face à Kasravi qui, avec une persévérance sans faille et sans pareille, s’est élevé contre l’institution ecclésiastique, revendiquant son assainis­sement, des dizaines d’ouvrages fut publiés par le clergé, dont le « Kashef-ol-asrar » de Seyed Rouhollah al-mousavi Mostafavi, dans lequel l’auteur autori­sait l’assassinat de Kasravi. Une première tentative eut lieu en mai 1945, mais Kasravi ne fut que blessé. Les Fédayins de l’Islam revendiquèrent cet acte. Un dirigeant de ce groupe Navab Safavi un jeune élève théologien, parviendra peu après à assassiner Kasravi à coup de couteau dans le bureau du juge d’instruc­tion au Palais de justice, « Nous avons tué Kasravi ! » hurla la foule fanatisée.

Le silence de l’État et le soutien apporté par l’institution religieuse aux assassins, hissèrent les « Fédayins de l’Islam » au rang d’acteurs politiques de l’époque. Ils bénéficièrent également du soutien de l’ayatollah Seyyed Abolghassem Kachani qui, après l’occupation de l’Iran en août 1941, joua le rôle de Seyyed Hassan Modares face à Réza Chah. Dans cette lutte pour le pou­voir, qui opposait les partisans de la dictature Pahlavi et les constitutionnalistes, dans la rivalité entre la Grande-Bretagne et l’Union Soviétique, ainsi que les par­tis qui leur étaient inféodés, les intellectuels rivalisaient avec les conservateurs.

Les Fédayins de l’Islam par leurs actes de terreur et assassinats, trouvèrent un écho dans le journal « Nabard-é Mélat » (le Combat du peuple) devenu leur organe de communication, qui portait un sous-titre en arabe : « l’Islam est au dessus de tout ! ».

Dans ce contexte, le pétrole devint source d’affrontement et la guerre de l’or noir prit une ampleur considérable avec le gouvernement britannique et la compagnie British Petroleum, et la mainmise des États Unis et l’intérêt qu’ils y trouvaient. Les assassinats continuèrent : Abdolhossein Hagir, (ex-Premier ministre et ministre de la Cour), Zanguéné (ministre de la Culture et recteur de la faculté de droit de l’université de Téhéran) et surtout le Général Razmara, militaire puissant et Premier ministre en activité. Tous ces meurtres étaient com­mis par les « Fédayins de l’Islam ». Après la mort de Razmara en 1949, Navab Safavi se présenta fièrement dans les réunions politiques. Avant même ce der­nier assassinat, il avait eu un entretien avec le monarque et, plus tard, effectua un voyage en Egypte où il rencontra les Frères musulmans.

Cependant, la montée en puissance du mouvement national iranien ne l’avait pas empêché de connaître des divisions et des différends entre le groupe de Navab et celui de l’ayatoallah Kachani. Navab projeta l’assassinat de Mohammed Mossadegh6 et de Hassan Fatémi (ministre des Affaires étrangères). Un premier complot fut déjoué et le second se solda par un demi-échec. Après le coup d’État d’août 1953, fomenté par la CIA dans lequel les religieux jouèrent un rôle important, l’aura des « Fédayins » commença à se ternir. Le projet avor­té de l’assassinat du Premier ministre, Hossein Ala, conduisit à l’arrestation, le jugement et l’élimination du groupe « Navab ». Or, au début des années 1960, le meurtre de Hassan Ali Mansour (Premier ministre) et la tentative d’assassinat du roi dans son propre palais en 1962, remirent le nom des Fédayins de l’Islam à la Une des journaux. À cette époque, la réforme agraire avait modifié le pay­sage social de l’Iran. Les religieux s’y opposèrent farouchement, ainsi qu’aux actions des pouvoirs publics quant à l’émancipation des femmes.

C’est alors que, pour la première fois, le nom du Hodjatoleslam Rouhollah Khomeyni apparut en tant que signataire des communiqués destinés à enflam­mer la population. Un mouvement lié au général Bakhtiar et aux événements de juin 1963. Suite à l’arrestation de Khomeiny, les hauts dignitaires de l’époque lui octroyèrent le titre d’ayatollah, ce qui lui permit d’avoir la vie sauve et le gou­vernement se limita à son égard de l’envoyer en exil en Turquie, puis en Irak.

Ainsi, se forma l’embryon de la nouvelle organisation des religieux ira­niens dans leur opposition contre le régime du Chah. Les mouvements anti­monarchiques poursuivirent leurs actions jusqu’en 1979, date à laquelle la monarchie fut renversée et le vieux rêve d’instauration d’un régime théocra-tique en Iran se concrétisa enfin.

La situation évolua très vite de façon opaque de janvier 1978, et surtout depuis le début de juillet de cette année. Une constante, toutefois, la même depuis la révolution islamique du 11 février 1979 : le régime de Téhéran tenta de contenir les conflits internes qui risquaient d’avoir un impact plus ou moins direct sur les options fondamentales de l’Iran tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

L’évolution la plus marquante est sans doute l’acceptation, à la mi-juillet 1988, par l’Iran, de la résolution 598 des Nations Unies pour le règlement du conflit avec l’Irak qui avait débuté en 1980. En dépit des difficultés techniques pour la mise en application de cette résolution, le changement de la position iranienne marquée jusque là par une intransigeance à toute épreuve n’est pas surprenant pour autant. Cet essoufflement de la République islamique est la conséquence d’un triple échec : militaire, mais aussi économique et politique.

Sur le plan militaire, malgré les multiples offensives lancées depuis 1982, les troupes iraniennes n’ont pu entamer les lignes défensives de Bagdad. Bien au contraire, les contre- offensives irakiennes avaient jusqu’au cessez-le-feu remporté des succès certains permettant à l’armée de Saddam Hussein de reprendre le terrain perdu en territoire irakien.

Sur le plan économique, la défaite était aussi significative. Certes le pays n’était pas endetté, mais la guerre et les lourds sacrifices qui en ont découlé avaient affaibli le niveau de vie de la population. Sur le plan politique enfin, le conflit de pouvoir n’étant pas réglé pour autant. Le cessez- le-feu et les négo­ciations entre l’Iran et l’Irak avaient d’ores et déjà entraîné une redistribution des cartes sur l’échiquier politique iranien.

Que s’est il alors passé ? En quoi se résumait le cessez-le-feu avec l’Irak, constituait-il seulement la paix ? Quels étaient réellement les enjeux régionaux et internationaux de la paix pour l’Irak et la République islamique ?

L’Etat des Factions politico-religieuses

À la différence de l’Occident, la vie sociale et politique en Iran s’articule traditionnellement non pas autour de partis politiques ou de courants d’idées et d’opinion mais plutôt autour de factions, ensemble fragile de clientélisme. Ce dernier, pratiqué depuis toujours par les élites locales de diverses tendances, reflète les véritables rapports de force sur la scène politique iranienne.

Ainsi depuis plusieurs années parle-t-on en Occident d’une « guerre de succession » qui opposerait des hommes ou des courants. Mais dans le même temps, on a du mal à se retrouver dans la délimitation des factions. C’est pour­quoi, une des premières règles d’analyse de l’évolution de la société iranienne doit être d’accepter l’ambivalence politique des diverses personnalités de la clas­se dirigeante. Cette ambivalence passe par des concepts spécifiques au chiisme comme la « taqia » ou le « Ketman » qui veut tout aussi bien dire dissimulation que pratique de la ruse ou manipulation -pour utiliser des termes habituels au voca­bulaire occidental7. Il n’est pas étonnant dans le fonctionnement de ce faction-nalisme de voir une personnalité politique dirigeante iranienne appartenant à telle ou telle faction professer des idées souvent différentes sinon divergentes de celles affichées par ce groupe. L’un des avantages premiers de ce factionna-lisme est le reflet des véritables rapports de forces en Iran. Il s’agit d’un indica­teur des divers centres décisionnels qui existent en marge des rouages institu­tionnels.

A – État et société civile : le difficile compromis ?

Depuis les évènements du 11 février 1979, le grand clivage qui divise l’Iran est l’opposition permanente (en tenant compte du caractère non rationnel de l’appartenance à tel ou tel clan), entre l’État et la Révolution. Ces deux institu­tions détiennent leur légitimité d’un seul homme, l’imam Khomeyni et dispo­sent toutes deux de clientèles souvent différentes mais aussi interférentes. Toutes deux avaient pour objectif fondamental d’encadrer et de conditionner la population. Cet objectif fut réalisé grâce à la multiplication d’éléments éta­tiques ; canaux révolutionnaires, institutions, organisations, parallèles et qui constituent l’assise fondamentale du pouvoir islamique.

Les « Comités », les associations,les conseils islamiques des usines des bureaux ou des administrations des villes et des campagnes,les groupements et fondations, les réseaux islamiques, ont contribué à l’installation du pouvoir kho-meyniste et à son fonctionnement en dépit de toutes les oppositions internes. Si dans un premier temps, cette base populiste (clientèle) a contribué au sauve­tage du système face aux multiples agressions externes et internes, il apparaî­trait depuis quelques mois que ces mêmes facteurs après avoir réussi à imposer le système risqueraient de le faire imploser. Bien qu’aujourd’hui, la République soit débarrassée des opposants des différentes tendances politiques, il apparaît que les différentes composantes de la République islamique iranienne s’entre-déchirent et étalent leurs conflits au grand jour. Longtemps, elles avaient su évi­ter l’affrontement entre elles grâce à l’arbitrage de l’Imam, source de pouvoir absolu qui règne sans partage tant sur la Oumma (la communauté, qui dépas­se les simples frontières iraniennes) que sur l’État iranien. Il n’y a pas de contra­dictions entre les deux pôles du pouvoir car la légitimité même du régime rési­de dans la révolution islamique.

Un imam qui gèrerait la révolution au quotidien ferait disparaître l’espace de transcendance qui permet à la révolution islamique de prétendre être autre chose qu’un régime clérical. C’est pour cela que le pouvoir absolu de l’Imam est en fait autolimité, n’intervenant que dans les grandes orientations. L’autre pôle du pouvoir l’État exerce de ce fait une autorité considérable, mais il est confron­té sans cesse au problème de répartition des sphères d’action entre les organi­sations étatiques et les institutions révolutionnaires.

B – La Révolution islamique : forme, contenu et acteurs

Pour comprendre l’évolution de la révolution islamique, il est indispen­sable de revenir sur la genèse du rôle du clergé chiite -tant sur le plan du com­mandement que sur celui de l’organisation de la révolte des populations du sud irakien en 192O, en 1922 et en 1924 contre le colonisateur britannique. Durement réprimée par les troupes britanniques et le pouvoir royal, la révolte s’est trouvée affaiblie par l’exil vers l’Iran des religieux les plus militants. La contestation chiite se réorganisa quarante ans plus tard sous une forme plus concrète et structurée. Le sud d’Irak connut dans ses villes saintes une nouvelle génération d’oulémas mieux préparés aux questions du développement de l’Islam et le sens des luttes révolutionnaires. Parmi ses théologiens, Mohammed Bâqr el Sadr de Nadjaf, un théoricien du chiisme politique, inspirateur même de la constitution iranienne actuelle. Il permettait à toute une génération de béné­ficier d’un système d’éducation religieuse cohérente et plus solide que de suc­cinctes fatwas. Parmi ses compagnons Mohammad Hussein Fadlallah, actuel chef spirituel des Hezbollahi libanais, Mouhammad Mehdi Chamseddine, vice président du conseil suprême chiite libanais et aussi le discret Rouhallah Khomeyni héros de la résistance de juin 1963, parti de Qom, fuyant la répres­sion impitoyable du Chah.

C’est à Nadjaf, dans les années soixante qu’on assista à l’émergence de la théorie de la suprématie politique du juriste, le faqih, véritable pierre angulaire du chiisme politique. C’est dans ces années là que Khomeyni se basant sur les travaux de Bâqr al Sadr fit ses premières conférences publiques « Pour un gou­vernement islamique ». C’est également dans ces années là que paraissent les premières oeuvres de Bâqr al Sadr « Falsafatuna » (Notre philosophie) et « Iqtisaduna (Notre économie), véritable alternative du gouvernement islamique par rapport au système capitaliste et socialiste. C’est dans ces ouvrages que sont développées pour la première fois les différentes options d’un gouvernement islamique, autour du concept du Velayat é Faqih.

Bâqr el Sadr reconnut déjà en 1969 l’existence des factions dites « Mo­rales » et des factions dites « conseillistes ». Mais, c’est surtout son travail de défi­nition des différences catégorielles entre les diverses élites : les « muqallids » (imi­tateurs) et les « mujtahids » (persévérant-effort d’interprétation), qui dégagea l’élite du clergé. Seuls les plus capables sont en mesure de s’élever aux plus hauts degrés du savoir, donc de diriger la communauté : les Ayatollah, Hojjatoleslam, thiquat allah etc… En réalité les Ayatollah sont le sommet d’une pyramide socio-religieuse hiérarchisée qui, en 1979, jouera un double rôle d’en­cadrement et d’organisation à Téhéran8.

1 – Qu’est-ce que le Vélayat faqih ?

Le Vélayat faqih dont la Constitution de la République Islamique d’Iran et le gouvernement y puisent leur légitimité, est un principe théologique qui, depuis deux siècles, sous le règne de Fath Ali Chah Qadjar, est entré dans les discussions théologiques. Avant la création de la République islamique d’Iran, ce concept ne dépassait pas le cadre de discussions entre les théologiens où il

trouvait cependant des opposants connus. Selon ce concept, le pouvoir de l’Imam revient à l’héritier savant de l’Imam c’est-à-dire le faqih. Il affirme que le gouvernement n’est autre que celui de Dieu accordé par lui au prophète de l’Islam et à ses Imams et que durant l’absence du douzième Imam, le vélayat ou le gouvernement revient au faqih et au savant théologien qui a atteint le grade d’Ijtihad soit le vicaire du douzième Imam.

Selon l’interprétation du Mollah Ahmad Naraghi, fondateur principal de ce concept, « dans toutes les affaires et de la même manière et pour les mêmes raisons que le prophète et les Imams ont le vélayat et le gouvernement dans les affaires et la vie du peuple, le faqih de par son héritage du prophète et de l’Imam, détient les mêmes prérogatives » et « tout acte et tout événement qui pour une raison ou une autre relève des affaires du peuple dans sa religion et dans sa vie ou qui les influencent ou que la religion les a rendus obligatoires sans en fixer l’exécutant, reviennent au faqih qui doit contrôler leur application et les modifier grâce à son pouvoir ». Il en déduit que « le gouvernement en tant que direction politique et gestion des affaires du pays sont de la compé­tence religieuse du faqih, parce qu’il est faqih ».

Lors de la révolution constitutionnelle, la religion chiite était inscrite comme la religion officielle du pays, comme la présence de cinq faqih au sein du Parlement pour contrôler la conformité des décisions avec les principes reli­gieux. Or, ce principe ne fut pas appliqué. Lorsque l’Imam Khomeyni se trouvait en exil à Nadjaf, il s’intéressa entre autre à la question du concept de vélayat faqih en tant que forme du gouvernement et l’enseigna dans ses cours. Lors de la rédaction de la Constitution par le Conseil des sages, le vélayat faqih devint la base de la loi sans que ses pouvoirs dépassent ceux du roi constitutionnel. Mais dix ans plus tard, avec la bénédiction de l’Imam Khomeiny, des change­ments fondamentaux furent introduits dans la Constitution et le vali faqih se transforma en une institution dans lequel se résumait tout le pouvoir étatique et gouvernemental. Même dans les interprétations des conservateurs, le vali faqih occupe une place plus élevée que les postes éligibles du fait de sa nomi­nation par Dieu et le conseil des sages a pour mission de « découvrir » l’élu de Dieu. L’autorité extra-légale du « guide » qui n’est autre que le « vali faqih » puise sa source dans un pouvoir absolu qui lui est accordé par la religion et qu’il a le droit de le mettre en œuvre dans tous les domaines en tant que « vicaire de Dieu sur terre ».

Ayatollah, Hodjatoleslam, Saghatoleslam

Ce sont les trois grades dans la hiérarchie du chiisme duodécimal qui ont eu cours depuis l’époque Qadjar. Ayat signifie symbole et signé ; Hodjat signi­fie preuve et Saghat signifie engagement. (Dans l’ismaïlisme des Fatimides d’Egypte, Hodjat constituait un grade dans la hiérarchie religieuse. Hakim Nasser Khosro et Hassan Sabah avaient le grade de Hodjat dans la religion ismaïlite et cela dans la période pré-Qadjars. Seul l’Imam Mohammad Ghazali avait le grade de Hodjatoleslam à l’époque des Seldjoukides. À l’époque des Ilkhâns mogols, Allameh Héli, grand dignitaire chiite, eut le grade de ayatollah. Sous les Qadjars, après la domination des « Ossouli » qui croyaient dans le Ijtihâd, les religieux furent divisés en trois catégories : les rapporteurs de hadith, Saghatoleslam, Mudjtahid « Hodjatoleslam », Mudjtahid remplissant toutes les conditions. « Ayatollah ». Depuis Cheikh Ansari, reconnu comme le supérieur de tous les « mardja’ », le « Mardja’ » général, le titre d’ayatollah Ozma prit cours.

2 – Le Clergé

La préférence de Khomeyni en faveur du Velayat é Faqih demeurait minoritaire au sein du clergé chiite. Pourtant, son unité apparente en 1979 et son identification à la révolution apparaissait comme une réaction à sa margi­nalisation croissante du temps du Chah. Toutefois, le clergé iranien fortement politisé depuis le XIXe siècle ne constituait pas la seule force sociale sur laquel­le s’est appuyé le mouvement khomeinyste. Les militants laïques (notamment ceux du Bazar) et les « mostazafin », les couches sociales oubliées lors du déve­loppement économique, ont participé à cette vague révolutionnaire. Le clergé s’identifiait toujours à l’appareil d’État, bien que dans les premières années de la révolution et jusqu’aujourd’hui, l’espace politique étatique semblait occupé par une majorité de membres du clergé, en particulier le parlement, donnant l’impression d’une « mollarchie » iranienne.

Toutefois, une grande différence existe entre le clergé et les autres com­posantes de la révolution islamique : tout en étant un des éléments fondamen­taux du processus révolutionnaire, le clergé iranien ne pouvait en aucun cas être considéré comme l’incarnation de cette révolution. Le clergé existait bien avant ce processus; il existera bien au delà de toute évolution de cette révolution. Et c’est bien dans cette optique que les membres du clergé se retrouvèrent dans tous les partis politiques, les organisations et les institutions qui sont nées dans la mouvance révolutionnaire.

Mais là où l’unité du clergé dépasse la simple apparence, là où les mol­lahs, se retrouvent tous à la base sur la même longueur d’onde, c’est autour du débat sur les valeurs fondamentales de la société : moeurs, respect de l’identi­té islamique, etc. De plus le clergé iranien tient plus que tout, à sauvegarder sa prééminence en gérant un espace social et économique.

C’est en ce sens essentiellement que les mollahs semblent prôner la pri­mauté de la révolution sur l’État et apparaissent comme » radicaux », sans pour autant revendiquer une plus grande cléricalisation de l’État. Les éléments intrin­sèquement radicaux se retrouvent à la base, dans les autres institutions révolu­tionnaires que le clergé a utilisé pour aider le pouvoir khomeinyste à encadrer et conditionner la population.

3- Le guide suprême l’Ayatollah Khomeyni

Les différentes appellations de Khomeyni sont : l’ayatollah Ozma, Rouhollah Khomeiny, Imam Khomeiny, Seyyed Rouhollah Moussavi Khomeiny. Né le 29 août 1902 dans la ville de khomeyn, fils de l’ayatollah Seyyed Mostafa, lui-même fils de Allamé Seyyed Ahmad Moussavi Hendi originaire de Cashmire qui avait immigré en Iran pour s’installer à khomeyn. La famille de Khomeyni fut ainsi qualifiée de Hendi. Les noms de Seyyed Mortezâ et de Seyyed Nourreddine, les frères aînés de Seyyed Rouhollah étaient donc Hendi. À l’époque de Rézâ Chah, lorsque Seyyed Mortézâ voulut créer un bureau de notariat, il changea de nom et opta pour celui de Passandideh. Mais Seyyed Nourredine, alors avocat à Téhéran, garda son nom et ses enfants eurent le nom de Hendi Zadeh. Le nom de l’ingénieur Hendi Zadeh fut ainsi évoqué dans le cadre de l’assassinat de Bakhtiar à Paris. Seyyed Rouhollah Khomeyni connu sous le nom de « Hadj Agha Rouhollah » dans l’école théologique, signait ses poèmes Hendi et avait ainsi gardé le lien familial. Outre son rang de dignitaire religieux à Khomeyn, Seyyed Mostafa était parmi les grands propriétaires ter­riens. Lorsqu’un jour, accompagné de ses gardes armées, il se rendit auprès du gouverneur d’Arak pour s’entretenir avec lui sur la question de l’insécurité, il fut attaqué par deux bandits dont il projetait l’arrestation et, avant de pouvoir se défendre, lui et ses compagnons furent tués.

À la mort de son père, Seyyed Rouhollah n’était âgé que de cinq ans. Il vécut à Khomeyn jusqu’à l’âge de dix-neuf ans. Il y étudia la théologie. Il se ren­dit ensuite à Arak où il s’inscrit aux cours de l’ayatollah Hadj Cheikh Adbolkarim Haéri Yazdi, un des Moujtahed du centre théologique de Najaf. En 1923, l’aya­tollah Haéri quitta Arak à destination de Qom pour y créer le centre théolo­gique ; il emmena avec lui Seyyed Rouhollah où celui-ci poursuivit ses études. En 1924, il occupait la même chambre que cheikh Bohloul. Le nom de ce der­nier fut connu deux ans plus tard à l’occasion de l’événement survenu dans la mosquée Goharchâd. Vers la fin de la vie de l’ayatollah Haéri, Seyyed Rouhollah était devenu un enseignant du l’école théologique de Qom tout en continuant à étudier. Il étudia la philosophie, en particulier le mysticisme, auprès de l’aya­tollah Chahâbâdi. Après août 1941, il se rendit à Machhad pour perfectionner ses études philosophiques. À l’âge de vingt-sept ans il épousa la fille de l’aya­tollah Saghafi Tehrani. Il poursuivit ses études tout en continuant à enseigner. En 1944, alors que Kasravi menait la lutte contre les activités politiques et sociales des religieux, ce qui mit en ébullition le clergé, le hodjatoleslam Seyyed Rouhollah Moussavi Khomeyni publia « Kashf ol-Asrar », dans lequel il exhortait les musulmans à détruire l’ennemi de l’Islam, ce « vahabite » (selon ses dires) méconnaissant les principes religieux. À la même époque, un jeune élève théo­logien, Seyyed Modjtabâ Mirlohi qui se faisait appeler Navâb Safavi, étudiait à l’école théologique. Au mois de mars 1945, à Téhéran, il fréquentait la demeu­re de Kasravi dans laquelle il organisait des réunions de discussions hebdoma­daires. Au mois d’avril de la même année, il attaqua Kasravi. Enfin, le 20 Esfand 1945, Kasravi fut assassiné au Palais de Justice par Navâb Safavi et ses compa­gnons qui se faisaient appeler les Fédayins de l’Islam. Dans l’école théologique, le hodjatoleslam Hadj Agha Rouhollah était conseiller de l’ayatollah Ozma Boroudjerdi et était connu comme étant son « ministre des Affaires étran­gères ». À Téhéran, il était également en relation avec l’ayatollah Kachani et l’ayatollah Behbahâni. Après le 19 août 1953 (coup d’État de la CIA en faveur du Chah), il eut un entretien avec le Chah en tant que représentant de l’ayatol­lah Boroudjerdi, réclamant la mise à l’écart des bahaïs. L’attaque contre Hazirat ol-Moghadass, le temple des bahaïs à Téhéran, eut lieu peu de temps après.

La présence directe du hodjatoleslam Khomeyni sur la scène politique du pays eut lieu après la mort de l’ayatollah Boroudjerdi et suite à « la révo­lution blanche du Chah et du peuple ». Les premières déclarations contre la politique du Chah relative à la réforme agraire, à la participation des femmes aux élections et au service militaire des femmes provoquèrent en mars 1962, l’intervention violente de l’Organisation des Renseignements et de la Sécurité à Qom, et dans l’enceinte de l’école théologique. Le 5 Juin 1963, une déclaration hostile de Khomeyni et la manifestation des étudiants en théologie à Qom pro­voquèrent une sévère attaque de la part de l’Organisation de la Sécurité en vue de réprimer les étudiants. Les chefs de cette insurrection furent arrêtés dont Hadj Agha Rouhollah Khomeyni. Les dignitaires religieux tentèrent de trouver une parade. Quatre Moujtahed remplissant les conditions nécessaires ou « ozma » témoignèrent du degré « scientifique » de l’ayatollah Khomeiny. Le 6 avril 1964, l’Ayatollah fut libéré et retourna à Qom.

Or, le 26 octobre 1964, dans un autre discours, l’ayatollah Khomeyni dénonça le fait que le Parlement avait approuvé « la loi de la Capitulation » qui consistait à épargner aux conseillers américains d’être jugés et poursuivis par les tribunaux iraniens en cas de délits ou de crimes. Cette fois-ci, l’Organisation de sécurité arrêta l’Ayatollah et l’envoya en exil en Turquie. Six mois plus tard, il s’installa à Nadjaf (Irak).

Les ayatollahs de Nadjaf et de Karbala n’adhérèrent pas à la cause défen­due par l’ayatollah Khomeyni. Cependant, un vaste réseau assurera ses liaisons en Iran avec les centres théologiques de Qom et d’autres villes, tandis que cer­tains de ses élèves et de ses compagnons vinrent émigrer en Irak où le centre d’enseignement de l’ayatollah Khomeyni teinté de couleur politique, commen­ça à fonctionner. L’ayatollah y enseignait en particulier le principe de vélayat-é faqih qui avait déjà été évoqué sous le règne de Fath Ali Chah Qadjar. Chaque année de nombreuses personnes habitant Qom et d’autres villes iraniennes se rendaient à Nadjaf pour visiter l’ayatollah Khomeyni. Dans les années 1970, des représentants d’organisations politiques des étudiants iraniens, résidant en Europe et aux États-Unis vinrent également s’entretenir avec lui pour s’informer et s’inspirer.

Les représentants des organisations religieuses étaient en constante liai­son avec le « bureau spécial » de l’ayatollah Khomeyni. Ces contacts étaient connus de la part de l’Organisation de Renseignement et de Sécurité de l’Iran. L’arrestation des religieux ou non religieux accusés d’avoir rendu visite à l’Ayatollah à Nadjaf et le démantèlement d’organisations et de réseaux ainsi créés en vue de mener des actions politiques étaient monnaie courante. Les relations avec les représentants des organisations politiques des étudiants à l’étranger fournit à l’ayatollah Khomeyni un nouveau moyen pour diversifier et étendre la lutte. L’utilisation des deniers de culte pour la lutte politique et l’aide aux combattants emprisonnés devint habituelle. L’activité des élèves, des com­pagnons et des adeptes de l’ayatollah Khomeyni au centre théologique de Qom prit une telle ampleur que le 7 juin 1975, l’Organisation de la Sécurité investit cette école. De nombreuses personnes furent blessées, tandis que d’autres étaient arrêtées. D’autres villes du pays furent également perquisitionnées.

