Les Etats-Unis, l’Inde et le Pakistan, des enjeux géostratégiques

par Sammy KACHLEF

Les attentats au 11 septembre ont reveie que les conséquences de l’engagement militaire américain contre le terrorisme avaient largement débordé le strict cadre de l’Afghanistan. Parmi celles-ci, on a assisté à une recrudescence de la tension entre l’Inde et le Pakistan qui a mené les deux pays au seuil d’une nouvelle guerre1. Mais, Washington s’est investit durablement dans la région afin de désamorcer la mécanique conflictuelle de l’Asie méridionale, consolider la marche orientale d’un futur Grand Moyen-Orient et protéger ses intérêts vitaux en Asie centrale.

Enduring Freedom : Recomposition géostratégique du sous-continent indien

«Le conflit afghan n’a pas modifié les relations entre l’Inde et le Pakistan. Mais il en a exacerbé la tension. Le Cachemire reste la principale pomme de discorde entre les deux voisins. Mais la communauté internationale a réalisé, après l’engagement américain contre les Taliban, que ce n’était pas simplement un conflit bilatéral. L’équilibre de toute l’Asie centrale et de l’Asie du sud est en jeu»1.

Les attentats du 11 septembre et la riposte militaire de Washington contre l’Emirat islamique d’Afghanistan ont indubitablement métamorphosé le visage international du Pakistan. Le Rogue State doté de la puissance nucléaire et incarnant le sanctuaire du fondamentalisme musulman, est devenu pour l’administration Bush un «allié précieux des Etats-Unis, ayant fait le choix courageux de lutter contre le terrorisme aux côtés des pays de la coalition»1« . Dans leur guerre afghane, les Etats-Unis ont eu besoin de l’appui d’Islamabad pour des raisons logistiques4 et tactiques : déployer des bases militaires sur son territoire, fournir des informations sur les réseaux islamistes afghano-pakistanais, boucler la frontière, soutenir les forces anti-talibans dans le Sud et participer à la traque des combattants d’Al Qaïda après la victoire de l’Alliance du Nord à Kaboul. Une évolution subie et non pas voulue, Washington étant le premier bailleur de fond d’un Pakistan au bord de la faillite5. «Les attentats du 11 septembre ont donné l’occasion au président Pervez Musharraf de réviser sa politique afghane. I ne voulait plus de ce soutien aux talibans qui n’a rien apporté au Pakistan, sauf le mettre au ban de la communauté internationale. La crise afghane a entraîné des changements fondamentaux dans la politique pakistanaise. Sur le plan international : l’amélioration des relations stratégiques avec les Etats-Unis et la fin du soutien aux Talibans. Sur le plan intérieur : l’interdiction des mouvements islamistes et l’arrestation de leurs militants. Les partis religieux ont perdu toute crédibilité après la chute des Talibans»6.

Du côté indien, le reflux de l’onde de choc détruisant le pouvoir taliban s’est manifesté de manière d’autant plus violente que le pays a subi deux attaques terroristes extrêmement graves. L’une, le 1 octobre 2001 contre l’Assemblée de Srinagar7 ; l’autre le 13 décembre, contre le Parlement de New Delhi8. Le renforcement du front jihadiste cachemiri dont les deux attentats dérivent, ont amené l’Inde et le Pakistan au bord de la guerre. Des milliers de soldats ont été déployés le long de la «ligne de contrôle» qui sépare les deux voisins ; les violents incidents frontaliers ont alors été quotidiens. Une situation beaucoup plus dangereuse que la tension habituelle dans la région. A chaque fois, il a fallu que les Etats-Unis jouent le rôle de facilitateur pour contenir une situation plus que périlleuse, sans que la question du Cachemire ne soit véritablement résolue.

C’est dans ce contexte d’extrême tension que les Etats-Unis ont inscrit Lashkar-i-Taiba9et Jaish-i-Mohammed sur la liste des organisations terroristes étrangères et ont sommé le président général Mousharraf de se joindre à cette initiative politique. La contrainte belliciste de New Delhi a amené Washington à exercer sur Islamabad des pressions telles que le 12 janvier 2002, Mousharraf s’est exprimé devant la nation10. Une démarche destinée également à apaiser les Etats-Unis. Toutes les madrasa devaient se faire immatriculer auprès des autorités avant le 23 mars 2002, tout comme les étudiants étrangers ; et surtout, Jaish-i-Mohammed et Lashkar-i-Tadba, ainsi que d’autres groupes islamistes11 ont été dissous11. D’aucuns survivent de manière plus ou moins cachée.

Simultanément depuis janvier 2002 un cycle d’attentats contre des intérêts occidentaux et ceux des chrétiens pakistanais a dramatiquement fait vaciller la posture précieuse qu’Islamabad avait construit à partir de sa participation à la lutte contre les Taliban. D’autant que les combattants d’Al Qaïda et Oussama Ben Laden lui-même ont trouvé refuge dans les zones tribales pachtounes du Sud Waziristan. «PervezMusharraf essaie de résoudre la quadrature du cercle. Il ne peut renoncer à la cause du Cachemire qui légitime la toute-puissance de l’armée au Pakistan et cimente l’unité nationale. Mais il veut se séparer de groupes fondamentalistes qu’il contrôle de moins en moins alors qu’il les a utilisés auparavant au Cachemire et qui sont évidemment les mêmes que ceux qui se battent en Afghanistan. Les attentats de ces derniers mois visent autant les intérêts étrangers que Pervez Musharraf. Les islamistes refusent d’être ainsi désavoués d’un coup. Un désaveu qui n’est que de façade puisque Musharraf a discrètement libéré tous les militants qu’il avait fait arrêter à grand renfort de publicité», estime Amitabh Mattoo.

A l’opposé, l’avènement d’un Kaboul post-taliban, est un atout pour l’Inde. La conférence de Bonn atteste du nouveau rapport de force arraché par l’Alliance du Nord au détriment du pion pathan qu’a tenté de jouer Islamabad. Lors de cette réunion, le Pakistan n’a pas pu s’appuyer sur des subordonnés fiables et imposant au sein des délégations en présence autour de la table des négociations. Seul le groupe du Pir Sayed Galiani, un Pathan basé à Peshawar, s’est montré pro-pakistanais14. Or, au sein de l’autorité intérimaire mise en place par la conférence de Bonn, cette antenne de Peshawar n’a en définitif reçu que trois postes ministériels sur vingt-neuf.

