LES ONG ARABO-MUSULMANES : LA NATURE DE LEUR FONCTIONNEMENT ET LES DESSOUS DE LEURS LOGIQUES

Fadhel Mohamed TROUDI

Mai 2007

DANS LE CADRE DE CE Qu’lL CONVIENT DAPPELER la « globalisation du religieux », nous nous proposons d’étudier ici le fonctionnement des organisations non gouvernementales, la place et l’influence qu’elles ont dans le champ religieux dont elles dépendent et également les interrogations qu’elles soulèvent entre iden­tité religieuse et identité nationale.

L’appellation d’organisation non gouvernementale connaît aujourd’hui une extension plus importante que par la passé. Il convient ici d’étudier le fonctionne­ment de ces organisations, de voir comment se décline l’influence de la religion mu­sulmane dans l’aide humanitaire prise comme un champ principale de son action.

Rappelons rapidement que les ONG sont nées d’abord en Occident à la confluence de deux courants: le premier de nature « associationiste » se développe sous la forme du libre regroupement d’individus, d’accords pour défendre soit des intérêts communs, soit des valeurs parfois éthiques. Le deuxième courant est plutot « missionnaire », a eu dès ses débuts un regard expansionniste de son action qu’elle soit religieuse ou laïque.

Au cours de la décennie quatre-vingt se mettent en place les conditions qui vont permettrent la multiplication de ces organisations. La mondialisation des éco­nomies et la montée du chômage vont même permettrent la professionnalisation de ces organisations ce qui les amènent, à être de plus en plus considérées dans des champs d’action jusqu’à la résevés à la sphère publique, comme la coopération et l’assistance à l’intérieur comme à l’extérieur des Etats.

C’est également la nouvelle physionomie du monde qui est la conséquence de la dislocation de l’ex union soviétique et la fragmentation du tiers-monde, mais aussi la perte de crédibilité des institutions onusiennes qui vont créer des nouveaux espaces entre les Etats-nations. De surcroit la multiplication des conflits d’un genre nouveau difficilement gérables par des éléments inter-étatiques , que sont le diplo­mate et le soldat, vont parachever la multiplication d’ONG parties à la conquête de ces espaces abandonnés par la puissance publique. Devenues des institutions légitimes, leur nombre n’aura de cesse de se multiplier. Parmi ces organisations, on peut en citer les ONG musulmanes très actives notamment dans le domaine de l’humanitaire, intervenant généralement dans des pays où l’Islam est majoritaire1. Ces ONG ne sont plus considérées aujourd’hui comme des solutions palliatives ou alternatives au développement des pays, mais plutôt comme des acteurs à part entière du développement et de la régulation des sociétés, au même titre que les pouvoirs publics et le secteur privé. On se penchera plus loin sur le cas des ONG du monde arabe et musulman en étudiant l’influence qu’elles ont ou pas sur le champ politique et social à l’instar des ONG occidentales.

Depuis environ quinze ans, un phènomème a émergé que les ONG occiden­tales considèrent un peu avec étonnement voire de la méfiance, ce sont les ONG musulmanes.

Fortes de leur crédibilité interne, ces ONG vont rapidement investir le terrain humaitaire mais aussi social le plus souvent abandonné par des régimes en place, en perte de crédibilité et d’ancrage populaire. Dans une situation de crise économique endémique et d’absence d’horizons politiques et économiques pour des milliers de citoyens arabes et munsulmans, laissés pour compte de la mondialisation et ses effets néfastes, elles vont se saisir de cette insatisfaction populaire et du rejet le plus total de ces régimes pour allier action caritative et Islam militant ou politique.On découvre même parfois que ces ONG sont au cœur de l’islamisme politique. Elles ont une référence ecxlusive à l’Islam, une puissante légitimité sociale et culturelle, des liens parfois renforcés et parfois ambigus avec les militants islamistes radicaux, des rapports conflictuels avec les ONG occidentales et notamment celles d’obé­dience religieuse, des moyens financiers importants, et des affiliations parfois étroi­tes avec divers Etats utilisant la religion comme un levier politique, au service d’un dessin ou de projet politique pour le moins disctutable.

Dans le contexte socio-économique de ces dernières années, caractérisé par le libéralisme et les réductions drastiques des dépenses des Etats, dans un contexte international trouble qui a pris une toute autre ampleur avec les évènements tra­giques du 11 septembre, l’Islam s’est trouvé depuis et de plus en plus aujourd’hui, au centre d’une actualité internationale dominée par ce que certains appellent le terrorisme, alors la question des ONG islamiques est synificative à plus d’un titre.