Plus le régime du Chah renforçait la pression sur les intellectuels et limitait les libertés, plus la population s’intéressait à la lutte menée par les religieux gui­dés par « l’état-major de Khomeyni » en Irak. Le 5 novembre 1972, l’Organisation de la Sécurité décida de fermer le « Hosseynieh Ershad » à Téhéran, lieu de réunion des partisans de Khomeyni et le « Nehzat-é Azadi », de même que la mosquée « Al-Javad » récemment construite et la mosquée « Hédâyat » qui était devenue depuis 1953 l’état-major de l’ayatollah Taléghani. Cependant, les liens qui existaient entre le régime du Chah et l’institution reli­gieuse par le biais de la Constitution n’autorisaient ni le gouvernement ni l’Organisation de la Sécurité de réprimer les religieux. Les pourparlers entre la Cour et les religieux de Qom se poursuivaient. Seyyed Mohammad Hossein Beheshti, boursier de la Fondation Pahlavi, sur le conseil de l’école théologique, fut envoyé en Allemagne pour y étudier la théologie. L’ayatollah Mehdi Haéri Yazdi, avec l’aide de l’école théologique, étudia la philosophie aux États-Unis. L’ayatollah Beheshti et le hodjatoleslam Bahonar supervisaient les livres scolaires publiés par le ministère de l’Education Nationale pour les questions théolo­giques. Alors que la détention d’ouvrages de Sadegh Hédayat ou le jeu d’échec constituant des signes d’intellectualisme et d’opposition au régime et que le bureau de censure du ministère de la Culture et de l’Art supprimait les termes de soleil, de ténèbres, de jour ou de la nuit, un censeur religieux eut pour mis­sion d’examiner (de censurer) l’histoire de « l’Islam en Iran », ouvrage rédigé sous la direction de Pétrochevsky et publié par « l’Institut Supérieur des Sciences Sociales ». Il supprima tout ce qu’il pensait devoir éliminer et rédigea une obser­vation d’ordre religieux sur le contenu du livre qui fut ajouté à la fin de celui-ci. Peu après le 23 octobre 1977, son fils, hodjatoleslam Seyyed Mostafa décéda subitement à Nadjaf et la rumeur courut qu’il avait été intoxiqué par l’Organisation de la Sécurité. Il souffrait de boulimie.

Le 8 janvier 1978, un article publié dans le journal Ettela’ât, porta des accusations mensongères contre l’ayatollah Khomeiny. Le contenu de cet article avait déjà été publié en juin-juillet 1963 dans le journal Farman. Il s’avéra que ce document avait été envoyé au journal pour y être publié sur décision du Chah et par le ministère de l’Information. Le lendemain, la ville de Qom se sou­leva contre le pouvoir. Cette manifestation fut réprimée dans le sang. Le 18 jan­vier à l’occasion du 40ème jour des martyrs de Qom, une manifestation brutale eut lieu à Tabriz. Le 30 mars 1979, la ville célébra à travers une autre démons­tration le 40ème jour de ses propres martyrs. Les manifestations prenaient une plus grande ampleur, et se multipliaient dans les grandes villes iraniennes. Celle d’Ispahan eut lieu le 14 août, le 4 septembre, une autre commença à partir de la mosquée « Ghoba » située à Darrous (Téhéran), sous l’égide de l’ayatollah Mofatteh pour effectuer la prière de Fitr. Plusieurs centaines de milliers de per­sonnes participaient à ce rassemblement. Le 31 novembre 1978, les militaires s’attaquèrent à une manifestation qui avait lieu dans l’enceinte du mausolée de l’Imam Réza à Mashhad. Le 14 décembre, les militaires encerclèrent l’hôpital Châhrézâ de Machhad et l’attaque du bâtiment fit plusieurs victimes. L’instauration de l’état de siège dans tout le pays n’empêcha pas le déroulement des démonstrations, celles-ci étant en permanence réprimées dans le sang et ayant toutes pour objet la défense de l’ayatollah Khomeyni. La tragédie du ciné­ma Rex d’Abadan secoua le pays entier. Le 19 août, la salle fut brûlée alors que les portes de sortie étaient fermées. 450 hommes, femmes et enfants furent brûlés vifs. L’appareil de propagande anti-régime mit cet acte à l’actif de l’Organisation de Sécurité. Or, un an plus tard, un jeune qui avait commis ce geste, se livra et insista pour être jugé, dénonçant les commanditaires de cet attentat. Le tribunal dirigé par l’ayatollah Moussavi Ardabili, jugea l’affaire et au lieu de demander la poursuite et le jugement des commanditaires de cet atten­tat qui étaient tous des activistes religieux, ordonna l’exécution du jeune et le dossier fut clos.

À partir du 24 septembre, suite aux pressions exercées par le gouverne­ment iranien, la demeure de l’ayatollah Khomeyni à Nadjaf fut encerclé par la police irakienne qui lui demanda de quitter le territoire irakien. Le 3 octobre, l’Ayatollah quitta Nadjaf à destination de Koweït. Ce dernier pays lui interdit son territoire. Ebrahim Yazdi qui avait quitté les États-Unis pour Nadjaf, accom­pagna, le 5 octobre, l’Ayatollah et ses compagnons à Paris. Installé à Neauphle-le-Château, sa demeure parisienne se transforma en lieu de rendez-vous des médias du monde. Des journalistes et des spécialistes politiques de tous pays le visitèrent quotidiennement. Un pont s’établit entre Téhéran et Paris. Le 16 jan­vier, le Chah quitta le pays. Les entretiens politiques entre l’Ayatollah et les émis­saires du Chah n’aboutirent à aucun résultat. Le 24 janvier, suite aux ordres de Bakhtiar, Premier ministre nommé par le Chah le 30 décembre 1978, l’aéroport Méhrabad de Téhéran fut militairement occupé afin d’empêcher l’atterrissage de l’avion de l’Ayatollah. Le 27 janvier, les religieux de Téhéran firent un sit-in dans la mosquée de l’Université réclamant la fin de l’occupation militaire de l’aéroport. Le 1er février, l’avion spécial transportant l’ayatollah Khomeyni et ses compagnons atterrit dans la capitale. Accueilli par un million d’habitants, il se rendit au cimetière de Behesht Zahra où il déclara : « Nos pères n’avaient aucun droit de rédiger une Constitution pour nous ! »

Le 8 février, les cadres de l’armée de l’air, pour démontrer leur solidarité avec la révolution, défilèrent devant le domicile de l’Ayatollah. Le 9 février, dans la nuit, la garde impériale attaqua leur siège mais dut battre en retraite. Le 10 février, l’armée qui avait déclaré sa neutralité, proclama l’état de siège, mais la population n’y prêta guère attention et le brava. L’Ayatollah prit aussitôt le parti de la population. Le 11 février, le siège du haut commandement qui était éga­lement celui des commandants et des conseillers américains fut envahi. La chute de la garde impériale fut également celle de la monarchie en Iran.

Le 12 février, suite à l’ordonnance de l’ayatollah Khomeiny, des comités de la révolution islamique furent créés à Téhéran et dans les autres villes met­tant ainsi fin à la grève générale deux jours plus tard. Le 5 mars, il ordonna la création de la Fondation des Déshérités et peu après, celle de la Fondation des Martyrs. Pour subvenir aux frais de la réalisation de ces doléances, les réserves financières provenaient des biens confisqués à ceux qui avaient été accusés de collaboration avec l’ancien régime ou des biens des cadres administratifs et des militaires qui avaient fui le pays, ainsi que ceux des juifs et des Bahaïs. Selon les collaborateurs de l’Imam, ces biens étaient des prises de guerre. En 1980, il nomma les premiers membres du Conseil des Gardiens, et ordonna la création de la « Lutte pour la construction ».Après l’attaque irakienne contre l’Iran (qui commença le mardi 22 septembre 1980 suite au bombardement des aéroports et des principales villes de l’Iran), l’Imam considéra que la situation était propi­ce à une épuration sanglante de toutes les forces s’opposant au régime théo-cratique. Il s’attaqua ensuite aux « formes amies » et apporta des modifications à la Constitution pour instaurer, sous couvert de la République, une certaine forme du califat religieux dans le pays. Le 15 février 1989, pour couvrir le géno­cide qu’il avait perpétré dans les prisons du pays et après avoir évincé son suc­cesseur qui s’opposait à ces massacres, il annonça l’ordonnance religieuse rela­tive à l’exécution de Salman Rushdi, auteur anglo-indien des versets sataniques. Le 23 mai 1989, il fut hospitalisé et décéda le 4 juin.

C – La constitution iranienne

1 – Deuxième principe de la Constitution iranienne

La République Islamique est un système basé dans la croyance en :

  • – Un Dieu Unique (comme incorporé dans l’expression « Il n’y a pas de Dieu sauf Allah », soit « La Elaha Elailah »), Sa souveraineté est exclusive dont le droit de légiférer, et la nécessité de soumission à ses commandements ;
  • – Une Révélation Divine et son rôle fondamental dans l’élaboration des lois ;
  • – Au retour vers Dieu dans l’Au-delà, associé au rôle constructeur de cette croyance pendant l’avancement de l’homme vers Dieu ;
  • – la justice de Dieu en ce qui concerne création et législation ;
  • – la direction continue (Imâmah) soit par directifs perpétuels, et son rôle fondamental dans la sauvegarde de la procédure sans interruption de la révolu­tion d’Islam ;
  • – la dignité exaltée et la valeur de l’homme dont sa liberté associée à responsabilité par-devant Dieu ; cet aspect qui sécurise équité, justice, indépen­dance politique, économique, sociale et culturelle, ainsi que solidarité nationa­le, par le recours à :
  • ijtihâd (perfectionnement) incessant des fuqahâ (autorités du dogme), réalisé sur la base du Coran (Livre Sacré de l’Islam) et du Sunnah (ensemble des traditions saintes) des M’asumun (leaders religieux perfec­tibles), que la paix universelle leur appartienne.
  • toutes les études scientifiques et artistiques et aux résultats les plus avancés de l’expérience humaine, associés aux applications pour le perfec­tionnement de ceux-ci.
  • rejet total de toute forme d’oppression notamment tyrannie – aussi bien son imposition que la soumission à elle – et de domination despotique (aussi bien son imposition que la soumission à elle).
  • – Troisième principe de la Constitution9

Afin de parvenir à l’état prévu ci-dessus au titre du deuxième principe, le gouvernement de la République islamique d’Iran a le devoir de diriger toutes ses ressources vers le développement d’un environnement favorable à la croissance des vertus morales, conscience publique, enseignement et éducation, lutte contre l’impérialisme, despotisme, autodétermination dans les secteurs militai­re, agricole, scientifique, etc.

  • – Quatrième principe de la Constitution

Toutes les lois et réglementations politiques, militaires, culturelles, admi­nistratives, économiques, financières, pénales, civiles et autres doivent être basées sur les critères islamiques. Ce principe s’applique absolument et généra­lement aux Articles de la Constitution ainsi qu’aux autres lois et réglementa­tions, dont les juges seront les fuqaha’ (soit les Docteurs du dogme) membres du Conseil des Gardiens.

D – Les cadres intermédiaires

1- L’Armée des Gardiens de la Révolution Islamique (Sépahé pasda-rané enghélabé esslami-le Sépah)

Dès les derniers jours de février 1979, le gouvernement provisoire et le conseil de la révolution décidèrent de créer une armée des « gardiens de la révo­lution islamique » et de la substituer aux différents groupes armés qui s’étaient réunis dans les comités révolutionnaires, dans les différents organes et les centres sensibles de la capitale et des différentes villes du pays. Après la défaite des forces armées impériales, leur contrôle devenait de plus en plus difficile. Cet armée avait le soutien de groupes religieux régionaux, parmi lesquels, ceux de Djalaleddine Farsi et d’autres appartenant à l’organisation « Fatah » (ce qui explique l’attitude de l’autorité palestinienne vis-à-vis de la révolution iranienne à ses débuts et les liens qui perdurent en dépit des options tactiques de l’État iranien – alliance avec la Syrie – entre Palestiniens et militants révolutionnaires ou même au sein de la communauté chiite du Liban notamment dans les rangs du Hezbollah). Il y’avait également les Moudjahiddines du Peuple, les partisans de Mohammad Montazéri qui étaient soutenus par certaines bandes du Fatah et peut-être par la Libye, des groupuscules éparpillés qui avaient été formés dans des camps de palestiniens et qui constituaient des unités indépendantes. Toutes ces forces étaient également en constante lutte contre les forces de gauche.

L’armée des gardiens fut créée sous l’autorité de l’ayatollah Lahouti-Anvari et celle de Hadj Mehdi Araghi, et avec la collaboration organisationnel-le d’Ebrahim Yazdi et de Sadegh Ghotbzadeh appartenant au groupe des Moudjahédines de la révolution islamique, de Abbas Douzdouzani, Djavad Mansouri, Abbas Zamani, Hossein Chariatzadeh, Mohsen Rézaï (plus tard com­mandant général de l’armée des gardiens) du parti des peuples islamiques, de Gharazi et Mohsen Sazégar, de Cheikh Mohammad Montazéri, Seyyed Mehdi Hachémi, Gholamhossein Nadi, Abdollah Nouri du « Front de Libération des Déshérités du monde », de Asghar Djamali Fard (Abou Hanif) et d’autres.

Yazdi, Ghotbzadeh et le général Massoudi, membres du Conseil de la révolution, accompagnés de l’ayatollah Lahouti représentant spécial de l’Imam, préparèrent la création de l’armée des gardiens. Sur l’ordre de l’Imam et sous la pression de l’ayatollah Motahari les sept groupes armés islamiques (Omat Vahédé, Tohidi Badr, Tohidi Saf, Fallah Khalgh, Mansourou et Movaheddine) s’unifièrent et annoncèrent la formation de l’Organisation des Moudjahédines de la Révolution et devinrent le noyau central de l’armée des gardiens. Djalaleddin Farsi refusa de travailler sous la direction de Sadegh Ghotbzadeh et du général Massoudi. En effet, étant pendant plusieurs années le représentant de l’Imam auprès de Fatah et ayant eu comme mission de superviser les volon­taires musulmans partisans de l’Imam dans les camps palestiniens au Liban, il s’arrogeait un grade supérieur aux deux autres membres du Conseil de la révo­lution.

Les premières casernes de cette nouvelle armée virent le jour en avril 1979 à Aliabad, Qom et Téhéranpars (Téhéran). Les volontaires présentés par les comi­tés de la révolution (sous la direction de l’ayatollah Kani) à l’armée des gardiens y furent entraînés. La création de l’armée des gardiens était destinée à protéger le pouvoir du clergé face au danger des forces armées, de la police et de la gen­darmerie qui étaient à cette époque démantelées, tout en réunissant l’ensemble des forces paramilitaires qui étaient entrées en rivalité pour les placer sous un commandement unique. À partir de l’été 1979, l’armée des gardiens commen­ça à ramasser les armes dont disposait la population et entama le démantèle­ment des organisations qui se trouvaient en dehors de la « ligne de l’Imam ». En avril 1979, lorsque les guérilleros Fédayins du peuple décidèrent d’occuper l’am­bassade américaine, c’est l’Armée des gardiens dirigée alors par Yazdi, qui la libé­ra. Un comité fut créé dont le siège se trouvait derrière l’ambassade des États-Unis avec pour mission de la protéger. Ce comité était connu sous le nom du « comité de Machallah Ghasab ». Son activité perdura jusqu’à l’occupation de ladi­te mission par les « étudiants partisans de la ligne de l’Imam ». Cependant, c’est Djalaleddine Farsi, à la tête de ses forces, qui eut la mission de diriger la recons­truction de l’armée qui remplaça « l’armée du savoir» de l’époque du Chah. Jusqu’à la fin 1979, Yazdi demeura vice Premier Ministre chargé des affaires révo­lutionnaires et responsable de l’armée des gardiens. En 1980, dans le gouverne­ment de Bani Sadr, il fut remplacé par Behzad Nabavi ministre conseiller pour les affaires exécutives (jusqu’en mai 1982). Dans le gouvernement de Moussavi, ce poste fut occupé par Gholamréza Aghazadeh. Lors de la révision de la loi consti­tutionnelle, le poste de ministre de l’armée des gardiens (affaires exécutives) fut supprimé. Depuis 1989, le commandant général de l’armée devenait indépen­dant et agissait sous les ordres du guide.

L’armée des gardiens de la révolution a joué un rôle prépondérant dans la répression des opposants et la consolidation du pouvoir du vali faqih et a béné­ficié de nombreux soutien dans son extension et l’élargissement de son pouvoir. Le champ d’activité de l’armée des gardiens a dépassé celui du territoire natio­nal et s’est étendu jusqu’à l’étranger. Les membres de l’armée des gardiens sont intervenus en Bosnie, en Afghanistan, au Liban. Ils ont participé aux assassinats d’opposants au régime en Europe et aux États-Unis. Ils ont coopéré avec le ministère de l’Information et dirigé certains groupes en Afrique et en Asie. Des organisations agissaient pour l’armée à l’intérieur et à l’extérieur du pays sous couvert de missions culturelles et de propagande. Lors de la guerre contre l’Irak, l’armée des gardiens a subi les pertes les plus élevées. Aujourd’hui, elle dispose de toute sorte d’armement et dirige les trois forces conventionnelles aérienne, terrestre et navale. Au cours de son développement, elle a dû s’adapter et recru­ter beaucoup de civils : ingénieurs, médecins, instituteurs, traducteurs, conduc­teurs et autres cadres faisant de cette entité une gigantesque entreprise politi­co-militaire.

Plusieurs organismes liés organiquement à cette armée jouent désormais, un rôle crucial dans le fonctionnement de cette institution :

  • la faculté de formation d’instructeurs idéologico-politiques de l’Armée des gardiens ;
  • l’unité d’enseignement politico-idéologique ;
  • le bureau central de soutien aux combattants et aux martyrs de l’armée des gardiens ;
  • les relations publiques et internationales de l’Armée des gardiens.

Le corps des Gardiens de la Révolution Islamique qui a été formé pendant les premiers jours de la victoire de cette Révolution, maintiendra son existence pour poursuivre son rôle dans la sauvegarde de la Révolution et de ses diverses conquêtes. L’étendue ainsi que les limites de leurs compétences et responsabi­lités sont définies par la loi (150ème principe de la constitution). Leurs relations avec les autres forces armées mettent l’accent sur la collaboration et l’harmoni­sation fraternelles entre elles.

  • – La Fondation des Déshérités (Boniadé Mostazafine)

Cette fondation a été créée après la révolution par un décret de Khomeyni sur décision du Conseil de la Révolution en vue de récupérer les biens de la fon­dation Pahlavi .Elle est chargée de gérer les expropriations, de gérer et d’exploi­ter les biens des exilés, l’expropriation des biens des collaborateurs de l’ancien régime, le contrôle des sociétés, des usines et des biens immobiliers et mobiliers dont les propriétaires ont quitté le pays, etc. La fondation a trois secteurs d’ac­tivité : l’agriculture et l’élevage, l’industrie et enfin les mines. C’est une institu­tion financière excessivement importante qui met à la disposition de ceux qui la contrôlent les moyens nécessaires à la réalisation de leurs projets politiques.

  • – La Fondation des Martyrs (Boniadé Shahid)

Créée par l’imam Khomeyni pour venir en aide aux familles des « militants de la cause islamique tombés au champ d’honneur », elle dispose des mêmes sources de financement que la fondation des Déshérités. Elle est contrôlée par le bureau de Guide de la Révolution et plus particulièrement, par le représen­tant de Khomeyni auprès de la fondation, le Hodjatoleslam Mehdi Karroubi10, l’ex -Président de Parlement.

  • – L’Effort pour la Reconstruction (Djahadé Sazandegui)

Également créé par Khomeyni en 1979 cet organisme se propose de reconstruire le pays. Il s’agit d’une institution qui rassemble des « volontaires » : médecins, étudiants, ouvriers, paysans, fonctionnaires… L’objectif est d’envoyer ces volontaires dans tous les coins du pays et surtout dans les villages éloignés afin d’y reconstruire routes, écoles, dispensaires, mosquées et d’y amener l’eau et l’électricité. En réalité la fonction essentielle de cet organisme est d’encadrer la population rurale et de lui inculquer l’idéologie du pouvoir islamique. Les moyens utilisés à cette fin d’encadrement sont les fameux « conseils islamiques villageois » qui constituent les bases populaires du pouvoir dans les campagnes.

  • – Les paramilitaires Bassidji

Les Bassidjis sont les  » mobilisés « , une milice paramilitaire iranienne, créée sur l’ordre de l’Imam Khomeyni tout au début de la guerre Iran-Irak, pour organiser une résistance populaire. Ils font partie des forces militaires et de la sécurité iraniennes qui sont toutes sous l’autorité du Guide de la Révolution, l’ayatollah Ali Khamenei, qui a ordonné au gouvernement et aux responsables de sécurité ainsi qu’aux Bassidjis de réprimer les éléments corrompus et contre-révolutionnaires.

À l’appui des forces militaires régulières que sont les Gardiens de la révo­lution « Pasdaran » et l’armée régulière, cette catégorie de force armée est composée de jeunes voués à devenir des martyrs. Les membres de cette milice ne portent pas d’uniforme et circulent en tenue civile. Ils sont environ 5 millions répartis dans tout le pays. Un modèle par excellence du Djihad et du martyr, de la dévotion et du sacrifice. Son organisation est autonome pour ce qui est du recrutement et de l’adhésion volontaire des jeunes, des adolescents, dont les motivations de chacune de ces catégories sont différentes pour leur adhésion. Ils sont généralement issus des classes sociales inférieures et défavorisées. Financièrement, la milice Bassidji est dépendante de l’Armée des Pasdaran, et elle reçoit des dons des organismes étatiques et privés et d’associations para-étatiques tels que la Fondation des martyrs. Le bassidji est « l’individu dans la mort », il va au front et fait la guerre. Il existe aussi des femmes membres des Bassidjis, nommées « les sœurs bassidji). L’identité martyropathe11 est une fas­cination pour la mort (seule espérance qui reste au sujet). Il créa ainsi, le « membre bassidji », la légitimité d’annihilation collective comme forme préva­lante de purification de soi. Le jeune qui se déclarait pendant la guerre Iran-Irak prêt au sacrifice était pris en charge par le Bassidj. Le discours que mène l’orga­nisation auprès de ses adhérents et des membres potentiels, incarne le sacré islamique et la menace qui se dirige contre lui, le désarroi des jeunes dû à l’échec d’un projet économique post-révolutionnaire et la reconstruction d’une nouvelle société. La mort devient ainsi, une évidence irrécusable, cherchant leur salut dans le martyre. En juillet 2005, déclarait Mohammad-Réza Djafari12 à un journal proche du président Mahmoud Ahmadinejad que « l’un des buts de notre organisation est de repérer les individus qui recherchent le martyre dans la société et ensuite de les recruter et de les organiser, afin que, si Dieu le veut, au bon moment lorsque le commandant-en-chef des forces armées du pays [l’ayatollah Khamenei] en donnera l’ordre, ils pourront entrer en scène et exé­cuter leurs missions ». Il ajouta une nouvelle définition de la nouvelle structure des Bassidji : « La garnison des amoureux du martyre a été activée et formera une division de recherche du martyre pour chaque province dans le pays, orga­nisée en brigades, bataillons et compagnies pour défendre l’islam », et il ajou­ta : « Garnison des amoureux du martyre » (Gharargah-e Acheghan-e Chahadat) et recruterait des individus désireux de mener des opérations suicides contre des cibles occidentales.

 

Les institutions de l’Etat iranien

 

Les institutions iraniennes telles qu’elles sont définies par la constitution de la République islamique, ont été depuis leur mise en place, un espace d’af­frontement entre les éléments dits « radicaux », partisans d’une application immédiate de la loi islamique, en matière économique et sociale, et les « tradi­tionalistes » conservateurs opposés à la mise en oeuvre d’une telle politique.

 

  1. A) Le pouvoir exécutif   :   président  de   la République et du gouvernement

Le président élu pour quatre ans est hiérarchiquement le deuxième per­sonnage de l’État après le chef suprême de la République islamique, l’Ayatollah Ali Khamenei .Responsable de l’application de la constitution, le président exer­ce son contrôle sur l’exécutif et le judiciaire. .Il est également responsable du « Conseil suprême de la Défense ».

Les élections présidentielles se déroulent normalement depuis 1980 Abolhassan Bani Sadr a été élu en 1980. Il fut destitué en 1981 Mohammad Ali Rejaei a été élu en 1981. Il fut assassiné peu après.

Ali Khamenei, élu en 1981 a été réélu en 1985.Aujourd’hui est le Guide de la Révolution

Ali Akbar Rafsandjani élu en 1989 a été réélu en 1993. Aujourd’hui est le Président du Conseil de distinction des intérêts du régime. (Conseil de discerne­ment)

Mohammad Khatami a été élu en 1997 et réélu en 2001. L’actuel président est Mahmoud Ahmadinnejad, élu en juin 2005.

  1. Le pouvoir législatif : (le Majliss)

Le Majliss compte 290 députés, élus au scrutin nominal et régional, à deux tours, pour quatre ans. Depuis sa création, cette institution a été présidée par Mehdi Karoubi, Hashemi Rafsandjani, Nategh Nouri, Mehdi Karoubi une 2ème fois, et actuellement par Gholamli Haddad-Adel.

 

Le Parlement est placé sous le contrôle du « Conseil des Gardiens de la Constitution », organisme composé de 12 membres, six juristes et six religieux. Sa fonction principale est de veiller sur l’application des lois par le Majlis en conformité avec les préceptes de l’Islam et à la constitution islamique. Dans leur majorité, les membres de cette instance sont proches du courant conservateur. Ce Conseil de surveillance s’est transformé au fil des années en un véritable ver­rou, bloquant ainsi toutes les démarches et aspirations de jeunes technocrates favorable aux réformes économiques et sociales nécessaires.

  1. Le pouvoir judiciaire

Il est présidé par l’Ayatollah Hashemi Shahroudi placé sous la tutelle du Guide de la Révolution. Un conseil, appelé Conseil Supérieur Judiciaire, a été créé afin d’appliquer les décisions du pouvoir judiciaire. Il représente la plus haute autorité judiciaire, ses compétences sont les suivantes :

 

  • – Créer des organes de justice conformes à la Constitution.
  • – Élaborer des projets de loi conformes aux principes de la République islamique.
  • – Engager des magistrats justes et dignes, les révoquer et les nommer, les muter, déterminer leurs fonctions, les promouvoir et remplir d’autres tâches administratives.

Le Conseil Supérieur Judiciaire se compose des cinq membres suivants :

  • – Le président de la Cour de Cassation
  • – Le procureur général
  • – Trois juges théologiens et justes choisis par les juges du pays.

Les membres de ce conseil sont choisis pour cinq ans selon la loi et leur mandat peut être prolongé. Le ministre de la justice est responsable de toutes les affaires concernant les rapports entre le pouvoir judiciaire l’exécutif et le législatif. Il est choisi parmi les personnes proposées au Premier ministre par le Conseil Supérieur Judiciaire.

 

La Cour de Cassation est instituée pour contrôler la saine application des lois au sein des tribunaux, créer l’unité dans les activités judiciaire et remplir les tâches qui lui sont dévolues par la loi et conformément aux normes fixées par le Conseil Supérieur Judiciaire. Cependant, un juge ne peut être démis de ses fonctions, provisoirement ou définitivement, sans un jugement et la preuve du délit ou de l’infraction motivant sa révocation; de plus, il ne peut être déplacé ou voir ses fonctions modifiées sans son consentement, à moins que les membres du Conseil Supérieur Judiciaire n’aient décidé à l’unanimité que l’in­térêt général l’exigeait.

 

Les procès sont publics. Quiconque peut y assister, sauf si la publicité des débats va à l’encontre de la morale publique ou de l’ordre public, ou encore si, dans des procès de nature privée, les parties en litige le demandent.

 

Une cour appelée Cour de Justice Administrative, a été créée sous le contrôle du Conseil Supérieur Judiciaire. Elle est chargée d’examiner les plaintes, griefs et protestations de particuliers à l’égard d’agents, d’organismes ou de règlements gouvernementaux ou concernant la reconnaissance de leurs droits. L’Organisation de l’inspection générale a été créée sous le contrôle du Conseil Supérieur Judiciaire. Elle est chargée de veiller à la bonne marche des affaires et à la saine application des lois par les organismes administratifs.