De toutes les parties engagées dans la crise post -11 septembre, la pièce pakistanaise est celle qui a été le plus cahotée par le cours de la guerre américaine d’Afghanistan. Les Pakistanais ont véritablement été en état de choc le jour où la capitale afghane est tombée aux mains de l’Alliance du Nord. Islamabad s’est implacablement retrouver dépossédée de la fameuse  »profondeur stratégique »13. Une politique afghane que les gouvernants pakistanais ont construit patiemment sous le règne de Zia ul Haq.

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Tensions Indo-Pakistanaises pour le Cachemire

A l’opposé, l’avènement d’un Kaboul post-taliban, est un atout pour l’Inde. La conférence de Bonn atteste du nouveau rapport de force arraché par l’Alliance du Nord au détriment du pion pathan qu’a tenté de jouer Islamabad. Lors de cette réunion, le Pakistan n’a pas pu s’appuyer sur des subordonnés fiables et imposant au sein des délégations en présence autour de la table des négociations. Seul le groupe du Pir Sayed Galiani, un Pathan basé à Peshawar, s’est montré pro-pakistanais14. Or, au sein de l’autorité intérimaire mise en place par la conférence de Bonn, cette antenne de Peshawar n’a en définitif reçu que trois postes ministériels sur vingt-neuf.

La position de New Delhi s’est donc fortifiée face à un Pakistan qui s’est dévoilé être un foyer du néo-fondamentalisme musulman transnational. Dans une perspective de moyen et long termes, le fait que l’Inde soit apparue comme une victime du terrorisme islamiste, à l’instar des Etats-Unis, a incité ces derniers dans la résolution de poursuivre le rapprochement en cours entre les deux pays. Le ministre de l’Intérieur, Lal Krishna Advani, perçu comme un faucon du gouvernement Vajpayee, s’est déplacé à Washington, où il s’est entretenu avec George W. Bush en janvier 2002 : des discussions chargées de solidarité indo-américaine face au terrorisme islamiste. Il a été suivi la semaine suivante, par le ministre de la Défense, George Fernandes, qui, a relancé le dialogue stratégique avec les Etats-Unis à la faveur de la campagne américaine contre le terrorisme. Quelques jours plus tard, d’ailleurs, à Madras avait lieu le premier épisode des débats entre les responsables indiens et américains des forces navales de ces deux pays ; ils ont porté essentiellement sur la sécurité des voies maritimes dans l’océan Indien et la collaboration mutuelle, dans le cadre de l’opération Enduring Freedom. L’étape suivante est marquée par des manœuvres navales conjointes. A terme, l’Inde pourrait bien être partie prenante, aux côtés des Etats-Unis, de la force patrouillant dans le détroit des Moluques.

En outre, l’Inde, a pu se féliciter de constater que le nouvel Etat afghan est dominé par les dignitaires de l’Alliance du Nord, dont certains ont même séjourné à New Delhi pendant leur exil (tel le Dr Abdullah, ministre des Affaires étrangères). A peine, nommé le ministre afghan de l’Intérieur, Younus Qanooni, s’est d’ailleurs rendu dans la capitale fédérale indienne pour visiter l’Académie nationale de police, dont il escompte l’assistance pour reconstituer les forces de l’ordre dans son pays. Quant, au vice-ministre de la Défense, Abdul Rashid Dostom, il a été reçu le 1 février 2002 par son homologue indien, qui lui a proposé le soutien de l’Inde. Le rapport de forces entre les Pakistanais et les Indiens en Afghanistan a donc tourné à l’avantage des seconds.

Le Grand moyen-orient : la quête de la stabilisation du flanc Est

La récente guerre contre le régime baasiste de Bagdad et son corollaire de « pacification » de l’espace mésopotamien sont révélateurs d’une résolution messianique de l’Administration Bush et au-delà de l’exceptionnalisme américain d’imposer une vision du monde et des relations internationales : abattre la terreur à travers le concept de Global War Against Terrorism, participer à la constitution d’une zone de libre-échange et ainsi montrer le chemin de la liberté pour l’humanité. Caractéristique de cette conception, l’initiative pour un Grand Moyen-Orient impulsée lors de la réunion du G8 en juin dernier, introduit l’avant-garde des ambitions américaines dans la région.

Il s’agit avant tout d’un projet destiné à introduire plus de pratiques démocratiques dans tous les pays d’un ensemble que l’on nomme de manière abusive arabo-musulmans étant donné l’aspect hétérogène de cette masse démographique, sociale, économique et politique. De la Mauritanie au Pakistan, de l’Atlantique à l’Indus, un vent de réformes, que l’Allemagne national-socialiste et le Japon militariste ont connu après la Seconde Guerre mondiale, est censé apporter plus de démocratie15. Cet arc d’instabilité inclut dans les faits le Caucase, l’Asie Centrale et l’Asie du sud, aussi bien que la Turquie et les pays du Moyen-Orient16. La grande stratégie américaine, dont l’Irak n’est que le premier opus vise donc à mettre sur pied un régime à vocation démocratique à Bagdad, à confiner l’Iran17 déjà encerclé du fait de la présence américaine en Afghanistan, à ne plus être sous la dépendance énergétique de Riyad grâce au pétrole irakien et enfin à garantir l’équilibre régional en faveur de Jérusalem, en veillant à neutraliser toute velléité syrienne.

L’Occident en général et les Etats-Unis en particulier ont besoin du Pakistan dans la lutte contre la nébuleuse néo-fondamentaliste que l’on nomme Al-Qaïda – par souci de faciliter la compréhension de ce phénomène terroriste. C’est pourquoi Washington n’a pas insisté publiquement et de manière vexante auprès de Pervez Musharraf dans les affaires de transfert de technologies nucléaires vers des Rogue States18. Le plus important pour l’administration Bush est que le Pakistan coopère pleinement et contribue à endiguer le spectre de la prolifération des armes de destruction massive.