 

Ceratins observateurs occidentaux vont même jusqu’à parler d’un lien orga­nique entre ces ONG et l’islamisme pris comme un phènomène socio-politique né des échecs des politiques nationales, et de la vision chez les musulmans d’une aggression internationale contre l’Islam entrainant du coup un repli identitaire, encouragé et entretenu par l’idée d’un retour aux sources de l’Islam, comme un projet global de gestion politique, économique, sociale et culturelle de la Oumma ou nation musulmane.

 

C’est essentiellemnt dans ce acdre que ces associations ont connu un regain d’activité et leurs fonctions sociales se sont renforcées incontestablement.

 

ONG musulmanes et islamisme: Une idée objective ou au contraire procède-elle d’une méconnaissance de la notion de la solidarité dans l’Islam ?

 

Pour répondre à cette interrogation d’une manière toute simple, il convient d’abord de définir le sens même de la religion musulmane et de sa conception de l’humanitaire. L’Islam sur le plan du dogme, est le fait d’adhérer et de s’en remet­tre à Allah Unique. Pour certains, l’Islam se traduit par la soumission à un Dieu tout puissant, ce qui connote une idée de domination coercitive. Toutefois, il est une acceptation réfléchie et une relation immédiate entre le créateur et sa créa­ture. L’humanisme de l’Islam ramène l’homme à l’unité, idée centrale de cette reli­gion proclamant ainsi la coopération et l’entraide entre les hommes. L’effort d’une meilleure intelligibilité dans la compréhension de la question posée celle de savoir s’il existe des liens organiques entre action humanitaire et islamisme politique, nous ramène au problème central de la pensée religieuse en général et de la pensée isla­mique en particulier.

 

Dans le contexte d’un monde arabo-musulman, dominé par les injustices socia­les, l’absence de valeurs démocratiques et de transparence politique, devant l’écrase­ment des oppositions politiques les plus souvent avec une bénédiction occidentale, les islamistes ont finis par annexer à leur profit la revendication démocratique et sociale contre des régimes discrédités.

 

Ils ont construits une légitimité à force de distributions de couvertures, d’aides financières, de financement des écoles, et d’éducation islamique de base. L’activisme caritatif étant une tradition bien ancrée dans l’Islam.

 

Un contexte national et international favorable à l’émergence et au développe­ment d’organisations islamiques

Depuis plusieurs décennies, le monde arabo- musulman semble immobilisé dans ses échecs successifs autant que dans ces contradictions, rares sont les régions du monde qui sont restées autant clouées, vissées jusqu’à l’étouffement, à ses défi­ciences sociales, politiques et économiques.

 

La sur-utilisation politique de l’Islam depuis les premières années des indépen­dances des pays arabo-musulmans, a fait apparaître les contradictions des gouver­nements nationalistes: d’une part, ils affirment le contrôle de l’Etat sur le religieux, d’autre part, leur quête de pouvoir ou d’influence les amènent souvent à prendre appui sur l’Islam et sur ceux qui le manient à l’extrême pour renforcer leur écoute populaire. En somme la construction d’une identité nationale de ces pays a entraîné à un certain moment de leur histoire une certaine étatisation de l’Islam tant sur le plan interne qu’international.

 

L’utilsation de l’Islam à des fins de politique étrangère notamment sous le règne de Nasser et de manière souvent ambiguë va dans le même sens en mettant en exergue quelques années plus tard les limites du panarabisme. Nasser va en effet parler au nom de l’Islam pour fédérer les différents pays alors en proie à une lutte d’influences (la présence française au Maghreb et la question palestinienne…), fai­sant s’apparenter le panarabisme à un panislamisme au point de stigmatiser les souverains saoudites.

 

Cette politique d’intégration et d’utilisation de l’Islam au sein du nationalisme arabe et panarabe a conduit les groupes islamistes à radicaliser leurs thèses et à les enrichir de nouveaux éléments visant à conquérir les masses, comme la revendica­tion d’un équilibre social et moral basé sur la protection des « valeurs anciennes », face aux déséquilibres importés par les Etats inféodés à l’Occident.

 

L’affaiblissement de l’arabisme va entraîner une montée en puissance de l’is­lamisme entre la fin des années 1960 et le début des années 1970. L’action cultu­relle menée par les mouvements islamistes dans les années 1960, leur a permis d’investir peu à peu la politique et la société au début de la décennie soixante dix. L’importance de la question israélo-palestinienne est ici centrale. En effet la défaite des pays arabes lors de la guerre des Six jours face à l’Etat hébreu, a laissé un pro­fond traumatisme dans le monde arabe et musulman, et semble marquer le double échec du nationalisme incarné par Nasser: d’abord un échec dans sa lutte contre l’impérialisme et l’Etat d’Israël, d’autre part, un échec dans sa volonté de réunir les différents Etats arabo-musulmans. Cet échec amorce le basculement de toute une nouvelle génération d’intellectuels, d’étudiants, de jeunes urbains pauvres que la modernisation des Etats indépendants à marginalisé.

