LES ONG ET LEUR INFLUENCE DANS LES RELATIONS INTERNATIONALES

François RUBIO

Mai 2007

UN DOUBLE MOUVEMENT a marqué la seconde moitié du XXe siècle : une très forte augmentation de l’activité diplomatique et une très grande diversification des acteurs de la scène internationale. Les méthodes de la diplomatie interétatique elles-mêmes en ont été modifiées : importance prise par le multilatéralisme, émergence de nouveaux enjeux de politique étrangère. Le volume croissant et l’ordre du jour toujours plus vaste des diplomates ont conduit à une augmentation de l’activité dans bon nombre de domaines d’une technicité grandissante et profondément transformé la diplomatie1. De nouveaux problèmes, à l’instar des préoccupations environnementales, se sont trouvés projetés sur le devant de la scène. Mais, outre ces transformations profondes et la densification des relations diplomatiques interé­tatiques, l’engagement d’organisations transnationales non gouvernementales dans des activités diplomatiques a modifié plus avant encore la diplomatie2.

La définition communément admise de cette dernière – « la médiation entre des peuples étrangers organisés en Etats qui interagissent dans un système »3 – semble donc pour partie dépassée et celle proposée par Jan Melissen plus appropriée : le mécanis­me de représentation, de communication et de négociation par lequel les Etats et les autres acteurs conduisent leurs affaires4. L’auteur met particulièrement l’accent sur la capacité des agences officielles à rassembler des informations et sur leur qualité. Les organisations non gouvernementales, par leur capacité de recherche d’information (factfinding) font partie intégrante de ces nouveaux acteurs de la diplomatie. Pour qualifier la multiplication des formes et des acteurs de la diplomatie, Guillaume Devin parle de « diplomatie multiple »5. Face à l’intensité de l’activité paradiploma-tique des acteurs non étatiques, la part relative de celle des diplomates d’Etat appa­raît moindre, d’autant qu’à l’âge de la technologie de l’information, la prérogative stato-nationale en matière de communications est fortement mise à mal. Les ONG font preuve d’une particulièrement bonne maîtrise de ces ressources à leur disposi­tion qu’elles utilisent à la fois pour se procurer des informations fiables, les diffuser, se coordonner et faire pression sur les autres acteurs en présence. On ne saurait en

tout cas se départir d’une approche non exclusivement interétatique, l’érosion du monopole de l’Etat et la fragmentation publique conduisant les administrations à mener chacune leurs propres relations internationales. L’autonomie grandissante du secteur marchand6, l’intrusion des sociétés civiles7 et la diversification des méthodes (bilatéralisme à « l’ancienne » contre recours croissant au multilatéralisme) ont fait évolué la diplomatie. Mais plus qu’une opposition entre anciennes et nouvelles formes de diplomatie, une complémentarité et un ajustement perpétuel semblent. Experts gouvernementaux et non gouvernementaux se retrouvent donc face à face, même si la prépondérance étatique demeure. La consultation des seconds et le re­cours à eux laissent augurer de la reconnaissance et de la prise en compte par les diplomates d’Etat de la spécificité et du caractère incontournable du savoir des « paradiplomates » non gouvernementaux.

Avant de poursuivre, il convient de revenir brièvement sur les difficultés liées à l’identification de la catégorie d’acteurs ONG. Trois traits communs assurent « une unité dans la diversité »: les ONG sont d’initiative privée ou non publique ; la par­ticipation à leurs activités est basée sur le bénévolat ; elles poursuivent des buts non lucratifs ; enfin, elles bénéficient d’un statut juridique national – ce sont des per­sonnes morales de droit privé. La Banque mondiale propose quant à elle une appro­che différente faite de neuf définitions qui ressemblent en réalité à une énumération des activités possibles des ONG8, démarche qui peut paraître fastidieuse. Elle tend à décrire les différentes possibilités d’insertion ou d’utilisation de ces organisations dans le cadre des projets de la Banque ou de celui de l’allocation des ressources y afférentes et ne dit rien quant au statut juridique de ces acteurs. Autre définition des ONG envisageable : toute organisation bénéficiant du statut consultatif accordé par le Conseil économique et social des Nations unies (ECOSOC).

Les conditions de négociation de la Charte des Nations Unies, et en particulier de son article 71, ajouté en « dernière minute, sans avoir suscité de débats particu­liers »9 laissent à penser que les syndicats sont à ce titre des ONG. La Fédération in­ternationale des syndicats chrétiens obtient un statut consultatif auprès de l’ECO-SOC dès 1947, et la Confédération internationale des syndicats libres en 1950. La définition des ONG reste donc incertaine et explique la grande variété des organi­sations rencontrées. Pour les désigner, nous aurons également recours aux termes « associations » ou « associations de solidarité internationale », expression employée notamment par la Commission coopération-développement française.

Les organisations non gouvernementales ne sont, certes, ni créatrices ni immé­diatement destinataires de la règle de droit international. Cependant, comme elles prennent part à des activités juridiques internationales, « il est difficile de les ignorer, de les considérer comme absolument tierces au processus de codification de la normati-visation dans les relations internationales »10. Un rôle limité leur a été dévolu par le droit international, rôle progressivement étendu par la pratique.

Une participation inégale mais croissante

L’article 71 de la Charte des Nations Unies, acte constitutif du statut juridique des ONG, dispose que « [l\e Conseil économique et social peut prendre toutes dispo­sitions utiles pour consulter les organisations non gouvernementales qui s’occupent de questions relevant de sa compétence. Ces dispositions peuvent s’appliquer à des organi­sations internationales et, s’il y a lieu, à des organisations nationales après consultation du Membre intéressé de l’Organisation Trois formes de concours aux travaux de l’ECOSOC étaient envisageables : la participation, la concertation ou la consul­tation. Cette dernière solution, la plus restrictive, a finalement été retenue pour marquer la différence de nature entre les ONG d’une part, les organisations inter­gouvernementales (OIG) et les Etats d’autre part, ainsi que le caractère limité du concours apporté par les ONG. La résolution E/1296 (XLIV) du 25 juin 1968, texte-cadre des rapports entre le Conseil économique et social et les ONG, rappelle explicitement le caractère contraignant de ce régime de consultation afin de faire des ONG des auxiliaires ou des instruments du Conseil et ne consacre nullement leur association ou participation à la vie internationale. La résolution E/1996/31 a élargi le statut consultatif à des ONG nationales.

La pratique et l’Assemblée générale des Nations Unies ont ouvert le domaine de la consultation et de la participation des ONG aux travaux de l’ONU : la para­lysie du Conseil de sécurité pendant la période de la Guerre froide et le caractère démocratique du recrutement de l’Assemblée générale ont progressivement amené l’organe délibérant à inviter les ONG à participer activement à ses travaux. Le Conseil de sécurité a, lui aussi, développé ses relations informelles avec les ONG. En juin 2004, un rapport a été établi sur les relations entre l’Organisation des Nations Unies et la société civile, qui suggère plusieurs pistes, allant d’un meilleur usage de la formule Arria12 à la tenue de séminaires incluant les ONG, en passant par la convocation de commissions d’enquête indépendantes après des opérations

mandatées par le Conseil de sécurité13. Les interventions des ONG lors des grandes conférences de codification du droit international leur ont également permis de dépasser le régime de consultation établi dans le cadre de l’article 71 de la Charte des Nations unies (Conférence de Rome ayant abouti à l’élaboration du Statut de la Cour pénale internationale).

L’étude de la participation des ONG à la pratique diplomatique permet de rendre compte des transformations de la diplomatie : dans ce processus, les or­ganisations non gouvernementales interagissent avec d’autres catégories d’acteurs, Etats, organisations intergouvernementales, et concourent ainsi à l’évolution de la manière de pratiquer les relations diplomatiques. Elles mettent en œuvre un ensemble de moyens visant à faire pression sur les acteurs « traditionnels » de la diplomatie. La participation non gouvernementale aux différentes étapes du pro­cessus d’élaboration normative – émergence, écriture proprement dite, application et monitoring – gagne du terrain. Elle s’exprime inégalement selon les manières de faire le droit – droit conventionnel ou droit plus déclaratoire – et les domaines du droit international concernés. Trois cas d’étude permettent de distinguer des degrés divers de participation des ONG aux négociations internationales.

Le premier relève des droits de l’Homme. Il s’agit des négociations ayant conduit à l’adoption du Statut de Rome de la Cour pénale internationale le 17 juillet 1998. L’idée d’une juridiction pénale universelle est loin d’être neuve. Elle naît à la fin du XIXème siècle et, notamment, en 1872, sous la plume de Gustave Moynier, l’un des fondateurs du Comité international de la Croix-Rouge, profondément marqué par la cruauté des crimes de guerre commis lors de la guerre franco-prussienne. Malgré les jalons posés par les Conventions de la Haye et de Genève, la commis­sion d’enquête sur la responsabilité des auteurs des crimes commis au cours de la Première Guerre mondiale et les Tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, cette idée se retrouve à plusieurs reprises enterrée dans un contexte de Guerre froide. La fin de celle-ci et l’émergence d’un nouveau consensus politique – de courte durée – au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies permettent la constitution de deux tribunaux ad hoc, pour l’ex-Yougoslavie14 et le Rwanda15. En 1989, Trinidad et Tobago remettent le projet de Cour pénale internationale à l’ordre du jour de l’As­semblée générale des Nations unies, mais sur un sujet très différent des compé­tences retenues in fine pour la Cour, le trafic de stupéfiants. L’Assemblée générale demande à la Commission du droit international de préparer un projet de texte. Cette dernière rend ses travaux en 1994. A partir de ce moment, les Etats-pilotes16,

au nombre d’une vingtaine au départ, travaillent en étroite collaboration avec leurs ONG nationales d’une part, d’autres ONG nationales et des ONG internationales d’autre part. En décembre 1996, l’Assemblée générale des Nations unies décide la tenue d’une conférence internationale plénipotentiaire en 1998. De mars 1996 à mars 1998, six commissions préparatoires se tiennent à New York. La conférence de Rome du 15-17 juillet 1998, aboutit, le 17 juillet, à la signature du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Ce cas d’étude permet de comprendre la transformation de la diplomatie dans un domaine du droit international largement investi par les ONG : les droits de l’Homme sont plus profondément touchés par les transformations à l’œuvre dans la diplomatie que d’autres branches.