Les Etats-Unis considèrent la rénovation de leurs puissantes relations stratégiques avec le Pakistan comme l’outil primordial afin d’établir un limes oriental hermétique pour prévenir toute forme de déstabilisation dans le projet d’édification du Grand Moyen-Orient. Mettre au pas llnter Service Intelligence9 afin que cette entité ne puisse plus supporter idéologiquement et matériellement les réseaux de la terreur agissant dans le Cachemire sous administration indienne, en Afghanistan ou ailleurs peut-être, plus à l’ouest dans les confins du Tigre et de l’Euphrate. Le soutien de Washington à la présidence Musharraf ne peut se comprendre que si l’on fait l’effort d’imaginer un instant l’effondrement du pouvoir illégitime de ce général putschiste. Une armée frondeuse, largement constituée d’officiers pathans, dont l’orientation islamiste n’est plus à démontrer depuis leur implication en Afghanistan dans les années 1980 et 1990, pourrait renverser son chef actuel et interdire aux forces américaines de poursuivre toute opération à partir du territoire pakistanais. S’en suivrait une telle confusion, un tel chaos dans un espace tout de même marqué historiquement par une construction identitaire et nationale plus que fragile10. La dislocation de la République islamique du Pakistan serait perçue par l’Administration Bush comme un nouveau front jihadiste, mais celui-ci se révélerait autrement plus dévastateur que tous les autres du fait de son potentiel de prolifération nucléaire anarchique.

L’auxiliaire pakistanais semble tenir bon puisque qu’on constate que l’alignement sur les impératifs de la coalition internationale contre le terrorisme s’accentue au rythme des dividendes économiques et politiques comme le confirme le statut d’allié majeur hors OTAN, la réadmission au sein du Commonwealth, la modernisation des forces armées et de police. Autant de gestes symboliques et significatifs pour gratifier une politique étrangère réaliste, mais les contrecoups internes sont également plus profonds, suscitant d’intenses débats au sein de l’opinion publique pakistanaise.

L’hostilité des partis religieux21 et des jihadistes à la politique pro­américaine du président Mousharraf s’accentue. L’adoption de la sharria dans la North West Frontier Province – influencée par le rigorisme de l’école déobandie, matrice des Taliban -, avive les tensions avec le pouvoir central d’Islamabad. Les opérations militaires américano-pakistanaises sur la frontière achoppent les tendances pro-taliban dans la NWFP et au Baloutchistan. De son côté, Pervez Mousharraf condamne dans ses philippiques « les actes obscurantistes ou extrémistes’ et proclame 11‘qu’il convient d’écraser la talibanisation dans l’œuf21. Il apparaît ainsi que la rupture totale de l’alliance de trente ans entre l’armée et les groupes de la galaxie néo-fondamentaliste soit consommée. Au cours du mois de septembre de l’année 2003, le docteur Ayman al-Zawahari, éminence grise de Ben Laden, à travers le médium vidéo, exhorte les Pakistanais à se soulever contre le Pharaon et le Renégat Mousharraf. Et les partis religieux dénoncent Yhêgemôn américain. A ces facteurs d’instabilité s’ajoute la prolifération des armes, résultat des guerres afghanes. D’après le ministère de l’Intérieur, 18 millions d’armes légères seraient détenues de façon illégale par des particuliers. Leur interdiction en 2001 a permis d’en récupérer 210 00023. A ce tableau inquiétant, il faut ajouter que des lance-roquettes, des mortiers et des canons de 75 mm sont en abondante circulation. Dans de telles conditions, l’armée joue un rôle charnière, étant donné l’insuffisance de l’Assemblée nationale et la faiblesse du gouvernement. Certes, des généraux proche des Talibans ont été limogés, mais il reste tout de même difficile de savoir réellement à quel point les islamistes ont infiltré l’armée.

Aujourd’hui, les relations entre Washington et Islamabad semblent davantage axées sur la guerre contre le terrorisme et sur la lutte contre la prolifération nucléaire. Dans un contexte politique instable et explosif, la sécurité personnelle de Mousharraf suscite des préoccupations légitimes : ces craintes ont d’ailleurs été exacerbées par les deux tentatives d’assassinat en décembre 2003.

Les Etats-Unis considèrent nonobstant que le Pakistan est une source majeure de radicalisme islamique. Ils ont déjà souligné à plusieurs reprises auprès d’Islamabad la nécessité de lutter contre le terrorisme en Afghanistan, et ses aspects connexes dans le Cachemire sous administration indienne et les activités de groupes extrémistes islamistes au Pakistan. En novembre 2003, Musharraf ordonna de nouveau l’interdiction de plusieurs groupes extrémistes fondamentalistes. Dans l’un de ses plus virulentes déclarations contre le radicalisme, prononcée à l’occasion de son premier discours devant le Parlement réuni en congrès, le 17 janvier 2004, Musharraf a appelé la nation pakistanaise à «  »mener le j’ihad contre l’extrémisme  » 24.

Islamabad n’en reste pas moins le plus proche allié de Washington dans la guerre contre le terrorisme et lui fournit un soutien considérable sur les plans du renseignement et de la logistique pour ses opérations en Afghanistan. En mars 2004, le forces armées et paramilitaires pakistanaises ont inauguré leur première opération majeure contre les militants liés à Al Qaïda dans les zones tribales de Wana dans le Waziristan-Sud, faiblement maîtrisées par Islamabad. Compte tenu de ce soutien, les Etats-Unis ont accordé au Pakistan, en mars 2004, le statut d’allié majeur non-membre de l’OTAN, sous réserve que ce soit approuvé par le Congrès. Islamabad pouvait dès lors acquérir du matériel militaire américain et des munitions, et croire en des possibilités de coopération en matière de recherche-développement pour la défense, autant de possibilités qui lui avaient été refusées jusqu’alors.