 

Après s’être construit sur le plan culturel au début des années 1960, l’islamisme tend donc à revendiquer la gestion des affaires publiques et à récupérer les op­positions aux régimes arabes. C’est sur les bouleversements culturels des sociétés musulmanes, sur des questions de politique internationale, je pense aux politiques imposées par les pays industrialisés, les déréglementations économiques dictées par les institutions internationales (FMI, Banque mondiale, OMC) ou encore la vo­racité meurtrière des multinationales du Nord, largement défavorables au mon­de arabo-musulman, sur des frustrations sociales et d’exclusion économique que vont se développer des diverses organisations non gouvernementales musulmanes. Comme l’on montré plusieurs travaux, les invasions de l’Afghanistan et du Liban ont donné un coup de fouet au développement de ces organisations vers la fin des années 19702.

 

C’est à cette période que des associations islamiques de solidarité et d’entraide ont commencé à reprendre à leur compte des formes d’organisation proches de celles de leurs homologues occidentales. Souvent formées dans des organisations occidentales, ces adhérents avaient une compétence technique, observaient une li­gne de conduite assez proche de leurs homologues occidentaux, ils sont recrutés par une fondation islamique pour mener à bien des projets de création d’ONG dans des pays musulmans. Elles sont nées on peut l’affirmer d’une appropriation de techniques et de savoir-faire, et leur essor est remarquablement parallèle à celui des ONG occidentales. Toute en contestant l’hégémonie de ces dernières, certaines se sont se sont progressivement insérées dans le champ de l’action humanitaire et en acceptant formellement les normes.

 

La contestation de l’universalisme de l’action humanitaire occidentale à conduit probablement à l’affirmation d’une conception alternative et particulière de l’hu­manitaire incarnée par une majorité d’ONG musulmanes. Il en existe aujourd’hui un grand nombre installé dans l’ensemble du monde arabo-musulman. Crées en réaction à l’hégémonie des ONG occidentales dans le champ de l’action humani­

 

taire, c’est en référence à l’Islam militant que vont naître les premières organisations de secours islamiques à la fin des années 1970.

 

La mise en place de ces institutions caritatives étaient triplement justifiées : d’une part, par l’échec des politiques économiques nationales à endiguer la pauvreté et les injustices, mais aussi par la prise de conscience du retard des musulmans dans leur capacité à organiser des opérations de secours, et enfin par la contestation visi­ble des effets pervers des interventions humanitaires d’acteurs occidentaux souvent considérés comme véhiculant une forme de « christianisation » à tord ou à raison. En somme, l’humanitaire est alors perçu comme un vecteur de néo-impérialisme politique (contrôle du territoire, contournement de l’appareil de l’Etat, activité par­tisane) ou culturel (l’humanitaire comme reliquat des activités missionnaires du XIXe siècle) voire les deux à la fois.

 

Certaines organisations se donnent tous les moyens de leurs ambitions, comme l’organisation portant le nom ddIslamic Relief Agency financée par des fonds venant essentiellement des pays du Golfe. Cette organisation a contrôlé une zone entière de la Somalie lors de l’intervention américaine dans ce pays qui a connue le fiasco qu’on lui connaît. Elle a développé un projet de société qui a pour finalité de rebâtir un Etat sur une base religieuse, proposant une vision totalitaire qui englobe l’en­semble de la population somalienne, et qui a clairement pour ambition de se subs­tituer aux formes de pouvoir étatique telles qu’elles fonctionnaient auparavant. La montée de l’islamisme, tant décrié dans d’autres pays arabes, prend ici une tournure singulière du fait d’une situation chaotique dans ce pays. C’est donc de l’échec de cette expérience maladroite de « l’oncle Sam », que les islamistes ont pu élargir leur influence dans tous le pays. Chacun y va avec ses objectifs et surtout ses moyens. Une compétition va désormais s’installer entre les différents acteurs de la charité islamique, elle opposera essentiellement des pays comme l’Arabie Saoudite, l’Iran et même le Soudan. Ce pays qui n’a pas les moyens de ses concurrents, s’est imposé depuis le coup d’Etat islamiste comme un pôle du renouveau religieux en Afrique.

Par son utilisation abusive de la religion notamment pour des combats politi­ques, ce pays est devenue un peu le berceau actuel de l’idéologisation moderne de la religion. Dans ce pays et dans bien d’autres, les ONG occidentales sont souvent comprises comme des organes de diffusion du message chrétien ce qui n’est pas totalement inexact. Qu’elles soient musulmanes ou chrétiennes, ces ONG se sont souvent appuyées sur le prosélytisme comme un vecteur de l’action caritative ou sociale. Les actions humanitaires ou les actions de développement menées par cer­taines ONG, ont aujourd’hui certainement un fondement théologique.