 

À l’instauration de la République islamique, deux types de juridiction ont été mis en place et qui contrôlent l’ensemble des activités judiciaires :

  • les tribunaux révolutionnaires ayant en charge le contrôle des violations de la sécurité de l’État et de la loi islamique.
  • les tribunaux civils, compétents pour tout autre type d’infraction.

 

  1. D) Le Conseil de Surveillance de la Constitution

Afin d’éviter toute contradiction entre les décisions de l’Assemblée consultative islamique et les principes islamiques ou constitutionnels, un Conseil de Surveillance a été créé, qui est composé de :

  1. Six docteurs du dogme islamique (Mudjtahed), faisant preuve d’équité, ils s’intéressent aux exigences et aux problèmes actuels. Ils sont élus par le guide islamique ou le Conseil de la direction.
  2. Six juristes spécialisés dans les différents domaines du droit, élus par l’Assemblée consultative islamique à partir d’une liste de juristes islamiques que lui présente le Conseil Supérieur judiciaire.

Les membres du Conseil de Surveillance sont élus pour une durée de 6 ans. Sans la présence du Conseil de Surveillance, la Chambre des députés n’a aucun pouvoir, à moins qu’il ne s’agisse d’approuver les mandats des députés ou d’élire les 6 juristes au Conseil de Surveillance. Toutes les décisions de l’Assemblée consultative islamique sont transmises au Conseil de Surveillance; celui-ci doit, dans un délai maximum de 10 jours, vérifier leur conformité avec les principes de l’Islam et de la Constitution. Si des contradictions apparaissent, il doit renvoyer les décisions à la Chambre des députés pour révision. Dans le cas contraire, lesdites décisions ont force de loi. L’interprétation de la Constitution relève de la compétence du Conseil de Surveillance dont les déci­sions sont prises à la majorité des trois quarts. Le Conseil de Surveillance est chargé de contrôler l’élection du Président de la République Islamique, celles de l’Assemblée consultative islamique ainsi que les référendum.

 

Les cadres et dynamiques intermédiaires

La première catégorie, pourrait-on dire, n’a pas d’états d’âme. Fonctionnaires et militaires servent aveuglement l’État à moins qu’ils n’aient dû choisir l’exil en raison de leur situation antérieure durant le régime impérial. Par ailleurs, les forces armées ont subi depuis 1979 la méfiance du gouvernement islamique. Elle s’est traduite par toute une série de purges et surtout par la constitution d’une force parallèle, celle des Pasdaran, qui ont longtemps été les préférés du régime. Toutefois, avant d’aborder l’analyse de l’affrontement entre l’État et la révolution, il est indispensable de revenir sur les principales factions politico-religieuses qui tout en jouant un rôle au sein de l’État iranien, se retrou­vent également dans certaines institutions révolutionnaires. Ces factions se divi­sent schématiquement en deux grandes familles : les intégristes anti-étatistes et les islamistes étatistes.

 

  1. A) Le Parti de la République Islamique d’Iran

L’Ayatollah Khomeyni ordonna à ses disciples et partisans en Iran et à l’étranger à oeuvrer à la création d’un « Parti de Dieu » afin de contrecarrer l’in­fluence d’autres formations et organisations politiques iraniennes même si ce parti ne déclara jamais son existence de façon officielle. Avant février 1978, face aux groupes et formations qui organisèrent des manifestations contre le régime impérial, les « partisans du Dieu » avaient incessamment essayé de dominer et diriger toutes les manifestations révolutionnaires tout en écartant et marginali­sant d’autres formations contestataires( étudiants et universitaires).

 

Après le référendum en faveur de l’établissement de la « République Islamique » en mars 1979, quelques activistes religieux proches de l’Ayatollah Khomeyni et membres du Conseil de la Révolution déclarèrent « l’organisation » du Parti de la République Islamique et, conformément aux ordres de ce dernier, toutes les factions du « Parti de Dieu » (Hezbollah) se rallièrent à ce nouveau parti. Parmi les fondateurs se retrouvèrent, presque tous les élèves et amis fidèles de Khomeiny, Ayatollah Mohamad Hassan Beheshti, Hojatolislam Bahonar, Hojatolislam Ali Khamenei, Ayatollah Mussavi Ardabili, Hojatolislam Hashimi Rafsandjani et le premier secrétaire du parti. Selon ses fondateurs, les principaux objectifs de cette formation furent d’abord « la protection des acquis de la Révolution, lutte contre les éléments contre révolutionnaires et l’encouragement du peuple ira­nien dans l’usage constructif des fruits de sa lutte contre l’oppression pahlavi ». En réalité, le rôle principal du parti de la république islamique consista à fournir au Hezbollah un nouveau cadre idéologico-politique qui lui permettrait de mener plus efficacement sa lutte contre les formations rivales telle que le Front National, les formations de l’extrême gauche cryptomarxistes, le Parti Tudeh (Communiste) et le Mouvement de la Libération d’Iran. Ce parti, en effet, n’était que le reflet du nouveau régime dont les structures et la hiérarchie étaient un moyen de rassemblement des forces fidèles au guide suprême de la révolution islamique « Marjah Taqlide ». Le parti comprenait un département international, des branches universitaires, et ouvrières, et une délégation du parti auprès des divers acteurs de la société civile. Le parti publiait aussi un mensuel connut sous le nom « URO AL WASGHI » destiné aux universitaires, autrement dit une caté­gorie sociale importante et dont l’avenir est lié à son implication grandissante dans les affaires politiques.

 

Parallèlement, les marginalisés du pouvoir khomeyniste se lancèrent aussi dans la formation de partis à caractère religieux, parmi ces marginalisés, les par­tisans et disciples d’Ayatollah Shariatmadari qui se lancèrent dans le projet de la création du  » Parti du Peuple Musulman « . Bani Sadr13 et ses alliés de l’organi­sation des Moudjahiddine Khalq, ainsi que le mouvement pour la libération de l’Iran, furent écartés de la scène politique, ce qui permit au parti de la République islamique de s’emparer du pouvoir et de ses institutions. Dans le rapport annuel du parti, publié en mars 1981, le Secrétaire général écrit : « La principale faiblesse du parti est le manque d’une vision organisationnelle cohé­rente et d’une stratégie efficace d’endoctrinement idéologique et politique de ses cadres. Cela s’explique par l’expansion indisciplinée du nombre de ses bureaux et diverses branches, l’accroissement du nombre des forces qu’il consti­tue et emploie dans la réalisation de ses objectifs politiques et le considérable volume du travail, et le nombre des responsabilités des ses dirigeants qui ne leur laissent pas le temps nécessaire pour réfléchir aux problèmes mentionnés ci-dessus. »

 

Le limogeage et le départ consécutif du Bani Sadr en été 1981 avec ses alliés du Moudjahiddines du peuple représenta une grande victoire pour le parti mais peu après l’attentat perpétré contre le siège de son secrétariat et attribué au Moudjahiddins du peuple, engagés dans la lutte armée contre leurs « rivaux », suscita une vive émotion. Au 28 juin 1981, l’explosion qui démolit le secré­tariat du parti coûta la vie à Beheshti, secrétaire général du parti et au chef de la cour suprême du pays, l’Hojatolislam « Sheikh Mohamad Montazeri », fils aîné de l’Ayatollah Montazeri et chef d’une formation extrémiste, et soixante et onze cadres supérieurs du régime et parlementaires du parti. Le choc produit par l’attentat fut tellement grand que dans une émission de télévision Mr. Rafsandjani avoua que pendant trois jours l’existence même du régime fut un péril et ce n’est qu’avec l’arrivée de plusieurs milliers des Pasdarans provenant du Najafabad (fief d’Ayatollah Montazeri) que le calme fut rétabli. Rafsandjani ne manqua pas d’ajouter ironiquement dans cette même émission que jusqu’à maintenant « personne n’a réussi à reprendre à un mollah ce qu’on lui a donné ». Après cet attentat, le parti échoua dans son rôle de cadre rassembleur des forces du Hezbollah autrement dit, des formations islamistes proches de l’Ayatollah Khomeyni et qui se souscrivirent à sa vision politique.

 

  1. B) Le mouvement des Constructeurs

Ce groupe de technocrates a vu le jour sous la présidence de Hachémi Rafsandjani14. Il fut connu sous le nom des « Kargozârâns » (Constructeurs) ou « Fasâlârân » (technocrates) et fut influents dans les sphères durant la Présidence de Rafsandjani, les ministères et les institutions financières et urbaines. En 1995, « un groupe des constructeurs de l’Iran islamique » vit le jour et participa aux élections du cinquième parlement. Dix ministres, quatre vice-présidents de la République, le Directeur de la Banque Centrale et le Maire de Téhéran, en faisaient partie. Ataollah Mohadjérani en justifia sa création : « Les Constructeurs ont commencé en tant qu’un mouvement logique et enga­gé car nous avons senti que les perspectives politiques du pays tendent vers un monopolisme ». Les Constructeurs ont participé à la cinquième législative sous le slogan « la fierté islamique, la poursuite de la construction et du développe­ment de l’Iran ». Ils subirent l’opposition de la majorité du quatrième parlement, une majorité qui était liée à la droite traditionnelle et considérait la décision des ministres du cabinet de créer ce groupe comme une insulte à l’égard du parle­ment, mettant en avant la question de l’« incapabilité de Rafsandjani ». Avant sa naissance, l’« association du clergé » avait rejeté la proposition de Rafsandjani quant à inscrire les noms de leurs cinq candidats dans sa propre liste électorale pour la cinquième législative. Les Constructeurs furent supportés pendant sept ans au sein de la droite traditionnelle parce qu’ils n’avaient pas encore une identité indépendante et restaient au sein de cette droite sans s’ap­parenter à un quelconque groupe. L’alliance des Constructeurs avec le « clergé combattant » lors des élections de la quatrième législative était due à leur oppo­sition à l’« association des religieux combattants » (gauche traditionnelle). Or, durant la quatrième législature, leur désaccord avec le « clergé combattant » devint apparent et les deux groupes furent obligés de participer séparément aux élections de la cinquième législature, même si leurs listes comportaient dix can­didats uniques. Les Constructeurs franchirent un autre pas lors des élections présidentielles et s’opposèrent au candidat du « clergé combattant » ce qui leur valut des mesures de rétorsions, comme l’arrestation du Maire de Téhéran et du Secrétaire général du groupe Gholhossein Karbastchi. Lors de la cinquième législature, l’union des Constructeurs et des « groupes unifiés de la ligne de l’Imam », créa l’« association du Hezbollah ». Lors des élections présidentielles, ils essayèrent tout d’abord de faire approuver le projet de révision de la Constitution afin de pouvoir préparer le terrain à la réélection de Rafsandjani. Mais, ils finiront par adhérer aux groupes partisans de Seyyed Mohammad Khatami et de travailler activement dans ce sens. Parmi ses membres éminents, on peut citer Ataollah Mohadjerani, Mohammad Hachémi, Mostafa Hachémi Tabatabaï, Mohammad Nourbakhsh, Réza Amrollahi, Ali Hachémi et Faézé Hachémi.

 

Les Constructeurs appartiennent à la « droite moderne ». Dans le domai­ne culturel, ils sont plutôt modernistes et moins attachés aux traditions. Ils sont profondément adeptes du développement, en particulier du progrès écono­mique et le considèrent comme préambule à toute la reconstruction. Ils consi­dèrent que la liberté économique est profondément liée à la liberté culturelle et politique, mais cette liberté ne doit pas en aucun cas porter préjudice au déve­loppement. Ils sont plus tolérants que la « gauche traditionnelle » et la « droi­te traditionnelle ». Ils craignent moins l’invasion culturelle, pensant davantage aux échanges culturels et à leurs apports positifs.

 

Tout en acceptant la liberté économique, ils accordent une grande impor­tance à la gestion et la direction économique. Selon Ataollah Mohadjérani : «La technocratie en soi n’est pas contraire aux valeurs, sa réalité signifie d’accorder la priorité de la technique sur la religion, rien d’autre ». Les Constructeurs sont partisans d’une société fondée sur la loi et renient une société dont les membres seraient des «moutons ». Son mot d’ordre consiste dans « l’action au lieu du slo­gan ». Ils voient dans le concept de l’exportation de la révolution un « modèle complet de progrès et de généralisation » et s’opposent à l’« exportation » de la révolution dans son sens traditionnel. Dans le domaine économique, ils croient à la « main invisible du bazar » et défendent l’investissement industriel et de pro­duction – investissement étranger – les emprunts étrangers, la privatisation et la réduction de l’État. Ils créèrent des zones de libre échange, des chaînes de maga­sins, une commission de réglementation des prix qui risquaient de porter des coups au bazar. Le modèle économique des Constructeurs est constitué par les pays du sud-est asiatique et la thèse « paie des impôts et exige des services » à l’époque actuelle est l’un principe de leur direction. Dans le domaine de la poli­tique étrangère, les Constructeurs sont d’avis que « le bon comportement des États est la base sauf si le contraire est prouvé », rejetant la théorie du « com­plot ». À propos de l’État, ils pensent que dans le régime de la République isla­mique d’Iran, la source de la légitimité de toutes les institutions réside dans le vélayat-é faqih, et sur cette base, le vélayat absolu du faqih constitue le fonde­ment et l’axe de tout mouvement au sein du régime, or « le régime basé sur ce vélayat-é faqih, ne nie pas le rôle du peuple dans ce régime » :

–    L’activité politique doit se réaliser dans le cadre des partis (les Constructeurs rejettent les actions illégales et la violence).

  • La garantie des droits fondamentaux des citoyens, contribue dans la pra­tique à la présence et la participation du peuple sur la scène politique.
  • Rien n’est plus dangereux pour un régime politique et populaire que de supprimer une partie du peuple de la scène politique.
  • Les différents points de vue doivent pouvoir s’affirmer dans la société.
  • La presse doit avoir une présence puissante sur la scène politique du

pays.

  • En matière de politique étrangère : l’instauration des relations écono­miques avec les États-Unis nous est profitable et n’est pas contraire à la lutte contre les États-Unis.

 

  1. C) Bureau de Consolidation de l’Union

Le syndicat des étudiants islamiques, des élèves des universités et des centres d’enseignement supérieur du pays est la prolongation de l’« association islamique des étudiants et licenciés des universités et des centres d’enseigne­ment supérieur » qui a vu le jour en 1983. Cette association s’étendit progres­sivement de l’université des sciences et de l’industrie de Téhéran vers celle de Khadjé Nassir de-din Tousi (Omran), Chahid Beheshti (économie) et quelques autres universités et centres de formation. En 1985 la première assemblée natio­nale de cette association organisa dans l’université des sciences et industries de Téhéran un séminaire intitulé « les missions des comités islamiques des étu­diants ». En 1987, elle organisa un mouvement pour les libertés culturelles et politiques et en 1988 elle publia la première revue trimestrielle sous le nom de « Payam-é danechdjouy-é bassidji ». Au cours de cette même année les diffé­rentes formations des comités des étudiants islamiques à travers le pays devin­rent membres du syndicat. L’association bénéficiait alors du soutien financier du Président de la République et son principal mot d’ordre était le soutien à Hachémi Rafsanjani et la soumission au « guide ».

 

Ce syndicat issu de la vague de la révolution culturelle lancée par les étu­diants partisans de la ligne de l’Imam, sous forme du comité islamique des étu­diants, s’est déplacé d’une université à l’autre dans le pays pour propager l’idée de la « consolidation de l’unité entre l’université et le centre théologique » et c’est ainsi qu’il a pris le nom du « Bureau de consolidation de l’unité ». Ce syn­dicat a connu de nombreux changements dans ses alliances avec les différentes tendances. Les articles 11 et 12 des statuts du syndicat stipulent : « Le syndicat peut mener son activité au sein des étudiants, des enseignants, des membres de l’éducation nationale, des licenciés, des ouvriers et des employés » et « le comité islamique peut se former au sein de chacun de ces corps et prendre le nom des membres dudit corps ». Dans l’article 50, alinéa A, pour ce qui est des devoirs de l’unité politique, l’association parle de : « La proposition de projet dans le sens de la consolidation de la pensée politique des membres et de l’ali­mentation politique des étudiants musulmans et des licenciés des universités en particulier et toutes les autres couches de la société, en général, par le biais de la tenue des réunions d’analyse politique, de discours et des réunions de ques­tions-réponses ». (C’est sur cette même base qu’en 2000, Heshmatollah Tabarzadi a annoncé la création du « front national démocratique » aux côtés du syndicat). Basé à Téhéran, ce syndicat gère des bureaux dans plusieurs villes couvrant tous les comités islamiques des étudiants de province.

 

Les positions de ce syndicat ont connu de nombreux changements depuis 1983 provoquant souvent des scissions. Tout d’abord, il était partisan du vélayat absolu. La revue « Payam-é Daneshjou » écrivait : « Aussi bien du point de vue religieux que légal, le principal responsable de la société islamique et celui qui en définit la politique n’est autre que la fonction de vélayat ». Il utilisa pour la pre­mière fois le titre d’imam pour Khaménéï et celui d’ayatollah pour Rafsandjani. Or, en 1997, Tabarzadi déclara : « Les pouvoirs du vali faqih sont limités par les articles de la Constitution » et « Payam Daneshjou » ajoutant : « La revendica­tion et le vote du peuple sont des faits authentiques, religieux et légaux ». Le syn­dicat insiste sur la nécessité d’introduire légalement l’activité politique dans le cadre des partis, il demande la participation politique du peuple qu’il considère comme un droit général, il s’oppose à ce que le peuple soit entraîné dans des manifestations et des élections sous forme de « troupeau ». Il insiste sur la néces­sité de la liberté au sein de la société et considère que les frontières de cette liber­té sont définies par « la sécurité nationale et les valeurs islamiques ». En définis­sant la liberté, Tabarzadi indique : « la liberté signifie l’expression sans crainte des points de vue logiques ». À une certaine époque, le syndicat soutenait l’« expor­tation de la révolution » et considérait le slogan « Un Iran développé » comme occidental. Or, depuis 1997, il est arrivé à la conclusion que : « maintenant il faut s’occuper des problèmes intérieurs ». Jadis, Heshmat Tabarzadi considérait les organisations internationales comme des organes fondés par les États puissants agissant dans le sens de leurs intérêts et rejetait l’ordre établi dans les relations internationales, mais il déclara en 1997 qu’il était « actuellement apte d’agir dans le domaine de la politique étrangère et qu’il fallait avoir une approche réa­liste à l’égard des évolutions internationales. La même évolution peut être obser­vée dans le domaine des relations avec les États-Unis : auparavant, le syndicat réclamait une « approche révolutionnaire » à l’égard de ceux qui proposait des relations avec les États-Unis. En 1997, Tabarzadi affirmait : « Le Président de la République est tenu de définir des conditions pour l’établissement des relations avec d’autres États ; cela fait, nous pouvons également avoir des relations avec les États-Unis ».

 

Les points de vue du syndicat dans le domaine économique ressemblent à ceux de l’Organisation des Moudjahiddines de la Révolution Islamique, sans être précis et profonds. Il est contre la privatisation des unités de production et s’oppose à la politique d’équilibre économique. Il réclame la participation du peuple dans les activités économiques. Il soutient l’intervention étatique dans l’économie. L’autosuffisance et l’économie sont les modèles proposés par le syndicat. Il donne la priorité aux valeurs dans le cadre du progrès, défend les subsides, s’oppose à l’utilisation des investissements étrangers et croie dans l’in­tervention publique pour l’instauration de la justice sociale. Dans le domaine culturel, le syndicat a également modifié ses positions. À une certaine époque, il proclamait « la lutte contre la culture malfaisante occidentale, une lutte qu’il considérait sérieuse ». Il soutenait le « projet d’interdiction des émissions par satellites qui répond aux exigences du hezbollah ». En 1997, Tabarzadi considé­rait comme un fait d’ordre personnel la détention d’antenne satellite, affirmant que le gouvernement ne devait pas intervenir à un tel degré dans la vie privée des gens. Le changement de position est également flagrant dans le domaine des tenues et des apparences. Tabarzadi rejette « l’approche violente à l’égard des femmes concernant le voile islamique ». Il s’oppose également à la censu­re et au contrôle de l’État sur les produits culturels » et considère que les méfaits de l’« ouverture de l’espace culturel » sont moindres que « sa fermeture ». Lors des élections présidentielles du 2 khordad, le syndicat a joué un rôle actif.

 

Depuis 1997, en raison des mouvements survenus au sein du milieu estu­diantin, le syndicat a dû faire face d’une part à la création des comités indépen­dants des étudiants dans les universités et d’autre part, à la montée de la pres­sion des comités estudiantins de droite traditionnelle (les proches). Les événe­ments survenus dans l’internat de l’université et les manifestations du 18 tir (9 Juillet 1998) et la présence des groupes de pression dans les universités de province, ont conduit à l’instauration d’un climat de répression dans les milieux universitaires.

 

Tabarzadi et les membres du conseil central du syndicat et des comités estudiantins ont connu les prisons des gardiens de la révolution, du ministère de l’Information et du pouvoir judiciaire. Le dernier événement survenu au milieu de l’an 2000 a été l’attaque générale des Conseils islamiques des étu­diants associés au « comité unifié » et à l’« Association du Clergé Combattant » pour appréhender le tableau du « Bureau de la consolidation de l’unité » et écarter les comités estudiantins de tendance « gauche moderne » du milieu universitaire. Durant cet assaut, ils étaient soutenus par les forces de l’ordre. Depuis 1997, plusieurs membres du comité fondateur du syndicat se trouvèrent en prison et son Secrétaire général, Tabarzadi, a également été incarcéré.

 

  1. D) Ansar Hezbollah (RASA)

Ce sont des groupes de pression dont les origines remontent aux premiers mois de la révolution. À l’époque, sans avoir une identité politique, ils interve­naient sous le slogan « un parti : le parti de Dieu, un dirigeant : Rouhollah », s’attaquant tout d’abord aux manifestations et aux réunions des forces de gauche et ensuite aux Moudjahiddines du Peuple et aux partisans de Bani Sadr dans les rues, les universités, projetant de l’acide sur le visage des femmes ne portant pas le voile ou ne le portant pas correctement. Ils étaient au service du parti de la République Islamique, qui les soutenait discrètement.

 

La fin de la guerre avec l’Irak et le retour du front des jeunes combattants, marqué par des conditions sociales et économiques précaires, avaient favorisé le climat et préparé le terrain pour la création de l’organisation « Ansar Hezbollah ». Les responsables des groupes d’attaque du « Hezbollah » entrè­rent en scène pour attirer les jeunes revenant du front afin de canaliser leur révolte de désespoir vers la lutte contre les « méfaits sociaux », la « corrup­tion », l’attaque contre l’invasion culturelle et le capitalisme, en créant des groupes de chemises noires, semant la peur et la terreur. Périodiquement, ils manifestèrent dans les rues de Téhéran, traversèrent les différents quartiers et lancèrent des slogans menaçants. À midi ils font la prière et la manifestation se dispersait. Les organisateurs de ces mises en scène étaient Hadji Karadji et Hossein ollah Karam.

 

Lors de ces démonstrations imprégnées de violences, des librairies étaient attaquées et incendiées. Les manifestants étaient soutenus par les « gardiens » qui bousculaient et blessaient des citoyens. Le mensuel « Ya Lésarat ol-Hossein » était l’organe du Hezbollah ainsi que les deux mensuels « Chalamtcheh » et « Sobh », ce dernier dirigé par Mehdi Nassiri, ainsi que le quotidien « Keyhan » faisaient une grande publicité autour de l’activité du Hezbollah. Massoud Dehnamaki, responsable de « Chalamtcheh » écrivait : « Avant 1990, Ansar hezbollah n’existait pas. À l’époque ils menaient leur action sous le nom de Hezbollah de Téhéran. La situation demeura ainsi jusqu’en 1993, date à laquel­le le nom de « Ansar Hezbollah » fit son apparition. Les Ansars réussirent à intro­duire dans le cercle du pouvoir un groupe de religieux qui leur étaient proches et apparurent sur la scène politique sous le nom de « Ansar Hezbollah » et mènent aujourd’hui encore des actions sous des noms différents tels que « Ansar-é vélayat », les « étudiants de Hezbollah », « Razmandégan-é Sépah-é Eslam » (RASA). Ce dernier est surtout proche de la droite traditionnelle mais il en est plus extrémiste. Lors des élections de la cinquième législature et les élec­tions du septième président de la République, la droite traditionnelle avait besoin de groupes de pression, elle choisit RASA avec lequel, ils arrivèrent à une alliance tactique. La droite traditionnelle, compte tenu de son influence au sein des ministères stratégiques tels que l’Information, l’Intérieur et d’Orientation, ignorait leurs activités. L’ assise sociale de RASA se trouve parmi un groupe par­ticulier, celui des combattants de la société et parmi une minorité des Bassidj qui ont passé huit ans au front et qui, une fois la guerre terminée furent abandon­nés culturellement, économiquement et politiquement par les responsables du pays. RASA a placé son objectif dans l’encouragement du bien et la défense du mal. « Ansar Hezbollah » est influent dans l’état-major de « la résurrection de l’encouragement du bien et empêche le mal », dans le « Conseil des gardiens de la Constitution » et dans certains organes militaires, mais il ne dispose d’au­cune assise au sein de l’organisation administrative du pays. Aucun groupe poli­tique n’a de relation officielle et visible avec ce groupe. Les revues Djébhé et Achoura sont les porte-parole d’Ansar hezbollah. Djébhé remplace Chalamtché qui a été interdite suite aux insultes qu’elle a proférées contre l’ayatollah Khoï. (Leader spirituel des chiites de Karbala).

 

Les points de vue du hezbollah se limitent au cadre des idéaux, des valeurs et de l’idéologie. « La défense de l’Islam et du vélayat » constitue le premier principe de leur programme. Ils considèrent que le Vali faqih est nommé par Dieu et que le vote du peuple signifie qu’il est prêt à le suivre. Mahmoud Nassiri écrivait dans le journal Sobh : « Le vote n’a aucune valeur, il est même anti­valeur et aggrave les incertitudes. Au lieu de s’inscrire dans des partis, le peuple doit participer aux élections et aux manifestations. Ansar Hezbollah se considè­re comme le « vrai » et les autres comme le « faux » et sont d’avis que leur devoir religieux est de combattre le « faux ». Ils déclarent que : « encourager le bien et empêcher le mal n’ont pas besoin d’autorisation car la Constitution considère cette obligation religieuse comme un devoir national et populaire (et non étatique et gouvernemental) ».

 

C’est le même argument qui a permis à des groupes dirigés par des reli­gieux locaux, il y a quelques années, d’intervenir dans les villes de Rey et de Machhad, contre les « femmes corrompues ». La découverte de corps dans des puits et des sources abandonnés avait provoqué l’indignation générale en Iran et dans le monde. La perturbation de toute sorte de réunion fait partie du pro­gramme quotidien des Ansars. Ils croient à un État anarchique dans lequel le clergé traditionnel et les préceptes islamiques ont le dernier mot. Ils s’opposent farouchement aux symboles occidentaux et condamnent toute relation culturel­le avec l’Occident. Ils sont adeptes d’une lutte culturelle extrémiste contre l’Occident. Ils demandent à ce que la stratégie du régime soit la « résurrection des valeurs de l’Islam c’est-à-dire l’Islam pur de Mahomet » face aux traditions nationales et religieuses fausses. Le programme d’Ansar hezbollah stipule l’uti­lisation des moyens culturels modernes pour la préservation de la religion et de la révolution, une approche radicale, violente, physique et fondamentaliste face aux problèmes culturels, l’opposition à tout échange culture et rendre l’authen­ticité à la culture islamique (les proches). Les thèses de RASA dans les domaines politiques et culturels peuvent être ainsi résumées : « Tous ceux qui ne font pas partie du Hezbollah, sont nos ennemis jurés ». Dans le domaine culturel, ils sont partisans du renouvellement de l’espace du front et rendre idéologique le climat général du pays : « Le climat culturel régnant dans le pays doit ressembler à celui des années de la défense sacrée. C’est ce climat qui permet de lutter contre les États-Unis et non le climat économique ». Ils sont contre les investis­sements étrangers, les privatisations et les emprunts étrangers. L’économie revendiquée est celle basée sur l’économie paysanne et rurale dans laquelle les relations traditionnelles seront préservées. Ils sont profondément partisans d’une « société populaire ». Ils partagent la société en deux groupes, les uns « partisans des principes », les autres « libéraux ». La révolution permanente et l’exportation de la révolution font partie des principes de la politique étrangère des Ansars de hezbollah qui se permettent d’intervenir également dans les affaires intérieures des autres pays en particulier dans ceux concernant leur foi et leur religion.

