Les financements saoudiens des médias, des ONG et des partis politiques dans le monde arabe en vue d’imposer le Wahhabisme.

Les financements saoudiens des médias, des ONG et des partis politiques dans le monde arabe en vue d’imposer le Wahhabisme.

Sadek ALSAAR, Président de Salam For Yemen,

La monarchie Saoudienne, comme trop peu le savent, ne dispose pas de réelles institutions législatives, ni d’un système juridique transparent.  Dans cette monarchie absolue, c’est la loi islamique, la Sharia, qui fait office de Constitution.  En Arabie Saoudite, ce sont deux clans, la famille Al Saoud et la famille Al Cheikh (descendante de Mohammed Ben Abd El Wahab, fondateur de la doctrine Wahabite) qui se partagent le pouvoir. Le pouvoir politique exécutif et les fonctions régaliennes sont entre les mains du clan Saoud (Roi, ministres, gouverneurs etc.) tandis que la vie sociale et religieuse est entre les mains de la famille Al Cheikh. C’est parce que le Wahabisme est le seul ciment social, qu’il apporte de la stabilité au Royaume et qu’il renforce la légitimité des Saoud, que ces derniers s’appuient sur cette doctrine religieuse rigoriste.

Les débuts de la propagation wahhabite dans le monde arabe : un combat contre le panarabisme républicain

Dans les années 1950-60, le panarabisme, porté par Nasser, est à l’origine de changements politiques de fond dans le monde arabe (révolutions Egyptienne, Irakienne, Syrienne, Yéménite etc.). Les Saoudiens voient dans ce changement une menace pour leur régime. C’est à ce moment qu’ils ont commencé à recevoir les opposants politiques de ces jeunes républiques qu’ils ont formés à la doctrine Wahhabite. Ces derniers l’ont propagée à leur retour dans leurs pays respectifs. Les Saoudiens ont aussi apporté de l’aide aux partis d’oppositions se réclamant de l’islam politique, comme les Frères Musulmans. Le Royaume Saoudien voit alors en Nasser son principal ennemi, ils le combattent en Egypte mais aussi au Yémen (où l’Egypte est engagée aux côtés de la jeune république).

Les années 1970 : le début de la propagation de la doctrine Wahhabite

Suite à un boom économique grâce à la flambée des prix du pétrole, la monarchie Saoudienne se retrouve à la tête de capitaux astronomiques, les pétro-dollars. Ils commencent alors une politique de soft-power agressive, en finançant la construction de mosquées et de centres culturels propageant l’idéologie wahhabite. Ils forment également des imams en provenance de l’ensemble des pays du monde arabe à cette doctrine rigoriste, étendant ainsi leur sphère d’influence. Ils financent des ONG charitables dans le monde arabe et musulman, ais également en Occident. C’est le début de leur action auprès des classes populaires.

Les années 1980 : le financement de factions armées au nom de la guerre sainte (Djihad)

L’Arabie Saoudite engage des milliers de jeunes en provenance de l’ensemble du monde arabe et musulman afin de combattre le communisme en Afghanistan, ce sont les désormais connus Moudjahidines. La monarchie wahhabite finance le transport, l’armement et l’entraînement de ces combattants. L’Arabie Saoudite est en effet effrayée par la présence soviétique en Afghanistan et plus largement de l’importance des mouvements de gauche, dans le monde arabe, en particulier au Yémen du Sud alors communiste.

Les années 1990 : naissance d’Al Qaïda

Suite à la fin de la guerre d’Afghanistan et à l’effondrement du bloc soviétique, les Moudjahidines rentrent dans leurs pays respectifs. Ce retour est marqué par leur volonté de participer activement à la vie politique de leur pays (notamment en Arabie Saoudite). Ils attendent des signes de reconnaissance de leur sacrifice et de leur participation à la victoire face à l’URSS en Afghanistan. Cette volonté est combattue avec violence par le régime Saoudien qui ne veut pas partager le pouvoir politique. Endoctrinés par les idées guerrières du Wahhabisme (son interprétation violente du Djihad notamment),  forts de leur expérience militaire en Afghanistan et se voyant refuser toute participation politique, ces fondamentalistes se regroupent et forment l’organisation terroriste Al Qaïda.