Le droit de la propriété intellectuelle (DPI) recouvre quant à lui les droits qui découlent de l’exercice d’une activité intellectuelle dans les domaines industriel, scientifique, littéraire ou artistique. Le but recherché par leur adoption est la pro­tection des droits des créateurs sur leurs créations, des droits d’accès du public à ces dernières, l’encouragement à l’innovation, la diffusion et l’application des résul­tats, le développement des échanges et la facilitation des transferts de technologie. Toutefois, l’adoption de règles internationales en matière de DPI tend à aller à l’encontre des objectifs fixés et à cristalliser les tensions dans des domaines sensibles comme celui de l’accès aux médicaments. Le droit de la propriété intellectuelle est essentiellement constitué de législations nationales. Cependant, la question de nou­velles règles commerciales internationales applicables au droit de la propriété intel­lectuelle a été examinée de 1986 à 1994 dans le cadre du cycle de négociations de l’Uruguay Round de l’Organisation mondiale du commerce et a conduit à l’adop­tion de l’Accord sur les aspects du droit de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) en 1995. Ce dernier vise à harmoniser les réglementations nationales existantes – voire à s’étendre à de nouveaux pays et de nouveaux champs. L’Accord sur les ADPIC entend également unifier des pratiques existantes dans le cadre d’accords plus anciens, comme la Convention de Paris sur la protection de la propriété industrielle (1883) ou la Convention de Berne sur la protection des œu­vres littéraires et artistiques (1886). Les pays en développement membres de l’OMC et, particulièrement, les pays les moins avancés bénéficient de périodes de transition pour l’application des ADPIC : celles-ci s’achèvent au 1er janvier 2005 pour les premiers, au 1er janvier 2016 pour les seconds, une prolongation décidée lors de la conférence de l’OMC tenue à Doha, au Qatar, en novembre 2001. Certaines dis­positions de l’Accord affectent directement les questions de santé publique et l’accès aux médicaments. Nous considérerons ici les médicaments anti-sida (médicaments

génériques, notamment) et le monitoring des ONG en faveur d’une application flexible de l’Accord. A la différence de l’exemple du Statut de Rome, les textes et les lieux de négociations sont très nombreux, tout comme les catégories d’acteurs. L’analyse de cet exemple permet de dégager les différences qui émergent selon les lieux dans lesquels se déroulent les négociations. L’importance des enjeux économi­ques contribue, elle aussi, à complexifier la donne diplomatique.

Enfin, le droit du désarmement bactériologique constitue un contre-exemple. La Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stoc­kage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction, du 10 avril 1972 (CIAB) a été négociée dans un contexte de Guerre froide et violée par les Etats mêmes qui y sont parties. En l’absence d’un processus de vérification additionnel et du fait de l’opposition américaine à l’adjonction d’un tel dispositif intrusif, sa portée reste aujourd’hui encore très limitée. Dans ce contexte, la prati­que diplomatique peut difficilement être qualifiée de multiple. Ce sujet suscite, en effet, frilosité et crispation des Etats autour de ce qui reste de leur souveraineté.

On ne rencontre pas les mêmes ONG dans les trois domaines : organisations nationales et internationales, rassemblées, pour certaines, dans des coalitions na­tionales, régionales ou internationales dans le cas de la CPI. Seules celles dotées de juristes participent activement aux négociations du Statut. Dans le cas du DPI et de l’accès aux médicaments, les ONG en présence sont locales, nationales et inter­nationales. Seules certaines, pouvant se prévaloir de compétences dans le domaine très spécifique des DPI, ont la capacité de participer au multi-level game qui se trame entre l’aide aux populations sur le terrain, l’assistance technique en matière d’adaptation des législations nationales, et les négociations avec les autres acteurs aux échelons national, régional et international. Enfin, pour le suivi de la CIAB, le paysage présenté par les ONG est différent, les associations s’intéressant exclusi­vement au désarmement bactériologique étant peu nombreuses. Le plus souvent, il s’agit d’organisations de protection de l’environnement ou anti nucléaire pour lesquelles la CIAB ne représente qu’une préoccupation parmi d’autres. Le Sunshine Project, ONG germani-américaine porte ce nom parce que la plupart des armes bactériologiques sont détruites lorsque exposées au soleil. Des think tanks très ac­tifs interviennent également dans ce domaine, et notamment le Pugwash. En effet, face aux blocages rencontrés dans les arènes officielles, les représentants étatiques, interétatiques et non gouvernementaux (ONG, universitaires, etc. ) se réunissent

de manière informelle. L’autre type d’organisations actives pour ce cas d’étude est constitué d’associations de médecins et de scientifiques.

Une expertise non gouvernementale recherchée

Si le visage des organisations non gouvernementales qui apparaît de prime abord est celui d’associations de contestation et de lobby, la seconde face de ces Janus bifrons – la professionnalisation – n’est accessible qu’à quelques-unes unes des organisations. La professionnalisation implique que les ONG disposent d’un nom­bre croissant d’experts (de professionnels) parmi leurs membres : pour que le savoir ait un impact, il doit avoir des agents ou des porte-parole. Son influence découle en partie des caractéristiques de ces agents17. Ces derniers exercent une profession, ce qui signifie qu’ils ne sont pas ou plus des amateurs : ils possèdent une qualification qui les distingue d’eux. Même si ces techniciens ou experts ne sont pas ceux qui prennent les décisions en dernier ressort, ils ont toutefois une grande influence sur elles. D’une les ONG connaissent et maîtrisent très bien les nouvelles techniques de télécommunication, en particulier Internet. D’autre part, elles maîtrisent la techni­que de la dénonciation et, pour un certain nombre d’entre elles, du droit. Pour John Boli et George M. Thomas l’identité des membres des ONG est source d’autorité18, l’idée principale étant que le statut et les compétences des membres rejaillissent sur l’organisation elle-même19. D’ailleurs, chaque ONG participant pleinement aux négociations sur le Statut de la Cour pénale internationale peut se prévaloir d’au moins un avocat ou juriste international qui les représente lors des négociations : l’avocat William Bourdon pour la FIDH, l’avocate Sylvie Bukhari de Pontual pour la FIACAT, Amnesty International dispose d’un département juridique avec des per­sonnels et des ressources financières propres à Londres. De même, dans le cas des ADPIC et des médicaments génériques, Ellen T’Hoen (Médecins sans frontières) est l’interlocutrice privilégiée des acteurs gouvernementaux, intergouvernementaux et des firmes pharmaceutiques en tant qu’expert non gouvernemental du droit de la propriété intellectuelle (elle a longtemps travaillé pour l’Office européen des bre­vets) et de ses implications pratiques en termes d’accès aux soins et de droit à la santé.

Symptôme de cette professionnalisation, l’attention des Etats portée aux avis des représentants d’ONG à Genève sur les disparitions forcées en janvier 200320, mais aussi lors des négociations autour du Statut de la CPI. Autre manifestation de

ce phénomène, l’interchangeabilité des personnes entre délégations nationales des pays like-minded (Etats pilotes favorables à une CPI aux compétences étendues) et représentants d’ONG. L’échange était toutefois exceptionnel et relatif, chacun te­nant son rôle dans le camp qu’il avait rejoint. Tel a été le cas pour un membre de la coalition canadienne des ONG qui a ensuite négocié le Statut au nom du Canada ; inversement, un délégué australien a rejoint les rangs de Human Rights Watch21. Evénements exceptionnels mais remarqués, ces transferts viennent conforter l’idée d’une professionnalisation des ONG. Enfin, dans le cadre d’un programme ac­crédité par les Nations Unies, des membres de l’ONG italienne No Peace Without Justice, étaient intégrés aux délégations thaïlandaise et burundaise par exemple, au titre d’experts juridiques. Outre le facteur humain, à quoi cette professionnalisation et ce poids croissant des experts sont-ils liés ?

On assiste à une technicisation croissante, c’est-à-dire à une spécialisation et aussi une précision de plus en plus importantes, dans certains domaines du droit international. Le Statut de Rome en est une illustration, tout comme le droit de la propriété intellectuelle. Les négociations excluent des tractations portant sur le tex­te même, ses formulations ou ses implications concrètes, les ONG les plus généra­listes ou ne disposant pas de services juridiques spécialisés qui ne produisent pas de contre-propositions. Les ONG, tout en restant dans le domaine de la dénonciation, doivent donc proposer également des palliatifs aux carences qu’elles soulignent. Mais les ONG retenues comme professionnelles du droit ou comptant un profes­sionnel du droit dans leurs rangs demeurent finalement assez peu nombreuses22.