 

Aucune tendance particulière ne peut être attribuée à cette organisation. Elle constitue principalement un allié tactique dans une société en transition qui, comme la tradition sur la scène sociale, joue un rôle puissant, mais ne constitue guère un allié stratégique pour les autres forces. Compte tenu de la classe et de l’assise sociales de cette organisation qui se situent parmi les couches défavori­sées de la société et compte tenu des privations culturelle et économique, leur seul idéal se situe dans le cadre de la résurrection de la pensée bassidji et isla­mique, et oscille de gauche à droite.

 

  1. E) L’Association des Religieux Combattants

Cette association a été créée avec l’approbation de l’Imam suite à sa déci­sion de scinder l’« association du clergé combattant ». Au début de l’année 1988, Seyyed Mahmoud Doa’ï, Djalali Khomeyni et Mehdi Karroubi ont fait scis­sion du conseil central de l’« Association du Clergé Combattant » et demandè­rent la création d’une nouvelle organisation. Avec l’approbation de l’Imam, ils ont décidé la nécessité absolue de fonder une nouvelle organisation : « la scis­sion organisationnelle pour l’expression de la pensée indépendante et la créa­tion d’une nouvelle organisation ne signifie pas un différend », créant ainsi l’« association des religieux combattants ». Après la scission au sein de l’Association du Clergé Combattant, la majorité du parlement était désormais alliée à l’association des religieux, tandis que le gouvernement se trouvait entre les mains du clergé combattant. Or, lors de la quatrième législature, l’associa­tion du clergé combattant essuya une large défaite et se trouva en minorité et résuma son programme politique dans « le silence et la patience ». Lors de ces élections, le « Conseil des Gardiens » rejeta la compétence de 80 candidats appartenant au clergé combattant. (Lors des quatrième et cinquième législa­tures, l’Association du Clergé Combattant s’abstint de présenter une liste offi­cielle tout en permettant à ses membres de se porter candidat à titre individuel, or le Conseil des Gardiens a rejeté la compétence de nombreux membres appar­tenant à cette association). À partir de la quatrième législature, le Conseil des Gardiens a fait un nouveau commentaire de la Constitution et en accordant un caractère consultatif à l’avis du Conseil quant à la compétence des candidats aux élections, a fermé la voie à l’entrée aux candidats concurrents de l’aile droi­te traditionnelle à l’assemblée. Il continue à bénéficier de ces prérogatives. De la part de l’Association du Clergé Combattant, la tendance de la ligne de l’Imam est considérée comme le principal obstacle face aux réformes et à la reconstruc­tion du pays.

 

Abdolvahed Moussavi Lari, membre du conseil central de l’association du clergé combattant a indiqué à propos de la politique du « silence et de patien­ce » : « Le climat créé avant et après les élections de la quatrième législature et les accusations et les attitudes immorales à l’égard de l’association et de ses candidats ont été les facteurs importants de la stagnation des activités de l’as­sociation du clergé combattant ». Peut-être à l’époque pouvait-on croire que ces actions étaient une forme de lutte pour le pouvoir. Il existait cette croyance que les membres de l’association voulaient s’accaparer les principaux postes et responsabilités du pays et que la soif du pouvoir était la principale raison des contradictions dans les points de vue… Le silence de ces cinq années n’avait pour but que d’éclairer les positions de l’association pour toute la société.

Au sein de l’association des religieux combattants outre des personnes telles que le hojatoleslam Sadegh Khalkhali et l’ayatollah Moussavi Ardabili, il existait des activistes révolutionnaires qui faisaient partie des proches de l’Imam et qui ont rempli des fonctions sensibles parmi lesquels on peut citer : Mohammad Khatami, Abdollah Nouri, Ali Akbar Mohtachami, Mehdi Karroubi, Mohamed Moussavi Khoïniha, Seyyed Mahmoud Do’aï, Djalali Khomeiny. Mohtachami était parmi les activistes du Hezbollah en Palestine et au Liban. Khoïniha dirigeait les étudiants partisans de la ligne de l’Imam lors de l’occupa­tion de l’ambassade des États-Unis. En septembre 1995, l’association finit par rompre le silence au travers d’une déclaration et reprit ses activités : « Maintenant, compte tenu de la nouvelle situation et que la réalité a été démontrée que ce qui a entraîné l’association sur la scène politique n’a pas été la soif du pouvoir… l’association du clergé combattant déclare… sa présence sur la scène politique. » Lors des élections présidentielles, l’association a soutenu la candidature du hodjatoleslam Khatami. En réalité, la rivalité entre l’aile droite du clergé traditionnel et son aile gauche, a été le moteur du mouvement qui a conduit le 2 khordad (mai 1997) à la victoire de l’aile gauche en faveur de Khatami. Le conseil central de l’association du clergé combattant regroupait les hodjatoleslams : Mehdi Karoubi, Mohammad Moussavi Khoïniha (directeur et responsable du quotidien Salam), Assadollah Bahar, Rahimian, Emam Djamarani, Rahmani, Ali Akbar Mohtachami, Khalkhali, Moussavi Lari, Moussavi Ardabili, Bahr Ellahi, Seyyed Mohammad Khatami, Abdollah Nouri et Abtahi. Le quotidien « Salam » était le porte-parole de l’association et « Le Monde Islamique » dirigé par Hadi Khaménéï (le frère de l’ayatollah Ali Khaménéï et avocat à la cour) était lié à cette organisation. (Hodjatoleslam Karroubi est le Secrétaire général de l’association des religieux combattants et Président du parlement islamique).

 

Au mois de mai 1997, au sein de l’association des religieux combattants est née une autre formation intitulée « l’Association des forces de la ligne de l’Imam ». L’importance est la primauté des deux facteurs de « l’Islam » et de la « République ». Il faut renforcer d’une part, les bases de la connaissance des vérités religieuses et la culture islamique, et que cette culture se transforme en morale individuelle et sociale, et d’autre part, garantir le rôle et la participation active et efficace du peuple dans toutes les questions sociales, politiques, cultu­relles et scientifiques.

 

Cette formation représentait la gauche traditionnelle. Parmi ses membres les plus éminents, soit 26 personnes qui composent son conseil central et ses comités de direction, on peut citer : Ali ollah Esfandiarpour, Ali Akbar Mohtachami, Seyyed Hadi Khaménéï, Najafali Habibi, Fakhreddin Hédjazi, Gohar olcharié Dastgheyb, Sadigheh, Abolhassan Haérizadeh et Taslimi.Dès sa création, l’association des religieux combattants, en tant qu’un front face à l’association du clergé combattant, a attiré certains groupes associés au régime et a constitué la tendance de gauche du régime. L’Organisation des Moudjahiddines de la Révolution Islamique d’Iran, le Syndicat des associations islamiques des étudiants du pays (Bureau de Consolidation de l’Unité), l’Association islamique des ensei­gnants, l’Association islamique des enseignants des universités du pays, l’Association islamique du corps médical d’Iran, l’Association islamique des ingé­nieurs de l’Iran étaient des courants de même orientation qui, au lendemain de la victoire dans les élections présidentielles se firent connaître sont le nom de « la tendance du 2 khordad ». La création de deux fronts, le « clergé traditionnel » et les « religieux révolutionnaires » au sein du régime pendant le règne de l’Imam et avec son approbation, était due à son inquiétude et à celle de ses compagnons forgés dans le mouvement révolutionnaire. Ce malaise provenait du probable transfert du pouvoir aux religieux conservateurs qui avaient fait leur apparition au sein de l’Association du clergé combattant.

 

Il était tout à fait naturel que les forces politiques du régime s’émeuvent de ce face à face et que les conservateurs traditionnels soient attirés par le pre­mier front et que la tendance nouvelle se dirige vers le second. Dans cet affron­tement, les points de vue de l’Association des religieux combattants à propos du pouvoir étaient un amalgame des points de vue des tendances ayant les mêmes orientations. Sur la question du pouvoir, l’association des religieux combattants limite ceux du vali faqih à la Constitution. Behzad Nabavi, un des dirigeants de l’Organisation des Moudjahiddines de la Révolution Islamique affirme que : « le vélayat absolu l’est dans un cadre fixé, car, dans le cas contrai­re, il ne fallait pas codifier une Constitution ». La revue « Asr-é Mâ » écrit : « Vélayat absolu est un terme qui contient un aspect conceptuel et non person­nel, dans ce sens que le gouvernement islamique a potentiellement le pouvoir d’intervenir et de dominer tous les concepts et les affaires du pays mais ce pou­voir absolu ne peut empêcher un partage logique des devoirs de gouvernement entre les différents pouvoirs ». Contredisant l’avis de « l’association unifiée », « Asr-é Mâ » écrit : « Nous considérons la République islamique comme une société par actions avec des statuts islamiques dans laquelle chacun des membres de la société, en dehors des capitaux matériels et moraux, bénéficie d’une part égale aux autres et peut à la hauteur de cette part intervenir dans la détermination de son destin. C’est pourquoi les directeurs d’une telle société outre leur responsabilité divine, sont également responsables face aux action­naires » et « la structure politique de l’État islamique n’est pas figée et peut s’adapter aux exigences de l’époque et de la société ».

L’Association des religieux combattants et les groupes qui ont les mêmes orientations, insistent sur la nécessité de l’activité des partis politiques et la considère comme un facteur empêchant l’instauration d’un système despotique dans le pays. La liberté de parole est considérée comme « acceptable » par cette tendance pour ceux qui ont accepté le système. L’Organisation des Moudjahiddines de la Révolution Islamique considère la liberté et la démocratie « non pas comme une idéologie mais comme une méthode nécessaire pour la gestion de la société, sa stabilité et son progrès ». « Un instrument pour préve­nir des animosités probables au sein du régime ».La participation politique de la population est considérée comme la condition de la défense de la révolution : « Le rôle de la population dans la défense de la révolution ne pourra se pour­suivre que s’il est enraciné dans des institutions politiques et sociales ». « La révolution ne peut être consolidée et se poursuivre sans la participation du peuple. C’est la création des conseils aux différents niveaux des villages, des villes et des provinces, l’intervention du peuple dans les prises de décision à tra­vers leurs représentants élus et la création d’un climat d’échange de pensées et de points de vue qui peut réaliser une société nationale ».Dans l’ensemble, l’Association accorde plus d’importance à l’idée qu’à l’action. À ce propos, l’hodjatoleslam Karoubi indique : « Dans la construction, nous pensons que la priorité consiste dans la préservation des idéaux de la révolution. Des actes tels que la lutte contre l’impiété, l’instauration de la justice sociale, le soutien aux pauvres, la poursuite de la guerre entre riches et pauvres, l’appui aux déshérités sont prioritaires ».

 

L’Association des religieux combattants et les organisations qui ont la même orientation sont adeptes de « l’exportation de la révolution ». Dans un texte écrit, l’Organisation des Moudjahiddines de la Révolution Islamique expli­cite ainsi sa position à l’égard de l’exportation de la révolution : « Les intérêts nationaux de l’Iran exigent qu’en aidant les peuples sous domination, en parti­culier les peuples musulmans, pour atteindre l’indépendance et la liberté, de contenir l’influence de l’impérialisme mondial… » Ali Akbar Mohtachami affir­me que l’exportation de la révolution est un principe fondamental de l’Islam : « Il existe de nombreux versets dans le Coran confirmant que le Prophète a été élu pour tous les peuples et que sa révolution et son école de pensée ont un caractère universel ». Le Bureau de la Consolidation de l’Unité est également partisan de la « préservation des positions de principe agressives et sa poursui­te dans le domaine de la politique étrangère ».

 

Le front du 2 Khordad (23 mai) a une opinion peu enthousiaste sur le rôle des organisations internationales et croit dans la théorie du « complot ». Il défi­nit « à notre époque » l’Organisation des Nations unies et les agences qui en dépendent comme « une partie du ministère des affaires étrangères améri­cain ». Dans son texte préliminaire, l’Organisation des Moudjahiddines de la Révolution Islamique définit ses positions ainsi : « les objectifs de l’Iran islamique au sein des organisations et des institutions internationales sont : a) La création de blocs de pays musulmans indépendants au sein des organisations et des assemblées, b) le déploiement d’un vaste effort afin de restreindre la dépendan­ce des peuples et des pays musulmans à l’égard des États-Unis et des autres puissances dominatrices, c) la création et le renforcement des positions anti-sio­nistes et anti-impérialistes à l’intérieur de ces organisations et ces assemblées, d) la création du premier noyau d’alliance de principe des pays musulmans ».

 

Le front du clergé combattant est resté absent pendant un certain temps en apercevant le rapport de force dans l’opinion publique et après constat de son fléchissement, il engagea, avec les leviers du pouvoir qu’il détienne des actions violentes : assassinats politiques et culturels en chaîne, répression bruta­le de la presse concurrente, attaque des groupes de pression des Bassidji et de Pasdars aux manifestations, réunions et discours dans les universités et les mos­quées, attaque de l’internat des étudiants à Téhéran et à Tabriz. L’assaut des Pasdars et des Bassidjis aux manifestations du 18 tir 1998 (9 juillet) à Téhéran provoquant plusieurs morts et blessés. L’emprisonnement et le jugement de religieux connus et modernistes tels que Abdollah Nouri, ministre de l’Intérieur du gouvernement Khatami, Kadivar et Eshkavari et leur condamnation par le « tri­bunal spécial du clergé » sont des actes commis par le front traditionnel soute­nu par le vélayat.

 

Le front du 2 Khodad qui s’appuyait sur la force de la presse et des chairs universitaires, prit progressivement une position défensive face aux attaques des adversaires. Néanmoins, lors des élections de la sixième législative, malgré l’in­tervention hostile du Conseil des gardiens, ce front conquit avec une majorité écrasante le pouvoir législatif ; plus tard il remporta les élections des conseils des villes et des villages. Il fut également victorieux dans les élections présidentielles. Au lendemain de chaque victoire, les affrontements devenaient plus forts conduisant à l’inactivité du parlement dans la mise en œuvre de politique gou­vernementale et le pays se trouva dans une impasse politique. Ainsi, ce front qui était celui des réformistes ne réussit à mettre en place aucune réforme fonda­mentale.

 

Le facteur déterminant dans cette situation est celui du vélayat qui, en s’appuyant sur son caractère absolu, prenait entre ses mains tous les leviers du pouvoir et renforçait le poids des conservateurs face au front des réformistes dès le lendemain de la victoire de ce dernier. Il a ainsi conduit le pouvoir juri­dique, le Conseil des gardiens de la Constitution, le Comité de distinction des intérêts du régime, l’Assemblée des sages, les imams de vendredi, l’Armée des Gardiens et les bassidj dans sa lutte contre les réformistes.

 

Les différentes tendances au sein de la République islamique

Divers mouvements se sont formés au sein de la République Islamique dès sa création, mais beaucoup disparurent. Jusqu’à la révocation d’Abol Hassan Bani Sadr de la présidence en juillet 1981, le système de la République islamique se divisait en deux tendances « islamique » et « nationaliste ». La tendance « islamique » était celle placée sous la direction islamique et était surnommée de manière générale « hezbollah ». La tendance « nationaliste » était celle qui rassemblait les groupes unis au mouvement islamique, tel que « Nezhat-é Azadi », « Djebhé Melli » et les tendances religieuses qui leur étaient liées qui furent mises au banc du régime. Or, très rapidement, des sensibilités ont vu le jour au sein du courant islamique, connues sous l’appellation de droite et de gauche même si la tendance droite nie l’existence d’une telle division et préfè­re parler des « partisans de la ligne de l’Imam » et de ceux qui y sont opposés.

 

Dans une recherche pour comprendre les mouvements politiques dans l’Iran actuel, les distinctions entre plusieurs tendances sont variables selon chaque point de vue. Essayons de comprendre leur typologie.

 

1 – « L’Organisation des Moudjahiddines de la Révolution Islamique d’Iran »

Distingue les courants suivants : « droite traditionnelle », « droite moderne », « gauche » et « gauche moderne ». Le journal Salam relève « la droite traditionnelle », « la droite extrémiste » et « la gauche ». L’hebdomadaire Bahman, organe du « Front de participation » se base sur trois critères pour la séparation des différentes forces : « Moderniste ou traditionaliste », « partisan d’un régime dictatorial ou démocratique » et groupes « de gauche ou de droi­te » et constate l’existence de deux entités. Mohammad Djavad Hodjati Kermani fait référence aux idées politico-religieuses qui se divisent en deux prin­cipaux groupes : « modernistes » et « traditionalistes », chaque groupe se sub­divisant en « traditionalistes extrémistes », « traditionalistes modérés », « modernistes extrémistes » et « modernistes modérés ».Saïd Barzine, profes­seur de sciences politiques, intitule les différentes tendances apparues au lende­main de la victoire de la révolution de : libéral, hezbollah, centre droite, gauche et droite. Il considère qu’aujourd’hui, les courants de droite, centre, gauche et hezbollah sont actifs. Dans le quotidien parisien Libération, daté du 7 novembre 1995, Jean-Pierre Perrin parle des courants suivants : la gauche islamique, les technocrates, les « Résalatis », les ultra conservateurs.

 

L’ensemble de ces distinctions est évidemment propre aux partisans du régime et comme l’affirmait l’ayatollah Khomeiny, c’est l’affaire des « proches », car les autres, les « non-proches » et les « étrangers », malgré leur diversité et leur nombre sont privés de présence politique dans le pays. Ces dernières années, suite aux slogans de l’ouverture politique, ils se sont de nouveau affron­tés sur la scène politique et dans la presse, mais ont été largement réprimés à travers les actions répressives sévies dans les universités. Les événements san­glants du 9 juillet 1999, constituèrent la base des procès intentés contre les diri­geants et les activistes de « Néhzat-é Azadi », « Parti Mellat-é Iran » et les par­tisans du Front national, également appelés sous le nom générique de natio­naux-religieux.

 

Les premières sensibilités au sein du régime (après la mise à l’écart des nationaux) sont apparues à l’intérieur du parti de la République Islamique autour des questions de la réforme agraire, du code du travail et de la défini­tion de « Vélayat-é faqih ». Dès 1982 cette division apparut sous les noms de gauche et de droite au sein du gouvernement et ensuite dans le Parlement isla­mique autour des questions d’économie planifiée et d’économie du marché. Le contrôle par l’État de la distribution et de l’économie, les divergences dans l’in­terprétation de l’article 44 de la Constitution qui définit le système économique iranien comme étant « public, coopératif et privé », les activités du secteur privé, la nationalisation du commerce extérieur, la loi de la nationalisation des industries, ont été les bases à partir desquelles différents courants apparurent. À la suite de la scission d’un groupe de religieux appartenant à l’« Association du clergé combattant » et la fondation de l’« association des religieux combat­tants », l’existence des deux courants (gauche et droite) s’est officialisée. L’Imam lui-même a approuvé cette division et l’aile gauche qui bénéficiait du soutien de l’Imam, s’est réunie autour de l’« association des religieux combattants ».

 

À l’époque, la droite qui était encouragée par les religieux conservateurs était opposée au « Vélayat absolu » du faqih et considérait que le « vélayat absolu » relevait uniquement des douze imams. Elle réclamait par contre l’ap­plication des « préceptes fondamentaux ». L’aile gauche, en revanche, était par­tisane du « vélayat absolu » du faqih et défendait le principe des « préceptes secondaires ». Les « préceptes fondamentaux » sont les préceptes divins qui sont immuables, tandis que les « préceptes secondaires » sont ceux établis pro­visoirement par les dignitaires religieux en accord avec les exigences d’un moment donné et qui remplacent les préceptes fondamentaux tant que les conditions particulières qui ont été à l’origine de leur promulgation perdurent.

 

Ainsi, l’aile droite enveloppe un large éventail dont l’axe est formé par l’association du clergé combattant autour duquel gravitent : « Djamiât-é Mo’taléfé », « Djâmé-é Voâz », « Djâmé-é Asnaf va Bazar » (Association des corps de métier et le bazar), « Djâmé-é Zeynab » (Association des femmes), « Djâmé-é Eslami Daneshdjouyân va Dâneshgahian » (Association des Etudiants et du corps des Universitaires), « Djâmé-é Mohandessân » (Association des ingé­nieurs), « Ansar Hezbollah ». L’aile gauche forme une tendance dans laquelle se sont réunis : « Majma-é Royanioun-é Mobârez » (Association des religieux com­battants), « Majma-é Moddaressin-é Hozéyé Elmi-é Qom » (Association des enseignants de l’école théologique de Qom), « Sazéman-é Modjahédin-é Enghélab-é Eslami » (Organisation des Moudjahédines de la révolution isla­mique), « Andjoman-é Eslami-é Daneshgahiân » (Association islamique des uni­versitaires) et les groupes apparentés (les employés et les enseignants), « Andjoman-é Eslami-é Daneshdjouyân » (Daftar-é Takhim-é Vahdat) Association islamique des étudiants (bureau de la consolidation de l’unité), « Djébh-é Mosharékat-é Iran-é Eslami » (Front de participation de l’Iran isla­mique), «Andjoman-é Eslami-é Mohandessin » (Association islamique des ingé­nieurs). Les « intellectuels composites » se trouvent parmi l’une ou l’autre ten­dance. Il est à noter que la division en gauche et droite ainsi que la définition du terme « intellectuel composite » n’ont pas le même sens chez les auteurs politiques de la République Islamique que chez les Occidentaux. Les « intellec­tuels composites » : est un terme destiné à définir les penseurs islamiques qui, après la révolution, ont tenté de réunifier les idées des différentes tendances et les pensées dominantes et se trouvent au sein des tendances de gauche et de droite ainsi que dans le courant intitulé libéral.

 

L’Organisation des Moudjahiddines de la Révolution islamique : compte sept groupes islamiques adeptes de la lutte armée contre le régime du Chah. « Ommat-é Véhédé », « Tohidiy-é Khalq » (à l’étranger), « Tohidiy-é Fallah », « Tohidiy-é Badr », « Movahédan » (de Khouzistan et de Kerman), « Saf » (d’Ispahan et de Téhéran), « Mansouroun » (dans tous le pays) se sont unifiés le 5 avril 1979 sur les instructions de l’ayatollah Khomeyni et de l’ayatollah Motahari, donnant ainsi naissance à « l’Organisation des Moudjahiddines de la Révolution islamique ».

 

Le premier différend a vu le jour en avril de la même année autour de la publication d’une déclaration à l’occasion du 1er mai (la fête du travail) et au mois de juin à propos d’une autre déclaration consécutive à l’anniversaire du « martyr du Ali Shari’ati ». Sur la demande de l’Organisation, l’ayatollah Khomeyni manda l’ayatollah Motahari pour régler les problèmes politiques et Hossein Rasti Kashani pour les questions d’ordre religieux. Après l’assassinat de l’ayatollah Motahari le 2 mai, Rasti Kashani devint le représentant exclusif de l’ayatollah Khomeiny. Celui-ci contrairement à l’ayatollah Motahari, considérait comme dangereuse l’apparition des tendances nouvelles au sein de l’Organisation. Les différences d’opinion entre les membres modernistes de l’Organisation et le représentant de l’Imam sur les questions relatives aux ordon­nances organisationnelles et religieuses aboutirent à des conflits internes. Certains étaient du même avis que le représentant de l’Imam sur la primauté des préceptes religieux sur les principes organisationnels, d’autres y étaient opposés et un troisième groupe, sans opinion, réclamait la dissolution de l’Organisation. Le représentant de l’Imam a accusé ses opposants d’avoir des « idées composites » et « non conformes à la religion ». Le 4 avril 1982, il dis­sout le conseil de l’Organisation, pour en créer un nouveau sous sa propre auto­rité. Dans une lettre, l’Imam invita les membres de l’organisation à coopérer avec son représentant ou, en cas de refus, de démissionner. 37 membres de l’Organisation démissionnèrent parmi lesquels figuraient Behzad Nabavi, Mohsen Armine, Mohammad Salamati, Saïd Hadjarian, Mostafa Taghizadeh et Hâchem Aghadjari. Toutefois, Rasti Kachani, ne put faire avancer les choses et en septembre 1986, avec l’accord de l’Imam, il a annoncé la dissolution de l’Organisation.

 

Le 23 septembre 1991, avec l’autorisation officielle du ministère de l’Intérieur, l’Organisation des Moudjahiddines de la Révolution islamique reprit ses activités. La plupart des membres de son conseil central étaient ceux-là même qui avaient démissionnés en 1982 et qui étaient considérés de gauche. La déclaration d’intention et les statuts de l’Organisation furent également revus. Six années plus tard, le 4 mai 1997, à l’occasion des élections, le journal « Salam » écrivait : « L’organisation politique iranienne qui s’approche le plus d’un parti est l’organisation des Moudjahiddines de la révolution islamique dont la caractéristique consiste dans la limitation de ses activités et la domination d’un esprit organisationnel ». Mohammad Salamati (avec, à son actif, cinq périodes d’activités au sein du ministère de l’Agriculture) devint le Secrétaire général de l’Organisation ainsi que propriétaire de l’hebdomadaire «Asr-é Mâ » (Notre époque), organe officiel de l’Organisation. Parmi les membres du conseil central de l’organisation, on peut citer Behzad Nabavi (cinq fois ministre dans les gouvernements précédant de Rafsandjani et vice-président du parlement islamique pendant la sixième législature), Mohsen Armine (président de la com­mission du parlement islamique lors de la sixième législature), Hachem Aghadjari (député), Seyyed Mostafa Tadjzadeh (vice-ministre de l’Intérieur lors de la sixième élection législative) et Saïd Hadjarian (conseiller du Président de la République).

