Les Etats-Unis: de la défense du libéralisme au nécessaire libéralisme de la défense

Par Steven EKOVICH

Avril 2001

Le philosophe anglais John Locke disait que l’Amérique est née libérale. Sans aller jusque là, on peut affirmer que le libéralisme est très profondément ancré dans l’histoire américaine, et l’a toujours emporté sur toute autre forme d’idéologie. La spécificité des relations entre civils et militaires, entre la façon de gouverner et la défense renvoie à la force avec laquelle elles ont été encadrées par le libéralisme américain. On pourrait dire, en exagérant à peine, que l’américain ne connait que le libéralisme. C’est là l’essence de ce que l’on appelle l’  » exceptionnalisme américain »: la quasi-absence de tradition féodale, des institutions politiques et des structurations sociales qui allaient de pair avec cette tradition, y compris l’existence d’une caste (d’un ordre) militaire. L’  » âme  » de la culture politique américaine est celle de la classe moyenne. On pourrait aussi dire en exagérant à peine que même la classe ouvrière est porteuse des valeurs de la classe moyenne. La compétition politique aux Etats-Unis s’est presque toujours déroulée sur le terrain libéral, avec des valeurs et à travers des institutions libérales. Il est étrange pour un américain d’entendre un président français prononcer rituellement à la fin d’un discours solennel à la nation:  » vive la république, vive la France !  » La république libérale est si profondément inscrite dans la civilisation américaine qu’un président américain qui déclarerait  » vive la république  » surprendrait tant il énoncerait une évidence.

LA GUERRE OU LA COMMERCE ?

Une caractéristique forte dans l’histoire du libéralisme, et en particulier dans sa version américaine, est la suspicion profonde, voire l’hostilité envers la profession militaire. La plupart des Pères Fondateurs américains pensaient que les armées de métier étaient incompatibles avec les principes du gouvernement républicain, dangereuses pour les libertés d’un peuple libre et pour la prospérité économique, susceptibles d’être transformées en outils du despotisme, et donc menaçantes pour la paix. A leurs yeux, les armées de métier ne servaient que le bon plaisir des rois, pas les intérêts des citoyens. Ils considéraient que la guerre était une survivance monarchique et aristocratique. Les Pères Fondateurs, dans la tradition d’Adam Smith et de la Philosophie des Lumières développée en Ecosse, croyaient que les  » nations civilisées  » étaient celles qui se tournaient vers le commerce, non vers la
guerre.

Bien entendu, le commerce et la guerre n’ont pas toujours été perçus comme antinomiques. Le grand stratège militaire américain Alfred Thayer Mahan remarquait à la fin du siècle dernier que les intérêts politiques, commerciaux et militaires  » sont tellement entremêlés que leur interaction mutuelle constitue un même ensemble « . Ayant conquis le contrôle des mers, une flotte peut favoriser la puissance économique de son pays en maintenant son accès aux ressources mondiales, tout en étranglant l’économie ennemie. Mahan cherchait à exprimer la synthèse entre les deux traditions commerciale et militaro-territoriale en disant que, en dernière analyse, la guerre n’est pas un combat armé, mais un  » business « . Cela ne veut

pourtant pas dire que la tentative de synthèse de Mahan est dominante chez les dirigeants économiques américains, surtout de nos jours. Bien au contraire, un certain pacifisme au sein du monde des affaires a eu de longue date une influence aux Etats-Unis. Cela est partiellement dû au moralisme de l’éthique protestante qui tend à sacraliser le travail et la productivité économique, et considère que les destructions de la guerre ne sont que gâchis et manifestation du Mal. Pour les dirigeants économiques américains, le commerce ne s’aligne pas toujours sur le drapeau américain, mais s’aligne plutôt sur les plus bas prix et la plus haute productivité. Dans les affaires, le patriotisme est susceptible de peser sur le bilan de l’entreprise. Dès lors, la logique de l’Etat commercial se heurte à celle de l’Etat militaro-territorial.