Par contre, les rapports entre l’Inde et les Etats-Unis sont relativement étendus et exhaustifs, et pourraient déboucher, à moyen terme, sur une relation stratégique. Si les Etats-Unis avaient penché pour Islamabad lors de la guerre indo-pakistanaise de 1971, ils ont obliqué pour New Delhi lors du conflit de Kargil en 1999. New Delhi et Washington organisent toujours d’importants exercices militaires conjoints, développent leur coopération navale, et entretiennent des relations de haut niveau dans les domaines politiques et économiques. Ces relations n’ont pas été affectées par le refus de l’Inde, à la mi-juillet 2003, d’envoyer des troupes en Irak – malgré les demandes des Etats-Unis – faute d’un mandat ou d’un commandement des Nations Unies. En janvier 2004, un accord conjoint a été conclu sur les sujets suivants : la coopération dans le domaine des hautes technologies, les programmes spatiaux, les programmes nucléaires civils, et la discussion d’une défense antimissile. Cet accord laisse augurer des relations stratégiques nettement plus importantes.

Le nouveau Grand Jeu de l’Asie Centrale : pénétration

AMÉRICAINE ETRIVALTTÉAUSEIN DU « PIVOTGÉOGRAPHIQUE DELHISTOIRe »25

Au XIXe siècle, on donnait aux manœuvres géopolitiques des grandes puissances dans la région le nom de «Grand Jeu». Sous d’autres aspects, les rapports de force internationaux continuent à se jouer dans ces pays de l’Asie centrale ex-soviétique, portés à son paroxysme par l’existence de ressources pétrolières. «Les Etats-Unis ont des intérêts de sécurité nationale en Asie centrale, y compris l’accès aux bases militaires appuyant des opérations en Afghanistan, pour empêcher la prolifération des armes de destruction massive et s’assurer l’accès aux ressources naturelles, pétrole et gaz compris»2‘. Région cloisonnée à fortes possibilités énergétiques, l’Asie centrale subit aujourd’hui l’action de trois puissances rivales préservant leurs intérêts : la Russie, qui stabilise une frontière méridionale, la Chine, qui essaie de pourvoir à ses besoins en hydrocarbures et les Etats-Unis, qui se déploient dans la région pour intervenir sur la totalité du théâtre asiatique. Son avenir se joue autour d’une recomposition géopolitique de ses richesses énergétiques. Un nouveau  »Grand Jeu » met en scène la Russie, la Turquie, la Chine, l’Iran, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Turkménistan, le Kirghizistan, l’Afghanistan, le Pakistan, l’Inde et les Etats-Unis.

Appelées clairement par l’Ouzbékistan en octobre 2001, puis par le Kirghizstan en décembre, les forces américaines montrent une application toute particulière dans la construction de centres militaires que les opérations relativement réduites en Afghanistan ne sauraient expliquer. Les bases de Khanabad (Ouzbékistan), d’Aïni (Kirghizstan) et de Manas (Tadjikistan), qui pourraient abriter jusqu’à 4000 hommes si l’on se fie à l’ampleur des travaux, sont en passe de devenir des éléments clés d’un dispositif américain de lutte contre le terrorisme global durablement installé en Asie centrale27.

Au-delà de la question sécuritaire qui occupe les esprits à Washington, la politique américaine est également guidée par un objectif politique et économique : déterminer le tracé des oléoducs qui permettront aux hydrocarbures d’Asie centrale de parvenir sur les marchés mondiaux. C’est, d’ailleurs cet objectif qui a motivé, pour Washington, le soutien accordé aux Talibans jusqu’en 1999 : favoriser la construction de cet oléoduc à travers un Afghanistan pacifié grâce à la milice fondamentaliste, puis le Pakistan, pour contrer les projets de tracé par l’Iran et contrecarrer le monopole russe d’acheminement des hydrocarbures d’Asie centrale. Ce projet de faire aboutir le pétrole et le gaz de la région sur les marchés internationaux est plus que jamais d’actualité28, compte tenu de la préoccupation américaine de sécuriser son approvisionnement énergétique et de diversifier ses fournisseurs afin de réduire sa dépendance à l’égard d’un Moyen-Orient devenu trop instable. Une certaine tension au sein du royaume saoudien, la crainte d’une collusion de membres de la famille royale avec des réseaux néo-fondamentalistes, l’indisposition certaine des Saoudiens à l’encontre des Américains dans la gestion afghane et irakienne, ont conduit Washington à envisager de réduire sa dépendance à l’égard d’un Golfe Persique au sein duquel c’est surtout l’influence de Riyad qui garantit la pérennité des intérêts américains depuis la chute du Shah d’Iran.

En Asie centrale, les réserves d’hydrocarbures en jeu sont en effet considérables, apparemment comparable à celles la mer du Nord au début de son exploitation5. Par sa présence militaire, Washington pourrait garantir une assistance au nouveau régime afghan tout en se dotant des moyens d’intervenir en Asie centrale pour protéger les régimes des républiques ex-soviétiques. Le projet d’oléoduc trans-afghan pourrait être réactivé très prochainement, d’où des efforts militaires américains pour accélérer la pacification du pays qui n’ont pas seulement pour objectif de traquer de ce qui reste du réseau se réclamant d’Oussama Ben Laden. L’espace de la mer Caspienne est le nœud vital de cette région car il recèle d’importantes réserves de pétrole et de gaz naturel. Le Turkménistan détient 20 % des réserves mondiales de gaz naturel. Pour la plupart des experts pétroliers30, elle ne détient que le dixième environ des réserves pétrolières du Golfe arabo-persique. Mais, selon plusieurs analystes, si on conglomérait les deux zones, elles produiraient près de 80 % du pétrole et du gaz naturel dans le monde vers 2050. Certes l’Irak, les monarchies du Golfe et l’Iran en restent les acteurs incontournables. Mais les Etats-Unis ne se désintéressent aujourd’hui à aucun des producteurs de pétrole ou de gaz. D’où leur pénétration en Asie centrale et dans la Caspienne. Pour autant, le transport du gaz et du pétrole en dehors de cette mer enclavée exige des investissements (extraction, exploitation, raffinage) étrangers. Le tracé des gazoducs et oléoducs31 est le reflet des visées stratégiques et diplomatiques d’alliances et de rivalités sur cette région convoitée.