 

L’Organisation des Moudjahiddines de la Révolution islamique aux côtés du « Madjma-é Rouhanioun-é Mobarez » (Association des religieux combat­tants) se situe dans le courant gauche de la République Islamique. Dans le domaine politique, elle revendique : la restriction des pouvoirs du vali faqih dans le cadre de la Constitution, le caractère éligible du vali faqih, l’égalité entre l’as­pect républicain et islamique du régime, la possibilité de l’adaptation de la struc­ture politique du régime islamique avec les exigences de l’époque sans qu’elle reste figée, la possibilité d’une activité libre des partis politiques et l’importance de la liberté d’action politique dans le cadre de la Constitution, la nécessité d’institutionnaliser la participation politique, la nécessité de transformer l’Iran en un modèle permettant l’exportation de la révolution, le pessimisme à l’égard des organisations internationales, l’importance de l’extension des relations avec l’Orient, l’union avec les pays indépendants et l’utilisation des contradictions entre les puissances étrangères en tant que deux fondements de la politique internationale de la République Islamique. La « résistance face aux États-Unis » est un principe et un des trois objectifs de la politique étrangère de la République Islamique. Sur le plan économique, elle défend une économie natio­nale dirigée par l’État « les conditions de la société iranienne exigent l’interven­tion de l’État dans les affaires économiques, car dans une société en voie de développement comme l’Iran, seule l’intervention d’un État fort, planificateur et interventionniste peut agir comme moteur du développement ». Ainsi, dans les secteurs clefs et stratégiques de l’économie, « les industries lourdes, les cen­trales énergétiques, les grands projets nationaux, l’agriculture, etc., étant donné qu’ils sont liés avec les fondements infrastructuraux et macro-économiques, devront rester propriétés de l’État » et que « le seul moyen de faire face aux crises et aux difficultés actuelles réside dans la révision fondamentale et straté­gique des programmes économiques du pays qui ne peuvent être réalisables que s’ils sont accompagnés d’un modèle d’économie planifiée et contrôlée fon­dée sur les secteurs étatiques, coopératifs et privés (selon l’article 44 de la Constitution)15 ». Dans le domaine culturel, elle s’attache à la puissance des pouvoirs publics dont elle encourage les aides et les subsides tout en restant attaché aux libertés individuelles. Elle considère que les racines des difficultés culturelles se trouvent davantage dans les faiblesses de la société que dans les complots fomentés par l’étranger. Elle insiste sur l’authenticité de la culture nationale tout en rejetant les conflits culturels basés sur les goûts de chacun. Elle encourage les échanges de culture et de pensée.

 

2 – L’Association Islamique Unifiée

La création de l’Association Islamique Unifiée, également connue sous le nom des « Comités Islamiques Unifiés » remonte à 1963. On peut lire dans ses statuts : « Au début de l’année 1963, l’Imam a invité chez lui trois principaux groupes qui travaillaient avec lui et leur a déclaré : Vous qui travaillez pour Dieu, pourquoi ne collaborez pas ensemble ? L’Association Islamique Unifiée a été créée depuis plus de 40 ans selon les vœux de l’Imam et travaille dans le sens de la ligne de l’Imam et du clergé islamique au service du peuple musulman et conscient de l’Iran ».

 

À cette présentation succincte, il convient d’ajouter que les trois groupes en question étaient des membres des Fédayins de l’Islam, sortis indemnes des attaques des services de renseignements et de sécurité du régime du Chah et que leur alliance selon les vœux de l’Imam s’est réalisée à la veille d’une émeu­te connue sous le nom des événements du 15 khordad 1342 (5 juin 1963). Suite à ces événements, de nombreux religieux et laïcs furent arrêtés et empri­sonnés à Téhéran et à Qom, ainsi que des grands patrons du marché des fruits et légumes de Téhéran. Tayyeb Hadj Rézâï fut fusillé et d’autres tel que Arbab Zeyn eddin jugés par des tribunaux militaires et condamnés à des peines de pri­son. Lors des interviews qu’il a accordés au journal Ettela’at de Téhéran au début de l’année 1979, Hadj Mehdi Araghi, s’est présenté lui-même et ses amis comme poursuivant la voie des Fédayins de l’Islam et de Navvab Safavi et reven­diqua l’assassinat de Kasravi. Asghar Oladi, dans un entretien avec la revue Gozaresh affirme : « En effet, le principal fondateur de l’association unifiée a été l’Imam Khomeyni qui avec sa déclaration de 1962 indiquant que la gran­deur de l’Islam et des Musulmans était en question, a créé cette formation et le « groupe Khomeyni comportant dix membres » a été créé à la même date. À partir de 1962, l’Association poursuivit ses activités sous le nom du « Front des Musulmans libres ». Après les événements survenus à l’école théologique de Qom en avril 1963 elle prit officiellement le nom de l’Association Islamique Unifiée.

 

Au début, l’Association Islamique Unifié était composée des trois groupes : « Front des Musulmans Libres » (Mehdi Araghi, Ali Derakhchan, Mohammad Koutchani), « Masdjed Cheikh Ali » (Sadegh Amani, Sadegh Eslami, Ladjevardi) et « esfahanihay-é Moghim-é Markaz » (Ayatollah Béheshti) et ses statuts furent codifiés cette même année.

 

La plupart des membres de l’Association furent libérés à la veille de la révolution, dans les années 1977-1978 ce qui permit leur présence politique pendant l’insurrection. La grande majorité des manifestations, en particulier celle du 5 juin 1963 dans le bazar de Téhéran, étaient organisées par l’Association. Après la victoire de la révolution islamique, l’Association adhéra au parti de la République Islamique. Mais pendant les années 1988-1989 elle reprit son activité indépendante et durant les dernières années, prit les mêmes orientations que l’association du clergé combattant. Parmi les membres émi-nents de cette association, on peut citer les noms de :Asghar Oladi, Secrétaire général de l’Association, Assadollah Badamtchian, secrétaire du comité exécu­tif de l’Association (membre de la commission n° 10), Mir Salim, ancien ministre d’Orientation, Djasbi, recteur de l’Université libre, Ali Eshagh, ancien ministre du Commerce, Mohsen Rafigh Doust, ancien président de la Fondation des Déshérités, auparavant commandant en chef de l’armée des Pasdarans, Khamoushi, directeur de la Chambre de Commerce de l’Iran.

 

Il est connu que l’Association Islamique Unifiée était très sensible au minis­tère du Commerce et compte tenu de ses activités, était également connue sous le nom de la « tendance du bazar ». Le point culminant de l’activité éco­nomique de cette association était la Chambre de commerce. La plupart des ministres du Commerce, nommés après la révolution, ont démontré leur appar­tenance à cette Association. Elle est également fondatrice des fonds d’em­prunts au bazar, avant et après la révolution. Elle est influente au sein de la com­mission exécutive des élections, le comité de secours de l’Imam Khomeyni et l’état-major de la prière de vendredi. Après 1989 et le renforcement du pouvoir de la droite en tant que tendance dominante, cette association s’est effacée de la scène politique. Le désaccord entre l’ayatollah Mahdavi Kani et l’ayatollah Nategh Nouri résidait dans leur collaboration avec l’Association Islamique Unifiée.

 

De 1963 jusqu’à la veille de la révolution, l’Association a collaboré avec « Néhzat-é Azadi » dans la lutte politique. Son bilan revendiquait l’assassinat de Hassan Ali Mansour, Premier ministre en 1963 et le projet avorté de l’assassinat du Chah dans son palais en 1965. Elle a participé à la formation des jeunes à l’étranger pour des actions de guérilla. Elle aidait financièrement les combat­tants et avait elle-même un noyau de guérilleros. Lors du retour de l’ayatollah Khomeyni en Iran, elle l’a accompagné depuis l’aéroport jusqu’au cimetière «Behesht Zahra » et ensuite jusqu’à l’Ecole Alavi, où il s’installa.

 

Après la révolution, Hadji Araghi et Hadji Mehdian, commerçants et membres influents de l’association et dirigeants des centres de formation des gardiens de la révolution, prirent en main la direction du quotidien du Keyhan. Hadji Araghi et son fils furent assassinés devant leur demeure par les terroristes du groupe Forghan. Les membres connus de l’Association Islamique Unifiée étaient : Maghsoudi, Saïd Mohammadi, Rahmani et Saléhi au sein de l’état-major de la prière de Téhéran, Ghadiri de l’Organisation des prisons, Asgar Oladi, Nayéri, Rafigh Doust du comité de secours de Khomeiny, Zavaréï du Conseil des Gardiens, Khamouchi de la Chambre du Commerce, Badamtchian, Chafigh et Zavaréï du pouvoir juridique, Mortéza Nabavi, Asgar Oladi, Mohammad Djavad Laridjani du quotidien Résalat, Mohammad Djavad Laridjani de la télévision iranienne, Al Eshagh, argentier de Chiraz, Asgar Oladi, ministre du Commerce (du gouvernement Rafsandjani), Mir Salim du ministère de la Culture et de l’Orientation islamique (dans le gouvernement de Rafsandjani) et directeur de la police, Abdollahian, Abdollah Djasbi recteur de l’université Libre. La revue « Chomâ » était l’organe de l’Association Islamique Unifiée. L’Association comprenait des unités estudiantines, de femme et de la jeunesse. Le secteur estudiantin devait veiller à ce que les campus des universi­tés ne se transforment pas en clubs de partis et de groupes politiques. La for­mation des étudiants par le biais de diverses conférences, distribution des fasci­cules destinés à leur formation, et l’organisation de camps estudiantins dans les grandes villes ainsi qu’en Syrie et en Liban, faisaient partie de l’encadrement du mouvement estudiantin. Elle a développé aussi deux secteurs celui des sœurs (des femmes), et celui des adolescents. Le secteur des femmes existait dans tous les bureaux dont plusieurs « sœurs » étaient membres du conseil central de l’Association. Leurs principales activités étaient les réunions culturelles, l’organi­sation de cours scientifiques et artistiques, la visite aux autorités, à la famille des martyrs et aux héros, la création de bibliothèques et d’archives photogra­phiques, d’un mensuel « Dam Massiha », et d’un fonds d’emprunt. Pour le sec­teur des adolescents, a débuté son activité en 1991 et a eu pour mission la for­mation des forces capables, engagés et décidés dans les domaines d’art, du sport, des sciences théologiques, et des activités sociales. Pour les vacances esti­vales, un projet d’activité séparée des filles et des garçons portant sur les sciences théologiques, les sciences sociales, l’informatique, le sport, la langue anglaise, activités se déroulant sur un ou plusieurs jours fut conçu.

 

L’association avait sa propre vision du monde qui se définissait ainsi « …Pendant l’absence du dernier Imam, nous invitons les musulmans engagés à soutenir les valeurs divines face aux attaques, aux complots et aux ruses des riches et des impies. Le devoir de Djihad et de soulèvement, sous la direction du vali faqih juste, est celui de tous ceux qui réclament la souveraineté de l’Islam afin que les déshérités croyants sauvent le monde de toute injustice et qu’ils jouent le rôle de vicaire que la Miséricorde leur a confié, et cela est valable à tout moment et à chaque instant dans toute société jusqu’à la Résurrection, car chaque jour est un Achoura et chaque terre un Kerbala ».

 

L’Association Islamique Unifiée de par son histoire et sa domination sur les institutions clefs de l’économie du pays bénéficia d’une place essentielle au sein de l’aile droite du régime.

 

3 – L’Association du Clergé Combattant et ses deux tendances rivales

Cette association est née des activités des partisans de l’ayatollah Khomeyni à l’école théologique de Qom et plus tard parmi l’ensemble des reli­gieux du pays en 1987, le terrain fut préparé à la création de l’Association du Clergé Combattant à Téhéran. Ce fut la naissance d’un rang unique du clergé dans le climat politique tumultueux de l’Iran. Le siège de l’Association du Clergé Combattant était basé d’abord à Chemiran (nord de Téhéran), puis progressi­vement eut des succursales dans les 12 arrondissements de Téhéran. L’Association organisa des manifestations, des cérémonies religieuses et poli­tiques dans les mosquées qui se poursuivirent pendant toute la période de la révolution en collaboration avec « le corps des enseignants de l’école théolo­gique de Qom ».

 

Le ciment du Clergé Combattant résidait dans l’approbation de la direc­tion de l’ayatollah Khomeyni dans la lutte contre le régime du Chah, la distinc­tion de la frontière entre religieux et politiques qui n’effectuaient pas les dévo­tions et l’isolement des groupes marxistes dans le mouvement révolutionnaire de la société. Les ayatollahs Mortéza Mottaharai, Seyyed Mohammad Beheshti, hodjatoleslam Mohammad Djafar Bahonar et Mofattah furent membres du conseil central de l’association.

 

L’ayatollah Khomeyni et les autres autorités religieuses de l’Iran approuvè­rent la création de l’Association du Clergé Combattant. Au centre théologique de Qom, les compagnons de l’ayatollah Khomeyni et les religieux connus sous le nom des « gouvernementaux » siégeaient côte à côte. Le Hodjatoleslam Falsafi, connu comme étant un éminent orateur fut choisi comme le porte-paro­le de l’Association et, en 1978, établit des relations avec la presse au nom des religieux. Parmi les religieux de droite, il était considéré comme un des proches de l’ayatollah Khomeyni et lors de l’occupation de Hazirat ol-Ghods, temple et foyer culturel et de propagande des Bahaïs, lors du coup d’État de 1953, il fut le meneur de l’action. Pendant un certain temps, l’activité du Clergé combat­tant fut éclipsée par la création du parti de la République Islamique. L’ayatollah Mahdavi Kani, un des fondateurs de l’Association, avait en charge la direction générale des comités révolutionnaires et de leur comité central, en jouant le rôle du directeur général de la police pendant les premiers jours de la révolution.

 

Durant le gouvernement de Bani Sadr il occupa le poste du ministre de l’Intérieur. Après l’explosion du Palais du Premier ministre, un gouvernement provisoire fut constitué. Les comités révolutionnaires furent alors dirigés par l’Association du Clergé Combattant. Cette Association n’était pas enregistrée à ce jour au ministère de l’Intérieur car selon les dires de son secrétaire, l’ayatol­lah Mahdavi Kani, « le clergé est le bras du dirigeant et se trouve sous la direc­tion du vélayat et n’étant pas un parti ou un syndicat, elle n’a pas besoin d’au­torisation du ministère de l’Intérieur ». Sa percée politique fut considérable, elle était minoritaire dans le gouvernement provisoire, la plupart de ses membres du conseil central de l’Association siégeant au sein du Conseil de la Révolution, mais dès la troisième législature, elle n’avait plus qu’un nombre insignifiant de députés. Dès la quatrième législature, sous le slogan de « soutien à l’Imam, sou­mission au guide et soutien à Hachémi » elle entra dans le combat et obtint la majorité au Parlement. Elle occupa ainsi progressivement des postes clés gou­vernementaux. Elle s’infiltra dans les pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif et dans les ministères de l’Orientation, de l’Intérieur, de l’Information, dans le « Conseil des Gardiens de la Constitution » et au sein de l’armée des Pasdarans. À partir de 1982, alors que le régime islamique était à l’apogée de sa puissan­ce, des différends fondamentaux surgirent au sein du gouvernement qui se scinda en deux groupes. Ces querelles portaient sur l’économie planifiée ou du marché libre dont les racines se trouvaient dans la Constitution même. Tout d’abord des désaccords se firent jour au sein des groupes mêmes et entre le parti de la République Islamique et le Parlement, puis deux groupes apparurent, les uns partisans de l’économie libre et les autres défenseurs de l’économie pla­nifiée, c’est-à-dire droite et gauche.

 

« La participation politique du peuple n’est pas son droit mais son obliga­tion religieuse », tel est le fondement de cette association : « La participation politique aux élections est un devoir religieux dans lequel aucun doute n’est possible ». La présence du peuple sur la scène avant d’être une nécessité socia­le, est une obligation politique ; elle explique également les différentes formes de la participation politique : « La participation du peuple se manifeste sous dif­férentes formes… participation aux manifestations, accueil des responsables, assistance aux cérémonies religieuses et politiques de la prière de Vendredi – parfois par la participation aux référendums – aux élections du parlement isla­mique et du conseil des sages, ou de la présidence de la République ou des conseils islamiques des villes et des villages ».

 

L’association du Clergé Combattant est un courant qui s’appuie sur les principes et les fondements de l’Islam authentique, partisan du vélayat et de la présence du clergé sur la scène politique (c’est-à-dire lui-même), qui défend le libéralisme culturel, politique et économique et n’accepte pas la présence du vélayat et du clergé sur la scène politique du pays.

 

« En résumé, lors des élections, deux courants actifs peuvent être obser­vés : 1) Le courant qui agit dans le sens du vélayat, 2) celui qui agit en dehors ». La liberté est également tolérable pour les groupes qui ont la bénédiction de ce courant tandis que pour les autres, elle est considérée comme une « déviation à l’égard des principes islamiques ». En traçant des lignes « rouges », le journal Résâlat a défini la liberté d’expression ainsi « Parmi les principes et les limites il en existe quelques-uns qui sont plus importants dont leur transgression est à

 

bannir : 1) Vélayat faqih, 2) la personnalité du dirigeant, l’Imam, 3) la valeur et la place du clergé qui constituent les principes fondamentaux de la ligne rouge du système et tous ceux, qui par leur parole et leur plume, tentent de les affai­blirent, agissent dans le sens des ennemis de la révolution ».

 

Un autre aspect de la politique suivie par l’Association du Clergé Combattant était l’intérêt qu’elle portait à l’exportation de la révolution. Le mensuel « Sobh » rapporte de la part de l’ayatollah Nategh Nouri : « La respon­sabilité du président de la République est très lourde. Outre les responsabilités qu’il doit assumer face aux 60 millions d’Iraniens, elle en a d’autres à l’égard d’un milliard et plusieurs centaines de millions de musulmans à travers le monde dont ici [l’Iran] constitue leur Utopia ». Selon le Clergé Combattant la spéciali­té est liée à l’engagement. Ali Akbar Nategh Nouri affirmait que « nous encou­rageons l’utilisation du savoir et de la science mais nous nous opposons au scientisme et nous pensons que la spécialisation sans engagement est un catas­trophe et source de malheur pour le peuple », « on prétend dans notre socié­té que seule la gestion scientifique pourrait sauver la société… ce sont des sym­boles dangereux de l’invasion culturelle de l’ennemi ». L’association proposait aussi une définition des qualités du député en définissant le profil adéquat : « Liberté, courage, conscience, être révolutionnaire, attachement à la religion et enfin être populaire et s’intéresser aux difficultés de la population constituent les principales qualités d’un véritable député, de même que la clarté de la paro­le, l’attachement au droit et la distinction des ennemis mondiaux ». Mohammad Djavad Laridjani définissait la politique étrangère de l’Association comme une politique « libérale » : « L’Association du Clergé Combattant est l’adepte d’une politique étrangère libérale et ouverte » et l’Association ajoutait : « Nous aurons des relations réciproques et d’intérêts mutuels avec tous les pays qui ne se situent pas dans une position dominante ». Cependant elle rejetait toute relation directe et indirecte avec les États-Unis. L’association avait sa vision économique, son député au parlement, Mohammad Réza Bahonar qui décla­rait : « Nous ne pensons pas que tout doit être concentré entre les mains de l’É­tat, nous devons entraîner le peuple sur la scène et avancer dans le sens de la privatisation ». Dans le domaine économique, l’Association portait un intérêt primordial au secteur privé et qualifiait la nationalisation de l’économie de mala­die grave pour la société. Admettant l’utilisation des ressources étrangères dans le domaine des investissements, Ali Akbar Nâtegh Nouri affirmait : « L’Iran n’est aucunement adepte de la politique des portes fermées dans le domaine écono­mique et la considère comme un poison. Aucune restriction n’est prévue pour les investisseurs nationaux et internationaux en Iran dans les domaines de l’énergie, du gaz, du pétrole, de la pétrochimie, du nucléaire, des mines, des métaux, du transport, du tourisme et des industries de transformation ». Sur le plan culturel, sa position était proche des formations politiques de même ten­dance, elle rejetait les échanges culturels et les considérait comme un danger pour la culture religieuse du pays « Nous devons établir notre modèle culturel sur la base des valeurs religieuses et non sur une pensée que les modèles étran­gers veulent nous inculquer sous prétexte d’échanges culturels » Le contrôle des activités culturelles par les pouvoirs publics et la « vaccination morale » étaient soutenus par l’Association du Clergé Combattant. Dans son bulletin, l’Association insistait sur la confiscation des antennes paraboliques, tandis que Ali Akbar Nategh Nouri déclarait : « L’approbation du projet de confiscation des antennes paraboliques est une des actions valeureuses du parlement isla­mique. » L’Association du Clergé Combattant soutenait la poursuite de la poli­tique du contrôle des activités politiques et de la supervision par les pouvoirs publics du contenu des cours universitaires et de l’activité des professeurs. Elle réclame la mise en place d’une forte politique culturelle traditionnelle, accor­dant une grande importance à la sauvegarde des apparences.

 

Des divergences apparurent au sein de l’Association portant sur son déve­loppement en un parti politique. L’ayatollah Ali Akbar Nategh Nouri partisan de cette tendance, décrivait ainsi les raisons de la démission de son Secrétaire : « compte tenu du fait que l’Association du Clergé est une organisation qui tend à devenir un parti et que M. Mahdavi Kani n’acceptait pas cette option, depuis un certain temps il avait demandé à être tenu, en tant que secrétaire, au cou­rant de tout et était moins disposé à répartir les responsabilités et était devenu sensible à certaines questions ». Il ajoutait : «Actuellement, le terrain est propi­ce pour que toutes les formations ayant les mêmes orientations que l’Association du Clergé Combattant créent un front uni ». Avant les élections de la cinquième législature du Parlement islamique, l’Association du Clergé Combattant avait publié une liste des candidats soutenus par l’Association au niveau national ce qui lui conférait davantage un caractère de parti politique.

 

Les désaccords entre les deux tendances de l’Association du Clergé Combattant ne se sont pas traduits par une scission. Après la défaite électora­le de l’ayatollah Nategh Nouri qui tendait à « annoncer le gouvernement de jus­tice de Ali », c’est-à-dire la troisième phase de la Constitution, les choses restè­rent en l’état. Au cours de la première phase de l’approbation de la Constitution, compte tenu de son identité nationale et républicaine, le principe de Vélayat faqih fut ajouté à la Constitution en 1979. La seconde phase consis­tait à supprimer l’adjectif national de l’Assemblée et d’autres institutions égale­ment qualifiées de nationales dans ladite Constitution, l’abrogation des préro­gatives des pouvoirs exécutif et juridique élus par le peuple et le renforcement des pouvoirs du vali faqih. Suite au référendum sur la réforme de la Constitution au cours de la troisième phase, comme il avait été souvent proposé, le concept de la République devait être supprimé de la Constitution et le pouvoir devait alors être fondé sur le principe du califat absolu, à l’instar de ce qui avait été ins­tauré par les Talibans en Afghanistan. Depuis la démission du secrétaire, l’Association du Clergé Combattant fut dirigée par un conseil. En 1999, le conseil central de l’Association du Clergé Combattant était composé de : l’aya­tollah Mohammad Réza Mahdavi Kani, Akbar Hachémi Rafsandjani, Mohammad Yazdi, Ali Akbar Nategh Nouri, Khosrochahi, Ghayouri, Mahi eddin Anvari, Mohammad Ali Movadehi Kermani, Mohsen Mojtahed Chabestari, Mohammad Emami Kachani, Hassan Rohani, Abassali Amid Zandjani, Abdous, Hamédani, Réza Taghavi, Abdolhossein Moezzi, Motallébi, Mashkini Rasti Kachani, Dari Najafabadi. Le quotidien Résalat, fondé en 1984 par Khazali, Rasti Kachani, Char’ï et Azari Ghomi était considéré comme le porte-parole de l’Association. Lors de la cinquième législature, Azari Ghomi devint le président du Parlement. À travers une alliance politique et organisationnelle avec le Comité Unifié, il entra sur la scène politique afin d’annoncer « le gouvernement de la justice de Ali » et après sa défaite aux élections, il devint, à la fin de la cin­quième législature, un des conseillers du guide. Outre sa domination dans les centres de formations théologiques de Qom, (entre autres l’université Imam Sadegh dont l’ayatollah Mahdavi Kani était le recteur), l’Association du Clergé Combattant était présente dans tous les organes dont les membres étaient nommés dans le Conseil de distinction des intérêts du régime, le Conseil des gardiens de la Constitution, le pouvoir judiciaire, les Imams de vendredi, l’Assemblée des Sages. Ils étaient nommés aussi à la direction des groupes et des formations ayant la même orientation au sein de l’Association des groupes unifié.

 

L’espace des formations similaires

1 – L’Association islamique des ingénieurs : la création de cette asso­ciation remonte à 1989 et la plupart de ses membres sont des ingénieurs appar­tenant à l’aile droite traditionnelle. L’Association des ingénieurs a été créée face à l’Association islamique des ingénieurs. Son secrétaire est Ali Abbaspour et parmi ses membres éminents on peut citer Ghafouri Fard et l’ingénieur Mohammad Réza Bahonar (députés au parlement islamique) et Mortéza Bahonat. Un conseil de 15 personnes dirige l’Association. Lors de la cinquième législature, elle avait 8 députés au parlement. La revue « Djam » (diminutif de l’Association Islamique des Ingénieurs) est l’organe officiel de l’Association.

 

2 – L’Association Zeynab (l’Association des Femmes Musulmanes),

avec comme Secrétaire générale Mme Behrouzi, est une association qui, hors Téhéran, s’étend à dix autres villes. Elle avait cinq députés au parlement isla­mique, élues dans la capitale. Les objectifs déclarés de l’Association sont : la sauvegarde des valeurs de la révolution islamique en se soumettant au diri­geant, l’extension de la véritable culture islamique, l’élévation du niveau cultu­rel et moral des femmes, le renforcement du pouvoir économique des membres, sa présence dans tous les domaines. Ses objectifs sont vagues et généraux, ses activités se résument dans : la formation des cours idéologiques et d’enseignement, l’étude du Coran et des hadiths dans 7 arrondissements de Téhéran et dans 40 villes. Parmi les principaux dirigeants de l’Association on peut citer : Marzieh Dastdjerdi, Parvine Salimi, Manigeh Nobakht et Nafisseh Fayyaz.

 

3 – L’Association Islamique des Étudiants : L’Association Islamique des Etudiants est composée de tous les étudiants qui étaient en désaccord avec le Bureau de la Consolidation de l’Union et en sont devenus le principal rival.

 

Outre ces trois associations qui possèdent une véritable organisation et un programme d’activité, il en existe d’autres ayant les mêmes orientations que l’Association du Clergé Combattant qui, compte tenu de leurs positions com­munes dans la société, sont connues sous le nom de formation « d’alinéa C »16.

 

Les visions politiques du Clergé Combattant : convergences et paradoxes

Les points de vues énumérés ci-dessous sont également ceux d’organisa­tions aux mêmes orientations politico-religieuses. Des paradoxes apparaissent sur l’application du principe du Velayat faqih, qui montrent que les formations sociales et politiques tentent par diverses interprétations de ce principe dogma­tique, de contenir une large partie de la population et de la rallier à leur cause.

 

En effet, L’ayatollah Kani déclare : le Vélayat faqih n’est pas un concept qu’on choisit mais relève de la distinction. Celui qui a une fonction exécutive n’a pas le droit de donner ses opinions dans les affaires théologiques, sociales et dans les questions générales et relevant des affaires du pays. Habibollah Asgaroladi, Secrétaire général de l’Association Islamique Unifiée explicite davan­tage ce point de vue : « Pendant l’absence du dernier Imam, le vali faqih le rem­place dans toute affaire concernant le peuple musulman. Les déclarations de certaines personnes qui voient la légitimité du vélayat faqih à la tête du peuple est un complot et joue le jeu des ennemis de l’Islam. Dans le système islamique, vélayat prend sa source au sein même de l’islam et n’est pas lié au choix du peuple ». Le journal Résalat n° 17 de décembre 1995 expliquait que « le peuple choisit un certain nombre de sages et d’experts en théologie et leur confie la mission de découvrir et de présenter le plus éminent théologien, intelligent, valeureux, clairvoyant. » Dans une déclaration spéciale, l’Association du Clergé Combattant ajoutait : « Le vélayat faqih est un lien divin dans la société isla­mique qui prend sa légitimité non pas du peuple mais en vertu de sa liaison avec le vélayat divin universel ». « Toute critique à l’égard de la théorie progressiste et révolutionnaire du vélayat absolu du faqih en l’abaissant au niveau d’un man­dat et sa limitation dans un cadre réduit et prédéterminé, signifie dépouiller le système et l’Islam de leur véritable puissance ». Selon l’ayatollah Réza Ostadi : « Dans aucune condition le vélayat n’obtient sa légitimité du peuple et l’accord ou le désaccord du peuple n’intervient guère dans l’essence même du vélayat faqih ». En février, la déclaration de l’Association de Clergé Combattant insistait sur le fait que « l’Assemblée doit se soumettre au vélayat faqih, s’efforcer de renforcer son pouvoir et réaliser les valeurs et les idéaux de la révolution isla­mique ». On peut également lire dans cette déclaration que « dans un système islamique et pendant l’absence de l’Imam, le dernier mot revient à Vali faqih. Si une ou plusieurs personnes ont quelque chose à dire et donnent un quelconque crédit face au guide et au vali faqih, cela met en cause d’une part leur attache­ment au vélayat faqih et d’autre part l’anarchie régnera dans la société ».