 

Reste à savoir, si ces organisations sont dans une situation de dépendance vis-à-vis des institutions religieuses ou agissent-elles comme de nouveaux corps inter­médiaires voire autonomes ? Ou encore l’influence de la religion dans l’aide hu­manitaire doit-elle être seulement comme un principe fondamental de la religion musulmane ? Qu’en est-il précisément ?

 

L’influence de la religion dans l’action des ONG musulmanes: le point de vue de l’islam

La réponse à ces interrogations, renvoie à une meilleure compréhension de l’Is­lam. L ‘humanisme de l’Islam, c’est qu’il ramène l’homme à l’unité, idée centrale de cette religion proclamant ainsi la coopération et la solidarité entre les hommes, tous les hommes. « L’homme de cet « âge de conflits », qui est toujours plus incapa­ble de vivre en bonne harmonie avec ses semblables3 n’arrive plus à trouver la paix intérieure dans ce monde. » Pour les musulmans, les actes humanitaires constituent un élément essentiel de la pratique religieuse. Nombreux sont, les textes coraniques et prophétiques qui plaident en faveur de l’action humanitaire en la définissant et en précisant son exécution.

 

Ils sont soit de nature obligatoire, soit de nature incitative et n’excluent pas les non-musulmans parce que l’Islam est une religion universelle. Allant de l’affran­chissement des esclaves, au soutien significatif pour les plus démunis, à l’expansion du système d’éducation et de santé, ces mécanismes ont eu un impact sans précé­dent sur la vie des populations musulmanes. Ce sont aujourd’hui les textes sacrés qui fondent l’action humanitaire dans divers domaines. L’action humanitaire doit être comprise comme un des principes fondamentaux de la religion musulmane. Faire un don ou secourir un sinistré ou un nécessiteux sont des actes qui ne sont pas laissés à la libre appréciation du croyant mais s’imposent à lui, au même titre que la prière ou le jeune du mois sacré de Ramadan.

L’acte humanitaire est dans l’Islam une composante essentielle de la pratique religieuse, qu’il se limite à un don d’argent ou qu’il revête une forme plus prati­que et plus engagée. Ce n’est autre chose que la consolidation de deux dimensions essentielles que sont l’affectif et le sens du devoir. Par le biais de dispositions lé­gislatives (versets coraniques et hadiths)4, l’Islam a inauguré en quelques sortes la notion de l’humanitaire en la stimulant et en la rendant un acte populaire, général et exerçable par tous au quotidien. Les textes du Coran et de la Sonna « la tradition Prophétique » ont un caractère incitatif aux actes de bienfaisance, « les premiers à entrer au paradis sont ceux qui font de bonnes œuvres… »5. Plus qu’une simple incitation, les textes sont formulés sous forme d’ordre clair : « Délivrez les prison­niers, donnez à manger à l’affamé et soutenez les malades…. »6.

 

S’agissant de la lutte contre la famine et ses répercussions, le hadith prophéti­que est véritablement révélateur : « si dans une commune, un homme décède de famine, alors tous les résidants se mettent hors de la protection de Dieu et de son prophète… »7, ce qui signifie selon la vision musulmane de l’humanitaire que tous les musulmans résidants d’une telle commune seraient condamnables et devraient être jugés pénalement pour non assistance.

 

Il faut noter également que cette obligation d’assistance ne s’applique pas qu’aux seuls musulmans en situation de détresse, les textes n’excluent pas les non-musul­mans de l’aide humanitaire qui doit se faire indépendamment de tout critère reli­gieux, racial ou politique, contrairement aux pratiques de certaines organisations humanitaires musulmanes, aujourd’hui muées qu’elles sont dans une sorte d’isla­misme militant et par conséquent sélectif, en contradiction avec la nature véritable­ment universelle de l’Islam.

 

Pour un musulman accomplir un acte humanitaire est une manière de recevoir l’aide du ciel, de racheter ses péchés et de mériter le paradis. La Zakat8, aumône obligatoire religieusement, est un pilier fondamental de la religion musulmane, le Waqf qui est une sorte d’aumône continue9 appelé aussi « habous » ils ont joués et continuent de jouer un rôle important dans le domaine de la solidarité sociale. La kaffara10 ou l’effacement des péchés et biens d’autres mécanismes comme les micro­crédits, le parrainage des orphelins, la médiation ou l’assistance aux réfugiés sont autant d’éléments qui donnent une idée claire de la force avec laquelle, la religion musulmane a stimulé l’action humanitaire. Elle en a fait un rite et une obligation d’ou le lien très fort entre action humanitaire et pratique religieuse en Islam.

 

On le voit, comme c’est le cas pour d’autres organisations, leurs principaux domaines de prédilection restent les activités socio-caritatives, qui se conjuguent souvent avec des référents religieux et communautaires.