DEUX TRADITIONS MILITAIRES NON-LIBERALES

La tradition commerciale américaine et son rejet d’une armée de métier n’a pas toujours été incontestée. Celle-ci s’est heurtée à deux autres traditions favorables à l’armée de métier. La première est issue d’un conservatisme non libéral des élites de Nouvelle Angleterre du XVIIIe siècle, organisées au sein du Parti Fédéraliste. La seconde provient des états esclavagistes du sud qui ont fait sécession et provoqué une terrible guerre civile.
Les valeurs des Fédéralistes rejoignaient largement celles de l’éthique militaire aristocratique. Ils ont même joué le jeu de la raison d’Etat et de l’exercice cynique du pouvoir avec enthousiasme, voire une finesse considérable. Mais bien qu’ils aient insisté sur la nécessité d’une force militaire professionnelle, ils n’avaient pas d’idée très claire quant à la forme qu’elle devrait revêtir et la manière de la construire. Mais l’éthique militaire des Fédéralistes a rapidement disparu, et n’a réapparu sous une autre forme que lorsque l’idée d’une armée de métier, hautement professionnalisée, s’est imposée comme une nécessité pendant la Guerre Froide et est devenue culturellement acceptable.
La tradition militaire du Sud a puisé sa principale source dans la fascination exercée par les valeurs des  » gentlemen  » anglais et les coutumes et arts martiaux de la chevalerie médiévale. Le sud esclavagiste était quelque peu  » féodal  » dans la mesure où il était politiquement dominé par de grands propriétaires terriens qui étaient peu orientés vers le commerce et l’industrie. C’était une sorte d’enclave non-libérale dans une société libérale. Avant la Guerre Civile, durant toute la première moitié du XIXe siècle, les hommes du sud ont occupé les principales positions de pouvoir dans l’armée, et ils y sont restés influents jusqu’à nos jours.

L’IDEAL DU SOLDAT CITOYEN

La crainte d’une armée professionnelle a conduit à la création d’institutions qui influencent toujours les relations entre civils et militaires. Tout d’abord, la défense devait être assurée en priorité par des milices locales de chaque état, composées de soldats citoyens. L’idéal militaire dans la pensée américaine est celui de Cincinnatus (la réplique américaine en étant le  » Minute Man « ), qui laissa sa charrue, prit son épée pour défendre la république et, une fois la mission accomplie, déposa son épée et retourna à son champ. La défense, comme le suffrage, devait être la responsabilité de chaque citoyen. L’éthique du citoyen-soldat aide à expliquer pourquoi, en dépit de la traditionnelle antipathie américaine pour le soldat professionnel, plusieurs héros militaires sont devenus présidents. Soit ces héros n’étaient pas des militaires de carrière, soit, s’ils l’avaient été, ils ont mis de côté cet aspect de leur carrière. Les présidents qui ont été des officiers de haut rang n’arborent pas la panoplie de leurs grades et décorations militaires. Lorsqu’ils visitent les troupes et revêtent une tenue militaire, celle-ci est dépourvue de toute indication de rang, ce qui ramène symboliquement le président des Etats-Unis au rang du simple soldat.

La tradition des milices locales s’est perpétuée à travers l’institution actuelle de la Garde Nationale – une armée de citoyens à temps partiel qui relève de la double autorité des Etats fédérés et de l’Etat fédéral en temps de paix, et peut être intégrée à l’armée nationale en temps de guerre. De même que le fédéralisme américain permet au gouvernement de rester près du peuple, la Garde Nationale maintient la défense et  » l’establishment  » militaire près du peuple. Contrairement à d’autres pays où le but serait de militariser la population, il s’agit aux Etats-Unis de chercher à démocratiser l’armée.
Une autre conséquence durable de la peur de l’armée de métier (et de l’éventuelle constitution d’une caste militaire) est le strict contrôle du pouvoir civil sur le pouvoir militaire et le partage constitutionnel des pouvoirs de guerre entre le Président le Congrès. Le Congrès établit l’institution militaire et déclare la guerre, le Président fait la guerre. Il ne faut pas oublier que la plus haute distinction militaire aux Etats-Unis est le  » Congressional Medal of Honor « . Mais l’évolution des relations internationales a modifié les relations des américains à leur armée: la dernière guerre constitutionnellement déclarée par le Congrès a été la Deuxième Guerre mondiale.