 

Les élus de cette tendance au sein de la quatrième législature écrivirent une lettre à l’ayatollah Khaménéï guide dès 1989 lui annonçant que pour eux, la légalité du parlement était liée à sa légitimité qui provenait du vélayat. Pendant la session parlementaire, certains députés annoncèrent qu’ils considé­raient l’Assemblée islamique comme le bras législatif et de contrôle du vali faqih et dans la déclaration de l’Association datée du 1er mars 1996 on pouvait lire : « le Parlement islamique doit être le bras du vélayat dans la gestion du pays et doit agir dans le sens de la réalisation de ses opinions et de ses objectifs » Il a été indiqué dans la déclaration spéciale de l’Association datée du 14 avril 1997 que « le premier et le dernier souci du parlement doit être la mise en œuvre cor­recte et complète des désirs du dirigeant ».

 

Dans ce sens, l’Association Islamique Unifiée proposa au Conseil de Distinction des Intérêts du régime d’examiner la question de la transformation du système républicain en « système d’équité islamique » (« Choma », n° 7 du 10 avril 1998). Le 16 avril 1998, l’ayatollah Kani déclarait : «Nous considérons comme légal tout gouvernement autorisé et nommé par Dieu même si toute la population ne l’accepte pas, et au contraire nous le considérons illégitime s’il n’est pas autorisé par Dieu, même si toute la population s’y adhère ».

 

Le bulletin du Clergé Combattant affirmait : « Tout gouvernement qui ne soit pas proche du clergé et tout effort tendant à éloigner le clergé authentique, constitue une grave déviation par rapport à la ligne de l’Imam ». Nategh Nouri, justifiant son combat électoral, indiquait : « Le clergé reste sur la scène poli­tique… pour que l’histoire de la Constitution ne se renouvelle pas » et « nous sommes là pour s’acquitter de notre dette ».L’ayatollah Haéri Chirazi détermina ainsi les conditions de participation à un parti politique dans le pays : « Dans notre pays au lieu de l’autorité des partis, il existe celle de faqih. Si les partis veu­lent venir dans notre pays ils doivent se situer dans le cadre de nos opinions ».

 

Bien que dépourvu d’assise dans l’opinion publique, l’Association du Clergé Combattant et les organisations de même orientation possède la majorité des postes étatiques et dans les assises du régime islamique, tout en conservant les leviers économiques et de la propagande religieuse et culturelle.

 

1 – L’Association de défense des valeurs de la révolution islamique

Cette Association a été créée le 5 juin 1996 mais a annoncé son existen­ce à la veille des élections de la cinquième législature. Sa première déclaration a été publiée le 2 février 1989 signée par son Secrétaire général, hodjatoleslam Reychahri. Pendant la révolution, Reychahri a été le procureur de la révolution au sein de l’armée avant d’être nommé ministre de l’Information de la République Islamique. Rouhollah Hosseynian, son adjoint, était également un des cadres haut placés du ministère de l’Information et travaillait au sein des tri­bunaux révolutionnaires. Les autres membres fondateurs de l’Association étaient : Seyyed Ali Ghayouri, Seyyed Ali Akbar Aboutorabi, Mohammadi Araghi, Ali Razini, Mohammad Sadegh Arab Nia, Ahmad Pournedjati, Mohammad Chariatmadari et Abbas Salimi Namine (tous activistes connus du régime). L’hebdomadaire « Arzéshha » jusqu’à son numéro 95 reflétait les points de vue officiels et non officiels de l’Association. Le 15 novembre 1998, l’Association interrompit provisoirement ses activités. Cette suspension était due aux désaccords conflictuels qui régnaient parmi ses dirigeants. Au sein du conseil central siégèrent Seyyed Ali Ghayouri, membre également du conseil central de l’Association du Clergé Combattant, ainsi que Ali Akbar Aboutorâbi dont les points de vue étaient proches de ceux du Clergé Combattant, Ahmad Pournédjâti étant membre du conseil central et responsable du bureau politique de l’Association. La défaite de l’Association lors des élections législatives et pré­sidentielles prépara le terrain à la suspension de ses activités.

 

L’Association du Clergé Combattant et les organisations ayant les mêmes orientations, étaient mécontentes de l’Association, mais la principale raison de sa défaite doit être recherchée dans les antécédents de ses membres au sein des tribunaux révolutionnaires et du ministère de l’Information. L’Association était entrée sur la scène politique en critiquant toutes les organisations politiques agissant au sein du régime sans pour autant proposer un quelconque program­me. Dans la déclaration de la suspension de ses activités, les raisons évoquées furent l’affaiblissement financier et les responsabilités de ses principaux diri­geants dans les affaires du pays. Cependant, parmi ses principaux fondements elle considérait que le vali faqih était élu par Dieu sans que le peuple ait un rôle dans sa nomination. « La légitimité du vali faqih est liée au choix du peuple et la nomination des immaculés de la part de Dieu constituant un ensemble indis­sociable ». Selon Reychahri : « Le vélayat faqih est en réalité le prolongement du règne des prophètes élus par le peuple et des dirigeants immaculés ». Ahmad Pournédjati affirmait : « Dans des conditions particulières et nécessaires, le vali faqih peut agir au-delà des prérogatives qui lui sont accordées par l’ar­ticle 110 de la Constitution ».

 

L’Association prônait également « la multiplicité des partis à condition que l’ensemble soit dans le cadre du hezbollah ». L’Association soutenait également la politique de liberté surveillée de la presse et les droits professionnels de la presse. Dans la politique étrangère, elle défendait l’exportation de la révolution et s’opposait sérieusement à la modération politique, insistant sur le fait qu’en matière de politique étrangère, il était nécessaire d’être attaché aux valeurs et idéaux de la révolution islamique.

 

Selon l’Association, l’objectif de la révolution islamique était « la destruc­tion du régime agressif américain ». Selon Ahmad Pournédjati : « Toute forme de compromission pour faire disparaître les tensions dans les relations entre l’Iran et les États-Unis est une trahison des idéaux de la révolution islamique ».

 

L’Association était opposée à la concentration de l’économie du pays entre les mains des pouvoirs publics, alors qu’elle ne soutenait pas la privatisa­tion par des groupes ayant un pouvoir financier important. Elle s’opposait aux modèles de développement occidental, à celui du bloc de l’Est et aux solutions économiques appartenant à l’époque des Qâdjârs, et indiquait : « Il faut agir dans le cadre de la Constitution et des préceptes annoncés par le guide ». Elle défendait l’autosuffisance économique. Reychahri déclarait : « Ce n’est pas une valeur que d’être dépendant de l’industrie occidentale, la société islamique doit s’appuyer sur elle-même ». L’utilisation des capitaux étrangers n’était pas reje­tée. Selon Pournédjati : « L’emprunt n’est valable que s’il est utilisé pour la consolidation de l’infrastructure économique du pays ».

 

Quant à la justice sociale, l’Association ne la voyait pas dans le transfert du pouvoir d’une classe à une autre, car l’objectif est de « rendre son droit à celui qui le mérite ». Dans ce sens, elle faisait référence à la création d’une nou­velle classe au sein d’un système préconisant la lutte contre ce danger avant qu’il ne soit trop tard. Rouhollah Hosseynian déclare : « L’État doit investir afin de préserver l’enthousiasme révolutionnaire des premiers jours ». L’Association revendiquait le contrôle des activités culturelles par le clergé. Rouhollah Hosseynian demandait : « Qu’est-ce qui nous empêche de diriger vers les mos­quées les importants investissements que nous faisons dans les maisons de cul­ture ? »

 

Malgré la suspension des activités de l’Association de Défense des valeurs de la Révolution islamique, ses fondateurs et ses dirigeants, mus par ces mêmes idées, continuent à occuper des fonctions étatiques importantes17.

 

2 – L’Organisation des Moudjahiddines du Peuple18

La première organisation de guérilla islamique urbaine en Iran fut celle des Moudjahiddines du Peuple d’Iran. Elle était issue du Front national (comme le Mouvement pour la Libération d’Iran), c’est-à-dire, de la coalition de Mohamad Mossadegh dont le principal objectif fut la promotion d’élections parlementaires libres à l’époque de la nationalisation de l’industrie pétrolière iranienne. Parmi les fondateurs des Moudjahiddines il faudrait mentionner Mohamad Hanif Nejad (ingénieur agricole), Saïd Mohsen (ingénieur mécanique) et Asghar Badizadeghan (ingénieur chimiste). Ceux-ci furent des étudiants engagés dans les devoirs et acti­vités politiques au sein des milieux universitaires, organisées autour de ce qu’on appela à l’époque le Deuxième Front National dont l’émergence fut en partie faci­litée par l’ouverture et la libéralisation progressive de l’atmosphère politique ira­nienne prônée par l’administration Kennedy entre 1960 et 1963.

 

À la suite de la création du Mouvement pour la Libération d’Iran (à côté du Front National et dont l’orientation fut manifestement religieuse) sous la direction d’Ayatollah Taleghani, Mehdi Bazergan et Yadollah Sahabi lui donnè­rent une orientation idéologique religieuse, et se rallièrent à la nouvelle forma­tion afin de combattre la mise en oeuvre autocratique du programme des réformes agraires et socio-économiques du Chah intitulé « La Révolution Blanche ». Après avoir forgé le mot d’ordre de leur campagne contre la politique du régime impérial, « Oui aux Réformes, Non à la Dictature », ils s’engagèrent dans une bataille qui se solda par un échec et l’emprisonnement de Hanif Nejad et Said Mohsen. Ce fut pendant leur incarcération que Hanif Nejad et Said Mohsen conclurent à la nécessité organisationnelle d’une incontournable pro­fessionnalisation de leur combat qui devait, pensaient ils, comporter une dimen­sion idéologique islamique comparable à celle des marxistes afin de faciliter l’entreprise de la lutte armée contre la dictature du régime impérial soutenue par les États-Unis.

 

Après le référendum dont le résultat entérina les « réformes agraires » conçues par le Chah en février1963 et la sanglante répression du mouvement des propriétaires terriens et autres couches conservatrices de la société tradition­nelle menés par le clergé dissident dont le principal « agent » et « agitateur » à Qom fut « l’Ayatollah Khomeiny », la perte de tout espoir de contestation de la dictature et du régime impérial dans le cadre juridique de la monarchie consti­tutionnelle, poussa les fondateurs des Moudjahiddines à s’inspirer des expé­riences révolutionnaires des mouvements de libération nationale du tiers-monde afin d’améliorer l’organisation interne de leur mouvement, notamment, en ce qui concernait la dissimulation de leurs activités à l’intérieur du pays.

 

Parmi les toutes premières tâches dont la réalisation fut d’une grande importance pour les Moudjahiddines, celle de la formation des cadres polyva­lents et leur endoctrinement qui englobait des dimensions politique, écono­mique, etc. La durée de formation, précédant leur intégration définitive aux Moudjahiddines, fut finalement fixé à deux ans. La difficulté à l’époque consis­tait dans le maintien d’une organisation militante et clandestine. À partir de 1969, les Moudjahiddine entrèrent en contact avec la mouvance nationaliste palestinienne et le 12 Août 1970, un premier groupe entrait au camp « Hossein Salamé » des guérilleros palestiniens afin d’y suivre un cours d’entraînement tactique. Un autre groupe qui fut envoyé à Dubaï en attendant un moyen pour rejoindre le premier groupe dans le même camp d’entraînement. Il fut arrêté par la police et renvoyé en Iran dans un avion spécial. Finalement, détourné par une équipe spéciale qui les amena en Irak où ils furent incarcérés, ils purent rejoindre les camps palestiniens deux semaines plus tard.

 

Il faut noter que non seulement les cadres des Moudjahiddines réussirent non seulement à s’entraîner dans les camps palestiniens mais à trouver égale­ment des armes en provenance du Liban. Ainsi, à partir de mars 1972, le trans­fert clandestin des armes vers l’Iran commença. Parallèlement, l’organisation, installa des cellules dans sept autres villes de province. En août 1971, la quasi-totalité de la direction de l’organisation ainsi que 131 adhérents et partisans du mouvement furent arrêtés par les services secrets du régime impérial (SAVAK). Ils furent condamnés à mort et exécutés entre mars et juin 1972 à l’exception de Reza Rezai (membre de la direction) qui réussit à s’en fuir, Hossein Ruhani qui se trouvait à l’étranger, et Massoud Rajavi et Bahman Bazargan (qui furent condamnés à la réclusion à perpétuité). Rezai réussit par la suite à reconstruire l’organisation de telle sorte qu’elle put entrer en confrontation armée avec le régime impérial. Mais après la mort de Rezai en juin 1973, son successeur, d’orientation marxiste-léniniste, en exclut la moitié des cadres. Le changement de l’orientation idéologique fut un choc aussi grand que la rafle effectuée par le SAVAK en 1971. La faction marxiste dominante changea de nom plusieurs fois avant de devenir le mouvement maoïste « Peykar ». Après la scission de la faction marxiste, l’organisation reprit ses activités comme dans le passé. Parmi ses opérations les plus spectaculaires signalons la tentative avortée d’enlève­ment du prince Shahram, fils de la soeur très influente du Chah, la princesse Ashraf et l’assassinat de deux conseillers militaires américains dans le quartier Abbasabad à Téhéran. Les Moudjahiddines avaient beaucoup des sympathi­sants parmi les étudiants iraniens à l’étranger et entretinrent des rapports étroits avec la faction Fath de l’OLP palestinienne. Pendant la période révolutionnaire, les Moudjahiddines furent très actifs et l’Ayatollah Taleghani leur apporta son soutien. Lorsque la Garde Impériale attaqua le quartier des techniciens de l’ar­mée de l’air qui avaient manifesté leur sympathie pour la révolution, ce furent les Moudjahiddines qui les contraignirent à reculer en se positionnant sur les toits des bâtiments. Ils jouèrent un rôle clé dans l’occupation des commissariats de police et des casernes de l’armée impériale ainsi que celle de son état-major suprême  » Cetad Bozorg Artesh Daran ». Ils jouèrent un rôle significatif dans la gestion du travail des comités révolutionnaires et celle du conseil chargé d’or­ganisation des grèves révolutionnaires. Lorsque de nouveaux organismes poli­tiques surgirent afin de faciliter la gestion du contexte issu de la révolution et, en particulier, lorsque des comités d’interrogation des représentants de l’ancien régime furent créés dans les nouvelles prisons révolutionnaires, les « frères moja-heds » jouèrent un rôle à la fois essentiel et considérable. Partout (dans les mos­quées, les rues et places publiques des différentes villes du pays) les publications et la propagande des Moudjahiddines furent largement diffusées. Il faut aussi ajouter que malgré l’antipathie que nourrissait Khomeyni à leur égard depuis 1970, au lendemain de l’affrontement avec les techniciens de l’armée de l’air, une rencontre secrète fut organisée entre Seyed Ahmed Khomeiny, le fils de Khomeyni et Massoud Rajavi. À l’issue de cette rencontre, les Moudjahiddines acceptèrent les trois conditions préalables de Khomeiny, à savoir, la reconnais­sance de l' »Imam Khomeiny » comme guide de la révolution, la déclaration publique de leur hostilité à l’idéologie des forces politiques marxistes et celles d’autres formations non-religieuses « Sans Dieu » / « Khoda Nashnas » lue publi­quement par Rajavi en personne à l’Université de Téhéran, et soumission aux choix stratégiques et politiques deTImam ». Après le 11 février 1979, les Moudjahiddines furent présents à tous les niveaux du pays et participèrent au référendum portant sur le choix du futur système politique en Iran (organisé afin de choisir entre la monarchie et une république islamique); comme ils n’avaient pas participé au référendum pour la ratification de la nouvelle constitution, on leur interdit toute participation aux élections présidentielles. Deux stations radar construites par les Américains dans les provinces du Mazandéran et d’Azerbaïdjan afin de surveiller la frontière soviétique furent aussi occupées par les Moudjahiddines. Jusqu’à l’arrestation de Mohamad Reza Sadati en compa­gnie des deux diplomates de l’ambassade soviétique par les Pasdarans, les Moudjahiddine avaient intensément rivalisé avec les tenants de la « ligne de l’Imam » dans une course dont l’enjeu fut la maîtrise d’institutions politiques, judiciaires et militaires du pays. Après cet incident, ils commencèrent à perdre leur ancrage institutionnel (acquis à la suite de la révolution) même s’ils avaient toujours une influence considérable sur l’opinion publique iranienne et en par­ticulier sur les milieux universitaires et scolaires. Dans l’épisode de l’occupation de l’ambassade des États-Unis à Téhéran, menée par Mussavi Khoéniha, les Moudjahiddines furent présents et supervisèrent l’opération de l’intérieur de l’ambassade et leur organe officiel, « Moudjahid », (combattant) couvrit systé­matiquement le déroulement de l’occupation et rapporta notamment l’épisode concernant la présence et les négociations avec les étudiants de la « ligne de l’Imam » entrepris par l’Ayatollah Beheshti qui leur jura, de façon larmoyante, d’avoir servi l’Imam et la révolution dans tous ses contacts avec l’ambassade des États-Unis.

La croissante aliénation et hostilité ressenties à l’égard de la tendance « Hezbollah » et d’autres courants nationalistes et mossadeghistes, la mort de leur principal allié au sein du clergé, l’Ayatollah Taleghani’, et l’échec de leurs tentatives successives de rapprochement avec Khomeyni et son « vice-Imam », l’Ayatollah Montazeri, favorisèrent la création d’une alliance entre les Moudjahiddines et le président Bani Sadr, élu en 1980 dans leur lutte commu­ne contre le « Hezbollah ». C’est-à-dire, un conflit politique qui se transforma finalement en une lutte armée entre une organisation populaire des guérilleros révolutionnaires et le régime iranien dominé par leurs rivaux du « Hezbollah ».

 

Après la destitution de Bani Sadr par « l’Imam » le 11 juin 1981 et son entrée en clandestinité avec l’aide des Moudjahiddines et la répression sanglan­te du défilé militaire de leurs partisans par les Pasdarans (dont la supériorité sur le plan militaire fut incontestable) à Téhéran (20 juin), une campagne de terreur politique fut initiée par les Moudjahiddines dont le but était d’équilibrer le rap­port de forces militaires. Le 28 juin 1981, à la suite de l’explosion du secrétariat du Parti de la République Islamique, Seyed Mohamad Beheshti, Secrétaire géné­ral du parti et chef de la cour suprême du pays et 72 autres hauts représentants du « Hezbollah » (parlementaires et cadres supérieur du régime iranien) furent tués. Le 29 juin, Bani Sadr et Massoud Rajavi (chef politique des Moudjahiddines) arrivèrent en France tandis que le chef militaire de l’organisa­tion, Mossa Khiabani, continua à préparer à Téhéran une éventuelle prise du pouvoir en élaborant des plans d’action militaire. Dès leur arrivée à Paris, Rajavi et Bani Sadr créèrent le conseil de la résistance nationale et invitèrent toutes les forces démocratiques iraniennes de se joindre à ce conseil. Le 5 Octobre 1981, Ayat, l’un des principaux dirigeants du Parti de la République Islamique et ancien collaborateur de Mozafar Baghai au temps du Parti des Masses Laborieuses de l’Iran (« Hizeb Zahmatkeshan Iran »), qui joua un rôle clé dans les travaux de la convention d’experts chargés de rédaction de la nouvelle consti­tution « Majlis Khebregan » fut assassiné et d’autres meurtres suivirent.19.

 

Au début de cette campagne de terreur, chacun de ces actes destructeurs aurait pu changer le destin du système. Les slogans des Moudjahiddines, sem­blaient confirmer cette impression : « Moharam, le mois du sang des martyrs, Khomeyni périt, périt » « Moharam mah khoon ast, Khomeyni sarnegoon ast »). Après le démantèlement du centre du commandement militaire des Moudjahiddines et l’arrestation de Khiabani et Ashraf Rabii, l’épouse de Rajavi, par le « Hezbollah » en février 1982, ils perdirent l’initiative dans le domaine mili­taire et leur stratégie devint de plus en plus défensive. Entre temps, leurs activi­tés politiques à l’étranger se poursuivirent autour du conseil national de la résis­tance qui réussit à attirer quelques organisations politiques contraintes à l’exil comme Le Parti Démocratique du Kurdistan de Ghassemlou, Le Front National et Démocratique du Dr. Mateendaftari, l’Association d’Universitaires et des per­sonnalités telles que Hezarkhani et l’Hojatolislam Ghanji et quelques factions émanant de l’Organisation de la Guérilla et des Fedayin du Peuple Iranien(« Chereekhai Fadayi Khalq Iran »). L’affaiblissement des Moudjahiddines à l’intérieur du pays nuisit à la cohésion du conseil et favorisa sa domination de plus en plus visible et pesante par les Moudjahiddines (qui en furent les princi­paux piliers). Cette situation finit par provoquer la scission entre Bani Sadr (en désaccord avec le rapprochement voulu par Rajavi avec l’Irak) et le Parti Démocratique du Kurdistan qui était militairement l’égal des Moudjahiddines et ne voulait pas leur déléguer toute responsabilité pour d’éventuelles négocia­tions avec la République islamique.

 

Après ces séparations, il était évident qu’une restructuration était vitale au maintien de l’organisation. Avec la création de « l’armée de libération nationa-le »à côté du conseil national de la résistance, le centre d’activités militaires fut transféré à l’étranger, c’est-à-dire, dans des bases offertes par l’Irak.

 

Après la fin des hostilités entre l’Iran et l’Irak en 1988, la direction des Moudjahiddines prit le risque d’organiser une expédition militaire en territoire iranien (la frontière entre Khanghin et Kirmanshah) qui se solda par l’encercle­ment et la défaite des troupes moudjahid et aboutit à la mort de quelques per­sonnalités culturelles et militaires importantes du groupe. À la suite de ce désastre, un terrible massacre des prisonniers politiques en Iran fut organisé sur ordre de Khomeiny. À l’étranger, les Moudjahiddines qui disposaient de consi­dérables moyens financiers réussirent à attirer la sympathie d’instances parle­mentaires occidentales mais échouèrent dans leur tentative d’attirer le gouver­nement des États-Unis d’Amérique qui les a toujours inclus sur la liste d’organi­sations terroristes. Ces dernières années, les Moudjahiddines ont essayé de don­ner une expression symbolique interne à leurs rêves politiques, toujours irréali­sés, en désignant Maryam Rajavi comme la Présidente de l’organisation et Présidente de la République Islamique d’Iran (!) ou en inventant le slogan « Rajavi/Iran et Iran/Rajavi » qui reflétait la soif de pouvoir de la direction de l’or­ganisation. Toujours basés en Irak, ils ont perdu leur capacité d’agitation et d’or­ganisation dont ils se vantèrent pendant la première décennie d’émigration. Leur déclin commença avec le transfert de leur direction basée avant en France vers l’Irak. La crise interne de l’organisation aboutit aux scissions collectives et au départ des membres individuels de l’organisation. Aujourd’hui, le nombre de ceux qui, s’ils n’ont pas rejoint (grâce à leurs formations idéologiques) d’autres organisations politiques (dont il faut dire que certains sont entrés en contact avec le régime islamique) est plus grand que ceux qui sont restés fidèles à la ligne et la discipline officielles de l’organisation et cela malgré les tentatives de la direction de sortir de son carcan en publiant le journal « Iranzamin » ainsi que la publication mensuelle du conseil. Il faut souligner le fait que la volonté d’hé­gémonie de la direction des Moudjahiddins au sein du conseil explique certai­nement leur échec et ce n’est qu’au moyen des programmes de télévision émis par un satellite ou d’opérations de sabotage qu’elle tente de faire parler d’elle de temps en temps tandis que sa présence en Irak représente un obstacle dans le processus de normalisation des relations entre l’Iran et l’Irak.

 

L’affaiblissement de l’organisation continue à travers des arrestations et des mises en examen par les autorités judiciaires européennes, l’une de ses acti­vités d’ordre culturel consistant à assumer la tutelle d’enfants orphelins faisait l’objet d’une enquête judiciaire en Allemagne, et en juin 2003, Mme Radjavi fut placée en détention et mise en examen par un juge antiterroriste français pour appartenance à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et financement du terrorisme. Depuis l’invasion américaine en Irak, en mars 2003, toutes les bases ont été fermées.

 

3 – Imams Chargés de l’Organisation de la Prière du Vendredi

À la différence des traditions sunnites en Islam dont les adhérents prati­quent régulièrement la prière du vendredi, les autorités religieuses chiites n’avaient pas cessé d’en débattre le bien-fondé doctrinal dans le contexte de l’absence de « l’Imam Zaman » (le douzième imam duodécimal iranien dont le retour représente la venue du Messie) jusqu’ à la révolution iranienne et quelque uns d’entre eux n’y furent pas favorables. Khomeyni ne fait aucune référence quant au dogme chiite du « TozihohlMasel ». Mais, dès le début de la révolution de février, l’organisation de ce rite fut ardemment encouragée par « l’Imam » et la désignation de l’imam chargé de son organisation fut considéré comme un privilège du guide de la révolution islamique. Ainsi, le cercle d’aymé jomé (imams organisant les prières du vendredi partout dans le pays) fut établi au sein du bureau de Khomeiny. Il demeura un département dudit bureau dont la principale fonction fut celle de faciliter la subordination de la stratégie com-municationnelle d’aymé jomé aux exigences de la politique conçue par l’instan­ce dirigeante de la révolution islamique, autrement dit, « l’Imam Khomeiny ».

 

Étant donné l’usage communicationnel et politique efficace qu’en fit le califat dans l’histoire de l’islam classique, on ne pourrait s’étonner de ce que cette pratique religieuse devînt le moyen de constitution d’un réseau de com­munication et de gestion des problèmes politiques du pays au service du guide de la révolution islamique Les différents discours qui y furent présentés servaient à préconiser la mise en pratique de la politique du guide suprême de la révolu­tion islamique. Même le choix du lieu de l’organisation de cette prière devint l’objet et l’enjeu d’une politique particulière de « l’Imam Khomeiny » qui décida de l’organiser sur le campus de l’université de Téhéran (au lieu de la tradition­nelle « Mosquée du Chah » au coeur du Bazar du Téhéran ou dans le quartier de « Mahsali Yé » en dehors de la capitale) afin de régler définitivement le pro­blème du rapport entre le clergé et les étudiants et les universitaires. Le premier Imam Jomé de Téhéran fut l’Ayatollah Taleghani et après sa mort, Khomeyni désigna l’Hodjatoleslam Khamenei comme son successeur. Il faut souligner le fait que ces imams jouissaient de considérables pouvoirs institutionnels en tant que représentants du jurisconsulte et guide suprême de la révolution « Vali Faqih » dans différentes régions du pays. Ambitieux et socialement influents, ces imams jouent un rôle politico-économique significatif et les autorités gouverne­mentales des différentes régions du pays se voyaient souvent contraintes à prendre en compte leurs appréciations et suivre leurs instructions. Afin de mettre en relief l’importance de cette fonction, il suffisait de constater que même après son élection à l’office du guide suprême de la révolution islamique, l’Ayatollah Khamenei garda ce poste même si des imams temporaires, souvent des personnalités de haute volée du régime, remplissaient cette fonction à sa place. Etant donné le sensible rôle politique local et régional qu’ils jouaient dans le maintien du système issu de la révolution, il n’était pas étonnant d’apprendre qu’ils ont souvent été en danger mortel (au sens physique du terme). Ainsi, l’Ayatollah Madani, le premier imam jomé et représentant de Khomeiny (qui obtint son titre du « Martyre Mehrab »/ « Shahid Mehrab » (Martyre de la Chaire) dans la réalisation de la mission que lui avait été confiée par « l’Imam Khomeiny » à Tabriz, l’Ayatollah Dastgheb(le deuxième imam jomé de Tabriz et « Shahid Mehrab »), l’Ayatollah Ashrafi Esfahani(l’imam jomé et député de Kirmanshah, troisième « Shahid Mehrab ») et l’Ayatollah Sadoghi Yazdi (le qua­trième « Shahid Mehrab ») furent tous assassinés. L’Ayatollah Sadoghi Yazdi fut même impliqué dans le trafic illicite de diverses marchandises au moment de la grève générale révolutionnaire en percevant « la part de l’Imam Khomeiny ». Ces opérations enrichissantes le mirent au contact avec toutes les couches sociales et professionnelles de la région de Yazd. Après sa mort, son fils Mehdi Sadoghi fut désigné comme le représentant de « l’Imam Khomeiny » et investi des pou­voirs jadis exercés par son père. Il est évident qu’aucune analyse adéquate de la structure du régime du jurisconsulte et gardien suprême du dogme chiite, autrement dit, le célèbre « Velayat Faqih », ne pouvait négliger le rôle d’imams chargés de l’organisation de la prière de vendredi qui astreignent considérable­ment la liberté d’action de la marge de manoeuvre du clergé indépendant dans leurs fiefs respectifs.