A la technicisation croissante du droit correspond une demande – implicite d’abord – de professionnalisation des ONG de la part des délégations nationales. C’est précisément l’expertise des organisations qui est recherchée. Celles-ci sont de­venues de véritables « paradiplomates »23. Dans le cadre des négociations sur la CPI, leur grand nombre leur permet d’avoir une vision d’ensemble des négociations. Si la délégation française à Rome a, dans un premier temps, refusé toute association avec les ONG parce qu’il fallait « laisser faire les professionnels »24, cette déclaration peut être comprise dans le sens : si vous montrez que vous êtes des professionnels ou que vous savez être professionnels, vous serez associés ou, du moins, consultés. Une collaboration s’est ainsi progressivement. Les relations interpersonnelles demeurent essentielles25. Pour ce qui est des médicaments génériques, c’est moins le grand nombre des ONG que les moyens qu’elles mettent en œuvre qui leur permet de tenir une place de « paradiplomates » : elles négocient tout à la fois avec les repré­

sentants des Etats, des organisations intergouvernementales (OMC, ONU, OMS), des agences spécialisées de l’ONU (OMPI) ou des programmes communs à plu­sieurs composantes du système onusien (ONUSIDA), ainsi qu’avec d’autres acteurs non étatiques de nature différente de la leur : firmes pharmaceutiques occidentales et leurs syndicats, firmes pharmaceutiques productrices de médicaments génériques du Tiers-monde. Mais c’est aussi leur usage d’Internet à des fins de mobilisation qui leur donne une place de choix. Les membres d’ONG constituent ainsi des listes de diffusion26 qui forment des réseaux apparemment lâches, informels, mais qui permettent une participation des représentants des différentes administrations et ministères ainsi que d’organisations internationales.

Experts gouvernementaux et non gouvernementaux face à face

Les ONG se trouvent, non du fait de leur nombre, mais de leur nature elle-même, en position de faiblesse face aux Etats, sujets du droit international et qui détiennent le veto et le dernier mot dans les négociations auxquelles participent ces différents types d’acteurs. Le déséquilibre dépend des cas de figure et du degré de porosité entre les différents acteurs, ainsi que du lieu et du contexte de négocia­tion.

Le recours croissant à l’expression « biens communs de l’humanité » – ces biens dont nous serions tous dépositaires pour la survie de tous, au nombre desquels l’en­vironnement ou les droits de l’Homme – appelle une approche globale complémen­taire et non plus exclusivement nationale, d’où le développement des conventions internationales depuis le début des années 1990. Conventions avant tout destinées à rassembler les représentants des Etats et des organisations internationales concer­nées, mais autour desquelles les acteurs non gouvernementaux, et en particulier les ONG et les OING, viennent se cristalliser27, ces dernières ne sont, le plus souvent, admises dans la salle de négociation qu’au titre d’observateurs, mais tout aussi im­portantes – si ce n’est davantage – sont les tractations informelles qui se déroulent dans les vestibules et couloirs. Ainsi J. Kaufman28 insiste sur le travail de couloir dans la diplomatie de conférence. L’auteur décrit et analyse les conditions organi-sationnelles nécessaires au bon déroulement des conférences. Parmi ces dernières, les locaux dans lesquels se tient la convention doivent comporter des couloirs et des espaces hors salles de réunion pouvant accueillir des négociations informelles. Différents cas de figure se présentent cependant selon le type de droit recherché

(conventionnel/dur ou déclaratoire/mou) et le domaine du droit international pu­blic dans lequel on négocie (désarmement, droits de l’Homme, droit de la propriété intellectuelle et droit à la santé). Les configurations ci-après visent à schématiser ces interactions et modes de production divers du droit.

La première configuration correspond aux négociations « à l’ancienne » : seuls les acteurs étatiques – avec éventuellement un représentant d’une organisation in­tergouvernementale concernée par les négociations en cours – sont autour de la table de négociation. Les ONG ne sont pas ou à peine présentes dans les couloirs. Les négociations sur le désarmement répondent à ce cas de figure et, en particulier, celles concernant les armes bactériologiques et chimiques davantage que le désar­mement nucléaire29. Dans le domaine du désarmement bactériologique, les ONG sont peu nombreuses et agissent au niveau national plus qu’au niveau international. Le droit produit est conventionnel (Convention sur l’interdiction des armes bacté­riologiques), dans un domaine sensible où les Etats se montrent frileux et particu­lièrement peu désireux d’associer des acteurs non gouvernementaux critiques.

Le deuxième cas de figure ressemble davantage à ce que Kaufman appelle la « diplomatie de conférence » : le travail de lobbying des ONG se fait dans les cou­loirs. Les représentants d’ONG démarchent, en effet, les délégations nationales, argumentaires juridiques à l’appui, pour les plus spécialisés et experts d’entre eux. A charge ensuite de ces délégués de reprendre ou non à leur compte les proposi­tions des ONG. C’est par ce biais indirect que s’exprime l’influence des ONG qui demeure très difficile à mesurer : quelle part revient véritablement à l’ONG qui a su convaincre, quelle part aux positions et convictions personnelles des délégués na­tionaux ? Ce cas de figure vise à expliquer les négociations du droit conventionnel aujourd’hui sur des sujets relevant, comme les droits de l’Homme – par exemple les négociations portant sur un chapitre du Statut de Rome de la Cour pénale inter­nationale – des « biens communs de l’humanité ». Les Etats ne sont plus les seuls acteurs dépositaires de ces biens, d’où l’importance et l’activisme des ONG.

La troisième configuration envisageable reprend le schéma observé lors des séances plénières de négociation du Statut de la CPI. Celles-ci servent davantage à entériner les aboutissements des groupes de travail sur les différents chapitres. Ici, les représentants d’ONG sont présents dans la salle de négociation, mais à titre d’observateurs. Les pressions qu’ils exercent ou ont exercé sont réservées à l’exté­rieur de cette salle. Ils ont cependant été autorisés à déposer des argumentaires

juridiques aux places des délégués nationaux et intergouvernementaux. Si les ONG ne sont qu’observatrices, elles le sont donc de l’intérieur. Ce modèle confirme néan­moins l’hypothèse selon laquelle le droit conventionnel demeure, en dernier ressort, interétatique. Il n’en permet pas moins une prise de note et l’exercice d’un lobbying silencieux.

Dernier cas de figure, la création, par des branches d’une instance intergouver­nementale régionale – les Directions générales au Commerce et au Développement de la Commission européenne -, d’une arène intermédiaire de discussion et de négociation entre acteurs de catégories très diverses. La Commission européenne se place ainsi dans une position de médiatrice en même temps que de négociatrice, puisque l’UE prend activement part aux débats autour de l’Accord sur les ADPIC et de l’accès aux médicaments. Il s’agit de faciliter les échanges. Le droit produit, s’il peut être qualifié de droit, est déclaratoire. Ces tables rondes simplifient la donne dans la mesure où ce domaine du DIP est caractérisé par une très grande diversité des acteurs et des lieux de négociations. En effet, au niveau international, sept caté­gories d’acteurs sont en présence : les Etats, les organisations internationales, leurs agences et les organisations régionales30, les ONG internationales31 et nationales32, les firmes pharmaceutiques occidentales et leurs syndicats ou associations, les en­treprises pharmaceutiques productrices de médicaments génériques du Tiers-mon-de33, les organisations locales et communautaires34. Le nombre d’acteurs impliqués peut jouer à double sens pour les ONG lorsqu’il s’agit d’essayer de déterminer leur influence sur le contenu et l’interprétation des normes. Il semble, à première vue, beaucoup plus facile de convaincre un petit nombre d’interlocuteurs toujours dans le même cadre de négociation. Cependant, la prolifération des acteurs peut égale­ment offrir un plus grand nombre d’opportunités de convaincre.

Le chevauchement (overlapping) des lieux de négociation et des types de droit qui peuvent être négociés dans chacune d’entre elles (du « droit mou » et déclara-toire au « droit dur » et conventionnel) joue aussi. Cet entrelacs est flagrant dans le cas des médicaments génériques. L’accès à la santé est considéré de manière crois­sante par l’ONU et ses agences comme un droit de l’Homme essentiel, une sorte de norme de référence supérieure. C’est aussi ainsi que l’entend l’OMS. Toutes les organisations internationales ne sont pas pour autant aussi favorables aux vues des ONG : l’OMC et l’OMPI ont également voix au chapitre puisque les médicaments génériques relèvent du droit de la propriété intellectuelle, donc de l’Accord sur les ADPIC signé dans le cadre de l’OMC. De ce fait, des ONG comme MSF tentent

de promouvoir des interprétations des ADPIC fondées sur le droit à la santé et la notion d’urgence sanitaire, plutôt que des interprétations strictes de la propriété intellectuelle telles que défendues par l’OMC ou l’OMPI. Les tables rondes or­ganisées par la Commission européenne permettent donc de faciliter le dialogue et de développer une meilleure connaissance des acteurs entre eux puisqu’ils sont présents en nombre plus restreint. En outre, les Etats sont plus coopérants dans un cadre juridiquement non contraignant. Toute l’habileté des ONG réside donc dans leur capacité à réutiliser les déclarations des acteurs étatiques dans d’autres arènes, en faisant notamment usage de la médiatisation.

Les lieux de négociation et leur évolution sont donc un stigmate de la partici­pation des ONG et la configuration même de ces lieux vient structurer cette parti­cipation quant à ses modalités. Le schéma le plus fréquemment observé en matière de droits de l’Homme ou de protection de l’environnement, domaines largement investis par les ONG, correspondait à la deuxième configuration de type négocia­tions d’un groupe de travail sur un chapitre du Statut de la Cour pénale internatio­nale : les ONG sont nombreuses ; les représentants d’ONG « négocient » avec les diplomates d’Etat dans les couloirs. Ils se livrent également à des tractations entre eux dans leurs propres salles de réunion. Si les représentants étatiques sont seuls autour de la table de négociation (avec quelques représentants d’organisations in­ternationales intergouvernementales), ils n’en subissent pas moins les pressions à la fois écrites et orales des ONG. Le face-à-face entre diplomates et « paradiplomates » est donc bien réel, même s’il se produit essentiellement dans des arènes informelles. Dans le troisième schéma de négociation, ils sont d’ailleurs physiquement en pré­sence les uns des autres dans une enceinte formelle, la salle de séances plénières.