PARTAGE DES POUVOIRS ET GUERRE

Les pouvoirs de guerre sont davantage partagés au sein du pouvoir exécutif entre le Président, ses secrétaires d’Etat civils, et la haute hiérarchie militaire. Mais le partage des pouvoirs est encore plus complexe. Tous les groupes d’intérêt – en l’occurrence le complexe militaro-industriel – doivent, s’ils veulent faire aboutir leurs projets, entretenir de bonnes relations avec les commissions du Congrès et leur staff professionnels. Il faut rappeler ici que le Congrès se trouve au centre du gouvernement américain et que les commissions des deux chambres ont de réels pouvoirs et sont les lieux où se déroule le vrai travail législatif. L’essentiel des contacts entre les militaires et les deux chambres du Congrès se noue à travers les commissions spécialement chargées de la défense, des affaires étrangères, des renseignements et des finances (le budget militaire est l’occasion du contact annuel le plus important entre les militaires et le Congrès). Cependant, en raison de la complexité des questions militaires contemporaines et de leur imbrication avec d’autres activités économiques et sociales, les militaires doivent faire valoir leurs intérêts auprès de nombreuses autres commissions dont le travail n’a qu’un lien indirect avec les questions militaires. De ce fait, les militaires sont amenés, dans leurs négociations avec le Congrès, à prendre en compte un large éventail de préoccupations économiques et sociales et de bien connaître les rouages du jeu démocratique, quoique d’un point de vue largement non partisan. Le secteur militaire est un puissant groupe d’intérêts non seulement parce qu’il contrôle un très gros budget, mais aussi parce qu’il a un très vaste électorat, pas seulement des soldats en uniforme, mais aussi un grand nombre d’employés civils avec leur famille. Dans certaines circonscriptions du congrès, les dépenses et les emplois militaires sont vitaux pour l’économie locale. Il faut ajouter à ce kaléidoscope de la fragmentation du pouvoir la relative indépendance de chaque branche au sein de l’institution militaire, qui conduit à une compétition et une rivalité entre l’armée de terre, la marine et l’armée de l’air.

POUR LA GUERRE, CONTRE LE MILITARISME

Mais bien que les relations entre civils et militaires aux Etats-Unis se soient construites à partir d’une crainte du militaire professionnel et une idéalisation des objectifs commerciaux plutôt que militaires, l’esprit américain n’est pas complètement opposé à la guerre. Plus précisément, comme le politologue américain Samuel Huntington l’a expliqué:  » L’Américain tend à être extrémiste en ce qui concerne la guerre: ou bien il épouse sa cause de tout cœur, ou

bien il la rejette complètement « . Le courant pacifiste est demeuré puissant au cours de l’histoire américaine. Le rejet total de la guerre s’accorde avec la vision libérale selon laquelle les hommes sont des êtres rationnels qui, par conséquent, devraient être en mesure de parvenir à des résolutions pacifiques des conflits. Il suffirait pour cela des institutions et de l’éducation adéquate. Par exemple, après la défaite de l’Allemagne nazie, la stratégie américaine d’après-guerre était de rééduquer le peuple allemand. Le plan américain de démocratisation de l’Allemagne ne s’est pas limité à la construction-reconstruction d’institutions démocratiques. Il avait l’ambition de créer de nouveaux citoyens en remodelant les vecteurs de socialisation politique comme les medias, le système scolaire et les organes de la société civile. Il s’agissait d’implanter solidement un système de valeurs démocratiques à partir duquel un régime politique libéral stable pourrait être construit.
Par ailleurs, pour que les américains acceptent la guerre, il faut que celle-ci leur apparaisse comme une croisade pour des idéaux et des principes universels tels que la démocratie, l’auto-détermination, l’Etat de droit, la liberté des mers, etc. La contrepartie de la suspicion envers le militaire professionnel est le rejet de la guerre dans des buts de pure raison d’Etat. Même si les américains admettent le principe de Clausewitz selon lequel la guerre est un instrument rationnel de l’Etat, et la continuation de la politique par d’autres moyens, ils ne veulent pas voir leurs guerres réduites à ce seul principe. Ce rejet est tout à fait logique dans la perspective de l’idéologie libérale, qui protège l’individu contre l’Etat. Par conséquent, dans la perspective libérale, il est difficile de justifier un conflit entre deux états par la stricte raison d’Etat et leur volonté de puissance. Alexis de Tocqueville pensait que des pays démocratiques comme les Etats-Unis ne seraient pas très habiles dans le jeu de la diplomatie classique, qui exigeait l’appui de la force militaire. Cette diplomatie de la raison d’Etat, son caractère secret et élitiste lui apparaissait comme contraire aux principes de la démocratie.