 

4 – Le Mouvement pour la Libération d’Iran MLI

L’historique du Mouvement pour la Libération d’Iran est étroitement lié aux destins des trois personnalités religieuses et politiques que sont Mehdi Bazargan, l’Ayatollah Taleghani et Yadollah Sahabi. Après l’achèvement de ses études en France, Bazargan (qui fut étudiant en orientation religieuse) commen­ça à enseigner à l’Université Technique de Téhéran et consacra son temps libre à l’étude de la théologie islamique et à la publication et diffusion des livres et textes qui traitaient des questions relatives à la religion et à la théologie isla­miques. Dans une période où la plupart des enseignants de la faculté de l’Université Technique étaient attirés par la vision politique du Parti Toudeh (Communiste), la présence du Mehdi Bazargan au sein de la faculté représenta un facteur politiquement positif pour la hiérarchie universitaire dont il put grim­per les échelons jusqu’à en devenir le président. Ce qui lui permit de favoriser la création d’un contexte propice à l’endoctrinement religieux des étudiants de cette université. Lorsque le Mouvement National d’Iran fut crée par Mohamad Mossadegh en 1951, Bazargan le rallia et participa aux processus de nationali­sation de l’industrie pétrolière iranienne au Khûzistân. Après le coup d’état de 1953, Bazargan, l’Ayatollah Zanjani, Yadollah Sahabi, Ganji, Hejazi organisèrent le Mouvement National de la Résistance Iranienne et l’Ayatollah Taleghani (qui entreprit, une critique radicale et courageuse des conséquence politiques du coup d’état dans sa mosquée « Hedayat » (à Téhéran) leur prêta son concours. Des comités du mouvement furent efficacement organisés à Téhéran et dans d’autres villes iraniennes et le MNRI se lança dans la création d’associations isla­miques de solidarité et de coopération afin de faciliter les réunions de ses adhé­rents tout en se rapprochant d’autorités religieuses et théologiques du pays (« Mahafal Mazhabi et Marajeh »). Afin de marquer le quarantième jour du décès de l’Ayatollah Burujerdi en 1960, l’Association Islamique de l’Université

 

de Téhéran entreprit une marche commune d’étudiants de l’université et d’ins­titutions d’enseignement supérieur islamique (Tolabs) à Qom et marqua ainsi le début de l’union de ces institutions avec les milieux universitaires. Signalons aussi que le Mouvement pour la Libération d’Iran (MLI) naquit en1961 des rap­ports étroits que Bazargan entretenait avec les membres du clergé chiite.

 

Le contexte sociopolitique iranien en1959 et les transformations interna­tionales à la fin des années 1950 encouragèrent une renaissance des activités politiques du Mouvement National de Résistance et dès 1960, le Deuxième Front National (créé la même année) se lança ouvertement dans la poursuite des ses objectifs politiques, à savoir, l’organisation d’élections parlementaires libres et le maintien d’une présence active à l’Assemblée nationale iranienne. Toutefois, des divergences entre diverses factions du Front apparurent dès sa création et ce fut finalement la tendance dominante des milieux universitaires qui s’empara de la direction du Front (à laquelle Bazargan fut affilié malgré des divergences intellectuelles).

 

La mouvance religieuse du Mouvement National MLI vit le jour le 5 avril 1961 à la résidence de l’Ayatollah Firozabadi et en informa Mossadegh qui vivait en résidence surveillée à Ahmadabad près du Téhéran. Le premier bulle­tin d’information de MLI datant du 15 avril faisait référence à l’Ayatollah Taleghani, Bazargan, Yadollah Sahabi, Mansur Ataiy, Hassan Nazieh, Rahim Ataiy et Abas Samiyi en tant que fondateurs de l’organisation qui reçu le sou­tien public de l’Ayatollah Zanjani. Dans son programme, il insistait sur la néces­sité d’une union des gouvernements musulmans. La principale divergence entre MLI et Le Front National consistait en l’affirmation par MLI de la nécessité de l’intervention du clergé chiite dans les affaires politiques du pays et la création de liens étroits liant les sphères religieuses et politiques.

 

L’activisme du clergé et la remarquable extension de son influence des associations de solidarité et de coopération islamique dans le contexte politique hautement répressif des années de l’après-coup d’état de 1953 attira l’atten­tion de Ali Amini et son conseiller politique, Arsanjani qui, dans un entretien à la presse de l’époque, proposa la transformation de la ville sainte de Qom en un Vatican du chiisme. Amini lui-même alla jusqu’à créer un portefeuille de secré­taire d’État aux affaires religieuses dans son gouvernement. Mohamad Ali Rajai (2ème Président de la République) et Chamran commencèrent leurs carrières politiques au sein du MLI (Chamran étant déjà actif au sein du Mouvement National de la Résistance Iranienne). On ne peut pas dater de façon précise le début des rapports de collaboration politique entre l’Ayatollah Khomeyni et Bazargan. Toujours est-il que la publication d’un livre en 1962, qui eut pour sujet le crucial thème théologique chiite de « Ijtihad »20 auquel avaient contribué, entre autres, l’Ayatollah Morteza Motahari, Bazargan et l’Ayatollah Tabatabai à l’occasion du décès de l’Ayatollah Burujerdi, reflétait la proximité de Bazargan et de l’entourage de « l’Imam ». Il est raisonnable de croire que, les liens de l’Ayatollah Taleghani avec les Fedayins de l’Islam, le furent par l’intermédiaire de Mehdi Bazargan.

 

Il est certain aussi que des étudiants affiliés au MLI furent impliqués dans les événements de 5 Juin 1963 et que leur tentative d’extension des manifesta­tions de protestation au campus de l’Université de Téhéran échoua à cause de l’opposition d’étudiants partisans du Front National. Il ne faut pas oublier que l’opposition ouverte de l’Ayatollah Khomeyni au Chah d’Iran attira des intellec­tuels comme Jalal Alahmad à Qom. En hiver 1962, Peyman du Parti du Peuple Iranien proposa au Yadollah Sahabi la création d’un Front Islamique qui com­prendrait son parti, MLI et des représentants du clergé chiite. Le 24 Janvier, 1963, l’Ayatollah Taleghani, Bazargan, Sahabi furent arrêtés à cause de leur opposition aux réformes conçues par le Chah. Dans les communiqués publiés par « Le Comité d’Etudiants du Mouvement pour la Libération d’Iran » exprimant leur soutien au mouvement des leaders provinciaux opposés aux réformes agraires du Chah, on pouvait lire : « Malgré les terribles massacres commis dans le Sud du pays, vous ne devriez pas laisser les néo-colonialistes jouer avec votre religion, indépendance et personnalités comme elles fussent des jouets entre leurs mains. » Au milieu de l’année 1963, l’Union des Conseils Islamiques pro­posa au MLI sa collaboration dans le cadre de réunions régulières. Le MLI en profita pour diffuser ses communiqués car l’Union des Conseils Islamiques avait beaucoup d’influence au sein des syndicats d’ouvriers d’édition. Après l’échec du mouvement de contestation de 5 Juin 1963 à Téhéran, quelques uns parmi ses cadres actifs du MLI furent arrêtés. Ce fut pendant leur incarcération que Hanif Nejad et Said Mohsen conclurent à la nécessité de dépasser le cadre orga-nisationnel. Le fruit de cette analyse fut la création du premier noyau de ce qui allait devenir le « Moudjahiddines Khalq Iran  » dont la stratégie de lutte armée contre le régime impérial l’amena à se séparer effectivement du MLI dès 1965.

 

En 1963, les détenus du MLI furent traduits devant un tribunal militaire qui condamna Bazargan et l’Ayatollah Taleghani à dix ans de prison et Sahabi à quatre ; d’autres membres de l’organisation écopèrent de six années d’emprison­nement. (IbrahimYazdi, Sadegh Ghotbzadej, et Mostafa Chamran quittèrent le pays en 1962). En 1967, après avoir bénéficié de l’amnistie royale, Bazargan fut libéré et pendant dix ans le MLI n’eut pas d’activités particulières. Néanmoins, durant cette même période, des programmes de base de MLI dans les domaines de l’éducation et de la propagande ainsi que celui d’organisation interne du mouvement furent mis en oeuvre. La fondation « Hossniyeh Ershad » fut créée en 1967 avec le soutien financier du Bazar de Téhéran (dont les fondateurs furent Mahmad Homayoun, Naser Minachi et Abdolhossein Aliabadi) et son siège res­sembla à celui d’une fondation culturelle moderne d’orientation religieuse dont la principale fonction était la diffusion du savoir et de la propagande islamique.

 

5 – L’Association Iranienne de Défense de la Liberté et des Droits de l’Homme (AIDH)

En mars 1978 le MLI créa l’Association Iranienne de Défense de la Liberté et des Droits de l’Homme (AIDH). Certains parmi les fondateurs et membres importants de MLI jouèrent un rôle déterminant dans la naissance de cette asso­ciation. Bazargan, Ali Asghar Haj Seyed Javadi, Naser Minachian, Karim Sanjabi, Ahmad Sadre Haj Seyed Javadi, Karim Lahiji, Hassan Nazieh, Nour Ali Tabandeh, Assadollah Mobasheri, Seyed Abolfazel Mussavi Zanjani, Shams Alahmad, Habibollah Peyman, Khalilolah Rezai, .Kazem Sâmi,Yadollah Sahab,Hashem Sabaghyan, Seyed Ahmad Madani, Rahmatollah Moghadam Maragheî, Manoutcheh Hezar Khani, Ebrahim Younesi signèrent la première déclaration publique de cette association. Sept parmi les neuf membres fondateurs siégèrent au conseil exécutif de l’association. Bazargan, Haj Seyed Javadi et Minachian furent respectivement président, vice-président et trésorier de l’association AIDH qui s’affilia à l’Association Internationale de Défense des Droits de l’Homme. En août 1977, Mafteh, l’imam de la mosquée de Khoba au nord de Téhéran, orga­nisa la prière de l’Aïd el-Fitr (fête de fin du mois du Ramadan) à Ghaytariah et Bazargan, Tavanian Farde, Sâmi, Tavassoli, Peyman, Hojati Kirmani, Sahabi et Sheikh Ali Tehrani y prononcèrent des discours tandis que l’Ayatollah Mussavi Zanjani assura la direction de la prière. Cette cérémonie mit en relief le début de l’unité et de la concertation entre les formations politico-religieuses, proches de l’Ayatollah Khomeyni et de l’Union des Conseils islamiques. Suite aux massacres commis dans le quartier Jaleh de Téhéran par l’administration militaire de la ville, l’AIDH publia et envoya des communiqués aux associations et autorités interna­tionales compétentes. Une fois encore, cette unité se manifesta à l’occasion d’une cérémonie marquant le quarantième jour du décès du Haji Agha Seyed Mustapha Khomeyni (fils de l’Ayatollah Khomeiny) en novembre 1977 dont les organisateurs furent l’Ayatollah Motahari et l’Ayatollah Mahdavi Kani. L’invitation de l’Empereur, publiée par des intellectuels nationalistes qui y souli­gnèrent la nécessité du respect par le Chah des droits de la nation et des liber­tés politiques, la mise en application de la constitution, la libération des prison­niers politiques, le retour des exilés politiques, l’abolition du Parti Unique de la Renaissance Nationale (Rastakhiz), la dissolution des deux chambres du parle­ment et le démantèlement d’organismes de répression politique crées par les ser­vices de sécurité du régime, furent exigés. À partir de 1977, il y eut une montée progressive des activités politiques et publicitaires du MLI dont le résultat fut la coopération croissante entre le clergé, les islamistes, et les intellectuels qui rap­portèrent de l’étranger des renseignements sur les activités et manifestations d’opposition au régime impérial. En mars 1978, suite à des attentats aux domi­ciles de cinq membres fondateurs de l’AIDH, Butler, représentant de la branche américaine de l’organisation de défense des Droits de l’homme, fut envoyé à Téhéran. En mai 1978, le Front National/Islamique fut créé auquel l’Association des Religieux Combattants refusa d’adhérer car, selon son porte-parole, l’Hojatolislam Falsafi, « nos hésitations et nos doutes s’expliquent par votre allé­geance à Mossadegh et votre refus de vous soumettre de façon inconditionnel­le à Monsieur Khomeyni ». Pour commémorer les événements de 5 Juin 1963, à l’instigation des Religieux Combattants et conformément au message de l’Ayatollah Khomeiny, une journée de deuil fut organisée dans tout le pays.

 

En réaction au gouvernement de la « Réconciliation Nationale » de Sharif Emami dont la constitution signifia le recul du régime face au mouvement de protestation populaire, l’Ayatollah Khomeyni déclara : « Poursuivez la lutte jusqu’ au renversement du régime répressif et brutal », « prouvez votre non-appartenan­ce au régime ». Ces déclarations furent destinées au MLI. Le 28 Août 1978, sui­vant la déclaration de l’Ayatollah Khomeyni qui exigea le départ du Chah, le MLI publia son communiqué intitulé « Le Chah doit Partir » dans lequel il est précisé que « vu que les méthodes absolutistes et autocratiques de Sa Majesté ont amené le pays à l’impasse actuelle, il lui convient de se rendre à l’évidence de la réalité politique amère qui exige son abdication et son départ qui sans doute faci­literont la sortie du pays de la crise d’aujourd’hui et permettront à la nation de reconquérir progressivement lesdits droits de façon organisée. »

 

En 1978, la deuxième prière de l’Aïd el-Fitr fut organisée à la mosquée de Khoba sous la direction de Mofateh qui mit en relief à la fois l’union des forces islamistes et la préparation des partisans de l’Ayatollah Khomeyni à s’emparer de la direction du mouvement révolutionnaire. Cette prière fut l’occasion de l’organisation d’une manifestation sans précédent au centre de la capitale. Le 8 septembre, les forces armées tirèrent sur les manifestants menés par l’Ayatollah Sheikh Yahiy Nouri. Après la chute du gouvernement de Sharif Emami le 5 novembre, le Chah demanda au général Azhari de former son cabi­net militaire. En décembre, conformément aux ordres de l’Ayatollah Khomeiny, l’Ayatollah Motahari créa secrètement le Conseil de la Révolution.

 

Début des Grèves Générales : Contestation sociale et désobéissance civile

Le MLI avait déjà conseillé aux fonctionnaires d’État d’arrêter de travailler pour le régime. « C’est à vous maintenant, les fonctionnaires », un appel qui avait déjà été diffusé en juin et en septembre de cette même année. Le 29 mai 1978, d’autres consignes furent lancées par l’Association Musulmane des Etudiants Combattants et l’Association des Commerçants. Ces appels, qui étaient un reflet du travail organisé du même état-major uni et responsable de la coordination des activités révolutionnaires et contestataires, ouvrirent la voie à la grève générale dont la première manifestation fut organisée au ministère de l’éducation nationale. Ensuite, d’autres mouvements de contestation syndi­cale s’étendirent à tous les secteurs21.

 

1 – L’Installation de l’Ayatollah Khomeyni à Paris

Le 5 octobre 1978 Yazdi accompagna l’Ayatollah Khomeyni et les membres de son entourage de Koweït à Paris où Bani Sadr et Ghotbzadeh l’at­tendaient. L’arrivée de Khomeyni en France attira des médias du monde entier et une foule de journalistes l’interviewèrent en région parisienne. Ces entretiens furent organisés quotidiennement et pilotés par Yazdi et Ghotbzadeh. Des asso­ciations islamiques d’étudiants commencèrent à se lancer de façon frénétique dans leurs activités de propagande en Europe et aux États-Unis. En décembre, une délégation présidée par Bazargan (dont faisaient partie l’Hojatolislam Rafsanjani et Katiriai) fut envoyée au sud du pays afin de superviser le déroule­ment des grèves dans le secteur pétrolier et une délégation présidée par Yadollah Sahabi fut chargée de veiller au fonctionnement des douanes. Ces délégations avaient pour fonction de tester la capacité gestionnaire des forces révolutionnaires. Toujours en décembre, une rencontre secrète fut organisée entre Mehdi Bazargan, l’Ayatollah Mussavi Ardibili (membre du Conseil de la Révolution) et l’ambassadeur des États-Unis à Téhéran. Puis d’autres rencontres avec les représentants des pays étrangers furent organisées afin d’obtenir leur approbation du projet de l’organisation d’un référendum. Le 4 février 1979, Khomeyni qui était rentré en Iran après un exil de 14 ans, chargea Bazargan de la formation d’un gouvernement provisoire qui avait pour but aussi d’obtenir la démission du gouvernement de Bakhtiar, nommé par le Chah en décembre 1978, et l’abdication du Chah qui avait quitté le pays le 16 janvier, mais cette idée fut sabordée par l’entourage de Khomeyni qui y était hostile. Le 10 février, un communiqué du conseil suprême de la défense nationale adressé aux effec­tifs et commandants de l’armée précisa la solidarité de celle-ci avec la nation. Le 30 mars, le référendum constitutionnel dont l’enjeu était le choix entre la monarchie et une république islamique fut organisé et 98% des participants approuvèrent la création de la république islamique. Avec la collaboration du Conseil de la Révolution et après avoir obtenu l’aval de l’Ayatollah Khomeyni et autres membres de l’ouléma (clergé chiite en Iran), le gouvernement provisoire compléta la tâche de la rédaction d’une esquisse provisoire de la constitution de la future république commencé à Paris. Lorsque le groupe d’experts chargés de la rédaction et de la surveillance de l’application de la nouvelle constitution (Majlis Khobreghan) présenta son texte, il ne contenait pas de référence au concept de « Velayat Faqih », autrement dit, la suprématie institutionnelle du jurisconsulte religieux en l’absence du douzième Imam du chiisme duodécimal iranien, « l’Imam Zaman ». Après la démission du Sanjabi, le secrétaire général du Front National, du poste du Ministre des Affaires Etrangères, ce fut Yazdi qui en assuma le portefeuille. En mai 79, les gauchistes de « Fedayin Khalq » essayè­rent d’occuper l’ambassade des États-Unis mais l’envoi des Gardiens de la Révolution par Yazdi les en empêcha et après une échauffourée qui dura quelques heures, les « Fedayins » furent dispersés.

 

Le 5 novembre, les « étudiants de la ligne de l’Imam » envahirent l’ambas­sade des États-Unis sans coup férir. Cette occupation fut interprétée comme étant une tentative des alliés religieux de l’Imam visant à écarter du pouvoir ses amis laïques. Les alliés religieux de Khomeyni avaient essayé de s’emparer des instruments du pouvoir avant même le référendum de mars 1979, tout en infil­trant le gouvernement. Les principaux alliés extra-gouvernementaux pour la réalisation de leurs projets politiques furent les comités révolutionnaires. L’occupation de l’ambassade des États-Unis représentait la dernière expression de leur volonté de pouvoir. Au moment de l’extension sur le site, le gouverne­ment provisoire avait depuis deux semaines présenté un ultimatum au Conseil de la Révolution en raison de la multiplication d’instances décisionnaires dans le pays et décida au cours du conseil des ministres du 4 novembre de présenter sa démission au Conseil. Les actions des comités révolutionnaires dirigés par l’Ayatollah Mahdavi Kani, les jugements et les méthodes employés par les juges religieux ainsi que les tribunaux révolutionnaires furent l’objet de protestations du gouvernement provisoire. Au demeurant, il y eut un désaccord entre le MLI et « l’Imam » concernant l’insistance de ce dernier sur la mise en application d’une armée de l’Islam et des jugements des tribunaux islamiques dans le pays, considérée par Khomeyni comme étant la principale fonction du gouverne­ment. Ayant été baptisée la « Deuxième Révolution Islamique » par Khomeyni, l’occupation de l’ambassade des États-Unis reçut le soutien de l’ayatollah Beheshti, vice-président du « Khobreghan » et chargé de la ratification de la nou­velle constitution, en séance plénière de ladite Assemblée.

 

Au déclenchement médiatique qui suivit cette affaire, Abbas Amir Entezam, vice-premier ministre et porte-parole du gouvernement provisoire qui était dési­gné comme l’ambassadeur iranien en Suède, fut accusé d’espionnage pour les États-Unis et incarcéré. Pour le MLI, la fin de l’année 1980 représenta le début de l’installation ouverte du monopole du pouvoir au travers du Parti de la République Islamique qui entra en conflit avec le MLI et ses collaborateurs dans tout le pays.

 

La récupération politico-idéologique de la conception traditionnelle et scolastique de la diffusion des connaissances islamiques au sein des écoles reli­gieuses les « Maktabs », la primauté de la religion par rapport à l’idée de la nation et de la patrie et « l’exportation de la révolution » devinrent les thèmes du com­bat culturel mené par le Parti de la République Islamique. Ainsi, le quotidien « République islamique » rapporta des remarques de Beheshti qui précisa que « dans une société dominée par les « Maktabs » où toutes les instances diri­geantes du système politique émanent de l’Imam, le premier critère à respecter dans le choix des candidats aux différents postes de responsabilité est leur allé­geance aux préceptes islamiques et le deuxième est celui de leurs compétences ou spécialités professionnelles ».

 

Ali Khamenei souligna aussi lors d’une prière du vendredi qu’ « Il y a ceux qui, tout en étant musulmans et après avoir participé à la révolution islamique, pensent qu’il n’est pas possible à une époque comme la nôtre de prendre au pied de la lettre et exécuter les jugements et les sanctions, tels qu’ils sont envi­sagés par la loi islamique « Chari’a », émis par les juges religieux, mais nous, au contraire, voulons précisément cela, c’est-à-dire, la conformité de tout juge­ment aux préceptes de la jurisprudence islamique « eyne Maktab amal shavad ». Le 9 septembre Rajai dit : » qui ne croit pas à la direction de l’Imam de la nation musulmane « Imam Ouma » ne peut pas jouer le rôle du formateur idéologique de cette révolution ».

 

Ce fut finalement « L’Imam » lui-même qui précisa que « quconque se moque de ‘Maktabs’ se moque de l’Islam et même s’il est croyant, il est men­talement un apostat dont les enfants ne lui appartiennent pas légitimement et auxquels il faut donner tous ses biens tout en le condamnant à mort ».

 

2 – L’Annonce de la Révolution Culturelle : le Mimétisme culturel

La révolution culturelle fut une imitation de l’exemple chinois et entreprit par les associations et organisations islamiques ainsi que les « étudiants de la ligne de l’Imam » à partir de 22 avril 1980, et elle mena à la fermeture des uni­versités pendant plus de deux ans. Avec le soutien de l’Imam, les universités, bastions de l’agitation révolutionnaire et dominés par les « étudiants d’avant-garde » affiliés aux gauchistes des Fedayins Khalq, tandis que les marches orga­nisées conjointement par le Conseil de la Révolution, les comités révolution­naires et le gouvernement aboutirent à la chute du président Bani Sadr. La cam­pagne dura quelques jours et se termina après la mort de quelques étudiants. Le 21 avril, avec la complicité de certains membres du Conseil de la révolution, des associations d’étudiants affiliés au parti de la République Islamique occupè­rent les universités. Le lendemain, ils déclarèrent le début d’une révolution cul­turelle et la création du bureau de la consolidation de l’unité d’étudiants univer­sitaires et étudiants d’instituts islamiques de Qom. Le 13 mai, l’Imam leur envoya un message du soutien dans lequel fut souligné la nécessité de cette

 

révolution et désigna Bahonar, Amlashi, Habibi, Souroush, Shams Alahmad, Farsi et Shariyatmadari comme responsables de la création de l’état-major de la révolution culturelle et les universités fermèrent. En juin et juillet 1981, les sièges du Front National, le Parti de la Nation, Jama et celui des partisans du président Bani Sadr furent saccagés par des hommes armés qui avaient le soutien et agis­saient conformément aux ordres des instances gouvernementales. Les publica­tions et organes de toutes ces organisations furent interdits. En 1983, le sacca­ge du siège du MLI fut exécuté et son organe, « Mizan » fut interdit. Lorsque Chamran fut désigné par le gouvernement comme membre du triumvirat char­gé de la direction des Gardiens de la Révolution, il refusa d’y siéger car, selon lui, cet organisme était « le bras armé du parti de la république islamique ».

 

3 – Principales Divergences entre l’Ayatollah Khomeyni et Mehdi Bazargan

  • Concernant l’Ayatollah Shariatmadari :

Bazargan fut un disciple et imitateur « Moqaled » de l’Ayatollah Shariatmadari. Après sa libération en 1963, il alla à Qom et participa aux activi­tés de la fondation islamique de propagande dirigée par celui-ci. En mars1987, lorsqu’il exprima ses condoléances à l’occasion du décès de Shariatmadari à l’Ayatollah Marashi, Bazargan mentionna le procès et la destitution de celui-ci et ajouta  » Il aurait fallu suivre la tradition islamique dans l’examen des accusa­tions portées contre lui et dans le cadre d’un procès ouvert où des oulémas et des docteurs compétents en sciences religieuses auraient dû participer au lieu de priver l’accusé de tout droit de réponse(surtout dans les médias) et verser dans le sensationnalisme publicitaire. Comme ça, on aurait pu mieux com­prendre la vérité et juger l’accusé plus équitablement. »

  • Le gradualisme stratégique de MLI prôné par Bazargan était aux anti­podes de la rapidité tranchante et agressive avec laquelle Khomeyni voulait atteindre ses objectifs politiques. Même quand il avait besoin de l’intervention régulatrice du MLI et Bazargan, il ne se priva jamais d’une occasion pour les cri­tiquer sévèrement et publiquement. Après la perte du pouvoir, le MLI entra dans une phase d’isolement politique et fut exclu du cercle fermé des détenteurs du pouvoir jusqu’à son adhésion au camp des « réformistes » au moment des élec­tions présidentielles de 1997, c’est-à-dire, bien après la mort de Bazargan. Mais ses tentatives successives de pénétration dans le cercle du pouvoir furent rejetées

 

par les éléments de ce cercle. Plus précisément, la branche judiciaire du régime ainsi que les Gardiens de la Révolution les ont sans cesse accusé d’avoir porté atteinte à la sûreté nationale et les ont traduits devant les tribunaux spéciaux et secrets qui leur imposa souvent la peine de la réclusion individuelle. Après la dis­parition de Bazargan, Ibrahim Yazdi fut élu secrétaire général et chef du MLI.