 

Si certaines organisations islamiques sont peu ou trop prosélytes, ceci n’est pas exclusif à la religion musulmane, d’autres affichent tout un programme, c’est le cas pour l’organisation d’origine américaine « World Vision » ou « vision mondiale ».

 

La plus grande organisation caritative, elle est très conservatrice, basée en Californie, elle dispose d’un budget annuel de plusieurs centaines de millions dol­lars. Elle distribue de l’aide alimentaire, de l’enseignement, de soins médicaux ; le tout sur fond d’action évangélique. Son objectif affiché auquel tout le reste est subordonné, c’est la conversion ou l’évangélisation. Très influente notamment en Amérique centrale, cette organisation est aujourd’hui en plein essor et gagne du terrain de jour en jour en prenant la place des églises catholiques qui perdent du terrain au profit des temples.

 

Comme des organisations catholiques ou évangélistes, les ONG musulmanes ont des objectifs indissociablement religieux et sociaux. Pour la plupart de ces orga­nisations, il s’agit de ramener les musulmans vers l’Islam, en somme de réislamiser comme les évangélistes cherchent à rechristianiser. Au delà de ces buts immédiats ou à court terme, les ONG islamiques tiennent souvent un discours universaliste comparable en biens de points, là encore à celui des ONG évangélistes ou tiers-mondistes, avec néanmoins une nuance, puisque certaines d’entres-elles n’assistent que des musulmans, en contradiction d’ailleurs avec les dispositions contenues dans les textes coraniques et dans la sunna du Prophète qui n’excluent pas les non-mu­sulmans de l’aide humanitaire.

 

L’Islam insiste bien sur un principe fondamental celui de l’indifférenciation des bénéficiaires c’est à dire de l’universalité de l’action humanitaire: tout être humain doit être secouru en tant qu’Homme et non qu’être social. Ce principe connu aujourd’hui par ce qu’on désigne par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. En affirmant des valeurs fondamentalement nouvelles et même en avance de plusieurs siècle sur son époque, l’Islam renvoi l’homme à ses capacités intellectuel­les propres et sa responsabilité sur terre, il appelle au respect de la dignité humaine.

 

Ce principe énoncé dans les textes, s’est souvent concrétisé dans les faits. On raconte que durant les premières années de l’hégire (la calendrier musulman) une famine régnait à Modar (actuelle Arabie Saoudite), le Prophète organisa un convoi humanitaire destiné aux habitants de Modar, lesquels à cette époque ne s’étaient pas encore convertis à l’Islam.

 

Se pose ici la question de l’évolution et l’insertion des ONG musulmanes dans le champ de l’action humanitaire par l’acceptation des normes et la promotion, d’une conception universaliste de l’humanitaire préconisée d’ailleurs par l’Islam.

 

Les ONG arabo-musulmanes entre universalisme et particularisme, entre ins-trumentalisation et liberté relative: quelle évolution ?

 

Depuis leur création, le processus d’émergence des ONG à référence islami­que s’est très souvent fait en réaction à l’hégémonie des ONG occidentales dans le champ de l’action humanitaire. Comme ça été signalé plus loin, c’est des cercles de l’Islam militant que vont naître les premières organisations de secours islamiques à la fin des années 1970.

 

La création de ces organisations caritatives étaient doublement justifiées: d’une part par la prise de conscience du retard des musulmans dans leur capacité à organi­ser des opérations de secours, d’autre part par la contestation visible des effets per­vers des interventions humanitaires d’acteurs occidentaux. En effet, l’humanitaire est perçu comme le prolongement de la domination occidentale via un néo-impéria­lisme politique (contrôle du territoire, contournement de l’appareil d’Etat, activité partisane) ou culturel (l’humanitaire comme reliquat des activités missionnaires du XIXe) et enfin économique bien évidemment.

 

L’évolution des associations caritatives islamiques pendant le conflit afghan des années 1980, ainsi que pendant le conflit en Bosnie au cours des années 1990 est à cet égard assez révélatrice. Cette évolution s’est accompagnée d’une concurrence assez nette entre les différentes associations caritatives se réclamant islamiques, en ce sens qu’elles représentent différentes versions de la doctrine religieuse et différents intérêts nationaux.