LOIN DES MENACES EXTERIEURES

Dans la tradition libérale américaine, il semblait aussi difficile d’accorder une fonction purement sécuritaire à l’Etat, car dans la plus grande partie de leur histoire, les Etats-Unis n’avaient tout simplement pas été confrontés à une sérieuse menace étrangère. Jules Jusserand, ambassadeur de France à Washington de 1902 à 1925, racontait avec beaucoup de malice que les Etats-Unis étaient bénis parmi les nations car  » au nord, ils avaient un voisin faible, au sud, un autre voisin faible, à l’est, du poisson, et à l’ouest aussi « . A l’exception de la guerre de 1812 contre les anglais, les Etats-Unis n’ont jamais eu à combattre une puissance étrangère sur leur propre territoire pour leur propre défense. Le fait que les Etats-Unis aient été longtemps préservés d’un danger extérieur a renforcé un puissant courant isolationniste. C’est seulement au XXe siècle que les Etats-Unis ont compris que leur défense, et la défense de leurs valeurs commençaient en Europe. C’est seulement après que les Etats-Unis ont achevé deux guerres européennes en défendant la cause de la démocratie qu’ils ont accepté de jouer en permanence un rôle international.
L’idéologie libérale américaine et l’isolement géostratégique du pays ont conduit les Etats-Unis à souvent tenter d’assimiler la politique étrangère à la politique intérieure, c’est-à-dire à traiter les problèmes internationaux dans les mêmes termes que les questions domestiques, à projeter, à internationaliser les valeurs et les institutions américaines. L’objectif de Woodrow Wilson après la Première Guerre mondiale était de construire un ordre mondial stable fondé sur un internationalisme libéral-capitaliste qui se situerait au centre de l’éventail idéologique global, à l’abri de la double menace de la droite réactionnaire et de la gauche révolutionnaire. En bref, Wilson voulait un monde à l’image de l’Amérique, qui embrasserait les valeurs et les institutions américaines. Ce monde wilsonien serait libre, prospère et en paix. Mais être qualifié de wilsonien aujourd’hui, c’est être considéré comme un idéaliste naif. Cette

accusation provient en général de  » réalistes  » qui croient en la légitimité de la pure raison d’Etat et à la lutte du pouvoir pour le pouvoir. Cette position réaliste a été renforcée par les progrès de la technologie militaire qui a détruit la protection géographique dont les Etats-Unis avaient bénéficié jusqu’alors. Mais le réalisme et la réalpolitique sont néanmoins considérés comme des importations européennes et fondamentalement étrangères à la tradition américaine. Les américains ne veulent pas que leurs guerres se limitent à l’agrandissement du territoire et du pouvoir, mais qu’elles soient menées au nom d’idéaux plus élevés. Les américains veulent que leurs militaires combattent les puissances militaristes. Cette idéologie est si fortement dominante que l’expansion américaine vers l’ouest, l’acquisition de vastes territoires et l’extermination des populations indigènes, qui allaient de pair avec une vision raciste de ces peuples, n’ont jamais été présentées, jusqu’à une période récente, comme une guerre qui allait à l’encontre de ces idéaux.