 

La République islamique, vingt six ans après

Pour la première fois depuis la révolution islamique, les Iraniens ont élu leur président au deuxième tour du scrutin. Le 24 juin 2005, le maire de Téhéran Mahmoud Ahmadinejad, candidat privilégié au deuxième tour, s’oppo­sait à l’ancien président de la République Akbar Hachemi Rafsandjani. Les résul­tats du premier tour laissaient Rafsandjani favorable, qui atteignit légèrement en tête avec 21,10 % des 28,85 millions de suffrages exprimés (soit 62 % de participation). Ahmadinejad obtient 19,3 % des voix, devant le réformiste Mehdi Karroubi, avec 17,5 %. La percée politique du Maire de Téhéran s’ex­plique, désormais, par la caractérisation permanente de son nouveau mouve­ment politique, appelé Les Développeurs de l’Iran Islamique « Abadgaran » « Developersof IslamicIran ». La campagne électorale menée par sept candidats, laissait présager l’élection du candidat qui s’inscrivait dans l’ouverture politique élaborée par le président sortant Khatami. Néanmoins et malgré la divergence dans les programmes des sept candidats, le paradoxe est qu’ils sont unanime­ment d’accord et favorables à deux éléments qui les soudent malgré leur diver­gence. Ils sont consensuels sur la sauvegarde et le maintien des valeurs isla­miques issues de la révolution, et la poursuite des activités nucléaires. Ces deux éléments ne demeurent pas le seul point commun constituant le consensus politique iranien, le paradoxe dans ce système est que tous les candidats appar­tiennent au même système, malgré la différence de leur orientation politique, le président n’est qu’une imposture politique au service du Guide suprême de la révolution. L’opposition interne iranienne est-elle réellement représentative des aspirations des différentes fractions du peuple iranien ou seulement une force politique au service du Guide ? Néanmoins, le pouvoir du Guide demeu­re le maître de la nation et seul acteur légitime dans les principes théocratiques et idéologiques du système politique iranien. Il choisit les candidats, et veut faire voter massivement, ce qui légitime le candidat aux yeux de la population ira­nienne et ceux de la communauté internationale. Cette particularité de déjouer l’électorat au profit des organisations étatiques par la participation massive est la légitimité même du pouvoir et de sa démocratie islamique qu’il prône depuis 26 ans.

 

Avant d’être une organisation, le parti est une instance de médiation entre la société et l’État ; le jugement sur la nature oligarchique du parti ne peut être appliqué sans réserve à l’ensemble du système politique, la représentation n’est pas la négation de la démocratie. Isoler des organisations, dénouer des liens de la représentation, engagent toujours une réflexion sur la nature et le fonctionnement du régime politique.

 

A contrario, la crise dont souffrent indistinctement tous les partis politique d’être dans le système et l’impossibilité de se défaire, représente un obstacle majeur à toute aspiration démocratique en Iran.

 

L’opinion reproche confusément aux organisations politiques ce rôle de subterfuge au Guide, ce qui confisque toute initiative politique au bénéfice de l’appareil d’État. L’aspiration à la spontanéité, l’appel aux masses, le procès de la bureaucratie, la préférence donnée aux assemblées dites générales, l’engoue­ment par l’autogestion, sont autant de conséquences indirectes de l’accapare­ment par une oligarchie. L’inamovibilité des dirigeants est flagrante dans le sys­tème politique iranien, de nous même, choisissons, nous relayons, et conti­nuons de maintenir le système.

 

Les postes de responsabilités octroyées aux candidats présidentiels témoi­gnent de l’appartenance de ces derniers à un système dont les frontières sont définies et dont la sortie ne sera fera même pas par l’urne. Cependant, l’instan­ce de légitimation du processus électoral demeure rattachée au Guide, le Conseil des Gardiens, qui n’avait retenu les dossiers que de six candidats : l’an­cien président Akbar Hachémi Rafsandjani, réputé comme un conservateur pragmatique, quatre ultras tous anciens officiers de l’armée idéologique, et un religieux réformateur modéré quasiment voué à la défaite.

 

Ali Akbar Hachémi Rafsandjani, ancien président de la République isla­mique (1989-1997), nous éclaire cette imbrication des candidats que le systè­me choisit dans les différents postes stratégiques. Rafsandjani, a été nommé membre des instances les plus importantes de l’Iran islamique comme le Conseil de la révolution qui dirigea le pays avant la création des institutions politiques. Il s’installa alors dans le fauteuil de la présidence du Parlement et assuma le commandement suprême des forces armées après la destitution du premier président, Abolhassan Bani Sadr. Il fut confronté, notamment, à des querelles intestines, opposant radicaux et conservateurs, mais sa notoriété et sa fortune lui permettent d’avoir une image pragmatique. Candidat aux élections prési­dentielles, son échec lui permit d’avoir le poste du président du Conseil de dis­cernement. Pendant la campagne électorale, il estima que «la situation des droits de l’Homme en Iran est nettement meilleure qu’en Occident ou aux États-Unis». Pour sa campagne électorale, il engagea des publicitaires, des cinéastes et, surtout, des jeunes dans des spots publicitaires. Cette continuité sur la scène politique n’est pas propre à Rafsandjani, l’ensemble des candidats ont eu un rôle et continuent de l’avoir dans les institutions en conformité avec le principe de dévouement au Guide de la révolution et aux principes de verrouillage mis en place par Khomeyni.

 

La deuxième candidature est aussi révélatrice de cette imbrication de can­didatures issues du clan de Khomeyni, Mehdi Karoubi, fut président du Parlement (Madjlis- 1990-1992 et 2000-2004), il étudia la théologie dans l’éco­le de Khomeyni à Qom, il dirigea le comité de secours Imam Khomeyni, puis devint président de la Fondation des martyres. Proche du Guide, sa campagne électorale fut axée sur un principe qui alimenta la révolution islamique, celui d’aider les jeunes et de leur promettre une allocation de soutien. Néanmoins, il sensibilisa l’opinion publique par l’intérêt d’apprendre le kurde, une fois élu, ce qui laissait entrevoir un intérêt pour l’électorat des 08 millions de Kurdes ira­niens. Il est aujourd’hui membre du Conseil de discernement.

 

L’appartenance aux organisations étatiques iraniennes, joue un rôle pré­pondérant dans la validation d’une candidature, le cas de Mostapha Moïn, ancien ministre de l’Enseignement supérieur du gouvernement Rafsandjani puis de Khatami, ce médecin s’est formé à la politique pendant ses vingt années de membre du Conseil suprême de la révolution culturelle. Sans l’intervention du Guide pour légitimer sa candidature aux élections, il ne pouvait se présenter, car elle fut rejetée par le Conseil des Gardiens. Sa démission en 2003 de ses fonc­tions de ses ministres par opposition à la brutalité subie par les étudiants et les enseignants, pouvait l’exclure des institutions et voir sa carrière politique décli­née. Réformateur et partisan d’une démocratisation de la structure du pouvoir,

 

c’est-à-dire une restructuration du système politique. Il préconisa pendant la campagne, l’ouverture du dialogue avec les États-Unis, appelant ainsi à une détente et une normalisation Washington, ouvert aussi à des candidatures fémi­nines. Appuyé sur l’électorat jeune et en particulier sur les étudiant, mais ces derniers ne s’appuient plus sur les réformateurs qui ne peuvent plus se mobili­ser et soutenir un courant plus ouvert, qui remettrait en cause leur participation au système. Le risque est que les réformateurs ne peuvent en aucune manière réformer un système dont les règles de fonctionnement furent leurs logiques constructives de l’État islamique.

 

L’enjeu de ces élections était la mise en scène de la réforme comme stra­tégie de communication électorale, qui sensibiliserait la population contestatai­re du régime islamique, et un moyen de jouer une opposition aux conservateurs pragmatiques, notamment Rafsandjani qui était visé pendant la campagne élec­torale. En effet, la candidature de Mohammed Baqer Qalibaf, ancien chef des forces aérienne des Gardiens de la révolution et directeur de la police nationa­le. Grand défenseur d’une policiarisation de la société iranienne, sa campagne électorale fut axée sur le nucléaire, le transfert du pouvoir à l’élite et l’améliora­tion des conditions sociales des 20 millions d’Iraniens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Son image est restée attachée aux pratiques de la torture subies par des prisonniers soit pendant les interrogatoires ou dans les prisons. La politique sécuritariste de Qalibaf réapparut lors de ces élections, par sa pro­position et sa signature en 2003 d’un communiqué menaçant d’intervenir mili­tairement lors des manifestations des étudiants, il déclara « prendre le contrôle du pays en main si le président Khatami n’arrivait pas à mettre fin aux manifes­tations».

 

Le choix s’imposait aux candidats entre le soutien des détenteurs du pou­voir ou le soutien populaire, il fallait éviter leur interaction, car le paradoxe poli­tique est que le pouvoir est en réalité en crise avec la société civile et ses aspi­rations. Nous retrouvons ainsi le Conseiller du Guide de la révolution, Ali Larijani, membre du Conseil de discernement, représentant du Guide au Conseil suprême de la sécurité national, et directeur de la radio-télévision d’É­tat de 1984-1994 où il transforma ces moyens de communication au service des conservateurs du régime. Sa candidature fut un moyen de déstabiliser la campagne de Rafsandjani, pourtant Larijani fut son ministre de la Culture et de l’Orientation islamique. Larijani sortit de tout même vainqueur de ces élections, en obtenant le poste de Secrétaire général du Conseil suprême de la sécurité nationale.

 

D’autres candidats reflétaient la clanique du régime, le vice-président de la République, directeur de l’organisation sportive iranienne, Mohsen Mehralizadeh était aussi candidat, son ambition d’une nouvelle construction de l’Iran, dans son programme « la prospérité et le bien être », son attachement à la privatisation n’a pas eu d’écho dans la population. Son origine ethnique (azéri) a réduit ses chances d’être élu, de fait qu’il soit très peu connu des Iraniens.

 

Le retrait de Mohsen Rezaï, le 15 juin 2005 de la course à la présidentiel­le, laissait sous-entendre que la division au sein du camp conservateur, était impensable. Mohsen Rezaï était le chef des Gardiens de la révolution pendant seize années (1981-1997), estimant que l’ère des jeunes est venue, il mena le début de sa campagne sous le slogan « les anciens ont déjà fait leur preuve ». Sa candidature indépendante fut donc retirée et devient par la suite le Secrétaire général du Conseil de discernement.

 

Quel est le sens de ces élections, s’interrogeaient de nombreux observa­teurs quant à la libre confrontation politique entre les différents candidats, qui sont du même clan et au service des intérêts du même souverain « Guide ». la part excessive du jeu politique de ces élections demeure, néanmoins, rattaché à la grande surprise des résultats et l’élection du Maire de Téhéran, Mahmoud Ahmadinejad, appartenant à la faction dure des conservateurs, concevant la nation comme martyr voué à l’Imam et à l’Islam, cet ancien dirigeant de la bri­gade al-Qods ( une branche paramilitaire des Gardiens de la Révolution) connue pour ces assassinats politiques d’opposants à l’étranger. Virulent envers Israël dans ses discours officiels, son élection à la tête de la présidence répond au dua­lisme politique (-conservatisme- intégrisme) que connaît la société iranienne depuis la révolution. Ayant été encouragé par son élection, il prône depuis la mise en place du mouvement de bâtisseurs de l’Iran islamique pour œuvrer à la construction d’un véritable État islamique. Seule ambition du président actuel est de briser les mouvements réformistes naissants des aspirations d’une jeunes­se qui ne s’inscrit plus dans la martyropathie islamique.

 

Le progressisme ne s’inscrit toujours pas dans le système politique iranien, les tenants du pouvoirs s’opposent irréductiblement entre eux, entre le conserva­teur et l’ultra conservateur. L’absence de dualité issue du caractère pluriel de la société iranienne stagne devant l’inhibition du régime qui se concentre sur les élé­ments intra-gouvernementaux comme une entité gouvernementale ubiquiste.

 

La question de la représentativité en Iran est aujourd’hui incontestable, le régime est confronté à une amnésie populaire. L’absence d’une véritable oppo­sition, avec son programme politique basé sur les véritables aspirations du peuple, radicalise les moyens et les instruments que utilise le régime depuis plus de vingt années. Théoriquement, le système politique est un instrument de réduction des clivages, de transformation du multiple en Un par le consensus, et son rôle crucial est sa fonction de médiation et d’unité et non l’exclusion des gouvernés par les gouvernants. Le paradoxe, le clan du régime actuel se bat au nom du nationalisme et du particularisme religieux le plus vibrant, les politiques sont devenus des combattants qui ne peuvent plus quitter la zone de combat où les éléments étatiques leur servent de tactique de pression, marchandage et de complots, sous peine d’être éliminé par leurs alliés, ce qui éclaterait le clan et mettrait fin à l’atomisation du mouvement démocratique.

 

Ces dernières élections présidentielles ont porté au pouvoir le conserva­teur Mahmoud Ahmadinejad, issu d’une nouvelle alliance des mouvements et formations qui prônent la construction d’un Iran islamique, appelée Abad Garan22. Ce mouvement de construction continue bien que trois Présidents se sont succédés depuis la mort de Khomeyni, mais l’État iranien semble toujours en phase de rassembler les forces sociales et politiques autour de son projet d’une démocratie islamique qui demeure qu’une illusion. Théoriquement, toutes les sociétés ne se sont pas organisées en États « sociétés sans État » et l’État n’est pas partout le même. Il convient donc de s’attacher dans l’étude de l’État iranien aux singularités et aux irrégularités de l’organisation étatique.

 

Vingt six ans après le renversement du régime impérial du Chah Réza Pahlavi, le régime s’est approprié le voxpopuli en affirmant que le Guide de la révolution serait la stratégie de la nation. La combinaison des guerres de posi­tion et des guerres de mouvements, développer le khomeynisme comme héri­tage national, et destin du peuple iranien, sont aujourd’hui les éléments consti­tutifs de l’organisation étatique en Iran.

 

Devant le discours officiel manichéen, l’héritage khomeyniste se décèle à travers la victoire des damnés de la terre sur l’impérialisme et l’Occident, du bien contre le mal, de la liberté contre l’oppression et, de la lumière contre les ténèbres. Cela légitime la conformité du discours étatique avec le sacré, qui pose le fait religieux comme une pratique exprimant l’historicité et les contra­dictions de la société, présupposant que ce qui est premier, c’est l’homme social appréhendé à travers sa culture historique et sa psychologie (individuelle et col­lective) évolutive. N’allant pas jusqu’à affirmer que l’homme crée la norme sacrée, elle postule néanmoins qu’il l’interprète, qu’il l’utilise pour justifier sa propre vision du monde confortant ses intérêts. En un mot, le régime use de l’anthropologie religieuse comme usage social du symbole. La force du texte sacré est qu’il obéit à l’interprétation que font les hommes pour montrer le bien fondé de leurs visions idéologiques et pour invoquer la légitimité de leurs com­bats Le discours religieux est fortement présent dans toute la société avec des prétentions politiques, donnant légitimité à tout un chacun de se prononcer sur ce qui est bien ou mal, sur ce qui est juste ou ce qui ne l’est pas.

 

Les dignitaires du régime tiennent dans ce type de structure « théocratie » les positions vitales des organes de contrôle de la population et du pouvoir. Il s’agit d’un modèle dynamique articulant l’Islam comme langage et comme res­source politique toute faiblesse du caractère public de l’autorité et aux prédis­positions des populations à la soumission et à la révolte. Une continuité dans cette voie légitime la nécessité de renforcer les structures du contrôle et d’op­pression, complètement opposé à l’organisation étatique dans laquelle l’Iran s’est basée son système. Ceux qui occupent les positions clés dans la République ne bénéficient d’aucune légitimité démocratique, car ils ne sont jamais élus par le peuple, et pas exposés à la règle démocratique. Le président élu n’est jamais le dirigeant de la nation, toutes les institutions et le contrôle de l’appareil de l’État, du culte, des mœurs sont aux mains du Guide.

 

La segmentation de la société s’est amplifiée, l’économie est demeurée rentière et l’État privatisé, sert avant tout, les intérêts des structures monopolis­tiques et des différentes factions politico-religieuses, ce qui risque d’entraver l’autonomisation de la population assistée et d’amoindrir l’influence qu’elle peut exercer sur l’État. Confrontée au verrouillage du système politique et ani­mée par une volonté de participation sociale visant l’ensemble des citoyens (homme- femmes), communautés, etc. À ce projet de construire une société de justice sociale et un État de droit, fondement de la constitution iranienne.

 

Néanmoins, l’État en tant qu’organisation sociopolitique formant l’État-nation moderne en terme de progrès culturel, politique et économique pour une centralisation du pouvoir, ne correspond pas avec l’évolution de cette construction en Iran, qui fut imbriquée dans une dynamique sociopolitique, économique et religieuse afin d’absorber les tensions et demandes provenant de la société civile. Il serait judicieux de comprendre le fonctionnement du parallèle entre la périphérie de l’État et le développement des mobilisations périphériques à vocation national. L’État se retrouve alors dans le collimateur du centre et de la périphérie de cette dynamique sociopolitique. Une rupture de communication politique et sociale augmenterait les charges subversives et émotionnelles, d’autant plus que depuis la révolution, ce conflit s’articule autour de deux thèmes : le pouvoir et l’identité.

 

La logique des crises est la destruction du système d’ordre, ce qui renvoie au système des préjugés traditionnels, révoquant toute possibilité de rapproche­ment interne ce qui provoquera la logique de la violence et de son monopole, qui ne sera plus le domaine de l’État mais bien du peuple dont le seul guide invariable et constant sont les principes éternels du droit et de la justice.

 

* Ali Rastbeen est Président de l’Institut International d’Etudes Stratégiques – Paris

Note

  1. Estimation 2002.
  2. Le point de vue de l’école ousouli (fondamentaliste) défend, contre les akh-baris, le droit des oulamas et leur autorité légitime pour les affaires reli­ C’est au sein de l’école fondamentaliste que se développa la règle selon laquelle, en l’absence de l’imam, c’ est le plus instruit des oulama de la communauté qui doit être choisi comme modèle à imiter (mardjà’ al Taqlid), et donc investi de l’autorité suprême sur la communauté.
  3. L’école akhbari (traditionaliste) Les akhbaris rejetaient l’idjtihad et ne recon­naissaient que le Coran et la tradition du Prophète et des imams comme source du droit. Ils soutenaient que chacun doit s’efforcer de suivre l’Imam caché directement et non par l’intermédiaire d’un moudjtahid.
  1. Branche du chiisme, le Cheikhisme a été fondé par Cheikh Ahmad Ahsa (1753-1826). Le cheikhisme compte aujourd’hui encore quelques adeptes au sud de l’Iran et de l’Irak. Les cheikhi ne croient pas au dogme de la résur­rection des corps, ni à celui de l’occultation du douzième imam, ni en la réa­lité matérielle du voyage nocturne de Mahomet. De plus, Cheikh Ahmad était convaincu qu’il existait un monde intermédiaire entre le monde spiri­tuel et le monde matériel.
  2. Après la chute des Séfévides en 1722, la tendance ahkbari prédominera dans la vie religieuse iranienne, voyant de fait l’influence des ulémas. Très vite combattue par certains théologiens, cette tendance persistera malgré tout et jouera un rôle considérable auprès du théologien bahreïni Shaykh Ahmad al-Ahsa fondateur de l’école S’appuyant principalement sur une connaissance et une interprétation intuitive du Coran et des traditions, notamment par les rêves et les visions, al-Ahsai se démarque autant des écoles osûli et ahkbari. Acceptant la divinité des Imams et l’existence d’une porte (bab).
  3. Premier ministre de 1951 à 1953.
  4. Mohamed Bâqr al Sadr : »Notre philosophie »-Beyrouth 1969.
  5. Dans le domaine théologique, c’est l’idjtihàd (effort d’interprétation). Qui est interprété dans le domaine politique, par le pouvoir donné nominale­ment aux moudjtahid (théologiens habilités à pratiquer l’effort d’interpréta­tion). Il est illimité à partir du moment où le souverain reconnaît le chiisme comme religion officielle.
  6. Il est stipulé dans cet article :

 

  • – création d’un environnement favorable d’une part à la croissance des vertus morales basées dans la foi et la piété, de l’autre à la lutte contre toutes formes de vice et de corruption
  • – développement de la conscience publique dans tous les domaines, par l’utilisation correcte de la presse, des media de masse, et d’autres moyens
  • – enseignement et éducation physique gratuits pour tous à tous niveaux, associés à l’accessibilité améliorée et l’expansion de l’enseignement supé­rieur
  • – renforcement de l’esprit de recherche, d’initiative et d’innovation dans tous les domaines de la science, de la technologie et de la culture, ainsi que des études islamiques, par l’établissement de centres de recherches et par l’encouragement des chercheurs
  • – bannissement définitif de l’impérialisme ; neutralisation de l’influence extérieure
  • – suppression de toutes formes de despotisme, d’autocratie et de tentati­ve de monopoliser le pouvoir
  • – assurer les libertés sociales et politiques, dans le cadre de la loi
  • – participation de l’ensemble de la population, à la détermination de son destin culturel, social, économique et politique
  • – abolition de toute forme de discrimination indésirable ; création d’op­portunités équitables pour tous, dans les domaines matériels et intellectuels
  • – la mise en œuvre d’un système administratif raisonnable, dont suppres­sion de toute organisation gouvernementale superflue
  • – renforcement maximum des bases de la défense nationale, avec recours à l’entraînement militaire universel dans le but de sauvegarder l’in­dépendance, l’intégrité territoriale et l’ordre islamique du pays
  • – planification d’un système économique raisonnable et juste, conformé­ment aux critères islamiques, en vue d’établir le bien-être, d’éliminer la misère dont toute forme de privation alimentaire, d’habitation, de travail, de soins, et visant la provision d’assurance sociale pour tous
  • – aboutissement à l’autodétermination dans les domaines militaire, agri­cole, industriel, technologique et scientifique, et autres domaines similaires
  • – sécuriser les droits divers de tout citoyen, femme ou homme, et rendre accessible la protection légale pour tous basée dans l’égalité de tous les citoyens par-devant la loi
  • – expansion et le renforcement de fraternité islamique et de coopération publique impliquant tout citoyen
  • – encadrement de la politique extérieure du pays, sur la base de critères islamiques dont la responsabilité fraternelle envers tous les musulmans, et le soutien sans compter du mustad’afiin du monde.
  1. Président du Parlement iranien de 1989 à 1992, de 2000 à 2004, et candi­dat aux élections présidentielles de 2005

 

  1. Voir Farhad Khosrokhavar, le Modèle Bassidji, Culture &Conflits, N°29-30,
  2. p. 81.
  3. Officier supérieur du corps d’élite des gardiens de la révolution, avait décla­ré à un journal ultra proche du président Mahmoud Ahmadinejad que la nouvelle « Garnison des amoureux du martyre » (Gharargah-e Acheghan-e Chahadat en persan) recruterait des individus désireux de mener des opéra­tions suicides contre des cibles occidentales. Voir,iranfocus.com
  4. Premier Président de la République Islamique d’Iran 1980-1981.
  5. Président de la République Islamique de 1989 à 1997.
  6. publication de l’organisation « les positions de l’Organisation des Moudjahiddines de la Révolution islamique »
  7. Elles ont un aspect saisonnier et aléatoire, elles apparaissent au moment des é Ces associations sont les suivantes : l’Association des Voaz (l’as­sociation des orateurs) avec pour Secrétaire général hodjatoleslam Akrami, l’Association Islamique des Universitaires dont les membres les plus connus sont Abaspour, Djasbi, Hachémi Golpayégani, l’Association Islamique des Ouvriers, l’Association Islamique des corps de métiers et du bazar avec pour Secrétaire général Saïd Amani et le soutien financier de la droite, l’Association Islamique des enseignants de l’éducation nationale, l’Association Islamique des licenciés de la péninsule indienne.
  8. Ali Shariati, (décembre 1933-juin 1977) il se rallia en 1948 au Centre de la propagande des vérités islamiques et, en 1943, devint avec son père membre de « Néhzat-é Azadi-é Iran ». Dès 1952, date à laquelle il fut embauché par les services de l’éducation de Khorassan, il commença ses services pour la propagande de la culture religieuse et créa l’Association isla­mique des écoliers. En 1958, il sortit major de la promotion de la faculté des lettres de l’Université de Mashad. En 1959, bénéficiant d’une bourse publique, il se rendit en France où il se rallia de l’organisation de la libéra­tion de l’Algérie (FLN). Ali Shariati était un orateur éminent, un écrivain et un penseur forcené. Pendant un quart de siècle, avec une méthode nouvel­le, il milita pour la religion et la liberté et transféra cet enthousiasme aux générations qui lui succédèrent.
  9. Appelé MKO (Mujahiddin Khalq Iran), et aussi OMPI (Organisation des moudjahiddines du peuple iranien)

 

  1. – Le 30/10/1981, Mohamad Ali Rajai, président de la république, et celui du Bahonar, premier ministre

 

  • Le 5/09/1981, L’Ayatollah Ghadosi, procureur révolutionnaire, et Général de Brigade Dastjerdi, chef de la gendermerie nationale
  • Le 11/09/1981, l’Ayatollah Madani (« Shahid Mehrab »), représentant d’Imam à Tabriz et imam chargé d’organisation de la prière du vendredi à Tabriz
  • Le 29/09/1981, l’Hojatolislam Hashemi Nejad à Mashad
  • Le 11/11/1981, L’Ayatollah Dastgheb, représentant de « l’Imam » et imam chargé d’organisation de la prière du vendredi de Shiraz
  • Le 02/07/1982, L’Ayatollah Sadoghi, représentant de « l’Imam » et imam chargé d’organisation de la prière du vendredi puissant de Yazd joignit les rangs des Martyrs de Mehrab
  • Le 12/08/1982, trois pasdarans furent assassinés.
  • Le 15/10/1982, l’Ayatollah Ashrafi, représentant deTImam » et imam chargé d’organisation de la prière du vendredi de Kirmanshah devint le qua­trième « Shahid Mehrab » (martyre de la chaire)
  • Le 15/03/1985, l’explosion d’une bombe marqua la prière du vendredi à Téhéran
  1. Effort intellectuel visant à interpréter et à adapter le corpus des connais­sances religieuses islamiques aux exigences politiques et culturelles de l’époque contemporaine.
  2. 21/10/1978 : La grève des employés de l’industrie pétrolière

 

  • 11/1978 : La grève des employés des usines pétrochimiques de Shapour et d’Abadan
  • 06 Décembre 1978 : à cause de la sévérité de la répression policière, la grève des employés du secteur pétrolier assuma la forme d’un ralentisse­ment du travail jusqu’à la reprise de la grève à cette date.
  • 04/02/1978 : La grève des journalistes. La présence des militaires dans les locaux de rédaction de Keyhan et d’Etella’at au moment de l’allocution de l’Empereur « j’ai entendu le bruit de votre révolution » avait déjà provoqué une grève (qui dura trois jours) par l’union des écrivains et des journalistes en été 1978 qui aboutit à la signature d’un accord avec le gouvernement de Sharif Emami qui garantissait la liberté de la presse dans la publication et diffusion d’informations. La presse déclara donc une grève qui dura jusqu’à la chute du gouvernement militaire d’Azhari.Le 25/10/1978, suivie de la grève d’employés de la Banque centrale.
  • Décembre1978 : les grèves se généralisèrent et touchèrent les fonction­naires des ministères de la justice, finance, plan, énergie, communication et ceux des départements d’énergie nucléaire, douanes (sud et centre) et d’autres administrations étatiques.
  • Décembre 1978 : Le compte bancaire 1000 fut ouvert et des gens de toutes les catégories sociales y versèrent de l’argent en faveur des grévistes.
  1. Developers of Islamic Iran www.abadgaran.ir site en construction.
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