Une reconnaissance de la spécificité du savoir des ONG

La session de janvier 2003 du Groupe de travail intersessions à composition non limitée chargé de préparer, pour examen et adoption par l’Assemblée générale, un projet d’instrument normatif juridiquement contraignant sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ou involontaires a réuni, dans une même salle aux Nations Unies à Genève, les diplomates des Etats membres, des experts indépendants (Manfred Nowak, Louis Joinet, etc.), des représentants des Nations unies et de certains de ses organes (Haut commissariat aux réfugiés) et des délégués d’ONG. Il convient d’établir une distinction au sein de ces derniers :

d’un côté, les experts juridiques d’organisations internationales non gouvernemen­tales (OING) comme Human Rights Watch ou la Commission internationale des juristes, de l’autre, les associations de familles de disparus en Algérie (CFDA), en Argentine (Fedefam) et aux Philippines (AFAD). La FIDH se trouvait dans une situation intermédiaire, comptant des juristes dans ses rangs, mais représentant éga­lement des associations de familles de disparus. Les conseillers juridiques des ONG Human Rights Watch et de la CIJ étaient directement interpellés par les diplomates durant la session sur des éléments très pointus de DIP. Leur expertise juridique était recherchée au même titre que celle des juristes internationaux présents comme ex­perts indépendants. Leurs réponses se limitaient le plus souvent à des argumentaires juridiques dans lesquels la situation des disparus et de leurs familles n’était pas tou­jours prise en compte, à tel point que les représentantes des associations algérienne et philippine de disparus se sont vues dans l’obligation de rappeler la raison d’être de ce Groupe de travail : la violation des droits de l’Homme que constituent les disparitions forcées.

Les logiques de pression et d’influence se structurent donc à plusieurs niveaux : consultation par les Etats des experts juridiques indépendants et non gouverne­mentaux ; pression des associations de familles de disparus à la fois sur les diplo­mates d’Etat et sur les paradiplomates des ONG expertes en droit. Outre l’activité paradiplomatique des ONG, les Etats continuent d’être confrontés à des pressions plus traditionnelles. Ainsi que nous l’avons montré précédemment, seules quelques ONG ont la capacité de se professionnaliser, donc d’exercer une véritable activité paradiplomatique. Toutes restent avant tout des groupes de pression et leur lobby est d’autant plus fort qu’elles se font le relais ou l’expression d’une « opinion publique mondiale » en émergence. Le fact finding et les pressions sur les Etats sont tou­jours au cœur de l’activité des ONG. Les campagnes internationales, à l’instar de la Campagne pour l’accès aux médicaments essentiels de Médecins sans frontières, occupent le centre de leurs préoccupations et sont complémentaires des activités de négociation menées dans les conférences internationales.

Les répertoires d’action des ONG observés et analysés dans le cas du Statut de la CPI et de l’accès aux médicaments permettent de relativiser la part des activités paradiplomatiques juridiques par rapport aux autres moyens mis en œuvre. Les ac­tions des ONG s’articulent autour des trois rôles qu’elles peuvent endosser lors des différentes phases de l’élaboration des normes de DIP : la recherche d’informations

et leur publication fact finding et shaming), l’expertise et la force de contre-propo­sition, le contrôle et le rappel à l’ordre (rôle d’alerte).

Lors des négociations sur le Statut de Rome, les ONG actionnent les leviers d’influence sur les gouvernements à différents niveaux. Il s’agit uniquement de moyens d’influence, qu’ils aillent du simple courrier circulaire à la rédaction à New York et à Rome de propositions alternatives à celles des Etats. L’incorporation ou non des propositions des ONG aux textes dépend très largement du bon vouloir des délégués nationaux démarchés par les représentants d’ONG, puis de l’accepta­tion de ces dispositions par l’ensemble des plénipotentiaires. Les différents moyens répertoriés sont les suivants : lobbying « traditionnel » (démarchage des délégations, recommandations écrites et orales, campagnes, pétitions, lettres et/ou e-mails aux représentants des organes législatifs et exécutifs) ; lobbying « juridique » (rédaction de propositions concrètes alternatives à celles des délégués nationaux, rencontre par exemple des rapporteurs des commissions en charge de la question au parlement (rapporteurs des Commissions des Affaires étrangères des deux chambres dans le cas de la CPI pour la France) ; constitution de coalitions nationales, régionales ou internationales pour « faire le poids » face aux délégations nationales et créer ainsi des cadres de dialogue plus clairs (peu concluant dans le cas de la Coalition fran­çaise des ONG pour la CPI) ; constitution de groupes régionaux ou thématiques ; publication de rapports ou de journaux (Terra Viva, Moniteur de la Cour pénale internationale) ; briefings et conférences de presse : utilisation du relais médiatique ; autres actions : permanences, organisation d’événements musicaux, de manifesta­tions, de marches, etc.

La diplomatie s’est donc transformée, notamment sous la pression et l’influence des acteurs non étatiques, parmi lesquels les organisations non gouvernementales. Dans cette diplomatie multiple, les ONG réclament de jouer un rôle croissant. Elles sont aussi sollicitées de plus en plus par les Etats et OIG qui recherchent leur expertise dans un contexte de complexification et de spécialisation des négociations internationales. Pour autant, une double asymétrie frappe la pratique diplomatique non gouvernementale. D’une part les ONG ne sont associées, consultées ou sollici­tées que dans les domaines qui leur sont largement ouverts (droits de l’Homme, en­vironnement), certains relevant toujours du quasi-monopole des diplomates d’Etat (désarmement bactériologique). D’autre part, participent surtout à cette diploma­tie multiple les ONG du Nord qui disposent des moyens matériels et humains de s’imposer aux diplomates d’Etat. Il n’en demeure pas moins qu’une interaction et

une interdépendance croissante sont créées, entre acteurs étatiques, interétatiques et non étatiques.

* Docteur en science politique

Notes

  1. MELISSEN (J.) (ed.), Innovations in Diplomatic Practice, Basingstoke, Macmillan, 1999, p. xv.
  2. Judy Mayotte passe en revue notamment le travail de médiation des ONG sur le terrain : MAYOTTE (J.), « NGOs and Diplomacy », in MULDOON (J.P. Jr.) et al. (Eds), Multilateral Diplomacy and the UN today, op. cit., 167-176.
  3. Lord GORE-BOOTH (Ed.), Satows Guide to Diplomatic Practice, London and New York, Longman, 1979, 5th edition, cité par MELISSEN (J.), cit. , p. xvi.
  4. Ibidem, xvii.
  5. DEVIN (G.), Sociologie des relations internationales, Paris, La découverte, 2007, p. 51.
  6. Carron de la Carrière ou C. Chavagneux parlent de « diplomatie économique ». ; CARRON de la CARRIERE (G.), La Diplomatie économique. Le diplomate et le mar­ché, Paris, Economica, 1998 ; CHAVAGNEUX (C.), « La diplomatie économique : plus seulement une affaire d’Etats », Pouvoirs, janv. 1999, n° 88, pp. 33-42.
  7. LA BALME (N.), « Opinion publique et politique étrangère », in CHARILLON (F.) (dir.), Politique étrangère. Nouveaux regards, Paris, Presses de Sciences Po, 2002,
  8. 193-211.
  9. worldbank.org.
  10. MEYER (D.), « ONG : une catégorie juridique introuvable, une définition utilitaire. Réflexions sur une définition en droit des ONG », in SIMEANT (J.), DAUVIN (P.), ONG et humanitaire, Paris, L’Harmattan, 2004, pp. 139-160, p. 143. D. Meyer mentionne ainsi le cartel des armateurs, des avionneurs, des producteurs de blé ou de maïs, la Chambre internationale de commerce, l’International Organisation of Employers,
  11. RANJEVA (R), Les organisations non gouvernementales et la mise en œuvre du droit
    international, in RANJEVA (R.), XU (D.), MATSCHER (F.), Les organisations non
    gouvernementales/ par R. Ranjeva. Le droit international privé en Chine : une perspec-
    tive comparative/par D. Xu. Quarante ans d’activités de la Cour européenne des droits
    de l’homme/ par F. Matscher, La Haye, Nijhoff, 1999, pp. 13-105, p. 31.
  1. Article 71, Charte des Nations Unies, un.org.
  2. La formule, appelée « formule Arria », a été lancée par l’ambassadeur du Vénézuela Diego Arria en 1993 ; elle permet au Conseil de sécurité d’entendre des personnes dont l’expertise paraît susceptible d’éclairer cet organe sur des aspects particuliers des situations sur lesquelles il doit se prononcer.
  3. ONU, Groupe de personnalités éminentes, « Nous les peuples : la société civile, l’Organisation des Nations Unies et la gouvernance mondiale », Rapport, juin 2004, un.org.
  4. Résolution 808 du Conseil de sécurité, adoptée le 22 février 1993, un.org/ french/documents/sc/res/1993/808f.pdf.
  5. Résolution 955 du Conseil de sécurité, adoptée le 8 novembre 1994,un.org/ french/docs/sc/1994/94s955.htm.
  6. Ils comprennent la plupart des membres de l’Union européenne, au premier rang desquels l’Allemagne (et à l’exception de la France), ainsi que le Canada, l’Australie, la Nouvelle Zélande, l’Argentine ou l’Afrique du Sud. Ces pays se sont donné pour objectif commun l’aboutissement rapide des travaux sur la CPI : « Cette coalition forte souhaitait conférer à la Cour une large compétence juridictionnelle, la doter d’un procureur indépendant jouissant de pouvoirs importants, limiter le rôle du Conseil de sécurité », BRANA (P.), Rapport fait au nom de la Commission des Affaires étrangères sur le projet de loi (n°2065), autorisant la ratification de la Convention portant Statut de la Cour pénale internationale, Paris, Rapport de l’Assemblée nationale, 8 février

1999, p. 44.