 

Cette concurrence est bien lisible aussi entre agences islamiques et occidentales, ça va de soi. Ainsi par exemple sur l’interprétation islamique des règles régissant la distribution de la zakat, la règle générale ou dominante considérait que seuls les musulmans étaient en droit de bénéficier des fonds de la zakat. Si certaines organisations ont conservé ces pratiques, toutefois d’autres organisations comme Islamic Relief (le secours islamique) et Muslim Aid, et d’autres basées notamment en Angleterre suivent des règles plus libres, qui insistent sur le fait que les premiers bénéficiaires devraient être ceux qui en ont le plus besoin. Cette vision universaliste de l’humanitaire leur a value d’obtenir des fonds publics du gouvernement britan­nique comme de l’Union européenne et de travailler de manière très collégiales avec les principales agences britanniques. Leur engagement en terme de transparence et ddaccountability leur a également permis de garder intacte leur réputation à une époque ou depuis le 11 septembre, nombreuses associations caritatives islamiques ont été suspectées d’abuser de leur statut d’association en blanchissant de l’argent en soutien au djihad.

 

Suspectées seulement, car des preuves solides manquent cruellement pour ac­cuser des associations caritatives musulmanes légalement constituées, d’abuser des privilèges du milieu caritatif depuis le 11 septembre 2001. Nombreuses associations musulmanes ont été inscrites sur une liste noire que ce soit de la part du United States Treasuny ou du Comité des Sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU, sans leur laisser véritablement la possibilité de se défendre ou de faire appel.

 

Ce qui me ramène à dire que l’universalisme islamique est en définitive perçu avec scepticisme par les non musulmans, mêmes par ceux qui admettent ses accom­plissements culturels et intellectuels. On peut voir le problème dans l’autre sens et s’interroger sur la perception par les non-occidentaux de l’universalisme occidental fondé sur les valeurs chrétiennes et post-chrétiennes comme sur le passé colonial. Je reprends ici volontairement l’interrogation d’un humanitaire qui s’est posé l’intérro-gation suivante : « Imaginons, dit-il, qu’en effet l’Ouest ait subi des croisades islami­ques et émergé actuellement du joug colonial arabo-musulman11. » Les associations caritatives islamiques pourraient alors être perçues comme la norme du moment, avec des organisations chrétiennes menaçant leur domination.

 

La rhétorique des droits de l’homme et de l’humanitarisme est souvent employée par des forces occidentales pour justifier des interventions militaires dont les objec­tifs changent en fonction d’intérêts divers et souvent pas facile à cerner, ou pour ex­cuser une inaction politique. Pour autant, faudrait-il que les ONG musulmanes de­meurent dans le statu quo actuel, c’est à dire pris entre les attraits de la sécularisation considérées par beaucoup comme élément nécessaire à une interaction fructueuse avec l’Occident, et les garanties de la tradition religieuse, utilisés par de idéologues et des politiciens de toutes tendances à des fins personnels ou s’ y approchant.

 

Une chose est sûr, il y a aujourd’hui une volonté de certaines organisations de sortir de ce schéma sclérosé et de s’insérer dans le champ de l’action humanitaire.

Cette insertion se fait à deux niveaux: d’une part, la présentation de l’activité de l’organisation se veut conforme aux normes dominantes de la scène humanitaire. Il n’est plus désormais question de « da’wa » ou de soutien au djihad, mais d’aide exclusivement humanitaire.

Les responsables de ces organisations mettent tout en oeuvre pour qu’elles soient perçues comme différentes des organisations militantes islamistes tradition­nelles qu’elles soient des mouvements politiques, ou organisation da’wa-iste ou jihad-iste). D’autres organisations cherchent la reconnaissance institutionnelle, à l’instar d’organisations comme ISRA, IIRO ou encore Islamic Relief qui mettent en avant leur qualité de membre consultatif au Conseil Economique et Social de

l’ONU (ECOSOC).

 

Deux facteurs essentiels guident leurs actions: une stratégie assez bien établie de recherche de soutiens notamment financiers. En acceptant les normes en vigueur dans le champ de l’humanitaire, elles diversifient les soutiens. Cette stratégie a per­mis à titre d’exemple à l’organisation soudanaise ISRA de voir certains de ses projets intégralement ou partiellement financés par des organisations onusiennes ou des ONG internationales.

 

Le deuxième facteur tient à l’évolution du contexte international, qui en a en­traîné une dégradation des relations entre les Etats et les ONG internationales is­lamiques soupçonnées de couvrir les activités désormais qualifiées de « terroristes » ou s’y approchant. Cette pression a conduit certaines organisations à établir une distinction entre activités de secours et activités relevant du djihad, c’est le cas no­tamment de l’organisation Islamic Relief basée en Angleterre et qui bénéficie du soutien financier du gouvernement.

 

Pourtant et en dépit de l’apparente acceptation des normes universelles de l’ac­tion humanitaire, plus globalement les ONG arabo-musulmanes peinent encore aujourd’hui à résoudre la tension entre universalité et particularité, entre un dis­cours d’ouverture et un discours appelant au repli identitaire, entre le local et le global.