Les attaques contre le Word Trade Center et le Pentagone ont mis en relief les enjeux politiques stratégiques de l’Asie centrale. Trois puissances s’affrontent :

  • le « jeu russe »ambitionne de pérenniser ses frontières méridionales dans le but d’édifier un glacis constitué d’Etats alliés dans le cadre d’un axe de coopération militaire et économique comparable au traité de Shanghai qui permet à la Chine d’étendre son influence sur la zone. Par ailleurs, il faut préciser que Moscou reste tout de même méfiant devant la dilatation politique de Washington ;
  • le « jeuchinois »\ au regard de ses besoins croissants en hydrocarbures32 la Chine doit diversifier ses sources d’approvisionnements (en 2030 sa consommation pétrolière équivaudra à la production de l’OPEP). Corrélativement, la Chine est soucieuse de pacifier sa province ouïgoure du Xinjiang, région séparatiste remuée par les actions des islamistes locaux, et encouragée par l’instabilité afghane post-taliban. Pékin recherche dans sa quête développementaliste à assurer son équilibre territorial ;
  • le « jeu américain » : les Etats-Unis surgissent de manière messianique depuis le choc du 11 septembre là où sont en jeu leurs intérêts. Actuellement, Washington a su bien se placer sur l’échiquier régional en tant que nouvel acteur stratégique. Une décennie après l’indépendance, la configuration géopolitique de l’Eurasie s’est transformée avec l’intervention américaine en Afghanistan puis en Irak, modifiant les enjeux politiques et stratégiques de l’Asie centrale33.

Quatre objectifs stratégiques travaillent ce nouveau  »Grand Jeu » : affaiblir la Russie dans ses marges traditionnelles ; isoler l’Iran dans le jeu énergétique caspien, consolider le pouvoir pakistanais dans le cadre de la Global War Against Terrorism et pour protéger le futur oléoduc trans-afghan34 ; promouvoir l’Inde et diversifier les influences ; repousser la Chine dans ses prétentions régionales au moyen d’un encerclement militaire.

Les Etats-Unis aspirent au contrôle de l’ellipse énergétique stratégique réunissant les atouts du Golfe Persique et de la mer Caspienne. Ainsi, l’hypothèse d’une présence américaine au Moyen-Orient, au Caucase comme en Asie Centrale rend crédible la possibilité d’un redéploiement américain autour des gisements pétroliers majeurs. Enfin, la présence militaire américaine pensée à long terme dans la région se veut être un impératif, une action indispensable pour la stabilité de l’Afghanistan, de l’Asie centrale et du Pakistan.

Prospective pour l’avenir du Triangle Etats-Unis/Inde/Pakistan

En octobre 2003, un groupe d’étude américain indépendant sur l’Inde et l’Asie du Sud, parrainé par le Council on Foreign Relations et l’Asia Society, a lancé un appel au Congrès et à l’administration Bush pour faire de l’Asie méridionale une priorité de politique étrangère : si une telle décision n’intervient pas, la région pourrait connaître des crises qui seraient une menace majeure pour la sécurité nationale des Etats-Unis. Insistant, en effet, sur le fait que «l’engagement des Etats-Unis devrait être plus suivi et davantage tourné vers l’avenir. Les Etats-Unis devaient engager des initiatives diplomatiques à long terme – et non pas en tant que médiateur ou arbitre -pour soutenir les efforts intermittents de l’Inde et du Pakistan pour trouver une solution à leurs différends»35.

Les forces centrifuges au Pakistan sont d’une telle puissance que seul un pouvoir fort peut assurer une hypothétique restauration de la démocratie au sein d’une société tirée par la misère. Cette ligne démocratique devra reposer sur de profondes réformes dans l’éducation et la lutte contre la pauvreté appuyée à moyen terme par une bourgeoisie commerçante bénéficiant de la retombée des oléoducs et des gazoducs provenant arriveront d’Asie centrale. L’Union indienne devrait se rapprocher de plus en plus d’Islamabad afin de lui prodiguer une cure de soutien et de modernisation. Cette évolution devrait réduire les tensions et la question du Cachemire trouvera une solution bilatérale de semi-autonomie avec l’Inde. A l’avenir, un conflit de haute intensité avec l’Inde n’est plus réellement concevable, le risque à moyen terme est une implosion territoriale du Pakistan et, en se séparant, les régions envisageront de se ranger sous la protection de New Delhi. On pourrait imaginer en quelque sorte la création d’une confédération du sous-continent indien, vieux rêve du Mahâtma Gandhi.

L’Inde nucléaire doit modeler un espace stratégique conforme à ses nécessités économiques si elle veut jouer un rôle à la mesure de sa taille et de son poids démographique. Sa croissance économique la rendra capable de maintenir, de rénover, puis d’augmenter ses aptitudes défensives face aux forces centrifuges qui menacent sa souveraineté territoriale. Le Pakistan et la Chine, ses voisins et rivaux nucléaires, tissent un réseau d’alliances militaires et commerciales avec les pays du sud, du centre et de l’est de l’Asie. L’Inde cernée, s’arme et adopte une stratégie d’accords bilatéraux pour contrer l’axe Islamabad-Pékin. La lutte contre le terrorisme global, devenue une priorité pour les Etats-Unis, diminue leur propre potentiel de rapport conflictuel avec l’Inde et renforce la tendance de la coopération36. Cela légitime du même coup les inquiétudes de l’Inde vis-à-vis du Pakistan alors que la présence massive des Etats-Unis dans ce dernier apparaît comme une volonté de contrôler un pays instable et potentiellement déstabilisateur. Au centre de ce singulier quatuor Pakistan/Inde/Chine/Etats-Unis, le Cachemire apparaît comme le point focal de toutes les forces capables d’engendrer une future grande tension internationale.