  1. FREIDSON (E.), Professional Powers. A Study ofthe Institutionalization of Formal Knowledge, Chicago and London, The University of Chicago Press, 1986p. 9.
  2. « member identites as sources of authority », BOLI (J.), THOMAS (G.M.),
    Constructing World Culture: International Non Government Organizations since
    1875, Stanford (Calif.), Stanford University Press, 1999, p. 282. Dans sa conclu-
    sion, John Boli présente les sources d’autorité, venant de leurs membres, dont les
    ONG disposent: « L’autorité dont sont imprégnées les organisations transnationales
    du fait de leur conformité avec des théories de légitimation supérieures mondialement
    partagées (conformity to overarching world-cultural legitimation theories) est complétée
    par l’autorité incarnée par leurs membres », p. 282.
  3. Selon J. Boli et G. M. Thomas, ces sources d’autorité sont au nombre de cinq :
    « credentials » (les diplômes et certificats délivrés par des écoles, des Etats, des or-
    ganisations professionnelles, etc. , qui permettent d’identifier les individus comme
    produits ou agents de ces organismes), « professional standing and expertise » (leaders
    d’associations professionnelles, universitaires ou scientifiques renommés, intellec-
    tuels internationalement publiés, experts de renommée internationale), « organiza-

tion and organizational position » (au-delà de leurs diplômes et de leur carrière, les membres des ONG apportent à l’organisation l’autorité qui émane des organismes dont ils sont issus ou font partie), « moral and spiritual charisma » (une autorité moins tangible fondée sur le charisme au sens weberien du terme : une ferveur morale et une « virtuosité spirituelle »), « the new clergies » (beaucoup d’ONG béné­ficient de l’immense valeur associée aux causes qu’elles défendent dans leurs domai­nes respectifs ; leurs membres sont en ce sens des « prêtres » de l’ordre international, servant de médiateurs entre les grands projets collectifs de l’humanité et les actions quotidiennes), Ibidem, p. 282.

  1. Groupe de travail intersessions à composition non limitée chargé de préparer, pour examen et adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies, un projet d’instru­ment normatif juridiquement contraignant sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ou involontaires.
  2. Entretien avec une responsable de la FIDH.
  3. Les ONG citées par les personnes suivant le dossier de la CPI dans les différents ministères en France sont toujours les mêmes : Amnesty International et Human Rights Watch pour les grandes ONG généralistes disposant de services juridiques compétents ; Womens Caucus ; la FIDH et Avocats sans frontières au sein de la coalition française ; la petite ONG londonienne Redress sur le statut des victimes et No Peace Without Justice, ONG italienne qui s’occupe de l’organisation de sé­minaires sur la CPI. On retrouve un schéma similaire dans le cas de l’accès aux médicaments essentiels : les responsables rencontrés au sein des Directions géné­rales au Développement, au Commerce et AidCo de la Commission européenne mentionnent les ONG Médecins sans frontières, et notamment le nom de Ellen T’Hoen , Health Action International et Consumer Project on Technology (et plus particulièrement James Love en son sein).
  4. MELISSEN (J.), cit.
  5. Entretien avec un responsable de la section française d’Amnesty Internationl.
  6. DEVIN (G.), « La diplomatie d’Etat vue par les ONG », in COHEN (S.), Les

Diplomates, Négocier dans un monde chaotique, Paris, Autrement, 2002,, p. 105.

  1. DIXNEUF (M.) et TÔRNQUIST (M.), « Les listes de diffusion Internet : les limites d’une lecture transnationale des solidarités », in DEVIN (G.) (dir.), Les Solidarités transnationales, Paris, L’Harmattan, 2005, pp. 115-129.
  2. CLARK (A.M.), FRIEDMAN (E.J.), HOCHSTETLER (K.), « The Sovereign Limits of Global Civil Society », cit. ; et BARCENA (A.), « The Role of Civil Society in Twety-First Century Diplomacy », in MULDOON (J.P. Jr.), FAGOT AVIEL (J.), REITANO (R.), SULLIVAN (E.) (Eds), Multilateral Diplomacy and the United Nations, Boulder Colo., Westview Press, 1999, pp. 190-200.
  1. KAUFMAN (J.), Conference Diplomacy : an Introductory Analysis, New York, Oceana Publications Inc., 1968.
  2. Dans ce dernier cas les ONG et associations sont très actives, surtout pour réclamer des réparations pour les victimes : « vétérans » de Mururoa, par exemple.
  3. L’ONU, l’ONUSIDA, l’Organisation mondiale de la protection intellectuelle, l’Or­ganisation mondiale de la santé, l’Organisation mondiale du commerce, l’Union européenne, etc.
  4. Médecins sans frontières et
  5. Treatment Action Campaign en Afrique du Sud, par exemple.
  6. Cipla en Inde, entre autres.
  7. Groupes religieux, tribus, villages, etc.M

DEPUIS UNE TRENTAINE DANNEES, en France, le sigle ONG, occupe une place médiatique importante. Les « French Doctors » en sont l’emblématique représenta­tion dans l’imaginaire de l’opinion publique. Derrière ce sigle, sans définition pré­cise, ceci d’ailleurs expliquant cela, on y trouve tout à la fois de puissantes organisa­tions qui gèrent plusieurs dizaines de millions d’euros ou de dollars par an dans des programmes internationaux, la plus importante étant aujourd’hui WorldVision avec un budget dépassant le milliard de dollars, des organisations regroupant quelques dizaines de militants sans véritable financement comme certains mouvements alter mondialistes, des institutions presque millénaire comme l’Ordre de Malte créée en 1099 à Jérusalem ou des regroupements passagers apparus il y a quelques mois pour alerter l’opinion publique sur un drame international comme « Urgence Darfour ».

Entre défense de l’environnement, urgence humanitaire, droits de l’homme, lutte contre la corruption, justice internationale, développement, micro crédit etc Les lignes de lecture et de fracture sont nombreuses. Néanmoins cette présence durable témoigne, au moins, de la volonté des citoyens de prendre leur destin en main et de peser sur les relations interétatiques. Au total ce « monde » est peu ou mal connu particulièrement en France.

En effet, la vision franco française de la société civile nous a longtemps réduit le champ d’observation des ONG à la naissance au Biafra en 1967 du mouvement des « french doctors » et donc à l’humanitaire d’urgence. Il n’est d’ailleurs qu’à voir le peu de traces que les grandes catastrophes naturelles récentes ont laissé dans la mémoire collective opposé aux sillons que les guerres ont creusé pour mesurer la déformation des événements en termes quantitatifs à exception du tsunami de décembre 2004

Qui se souvient aujourd’hui du terrible raz de marée qui submergea le Bangladesh et fit plus de 300.000 morts alors que la Somalie ou d’autres conflits,

milles fois comptés, sont encore présents dans la mémoire de la solidarité interna­tionale. Pourtant les grandes catastrophes naturelles sont aussi des atteintes graves aux droits humains car elles ne sont pas aussi naturelle que cela Ce sont, « comme par hasard », les plus pauvres des plus pauvres qui sont touchés. Il faudra bien un jour ou l’autre poser le problème politiquement et établir les responsabilités.

Certes, il y avait avant le Secours populaire, le Secours Catholique et d’autres grandes associations mais elles se rattachaient toutes a des courants divers de pensée préexistants : la mouvance communiste pour le premier, l’Eglise catholique pour le second et l’on pourrait multiplier les exemples. Ce prisme déformant à des raisons historiques : la faiblesse de la société civile en France et le rôle écrasant de l’Etat. Rousseau contre Tocqueville en quelque sorte pour prendre un raccourci et opposer la vision de la Révolution française qui dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne consacre pas le moindre article à la liberté d’association, mieux va purement et simplement la supprimer par deux lois, .Allard et Le Chapelier à la vision américaine de la Révolution qui repose sur les regroupement de citoyens et fonde la démocratie

Il apparaît donc comme essentiel de resituer ce rôle des ONG dans la construc­tion des sociétés civiles nationales et internationales et leur rôle déterminant dans la construction des relations internationales, du droit international et des organisa­tions internationales.

Dans le cadre de cet article il serait présomptueux de vouloir prétendre à l’ex-haustivité et de décrire minutieusement le rôle des ONG. Aujourd’hui de nombreu­ses études, historiques, juridiques économiques, sociologiques… sont en cours sur ce sujet relativement nouveau dans son approche académique. Ici il ne sera question que d’illustrer par quelques dates choisies les grands moments pourrait-on dire de l’irruption des ONG dans la vie internationale. Bien évidemment ces dates em­blématiques ne sont que très rarement une rupture franche mais plus logiquement l’aboutissement d’un long processus de maturation qui parfois s’est fait dans le sens d’une lente évolution sans détour mais a aussi connu de tragiques régressions.