GOUVERNEMENT DU PEUPLE, PAR LE PEUPLE, POUR LE PEUPLE

Aujourd’hui les militaires américains savent qu’une guerre ne peut pas être gagnée s’ils perdent l’appui du peuple et de ses représentants. Cela a été la leçon essentielle de l’échec américain au Vietnam. Comme le dit récemment dans ses mémoires l’ancien secrétaire à la Défense Robert McNamara, l’armée et les responsables du pouvoir exécutif n’ont pas suffisamment expliqué (ils ont même caché) au public et au Congrès les raisons et les modalités de la poursuite de la guerre. Cette expérience a miné la confiance du peuple américain dans l’intégrité des dirigeants et du gouvernement, militaires et civils confondus. Plus tard, un autre secrétaire à la défense, Caspar Weinberger, a tiré les leçons de la débâcle du Vietnam et a défini, dans ce qu’on a ensuite appelé la  » Doctrine Weinberger « , les critères qui devraient être remplis avant d’engager les troupes américaines au combat. Parmi ces critères (je cite Weinberger):
–  » Le gouvernement américain devrait être raisonnablement assuré du soutien du peuple américain et de ses représentants élus au Congrès « .
–  » Le soutien populaire ne peut se maintenir que si le gouvernement explique clairement la nature des menaces qui pèsent sur nos intérêts et est en mesure de justifier le recours ultime à la force pour atteindre des objectifs qui en valent la peine. Le peuple américain n’accepterait pas d’assister à l’utilisation de ses troupes comme de simples pions sur un grand échiquier diplomatique « .
–  » L’engagement des troupes américaines au combat devrait être un ultime ressort après que tous les autres efforts diplomatiques, économiques et politiques aient été déployés pour protéger nos intérêts vitaux « .
La rupture entre les militaires et le peuple américain à cause de la guerre du Vietnam a obligé les officiers de la génération suivante à reconstruire une morale militaire et à réconcilier les américains avec leur institution militaire. Avant de devenir l’actuel chef de la diplomatie américaine, le Général Colin Powell a étendu la doctrine Weinberger en y ajoutant les conditions que dans tout conflit futur, l’armée américaine doit se donner une force écrasante pour parvenir à une victoire décisive et rapide avec un minimum de pertes en vies humaines. Après le Vietnam, l’armée américaine n’est plus la seul, dans une démocratie, à reconnaître qu’un nombre élevé de pertes humaines au combat mine le soutien de son opinion publique. Tous les éléments de la doctrine Weinberger ainsi que ce qu’on appelle désormais la  » doctrine Powel « , ont été respectés lors de la Guerre du Golfe et la Guerre du Kosovo. Il n’est d’ailleurs pas innocent de remarquer que le général Colin Powell est depuis un certain temps le personnage politique le plus populaire aux Etats-Unis.

LA PAIX LIBERALE

La primauté de la logique commerciale sur la logique de guerre s’est accrue depuis la fin de la Guerre Froide. La stratégie géo-économique a pris le pas sur la stratégie géo-politique. Les Etats-Unis n’ont plus besoin de mener une politique d’endiguement d’une menace idéologique, politique et militaire. La stratégie  » d’élargissement démocratique  » du Président Clinton a pour but d’accroître le nombre des démocraties libérales, pas seulement parce que cela permettrait l’extension et la défense des valeurs américaines, et pas seulement parce que les démocraties libérales font de bons partenaires commerciaux, mais parce que les démocraties libérales ne se sont jamais fait la guerre. L’extension de la démocratie libérale a par conséquent une dimension vitale de sécurité. Et on retrouve là encore le désir des américains de faire fusionner politique intérieure et politique étrangère. Comme Bill Clinton l’a dit, parfois trop souvent si l’on en croit ses détracteurs, il n’y a pas de différence entre politique étrangère et politique intérieure. Dans un monde interdépendant d’économies fondées sur les technologies de l’information, tous les secteurs de la politique tendent à se rejoindre, qu’il s’agisse de la politique étrangère, commerciale, fiscale, éducative, de défense, etc.. Dans tous les cas de figure, quelle que soit l’étendue de la démocratisation du monde et du renforcement de la sécurité américaine qui en découlerait, tant que l’Amérique libérale et démocratique maintiendra une armée libérale démocratique, tant que les forces américaines seront utilisées en dernier ressort, seulement après que les efforts diplomatiques, politiques, économiques et autres aient été épuisés, et tant que le peuple américain et ses représentants comprendront et apporteront leur soutien à une intervention militaire perçue comme conforme aux intérêts et aux idéaux de leur pays, la première clef de la défense, l’influence morale, se trouvera du côté des Etats-Unis, malgré l’éventualité d’importantes pertes humaines sur le champ de bataille.

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