L’objectif de l’Union indienne est d’être considérée différemment et de se faire reconnaître comme une grande puissance sur laquelle il faut compter pour la sécurité en Asie et avec qui il faut décider37. Or dans le polycentrisme international futur, les Etats-Unis chercheront à contenir l’apparition de centres de puissance indépendants, métamorphosant les alliés d’hier en futurs rivaux. Pour le moment Washington perçoit l’Inde au même niveau que l’Argentine ou le Brésil, ce qu’elle n’accepte pas. Dans le passé, son isolement l’a déjà liée à l’Union soviétique et demain elle pourrait considérer comme bénéfique de renforcer ses relations stratégiques avec la Fédération russe, voire la Chine.

Les Etats-Unis se contenteront de ce que l’Inde fasse contre-poids à la menace chinoise et devienne le gendarme régional de l’Asie méridionale et de VIndian Lake. La tâche de l’Inde sera de persuader Washington38 de leur intérêt à partager et répartir le pouvoir décisionnel entre un ensemble plus large d’acteurs dans un environnement multipolaire et non unipolaire.

ce concept légitime sera de pius en pius partage et la pius grande démocratie du monde devrait trouver des alliés en la France, l’Allemagne, l’Union européenne, les nations industrieuses de l’Asie, l’Australie, le Japon, la Russie, la Chine, le Brésil, le Mexique… Nombreux seront les Etats à contester l’omniprésence américaine sur la scène internationale, l’arrogance et la certitude du Potomac, son interventionnisme politique et militaire ou son comportement agressif sur les marchés à fort potentiel de croissance.

Sammy KACHLEF, diplômé de Géopolitique européenne et spécialiste des pays émergents

notes

  • Les tensions se sont accentuées après l’attaque terroriste contre un camp militaire indien à Kaluchak, Jammu, le 14 mai 2002, et New Delhi a menacé de recourir à l’usage de la force nucléaire à la suite de cet attentat. Les visites de haut niveau se sont enchaînées entre New Delhi et Islamabad, organisées sous l’égide des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. L’éventualité d’un apaisement des tensions entre l’Inde et Le Pakistan s’est fait jour après la visite de Jack Straw à la fin mai. Le ministre du Foreign Office a rejoint Islamabad, le 28 mai, où il insista pour que Mousharraf prenne des mesures concrètes pour endiguer la mécanique terroriste dans le Jammu-i-Cachemire. Le lendemain, à New Delhi, Straw a exhorté l’Inde de faire preuve de retenue, et d’empêcher ses forces armées d’employer la force de l’autre côté de la ligne de contrôle. Par ailleurs, il a averti le gouvernement indien que Musharraf s’était engagé d’enrayer les infiltrations en Inde, et de clore définitivement les camps des activistes dans le Cachemire sous administration pakistanaise
  • Amitabh Mattoo, professeur de géopolitique à l’université Jawaharlal Nehru de New Delhi. Cf.ipcs.org/Indo-Pak.
  • Propos du président des Etats-Unis rapporté par sa conseillère pour la sécurité nationale. Cf. Politique internationale, n°103 -printemps 2004.
  • Les aérodromes de Dalbandin, Jacobabad et Pasni ont été utilisé par les forces armées des Etats-Unis.
  • Une quinzaine de rééchelonnements de dettes a déjà été négociée dans le cadre du Club de Paris et celui de Londres ; les aides bilatérales ont dépassé le milliard de dollars, les Etats-Unis venant en tête avec 673 millions de Au plan multilatéral, l’Union européenne, une aide de 50 millions d’euros a été attribuée. Quant au FMI, il a octroyé au Pakistan les bénéfices de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance, dont un crédit de 1,3 milliards de dollars. La Banque mondiale, de son côté, a apporté 300 millions de dollars. La somme des aides directes, des programmes de soutien économiques et des facilités commerciales constituent un soutien financier international de près de 6 milliards de dollars. Des aides autorisées sans qu’aucune conditionnalité ne soit exigée.
  • Shireen Mazari, directrice de l’Institut des Etudes Stratégiques à Islamabad. Cf.issi.org.pak/database/publications.
  • Suite à cet attentat qui fit 37 morts devant l’assemblée de Srinagar, New Delhi demanda aux Américains qu’ils inscrivent sur leur nouvelle liste des groupes terroristes les mouvements actifs au Cachemire. Cette tuerie avait été attribuée par l’Inde à Jaish-i-Mohammed, un mouvement basé au Pakistan que l’Inde voulait voir figurer sur la liste américaine des organisations terroristes, tout comme un autre mouvement à bien des égards comparable, Lashkar-i-Tadba.
  • L’attentat du 13 décembre 2001 a eu un impact très important, parce qu’il visait le Parlement de New Delhi, où cinq activistes étaient parvenus à s’introduire afin, d’éliminer les ministres participant à un débat à l’Assemblée. Ils ne réussirent pas à atteindre ces cibles, en raison de l’intervention des services de sécurité, mais leur opération fit tout de même quinze morts et montra surtout que les islamistes radicaux pouvaient frapper au sommet de l’Etat. Le gouvernement indien en attribua la paternité à la fois à Lashkar-i-Tadba, Jaish-i-Mohammed et à l’ISI, qui auraient agi de concert.
  • Lashkar-i-Tadba est la branche militante d’une organisation religieuse pakistanaise basée au Pendjab, le Markaz Dawa-ul-Irashad fondé en 1987, qui dispose d’intérêts économiques importants. Son action politico-militaire se concentre sur l’islamisation et la libération du Cachemire indien.

(1U) «Les Pakistanais en ont assez de la violence sectaire et il est temps de réagir. Il est temps de prendre de graves décisions. Notre peuple épris de paix n’a qu’une envie : se débarrasser de la culture de la Kalachnikov. Voulez-vous transformer le Pakistan en un Etat théocratique ? Voulez-vous d’une éducation qui ne soit que religieuse, ou faire du Pakistan un Etat-providence islamique, progressiste, moderne et dynamique ?» Les islamistes avaient fini par former un Etat dans l’Etat, défiant le pouvoir du gouvernement, suivant les propres termes du général Mousharraf ; et c’est contre cette menace qu’il a voulu agir. Le point essentiel de son discours concerne l’extérieur, lorsque Mousharraf indique : « Nous devons arrêter d’interférer avec les affaires des autres… » Cf. www.newsindia-times.com/Archives.