Ainsi, la lente évolution de la reconnaissance des droits humains et du droit in­ternational humanitaire qu’illustre de nombreux textes nationaux et internationaux et qu’ l’on pouvait supposer irréversible depuis le XVIIIe siècle s’est trouvée brus­quement niée, bafouée par la montée des dictatures idéologiques dans les années

30 jusqu’à la négation la plus absolue sur la quasi-totalité de la planète pendant la seconde guerre mondiale.

1775

Une première date s’impose à nous, sans discussion : 1775

Cette année là à l’initiative de la « Pennsylvania Society for Promoting the Abolition of Slavery », un an avant la déclaration d’indépendance américaine pour la première fois, une campagne internationale coordonnée de la société civile organisée va voir le jour avec pour objectif, l’abolition du commerce des esclaves. Dans la foulée, en 1787, est fondée en Angleterre « The Society for Effecting the Abolition of Slave Trade », puis en 1788 un an avant la révolution française était fondée en France la « Société des Amis des Noirs ».

Un peu partout en Europe d’autres initiatives similaires vont suivre.

Ces associations lors du congrès de Vienne en 1815, après la chute de l’empire napoléonien déposèrent auprès des plénipotentiaires des Etats plus de 800 pétitions réclamant l’abolition du commerce des esclaves et de l’esclavage.

Ces efforts aboutissent en 1841 à la signature d’un traité international interdi­sant le commerce des esclaves.

Cette première « historique » est la démonstration de l’impact direct des ONG que l’on appelait alors les associations internationales ou transnationales à la fois sur la promotion d’une idée, et sur la matérialisation de celle-ci dans un traité in­ternational.

Ajoutons que le Congrès de Vienne devait être aussi l’occasion d’importantes initiatives dans le domaine de droits de l’homme comme celle réclamant la recon­naissance des droits civils pour les juifs ou encore la demande de respect de la liberté de la presse.

L’acte final du Congrès fait, pour la première fois, mention de ces pétitions.

1859

Autre date figurant sur notre agenda : 1859.

Rappelons brièvement l’histoire d’Henry Dunant, citoyen suisse, parti à la re­cherche de Napoléon III sur le champ de bataille de Solferino, pour obtenir des concessions en Algérie pour la société qui l’employait. Le terrible spectacle dont il fut le témoin, de milliers de blessés agonisants sur le champ de bataille sans le moin­dre secours, le marqua à jamais. Il consigna son expérience dans un ouvrage célè­bre : « Un souvenir de Solferino ». Dès lors, il n’eut de cesse avec d’autres comme Gustave Moynier ou les docteurs Appia et Maunoir, de lutter pour que matérielle­ment, des sociétés de secours soient mises en place dans le plus grand nombre possi­ble de pays, mais aussi pour qu’une législation internationale soit adoptée régissant le sort1 des blessés et prisonniers.

C’est ainsi qu’à l’initiative des personnalités déjà citées, une conférence inter­nationale est organisée en octobre 1863 qui est une réussite notamment, par la présence de quatorze pays. Plusieurs résolutions sont adoptées. Fort de ce succès « privé », Henry Dunant va parcourir l’Europe pour promouvoir ce qui est l’em­bryon du droit international humanitaire et convaincre des Etats de transformer ces résolutions en textes du droit international.

C’est dans ces conditions, qu’avec l’appui de la France, une conférence diploma­tique est organisée en 1864 qui aboutit le 22 août à la signature d’une Convention par douze Etats L’on peut dater de ce jour, la création d’un véritable droit interna­tional humanitaire moderne.

Aujourd’hui, le droit international humanitaire mis en application par les juri­dictions nationales et internationales, constitue le noyau dur des droits humains les plus élémentaires quand « tout le reste » à disparu. L’impact dans la rédaction du DIH des ONG et du CICR est incontestable et reconnu par tous.

Mais la lutte pour l’adoption par la communauté internationale d’une légis­lation « humanisant » la guerre ou à tout le moins la réglementant a longtemps opposé les pacifistes et les humanitaires. Il faut ici rappeler que durant toute la seconde moitié du XIXe siècle et jusqu’à la première guerre mondiale deux idéaux se sont opposés : celui d’un monde pacifié où tous les différends seraient réglés par la négociation et la justice et celui « plus réaliste » d’un encadrement juridique des différends aspects de la guerre.

Les premiers ont longtemps reprochés aux seconds de perpétuer l’esprit de la guerre, de la rendre possible en l’humanisant alors que le vrai problème était de déclarer la guerre hors la loi dans les relations internationales. La remise du premier prix Nobel de la Paix en 1901 conjointement au fondateur de la Croix Rouge Internationale et à Frédéric Passy, avocat, président de l’Union internationale pour la paix, témoigne de l’impossible choix entre deux voies finalement complémentai­res dans le monde contemporain.

Le 03 août 1914 sonne le glas des espoirs des pacifistes mais de leur combat est née la volonté de créer une structure internationale pour organiser les relations entre Etats et donner la préférence au règlement pacifique des différends entre Etats. C’est de ce croisement entre pacifistes, juristes et humanitaires que surgiront la justice internationale, la Société des nations et le droit international humanitaire moderne.

Trois autres points méritent d’être soulignés pour cette période :

  • La montée des organisations féministes internationales (Création de Women’s International League for Peace and Freedom)
  • La participation progressive des associations internationales aux grandes conférences internationales (1907 lors de la seconde conférence sur la paix premier forum parallèle des associations internationales à l’initiative d’une association féminine pacifiste)
  • La participation directe d’associations transnationales à la rédaction de traités entre Etats (protection de la faune et de la flore, justice internatio­)

1919

Troisième date, peut-être la plus importante, tant elle préfigure le monde mo­derne. Les négociations qui s’engagent à Paris sont qualifiées aujourd’hui par cer­tains d’un « moment constitutionnel international ».

Après la signature de l’armistice le 11 novembre 1918, une conférence diploma­tique au plus haut niveau est convoquée à Paris. Pendant six mois les plénipoten­tiaires vont discuter de la reconstruction du monde sous la « surveillance » de plus de 200 associations qui élisent domicile à Paris. Pour la première fois la négociation internationale est globale et implique à la fois les Etats européens et les Etats-Unis mais aussi des pays d’Amérique Latine, d’Asie et d’Afrique.

Pour le président Wilson cette conférence diplomatique est :

« Every previous international conference was based upon the authority of govern-ments. This, for the first time, was based on the authority of peoples. It is therefore, triumphant establishment of theprinciples of democracy the throughout the world »

Dans d’autres discours il parlera à propos du traité de Versailles d’un « peoples treaty » ou encore de « A poeple’s and not a statesmen’s peace »

On peut notamment relever comme les événements les plus caractéristiques :

  • Une ouverture de la conférence aux délégués des associations internatio­nales et la communication aux représentants des Etats des revendications des délégations des associations transnationales.
  • A la demande de nombreuses organisations inclusion dans le traité d’une clause prévoyant le jugement des responsables de la guerre et au premier chef celui de l’empereur Guillaume II.
  • Dans certains cas les représentants des Etats ont sollicité les associations pour recueillir leurs conseils sur des points très techniques. Dans ce cadre la Anti-Slavery and Aborigines’ Protection Society a été invitée à Paris pour donner des conseils lors de l’élaboration des dispositions relatives au mandat.
  • Les syndicats que l’on doit ici nommer ont aussi participé très activement à l’élaboration des textes et ce à deux niveaux dans les traités : celui concer­nant la SDN et celui concernant le futur Bureau International du travail (BIT) Dans les délégations on trouve des syndicalistes aussi éminent que Léon Jouhaux pour la France ou Samuel Gompers pour les Etats-Unis lequel

était alors président de l’American Federation of Labor. Le modernisme de cette organisation est exemplaire et reste encore aujourd’hui unique dans son association à la fois des Etats et de la société civile dans une orga­nisation internationale gouvernementale décisionnaire.

  • Il faut aussi noter l’influence des groupes juifs et sionistes sur la rédaction du traité relatif aux minorités
  • On peut aussi souligner la très forte influence des organisations fémini­nes d’une part, des associations de juristes et des mouvements pour la paix d’autre part pour appuyer la proposition de création d’une Ligue des Nations qui verra le jour peu après sous le nom de Société des nations.
  • La Ligue internationale de la Croix Rouge trouve aussi son origine dans les pressions de la Croix Rouge et l’inclusion d’un article 25 dans le pacte de la SDN qui prévoit : Les membres de la Société s’engagent à encourager et favoriser l’établissement et la coopération des organisations volontaires nationales de la Croix Rouge, dûment autorisée, qui ont pour objet l’amé­lioration de la santé, la défense préventive contre la maladie et l’adoucisse­ment de la souffrance dans le monde ».

1945

Comme pour la période précédente la guerre est à la fois un moment de recul des principes acquis et l’occasion, celle-ci terminée de sceller de nouveaux traités en prenant en compte l’expérience précédente avec la volonté de progresser

Les ONG ont eu un rôle déterminant dans deux domaines essentiels :

  • La reconnaissance officielle d’une société civile internationale
  • Les droits de l’homme

Nous savons aujourd’hui que la première rédaction de la Charte ne comportait aucune référence aux ONG ou aux droits de l’homme. C’est sous la pression de trois ONG américaines, (Le Comité juif américain, le Conseil fédéral des Eglises et la Commission d’étude de l’organisation de la paix), qui vont entraîner dans leur sillage de nombreuses autres ONG, notamment en Amérique Latine que le

secrétaire d’Etat américain Edward Stettinius va convaincre les alliés d’une part, d’inclure un article faisant référence aux organisations non gouvernementales, et à leur participation sous une forme ou une autre, aux travaux de l’Organisation, et d’autre part, de prévoir des dispositions relatives au respect des droits de l’homme.