Milieu des années 1990, début des années 2000 : le début de l’offensive médiatique saoudienne

Au début des années 1990, l’Arabie Saoudite s’engage aux côtés des Américains en Irak dans le cadre de la Guerre du Golfe. Le royaume Saoudien permet alors la présence de troupes américaines sur le sol saoudien, présence jugée illicite par les Wahhabites. Face aux critiques des Moudjahidines et des imams intégristes, l’Arabie Saoudite commence à s’inquiéter du pouvoir des médias. Cette crainte des médias est à l’origine d’une véritable stratégie médiatique offensive. Cette stratégie se déploie au travers de la création de journaux et de magazines en langue arabe (Sharq Al Wasat), du rachat de titres d’envergure de la presse arabe (Al Hayat), de la création de chaînes satellitaires (MBC, Iqra), et à l’achat de l’intégralité des encarts publicitaires des chaînes arabes publiques (au Yémen et en Egypte notamment). C’est ainsi que la prière du Vendredi de la Mecque est transmise en direct sur la quasi totalité des chaines de télévisons des pays arabes, que le rigorisme moral wahabbite se répand dans les programmes de télévisions et le production cinématographique.

Les années 2000 – 2010 : la naissance de Daesh

Suite à l’invasion de l’Irak et à la division du pays selon des critères ethnico-religieux, l’Arabie Saoudite voit le rapprochement des Chiites Irakiens avec l’Iran comme une menace. Le royaume saoudien est effrayé par les ambitions nucléaires iraniennes, la crainte de voir son voisin Chiite se doter de l’arme atomique tourne à l’obsession pour l’Arabie Saoudite. Le royaume commence alors à mener une guerre ouverte contre les Chiites, Chiites que les Saoudiens n’ont jamais portés en leur cœur en raison de l’hostilité du Wahhabisme envers ce courant de l’Islam qu’il considère comme hérétique. On voit alors émerger un mouvement politico-religieux sanguinaire qui s’auto proclame comme l’Etat Islamique au Levant et en Irak, plus connu sous le nom de Daesh.

De 2011 à nos jours : le sabotage des printemps arabes
De nouveau, l’Arabie Saoudite, cette fois appuyée par les monarchies du Golfe, voit dans la révolte populaire des jeunes arabes une menace. Le royaume intervient militairement au Bahreïn pour mater la révolte populaire. C’est la première fois de son histoire que l’Arabie Saoudite intervient militairement de façon claire et directe en dehors de ses frontières. Le royaume injecte également des milliards de dollars dans l’économie de Oman, de Bahreïn afin d’étouffer les mouvements de protestation. En Lybie, le royaume délègue aux Qataris et aux Emiratis le soin de bombarder le pays. En Syrie, l’Arabie Saoudite arme et finance les opposants à Bachar Al Assad, ce qui a pour conséquence de transformer la révolte populaire en guerre civile.

Au Yémen son voisin direct auquel le royaume n’a jamais pardonné ses choix politiques et sociaux, l’Arabie Saoudite participe à l’étouffement de la révolte populaire en s’appuyant sur le parti Al Islah (proche des Frères Musulmans) afin de plonger le pays dans une guerre civile. Cette tentative est infructueuse, les Yéménites ne prennent pas les armes et s’engagent dans un dialogue politique. A la veille de la ratification d’un accord de sortie de crise incluant l’ensemble des partis politiques yéménites, l’Arabie Saoudite attaque militairement le Yémen, sans déclaration préalable. Depuis le 26 mars 2015, c’est une guerre sans merci que livre le royaume Saoudien. Le Yémen, dépendant à 90% des importations pour assurer la sécuritaire alimentaire de sa population, subit un embargo entrainant de graves pénuries (nourriture, eau, électricité, carburants, médicaments)). Son patrimoine millénaire est menacé et subit des destructions massives.

La population vit depuis le 26 mars 2015 dans une insécurité grandissante qui a causé 6 500 morts, 31 400 blessés et menace la vie de millions de personnes (14,4 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire). Source : OCHA.

Depuis sa création jusqu’à nos jours, l’Arabie Saoudite a trouvé des appuis politiques et militaires auprès du Royaume-Uni puis des Etats Unis d’Amérique. Pourtant les conséquences des décisions arbitraires et obscurantistes prises par la famille des Saoud, après avoir ravagé le monde arabe, se font sentir aujourd’hui jusqu’en Occident. Il est temps que cela change.

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