 

Cette contradiction, est aggravée par la nature des relations entretenues par les systèmes politiques arabo-musulmans avec les ONG. Aujourd’hui le poids et les formes du contrôle varient d’un pays à l’autre en fonction de la situation interne à chaque pays et en fonction des particularités propres à chaque système étatique. Généralement ces relations vont du contrôle le plus total à des formes de libertés re­latives qui ne mettent pas en cause leur instrumentalisation. Je dresse ici un tableau de la nature de cette relation dans quelques pays arabes qui enregistrent paradoxale­ment le plus grand nombre d’ONG ou d’associations à des fins humanitaires.

 

C’est ainsi par exemple que des associations yéménites de traitement de la pau­vreté, qui a cause de leur dépendance financière, et du cadre politique restrictif imposé par l’Etat, sont réduites au rôle de sous-traitant et ne peuvent formuler leurs propres visions de la pauvreté et des moyens de son allègement qui ne se font que dans le cadre très stricte de l’Etat.

 

En Egypte, l’Etat égyptien demeure en effet très vigilant dans ses rapports avec les associations même si celles-ci disposent d’une marge de manoeuvre qui leur a permis d’occuper des espaces sociaux importants. Il est ainsi des congrégations de charité islamique dans les années 70 et 80, qui s’il est lié au succès de l’idéologie islamiste des frères musulmans, il l’est également à l’expression d’un certain com­promis tacite du pouvoir avec le courant islamiste. Toutefois, la promulgation de la récente loi sur les associations, montre clairement la difficulté des rapports entre les pouvoirs publics et les ONG dans ce pays.

 

En Syrie, les pouvoirs publics semblent avancer vers l’acceptation d’une liberté relative concernant les associations à vocations sociale et sanitaire au détriment de celles spécialisées notamment dans la défense des droits de l’homme, et celles spé­cialisées dans la protection des prisonniers d’opinion. La très relative liberté accor­dée à la première catégorie relève d’une stratégie bien rodée d’instrumentalisation, dans un cadre de sclérose et de défaillance du système public de santé, et d’une volonté de se décharger au moindre coût de responsabilités publiques que l’Etat n’assure plus ou très peu par ailleurs.

 

La Libye connaît une législation draconienne, en effet, la plupart des jeunes as­sociations fondées après 1991 ne peuvent fonctionner que si l’Etat met à leur dispo­sition un local, des subventions et du personnel pour y travailler, et sont dirigées le plus souvent par des personnes proches du pouvoir. Au Maroc sans nier la vigueur actuelle du mouvement associatif marocain et le relatif espace de liberté dont il jouit, il ne faut pas oublier en revanche l’omniprésence et la vigilance des pouvoirs publics de tous les instants. Ce qui dénote une capacité étonnante de récupération des dynamiques sociales par les pouvoirs publics qui ont fixé par ailleurs un seuil de tolérance à ne pas dépasser. De même l’émiettement du corp associatif, sa divi­sion et ses rivalités sont la résultante de cette stratégie du régime qui se positionne comme l’interface et le coordinateur. Enfin il faut rappeler, que cette libéralisation intervient dans le cadre du retrait de l’Etat de certaines fonctions sociales et la peur du régime que les mouvements islamistes ne s’y intéressent.

 

Ceci éclaire bien sur les caractéristiques générales de ces associations, notam­ment la restriction de leur champ d’action, leur liaison parfois profonde avec les ré­gimes en place (autorisation pour ramasser des subventions, présence des fonction­naires pendant les Assemblées générales, possibilité de dissolution… ) le clientélisme de leurs relations avec les Etats et avec leur public ainsi que leur faible caractère démocratique.

 

Dans des pays ou le cadre, politique, social, familial et religieux demeure do­miné par des relations hiérarchiques et autoritaires, il est difficile de prévoir l’évo­lution des ONG arabo-musulmanes en l’absence d’une société civile puissante et démocratique. On a encore une vision pour le moins pessimiste des relations entre le « civil » et le « politique » dans le monde arabe et musulman. Le constat relevé par certains observateurs de la scène arabo-musulmane est le suivant: en l’absence d’une culture politique de résolution pacifique des conflits, on assiste à une multiplication des conflits internes au sein des organisations, ce qui les condamne à la paralysie et facilite la mainmise de l’Etat qui les instrumentalise et se sert de leurs divisions internes .Il est vrai qu’une société civile puissante, digne de ce nom ne peut exister que dans l’autonomie par rapport à l’Etat et à ces institutions.

 

Pour autant faudrait-il affirmer qu’il n’existe pas de société civile. Je ne le pense pas.

 

En effet la thèse essentialiste selon laquelle l’Etat dans les pays du sud aurait absorbé la société s’avère quelque peu exagérée. Au regard des dynamiques de fond qui traversent les pays du sud notamment en Afrique et dans le monde arabe. On peut raisonnablement penser qu’il existe certes des sociétés civiles, mais qu’elles ne possèdent pas toutes les caractéristiques de la société civile modèle12.