Certes, l’établissement d’un lien entre organisations internationales gouverne­mentales et organisations non gouvernementales n’est pas entièrement nouveau. Déjà la Société des Nations avait établi des relations avec la société civile au travers des associations internationales. Un statut informel, celui « d’assessor » avait été élaboré par le secrétariat de l’organisation. Des relations étroites étaient entretenues qui touchaient tous les domaines de compétence de la SDN. Plus de 400 associa­tions avaient une délégation à Genève et travaillaient avec la SDN. Déjà une ONG comme Save the Children en 1925 proposait à l’assemblée générale un projet de traité sur les droits des enfants. Les associations avaient une expertise que les Etats ne possédaient pas et elle la mettait au service de la première organisation interna­tionale universelle.

Mais la grande innovation est qu’en 1945 les Etats acceptent explicitement le rôle de la société civile organisée dans un traité international.

L’article 71 prévoit : « Le Conseil économique et social peut prendre toutes dis­positions utiles pour consulter les organisations non gouvernementales qui s’occu­pent des questions relevant de sa compétence. Ces dispositions peuvent s’appliquer à des organisations internationales et, s’il y a lieu, à des organisations nationales après consultation du Membre, intéressé de l’organisation »

Par ce biais les ONG vont progressivement entrer de plein pied officiellement dans les relations internationales. Le statut consultatif auprès du Conseil écono­mique et social qui est attribué aujourd’hui à plus de 2000 ONG avec une forte croissance au cours de la dernière décennie s’est diffusée dans l’ensemble du système onusien. Toutes les agences, tous les programmes ont organisé peu à peu un sys­tème de consultation avec les organisations non gouvernementales. Ce système de consultation a aussi été adopté par la quasi-totalité des organisations internationales régionales ou thématiques comme l’Organisations des Etats Américains, l’Union Africaine, le Conseil de l’Europe, l’Organisations Internationale de la Francophonie ou le Commonwealth entre autres.

A cet égard on note aussi une évolution substantielle du statut des ONG auprès des organisations internationales. Le Conseil de l’Europe a été le premier à franchir le pas en faisant évoluer le statut des ONG d’un statut consultatif à un statut parti­cipatif. De plus en plus fréquemment le Conseil de l’Europe « associe » les ONG à la préparation et la rédaction des traités. Il s’agit d’une avancée majeur

Après la reconnaissance officielle de la société civile dans la Charte l’autre « ré­volution » est l’inclusion sous la pression des ONG, de clauses relatives aux droits de l’homme.

C’est un tournant décisif dont nous mesurons seulement aujourd’hui tous les effets, notamment sur l’application de la Charte elle-même, à la fois par le Conseil de sécurité mais aussi, par la Cour internationale de justice.

Ainsi à San Francisco, lors des négociations finales des clauses « droit de l’hom­me » vont être introduites dans sept articles de la Chartea.

Article 1 paragraphe 3 prévoit-il que : « Les buts des Nations unies sont les suivants : (…) 3 Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en déve­loppant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fonda­mentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ».

L’article 13 paragraphe1 (b) prévoit aussi :

« L’Assemblée générale provoque des études et fait des recommandations en vue de (.) b. développer la coopération internationale dans les domaines économique, social, de la culture intellectuelle et de l’éducation, de la santé publique, et faciliter pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

Article 55 alinéa c : « En vue de créer les conditions de stabilité et de bien être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité des droits des peuples et de leur droit à dispo­ser d’eux-mêmes, les Nations unies favoriseront : (…) le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ».

L’article 62 paragraphe 2 Chapitre X de la Charte prévoit : « Il peut faire (l’ECOSOC) des recommandations en vue d’assurer le respect effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous ».

L’article 68 précise que : « Le Conseil économique et social institue des commis­sions pour les questions économiques et sociales et le progrès des droits de l’homme, ainsi que toute autre commission nécessaire à l’exercice de ses fonctions ».

C’est par ce biais que dès 1946, l’ECOSOC a créé la Commission des droits de l’homme, puis dans la foulée en 1947, la Sous commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et la protection des minorités.

La première tâche de la nouvelle Commission va être de rédiger la future Déclaration universelle des droits de l’homme sous l’impulsion notamment d’Elea-nor Roosevelt, qui est entourée pour cela de nombreuses ONG américaines qui vont inspirer directement les négociateurs.

La Déclaration adoptée le 10 décembre 1948 reste le socle universel des droits de l’homme contemporain même s’il ne s’agit pas d’un traité.

La création de la Commission des droits de l’homme et la Déclaration univer­selle des droits de l’homme, sont directement issues des possibilités offertes par les articles précités de la Charte. Au niveau régional la contribution des ONG au développement des droits de l’homme dans par des actions de dénonciations que de participation à l’élaboration de la norme est aussi un fait acquis. Malgré la guerre froide qui bloque le système des Nations unies l’élaboration de normes interna­tionales universelles relatives aux droits de l’homme se poursuit en partie grâce au travail incessant des ONG dans ce sens aussi bien au niveau de l’opinion publique nationale qu’internationale qu’au niveau institutionnel.

Sans respecter la chronologie, mais pour rester ici dans le domaine des droits de l’homme, mentionnons aussi de nombreux traités successifs où l’intervention des OING a été importante, voire déterminante soit dans la rédaction, soit dans les pressions pour leur adoption :

  • Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966)
  • Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

(1966)

  • Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discri­mination raciale (1965)
  • Convention relative aux droits de l’enfant (1989)
  • Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhu­mains ou dégradants (1984)

Aujourd’hui avec plus de 80 instruments internationaux en vigueur les droits de l’homme sont probablement le secteur le plus international et le plus visible de l’action des ONG. Les rapports annuels de La FIDH, Human Rights Watch ou Amnesty International dénonçant les abus ou le nom respect des conventions inter­nationales par les Etats ne font jamais « plaisir » à ceux qui sont visés

1967

Après la fin de la deuxième guerre mondiale la division du monde en deux camps Est/Ouest qui se traduit par la guerre froide a pour conséquence de figer le rôle des acteurs internationaux et de cantonner les ONG dans leur camp res­pectif. En réalité l’Est c’est-à-dire le camp communiste ignore la notion de société civile indépendante les ONG sont uniquement des acteurs du camp occidental. Les quelques ONG se réclamant de l’Est sont en réalité des structures entièrement contrôlées par l’Etat ou les partis communistes locaux. Dans ce monde bipolaire un conflit éclate sur le sol africain au Nigeria, dans la riche province du Biafra. Les grandes puissances craignent que la revendication indépendantiste de la province du Biafra ne fasse tache d’huile et que progressivement toutes les frontières issues de la colonisation ne soient remises en question par les jeunes Etats indépendants. Le Conseil de sécurité paralysé ne peut intervenir. Seules la France et la Chine popu­laire soutiennent la sécession. Dans ce cadre une aide humanitaire très restreinte ce déploie à l’initiative d’œuvres religieuses et de la Croix Rouge internationale.

Les humanitaires partis en mission avec la Croix Rouge décident de s’affranchir des règles imposées par les principes de cette organisation et de témoigner publi­quement des violations graves du droit international humanitaire et des droits de l’homme dont ils ont été les témoins.

Par ailleurs, les organisations religieuses basées à Sao Tomé prennent l’initiative de venir en aide aux populations affamées du Biafra et transgressent les règles du

droit international en franchissant les frontières. De cette combinaison naît un nouvel esprit humanitaire : le « sans frontiérisme ». La philosophie de ce jeune mouvement est simple : le besoin des populations en aide humanitaire prime la souveraineté de l’Etat. Il s’agit d’une relecture des Conventions de Genève en pla­çant au centre de la réflexion l’homme avant l’Etat.

Cette alliance s’appuiera sur un autre acteur essentiel des crises humanitaires : les médias.

De ce principe de besoin de la population va naître le nouvel humanitaire qui va façonner les nouvelles relations internationales et les nations unies elles mêmes regroupées dans l’organisation éponyme en feront un principe qui sera invoqué dans plusieurs résolutions du Conseil de sécurité notamment en s’appuyant sur les droits humains et les besoins d’assistance humanitaire pour intervenir y compris militairement. Mieux encore les ONG vont participer indirectement aux débats du Conseil de sécurité à partir des années 2000 pour l’informer sur la réalité des situations humanitaires dans le cadre de ce que l’on va baptiser d’Arria Formula du nom de d’un président du Conseil de sécurité. Qui aurait pu croire dans les années soixante que la société civile sous le couvert des ONG puisse participer à des débats au sein d’un organe des Nations unies, le Conseil de sécurité, réservé aux « très » grands de ce monde les Membres permanents !

1989

Novembre 1989 la chute du mur de Berlin marque symboliquement la fin d’une époque. Le monde bipolaire a cessé d’exister et un monde multipolaire lui succède. La fin des antagonismes idéologiques est censée déboucher sur un monde pacifié où les Nations unies vont pouvoir jouer pleinement leur rôle. Le nouvel humanitaire né en Afrique de l’initiative des « French Doctors » fait son chemin et modèle les esprits. Difficile de laisser se perpétuer des situations humainement inacceptables et juridiquement contraires à la Charte des Nations unies et aux droits humains contenues dans les traités internationaux ratifiés par les Etats et notamment les Conventions de Genève. Cette prise de conscience est assurément à mettre au crédit

des ONG.

Avec la fin du monde bipolaire une nouvelle étape de la mondialisation est en marche et les ONG en sont un moteur essentiel.