  • Les mouvements islamistes ont une conception de l’Islam autant comme religion que comme idéologie politique ; la sharria comme unique source de droit et de comportement individuel, rejettent les institutions politiques et les valeurs occidentales ; tout en espérant établir un pouvoir sur l’ensemble de l’umma.
  • Fondé en octobre 1989, le Hizbul Mujahedin est l’un des plus ancien groupe militant dans le Cachemire indien. Il prône le rattachement de l’ensemble de l’Etat du Jammu-i-Cachemire au Pakistan et liée idéologiquement, logistiquement et par le biais de son recrutement au Jamaat-i-Islami dont il est en quelque sorte son bras armé, bien qu’il dispose par rapport à ce dernier d’une réelle autonomie. On peut également ajouter, le Harkat-ul-Ansar, devenu Harkat-ul-Moujahedin. Son champ d’action ne se limite pas au Cachemire mais s’étend à la Tchétchénie, à l’Afghanistan et au Tadjikistan. Lié à une organisation rivale du Jamaat-i-Islami, le Jamaat-e-Ulema-e-Islam, ses membres viennent d’Afghanistan, du Pakistan et plus généralement de l’ensemble du monde arabo-musulman même s’il comprend quelques éléments cachemiris. Enfin, Harakat-ul-Jihad, Jamaat Isla et encore d’autres font partie officiellement des groupes terroristes censés avoir disparu.
  • Ce projet était de créer à Kaboul un gouvernement allié dans le but de prévenir une coalition indo-afghane, tout en créent une zone musulmane tirée par les éléments les plus extrémistes pour conter économiquement, démographiquement et militairement New Delhi. En replaçant le tout dans le cadre de la question du Cachemire.
  • Galiani, fils d’un commandant moudjahidin ayant mené la lutte contre les Soviétiques, s’était installé à Peshawar, où il a mis sur pied le NationalIslamic Front of Afghanistan à l’automne 2001.
  • Un ambitieuxprojetde réformes wsant à plus de liberté, plus de tolérance, plus de transparence, plus de libre marché, plus de participation à la société civile et de respect du statut personnel de la femme.
  • Un Moyen-Orient perçu dans un ensemble constitué du Maghreb, du Machrek, de la Corne de l’Afrique et de l’Iran.
  • Surtout que les Américains s’installent en Asie centrale, près des frontières iraniennes, maintiennent leurs bases en Arabie Saoudite, tissent des liens étroits avec le nouveau régime afghan et sont en relativement bons termes avec la Russie, ce qui alimentent la représentation iranienne d’un encerclement complet des Etats-Unis qui attisent une rhétorique belliqueuse à l’égard de l’Iran. Cataloguer sans nuance l’Iran au sein de  »l’axe du mal » traduit sans doute une mise sous pression accrue du régime iranien par Washington, mais gomme le rôle modérateur de Téhéran dans les conflits régionaux (Arménie – Azerbaïdjan notamment), son opposition constante aux Talibans, et le danger d’un durcissement du régime sous la pression de l’interventionnisme de l’Administration Bush. Par ailleurs, comme pour la Chine, la présence des Etats-Unis et la réorientation stratégique de nombreuses républiques d’Asie centrale ruine des années d’efforts de promotion et de partenariat économique.
  • Les connexions pakistano-nord-coréenne (centrifugeuses), pakistano-iranienne et pakistano-libyenne des réseaux du Dr Khan, père de la Bombe islamique. Bruno Tertrais, « La prolifération des armes de destruction massive : la nouvelle donne », in Annuaire stratégique et militaire, 2003.
  • C’est une force clef, l’ISI ou services secrets pakistanais sont beaucoup plus qu’un service de renseignement de l’armée. Formellement rattaché à l’état-major général, l’ISI est dans les faits, un organisme indépendant. L’armée pakistanaise, déjà dans une tradition d’insubordination par rapport au pouvoir politique civil, est confrontée à un service de renseignements qui lui est réfractaire. L’ISI pilote entièrement la guerre au Cachemire et contrôle le nucléaire, on peut ainsi ce rendre compte de l’importance de ramener cet électron libre vers Musharraf pour les Etats-Unis.

(2U) Plus petit que l’Inde, le Pakistan n’est pas moins lui aussi très divers sur le plan ethnique. Le phénomène constitue même un facteur primordial dans la compréhension du jeu politique pakistanais. D’un côté, Le Pendjab, une région indienne et musulmane (56% de la population totale selon le dernier recensement de 1998) qui est liée historiquement à une autre province, celle du Sind (23% de la population totale) cultive ses particularités avec sa forte identité régionale renforcée par le phénomène mohajir ( les Mohajirs étant les immigrés musulmans venus au Pakistan au moment de la partition de l’Inde de 1947, dont beaucoup sont originaires de l’Uttar Pradesh, la plus grande province de l’Inde du Nord). De l’autre côté la minorité baloutche (5% de la population totale) de culture persane et hostile à l’intervention croissante de l’Etat central dans les affaires régionales ; la minorité pachtoune également persophone (7 millions d’individus) installé dans la North West Frontier Province (NWFP), c’est le monde tribale et clanique s’étendant aussi bien au Pakistan qu’en Afghanistan où règne le pukhtunwali, le  »Code pathan ». Enfin, il faut évoquer le cas particulier du Cachemire, Etat musulman de l’Union indienne, qui est occupé par le Pakistan pour sa partie occidentale, dans laquelle on dénombre près de 4 millions d’individus  placés  sous   le  contrôle d’Islamabad.