 

Toutefois, Les sociétés arabo-musulmanes se sont transformées sous l’effet conjugué de l’éducation, de l’urbanisation, de l’accès aux médias, de la propagation de la culture et aujourd’hui sous l’effet de la multiplication et le développement des nouveaux moyens de communication notamment l’Internet. Je pense même que les pouvoirs publics dans ces pays ne sont pas à la hauteur des transformations qui ont affecté, qui affectent et affecteront davantage leurs propres sociétés. Oui les ONG arabes et musulmanes ont de beaux jours devant elles, oui elles ont le potentiel pour être des vecteurs de démocratisation politique, de citoyenneté, et de constituer un processus interne de passage vers la démocratie, de peu que les Etats opèrent une réelle ouverture démocratique et proposent enfin une véritable offre politique plu­raliste digne de ce nom.

* Chercheur à l’Université de Paris XII – Val-de-Marne et vice-président du Centre d’Études et de Recherches Stratégiques du Monde Arabe — Paris.

 

Notes

  1. Crée en 1984 par deux étudiants de l’université de Birmingham, Dr Hany El Banna et Dr Ihsan Shbib. En 2006, le secours islamique est une ONG de solidarité interna­tionale de secours d’urgence et de développement durable. Elle est membre consulta­tif au Conseil économique et social des Nations Unies, membre de l’ECHO (Office Humanitaire de la Commisson Européenne), signataire du code de conduite de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et des ONG lors des opérations de secours en cas de catastrophes. Elle est également membre du BOND (British Overseas Ngos for Development). Elle intervient à tra­vers le monde, dans un grand nombre de pays en développement (Irak, Albanie, Bosnie-Herzégovine, Pakistan, Bangladesh, Soudan, Mali, Azerbaïdjan, Tchétchénie, Inde, Kosovo, Ingouchine ou encore en Palestine), et accessoirement en Europe orientale (Bulgarie, Macédoine) et en Amérique latine (Salvador…).
  2. Voir sur cette question « Jihad humanitaire, enquête sur les ONG islamiques », Abdel Rahman Ghandour, Paris, Flammarion, 2002.
  3. Roger du Pasquier. Découverte de l’Islam. Institut islamique de Genève. Edition des Trois continents.
  4. Hadith est une paraole du Prophète rapportée par ses compagnons. Les versets du Coran et les Hadiths constituent les sources principales de la loi islamique.
  5. Hadith n° 1020 cité par Al-Boukhari, Adab Al-Moufrad
  6. Al-Boukhari, Al-Jami Al-Sahih, receuil de hadiths, volume 4, p. 90.
  1. Al-Hakim, Al-Moustadrak.
  2. La Zakat est un pilier fondamental (le troisième) de la religion musulmane au même titre que la déclaration de la foi, la prière, le jeûne du mois de Ramadan et le péleri-nage à la Mecque. Elle se définit comme un système qui organise le transfert de reve­nus des personnes aisées vers les plus pauvres et les nécessiteux. Tout musulman doit verser 2,5% de ses ressources de l’année à condition que celle-ci dépasse le seuil du « nissab » c’est à dire une fortune équivalente à 85 grammes d’or, il est actuellement estimé à 900 euros.
  3. Le Waqf ou aumône continue. Selon la tradition musulmane, il signifie étymologi-quement « l’emprisonnement d’un bien légué ». Il s’agit d’immobiliser un bien, ou de le rendre inaliénable au profit de fondations pieuses ou d’utilité publique. Les textes ainsi que la pratique prophétique instituant le waqf sont nombreux, tel ce hadith du Prophète : « Quand l’homme meurt, ses œuvres cessent de lui rapporter des rétributions, sauf trois actions : une aumône continue, une science utile ou un fils pieux qui invoque Dieu », hadith n° 3447.

 

  1. L’Islam considère que l’homme n’est pas parfait dans ses relations avec le créateur et les autres créatures, ce pourquoi, la religion lui recommande de vivement corriger ses erreurs en mettant à sa disposition une série de moyens tels que le repentir, la réparation des dégâts causés aux autres. Il instaure également un système permanent d’éffacement des péchés par l’accomplissement d’oeuvres humanitaires. Dans le ha­dith prophétique n° 2951, il est dit : « l’aumône éteint le péché exactement comme l’eau éteint le feu ».
  2. Ghandour A.R. Jihad humanitaire, Enqûete sur les ONG islamqiues, Paris, Flammarion, 2002, page.323.
  3. On entend par société civile, sa capacité auto-organisatrice des différents groupes sociaux autour d’intérêts collectifs communs, en vue de les défendre tant vis-à-vis des pouvoirs publics que vis-à-vis d’autres groupes sociaux ayant des intérêts diver­s
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