D’abord, continue de s’affirmer l’existence d’une véritable société civile inter­nationale qui trouve symboliquement sont expression dans les grandes conférences internationales organisées principalement mais pas exclusivement par les Nations unies et l’on peut citer ici le G8

Quoi de commun entre la première conférence de Stockholm en 1972 où un peu plus de 200 organisations sont conviées et les plus célèbres d’entre elles à partir des années 1990 comme Rio sur l’environnement (1992), Vienne sur les droits hu­mains (1993) Le Caire sur la population et le développement (1994) Copenhague sur le développement social (1995) Pékin sur la non discrimination contre les fem­mes (1995) Istanbul sur l’établissement humain, Habitat II (1996) La Haye sur le réchauffement de la terre (2000) Durban sur la lutte contre le racisme (2001) Johannesburg sur le développement durable (2002) Mexico sur le financement du développement (2002) Genève sur la société de l’information (2003) Tunis sur la société de l’information (2005).

Les thèmes abordés, les participants, plusieurs milliers à chaque fois, témoi­gnent à la fois de la diversité des champs de compétence des ONG et de leur forte présence.

Développement, environnement ; droits de l’homme, droit international hu­manitaire, culture, science, finance (micro crédit) protection de la faune et de la flore, habitat, éducation, santé, lutte contre les pandémies et cette liste n’est pas li­mitative, les ONG sont sur tous les fronts donnant de la voix à ceux qui ne peuvent pas s’exprimer et que le politique ne prend pas en compte.

Parallèlement cette conscience universelle débouche sur le refus de l’inaccep­table comme par exemple le refus de l’impunité pour les pires tortionnaires qui jusqu’à présent pouvaient s’abriter derrière le rideau du droit international et l’im­munité reconnue en droit international à certaines fonctions ou l’interdiction de certaines armes.

Désormais immunité ne doit pas plus signifier impunité. La fonctionnalité du premier ne devant plus permettre la commission des pires crimes. Là aussi les ONG

ont joué un rôle déterminant qui s’étend sur plusieurs décennies comme cela a été démontré plus haut.

C’est alors le développement d’une véritable justice pénale internationale, voire l’adaptation de la justice nationale aux crimes internationaux. Qui aurait pu croire il y a seulement 20 ans que des chefs d’Etat comparaîtraient à La Haye pour rendre des comptes ? Qui aurait pu croire que le général Pinochet serait arrêté à Londres à la demande d’un juge espagnol au nom d’une convention internationale ?

Certes rien n’aurait été possible sans l’acceptation des Etats qui restent au niveau international les maîtres du jeu mais il n’en demeure pas moins que celle ci n’aurait pas été aussi rapide, voire n’aurait peut être jamais existée si l’opinion publique informée par les ONG comme la Fédération internationale des droits de l’homme, Amnesty International ou Human Rights Watch ne s’était pas mobilisée

Aujourd’hui un constant s’impose : les ONG sont présentes dans les relations internationales à plusieurs titres.

  • Le statut consultatif, voire participatif auprès des organisations internatio­nales gouvernementales est une réalité.
  • Leur participation aux grandes conférences internationales est un fait ac­
  • Leur capacité à influencer les négociateurs et à mobiliser l’opinion publi­que ne fait aucun doute. La Cour pénale internationale, la campagne pour l’interdiction des mines etc en sont la démonstration
  • Leur poids économique et financier dans les politiques de développement est évident
  • Leur capacité à conseiller les Etats ou les alerter sur les grands problèmes

Pour autant les ONG sont-elles représentatives du monde actuel ?

De nombreuses interrogations existent à ce sujet et certains considèrent que les ONG ne sont que les représentants des sociétés du nord ou les mandataires des grandes institutions financières internationales qui les financent largement. Le bras armé en quelque sorte des politiques du nord, le libéralisme à visage humain.

Le problème est complexe. Les ONG sont essentiellement située au nord et sont principalement occidentales. Cela s’explique par de multiples facteurs que l’on peut regrouper autour de l’ancienneté de la liberté d’association dans le monde occidenta­le, la capacité aussi à mobiliser les ressources financières des citoyens du nord plus que les ressources publiques des Etats ou des organisations internationales et enfin l’esprit de solidarité né de la philosophie des lumières et l’importance de la société civile.

Néanmoins si les ONG veulent éviter de reproduire les modèles qu’elles dénon­cent il leur appartient d’associer largement celles du sud naissantes à leurs program­mes à la fois dans le partage des ressources financières et humaines mais aussi dans l’élaboration des programmes et les choix. Cette attitude ne pourra que renforcer les sociétés civiles et donc la démocratie l’une étant de toute évidence la condition de l’autre.

Les ONG et la justice internationale

Depuis plusieurs décennies les ONG se sont mobilisées t pour l’établissement d’un droit international et la mise en place de tribunaux internationaux à la fois :

  • Pour régler les différends entre Etats
  • Les différends entre Etats et citoyens.
  • Pour juger les auteurs de crimes internationaux les plus grave

A la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle un important mouvement d’opinion s’est dessiné pour soutenir l’idée de la paix par le droit.

Outre des organisations regroupant des juristes qui vont élaborer des textes et les proposer aux Etats on peut aussi citer des organisations plus généralistes comme la Women’s International League for Peace and Freedom (1915), ou la World Peace Foundation (1910) aux Etats-Unis ou le mouvement de la Croix Rouge au niveau international qui prône l’établissement de juridictions internationales pour juger les infractions aux conventions sur le droit humanitaire.

Après la première guerre mondiale les hommes d’états qui se réunissent à Paris en 1919 pour élaborer les traités de paix et dont certains sont de véritables idéalistes comme le président américain Woodrow Wilson seront sous la pression des mul­tiples organisations non gouvernementales présentes qui réclament que justice soit rendue aux millions de morts de la guerre.

Certaines d’entre elles militent très activement pour une justice internationale et le traité de Versailles dans son acte final reflète cette pression puisque pour la première fois est prévue la comparution devant une juridiction internationale, spé­cialement constitués à cet effet de l’ancien empereur Guillaume II.

Si finalement cet article ne recevra aucune application l’idée fait son chemin toujours sous la pression de la société civile organisée très présente à Genève (400 ONG) , Bruxelles (Union internationale des associations) , Londres ou encore New York et Paris (naissance de la Fédération internationale des droits de l’homme en 1920 FIDH).

Pendant l’entre deux guerres des projets sont élaborés et l’un d’entre eux abouti à la rédaction d’un traité mais faute d’un nombre suffisant de ratifications il ne peut entrer en vigueur.

Si la seconde guerre mondiale balaie tous les textes existants elle est aussi l’occa­sion notamment en Grande Bretagne et aux Etats-Unis, (les pays européens occupés (France, Belgique, Pays-Bas…) membres de l’Axe (Allemagne, Italie, Japon) et les dictatures (URSS) étant  » hors jeu « ) d’une profonde réflexion sous l’impulsion des ONG proches des chefs d’Etat surtout du président américain Roosevelt, réflexion qui aboutira à la création de tribunaux internationaux (Nuremberg et Tokyo) pour juger les responsables des crimes les plus graves.

Parallèlement la création dans le cadre de la Charte des Nations unies d’une juridiction permanente : la Cour internationale de justice, et l’introduction d’une juridiction internationale dans la convention sur la répression du crime de génocide en 1948 sont le témoignage de l’influence des ONG.

Malheureusement la « guerre froide » va paralyser le mouvement d’établisse­ment d’une cour pénale criminelle permanente.

Les ONG outre les actions de lobbying qu’elles mènent auprès des Etats et des organisations internationales gouvernementales sont aussi à l’origine de nombreu­ses poursuites sur la base du droit international ou de la violation de celui-ci.

La création de la Cour pénale internationale en 2002 est le meilleur exemple de l’aboutissement d’une immense campagne de plus de 2000 ONG commencée il y a plus d’un siècle. Les ONG sont intervenues à tous les niveaux : juridiques, mé­diatiques, financiers, avant et après l’élaboration du texte pour à la fois en faciliter l’élaboration, rapprocher les points de vue entre Etats et faire pression pour qu’il soit ratifié.

Aujourd’hui les ONG contribuent au fonctionnement de la Cour en lui four­nissant les à partir du terrain et des observations les éléments qui permettent d’en­gager des poursuites contre les auteurs des crimes internationaux les plus graves. Les ONG assistent également les victimes.

On peut aussi mentionner l’action d’une ONG comme la Commission Internationale des Juristes qui siège à Genève qui a par exemple été déterminante dans la création et l’évolution d’une Cour Africaine des droits de l’Homme no­tamment grâce à l’expertise de ses membres et aux soutiens financiers qu’elle a pu apporter lors de multiples séminaires sur cette question

* Directeur juridique de Médecins du monde et Maître de conférences à l’université du Mans et Chargé d’enseignements à l’IEP de Paris et de Lille. Il est également Lecturer à Columbia

University NYC et UCLA. Vice président de France Générosités. Membre du Conseil national de la vie associative. Auteur de plusieurs ouvrages et articles sur les ONG et les Relations interna­tionales, notamment, Le droit d’ingérence, Editions de l’Hèbe, à paraître.

Notes

1 Lire à ce sujet « NGOs and the Universal Declaration of Human Rights. A curious Grapewine ». William Korey. Palgrave New York 1998.

 

Article précédentLA CRISE DE L’ETAT-NATION ET LE DEVELOPPEMENT DES ONG ET DE LA SOCIETE CIVILE
Article suivantGÉOSTRATÉGIE DES ONG

2 COMMENTAIRES

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.