(21) Trois grands types de mouvements politiques se dessinent : les « jihadistes », pour lesquels la guerre sainte prime sur la prise du pouvoir dans le pays. Leur terrain d’action furent l’Afghanistan, la Bosnie, le Tadjikistan et sont particulièrement actifs au Cachemire tels que le Harkat-ul-Mujahidin ou le Lashkar-i-Taïba ; les « sectaires » sont impliqués dans le conflit entre sunnites et chiites (7 à 15% de la population) au Pendjab et à Karachi. Ainsi, le Sipha-i Sahaba Pakistan dont l’objectif par exemple est d’obtenir que les Duodécimains et les Ismaéliens soient déclarée minorité non-musulmane. Du côté chiite, la principale de ces organisations est le Sepah-i Muhammad Pakistan. Depuis le milieu des années 1990, certains groupes issus de ces mouvements sont impliqués dans les attentats et assassinats qui ont fait des centaines de morts ; les « constitutionalistes » cherchent à s’imposer dans l’échiquier politique par des moyens légaux. On distingue trois principaux partis politiques islamistes sunnites, le Jama’at-i Islami Pakistan, le Jama’t-i Ulama-i Islam et le Jama’at-i Ulama-i Ahl-i Hadith. Ces derniers revendiquent l’application de la sharria, l’islamisation totale de la société ainsi qu’une opposition radicale à l’encontre de l’Occident, l’Iran, l’Inde et Israël. – 158 –

  • Déclaration faite à Londres, le 22 juin 2003.
  • Dawn, 14 janvier 2003.
  • Muralidhar Reddy,  »Mucharraf calls for 2 jehad2 against extremism », The Hindu, 18 janvier 2004,www.hinduonnet.com/ thehindu/2002/01/18/stories/2004011806570100.html.
  • Le pivot géographique de l’histoire est probablement le texte fondateur de pensée géopolitique contemporaine. Sir Halford Mackinder (1861-1947), par cette conférence présentée à la Société Royale de Géographie le 25 janvier 1904, avance l’existence d’un pivot du monde, ce qu’il appelle le heartland au centre duquel se situe la Russie. Et c’est autour de ce concept clé, selon l’auteur, que s’articulent toutes les rivalités et stratégies du monde. Ce pivot correspond à la partie continentale de l’Eurasie, il est enserré d’un anneau intérieur correspondant à l’Europe occidentale, au Proche et Moyen-Orient, à l’Asie du Sud et de l’Est. Enfin, deux systèmes insulaires l’entourent, les îles britanniques à l’ouest, le Japon à l’est qui forment les postes avancés d’un arc plus distant, nommé anneau insulaire et extérieur dont font partie le continent américain. L’effondrement de l’empire soviétique conduit à s’interroger sur l’avenir de la zone pivot alors que nous entrons dans une phase de bouleversements dont on ne peut encore prédire l’ampleur. Cf. W.H. Parker, Geography as an aid to statecraft, Oxford, Clarendon Press, 1981.
  • Propos de l’analyste Ariel Cohen du centre de recherche de Washington, Heritage Foundation. Cf.heritage.org/ Research/Eurasian Studies.
  • Rajan Menon, ‘The New Great Game in Central Asia », in Survival, vol 45, n°2, summer 2003.
  • De fait, le tracé afghan, certes plus long, paraît aujourd’hui, compte tenu des choix politiques de Washington à l’encontre de l’Iran, comme la meilleure carte. La désignation de l’envoyé spécial de George Bush en Afghanistan, Zalmay Khalilzad, n’est pas neutre : il avait écrit, à la fin de l’année 2000, que  »l’importance de l’Afghanistan pourrait grandir dans les prochaines années, alors que le pétrole d’Asie centrale […] commence à jouer un rôle majeur sur le marché mondial de

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l’énergie. L’Afghanistan pourrait s’avérer un corridor de qualité pour cette énergié’. Le précédent employeur de M. Khalilzad était la compagnie Unocal, celle-là même qui était à l’origine du projet américain de soutien aux Taliban pour permettre la construction de ce fameux oléoduc. Cf. Zalmay Khalilzad et Daniel Byman,  »Afghanistan : The Consolidation of a Rogue State », The Washington Quarterly, hiver 2000.

  • Elie Kheir, « Bakpu-Ceyhan : les enjeux d’un oléoduc », in Le débat stratégique, n°48 – janvier 2000.
  • Marie Jego, Caspienne : le retour du Grand jeu, in Politique internationale, n°101- automne 2003.
  • Les républiques du Caucase sont en effet le passage obligé de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) qui transporte vers l’Occident le pétrole du Kazakhstan, de l’Azerbaïdjan. Le BTC va donc démarrer en Azerbaïdjan, transiter par la Géorgie voisine et s’achever en Turquie : 1767 kilomètres jusqu’au port turc de Ceyhan. Reste encore le gaz naturel. Le gaz turkmène est sous contrôle russe, mais le président Niazov veut des gazoducs alternatifs pour réduire sa dépendance. Cela pose problème. Car il faudrait ressusciter le fameux projet de pipeline que les groupes d’intérêt pétroliers américains avaient cherché à construire via l’Afghanistan du temps du régime taliban. Ce projet de gazoduc, long de 1 500 kilomètres, qui devait traverser l’Afghanistan pour aboutir au Pakistan. Le projet avait échoué en 1998, les Talibans s’étant révélés incapables d’imposer leur autorité, et donc d’assurer la sécurité sur l’ensemble du pays. Ce gazoduc doit être ressuscité.
  • Un accord bilatéral sino-kazakh (1997) prévoit la construction d’un oléoduc de 10 000 km devant fournir à la Chine 20 millions de tonnes de brut par an, mais en attendant sa mise en service un accord d’échange a été établi entre l’Iran et le Kazakhstan permettant de fournir la Chine en pétrole iranien.
  • R. Djalili, T. Kellner, Géopolitique de la nouvelle Asie Centrale : de la fin de l’URSS à l’après-11 septembre, Paris, PUF, 2003.
  • L’ambassadeur américain Wendy Chamberlain aurait discuté dès octobre 2001 avec le ministre du pétrole pakistanais de la relance du projet.
  • Rapport du président du groupe d’étude américain indépendant parrainé par le Council on Foreign Relations et l’Asia Society, 2003, New Priorités in South Asia : U.S. Policy Toward India, Pakistan, and Afghanistan, 7.
  • A savoir le nucléaire civil, la surveillance des détroits en Asie du sud-est, la lutte contre le terrorisme et le partage des informations.
  • Pékin refuse toujours à l’Inde un siège au Conseil de sécurité.
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