Les politiques islamiques de l’URSS et de la Russie

Roger TEBIB

Professeur des Universités – Sociologie – Reims

La puissance soviétique s’est toujours heurtée au problème religieux sur son territoire et en divers points du monde dont, en particulier, les régions turcophones.

Un cinquième environ des ressortissants russes adhère à l’islam. Une partie de ces musulmans habite le « Turkestan », terme qui fut banni par les communistes car il évoque, pour eux, le « panturkisme », c’est-à-dire la solidarité des peuples de ces régions avec ceux du Caucase (Azeri), de l’Iran, de l’Afghanistan et de l’Anatolie.

Entre plusieurs maux, les dirigeants du Kremlin avaient choisi l’idéologie la moins dangereuse pour eux, l’arabisme.

Une évolution contrastée

Depuis les purges staliniennes de 1937, l’orientalisme soviétique était pour­tant en crise. Mais dès la signature du pacte de Bagdad en 1955 — par lequel les Britanniques voulaient barrer la route au communisme — les spécialistes russes com­mencèrent à s’intéresser aux problèmes de l’islam sur leur territoire.

Le premier numéro de la revue Sovietskoye Vostokovedenie, organe de l’Institut des études orientales près de l’Académie des sciences de l’URSS, paraît en avril 1955 (le traité turko-irakien de Bagdad date de février) après dix-huit ans de silence !

Et Kommounist, revue du marxisme russe, insiste en mai 1955 sur « la néces­sité de développer les études orientales longtemps délaissées ». Les dictionnaires de langues turque, arabe, iranienne et les ouvrages sur l’Orient commencent à se multiplier.

Mais en même temps un spécialiste russe ne voulait voir dans l’islam qu’une « création du féodalisme naissant pour justifier l’inégalité sociale, en opposition fondamentale avec la science et le progrès1 ».

La position du régime soviétique n’a pas changé avec les différents types de politiques.

Les Russes face au panturkisme

En 1926, une conférence de turcologie s’était réunie à Bakou car, à cette époque, une conscience nationale touranienne était en train de naître autour d’un idiome commun : le « tchagatai «, langue littéraire des Ouzbeks. La réunion eut pour résul­tat la proscription des alphabets arabe, mongol et latin, remplacés par des alphabets à base cyrillique qui furent imposés dans tout l’empire russe. Cette «réforme», qui voulait couper les populations de leur littérature et de leur religion, fut terminée en 1940.

On attendit l’année 1976 pour parler de turcologie à Alma Ata. Entre temps, en mai 1944, sur l’ordre de Staline, tous les Tatars de Crimée sans exception furent déportés, souvent à pied, vers l’Asie centrale. Plus de cent mille personnes trouvè­rent la mort et furent remplacées, dans leur pays, par cent cinquante mille Russes2.

Une troisième conférence de turcologie eut lieu à Tachkent en 1981. Elle ras­sembla près de 500 savants de 47 villes de Russie et des congressistes venus de Hongrie, de R.D.A., de Tchécoslovaquie, de Pologne, de Suède, des États-Unis, du Japon et de France. Mais aucun savant turc ne fut invité !

Furent examinés : le folklore, l’histoire des langues turques, la dialectologie, la lexicologie, les liens ethniques et historiques unissant les peuples turcs. On présenta 460 rapports et communications3 .

Les dirigeants russes étaient préoccupés par le problème des Turcs qui vivent à l’intérieur de leurs frontières : ils sont près de cinquante millions installés dans des régions névralgiques. « Le fait prend une certaine portée car si l’évolution dé­mographique actuelle se poursuit, les Turcs compteront à eux seuls pour près du quart de la population soviétique. Cet état de choses doit d’autant plus être pris en considération que les peuples turcs de l’URSS ont montré de nombreux exemples de résistance à l’empire russe4 ».

Il faut ajouter que huit millions de Turcs sont concentrés en Chine dans une ré­gion frontalière d’une importance stratégique considérable pour la Russie. Ajoutons les Turcs de l’Iran et de l’Afghanistan.

Le mythe de la Russie puissance islamique

Depuis des décennies, l’histoire nous montre les tactiques qu’elle utilise pour résoudre les questions religieuses : se présenter comme un État multireligieux où l’islam a une place très importante ; accepter l’idéologie de l’arabisme ; faciliter le développement dans les nations arabes de certains mythes révolutionnaires, mais les résultats ont été décevants5.

Le rôle de propagande des « directions spirituelles des musulmans soviétiques »

Inspirée par les réformes de Catherine II, l’organisation de l’islam officiel en Russie n’avait pas de parallèle dans d’autres pays musulmans.

Jusqu’à l’éclatement de l’empire soviétique, elle n’avait pas de centre unique, exception faite du Département des relations internationales, créé en 1962, qui s’occupait des rapports officiels avec les pays arabes.

Les musulmans russes étaient géographiquement divisés en quatre « directions spirituelles » dirigées par un comité exécutif qui était présidé par un mufti ou, à Bakou, par le cheikh-ulislam chi’ite.

L’autorité de la première direction — la plus importante — s’étendait à toutes les républiques d’Asie centrale et au Kazakhstan. Elle regroupait les musulmans de langue ouzbek.

Une autre direction réunissait les républiques du Tatarstan et de Bachkirie ainsi que les colonies musulmanes de Russie et de Sibérie, toutes régions de langue tar-tare.

Une troisième direction — de langue arabe — contrôlait les républiques et régions du Caucase du Nord (à l’exception de l’Abkhazie et de la région autonome de l’Os-sétie du Sud) ainsi que les territoires de Stavropol et de Krasnodar.

L’autorité de la quatrième direction — mixte et de langue turque azérie — s’éten­dait, d’une part, à tous les chi’ites duodécimains de la Russie et, d’autre part aux sunnites de Transcaucasie (Arménie, Azerbaïdjan, Georgie).

Pendant des décennies, les autorités soviétiques ont prôné l’importance de l’Is­lam, son rôle politique et la liberté dont il était censé jouir dans ce pays.

La direction spirituelle d’Asie centrale publiait un périodique trimestriel, Les Musulmans de l’Orient soviétique, édité en cinq langues (arabe, anglais, français, per­san et ouzbèque). Il reproduisait les directions de la politique officielle ainsi que les comptes rendus des congrès, colloques, conférences consacrés à l’islamologie russe.

Mais la propagande islamique utilisait surtout la radio et les voyages. « Il ne se passe pas un jour sans que les dirigeants musulmans ne prennent la parole à la radio de Moscou, de Tachkent ou de Bakou, et que leurs discours, reproduits dans toutes les langues du Moyen-Orient (en arabe, persan, turc, urdu…), ne répètent inlassablement, «ad nauseam», les thèmes les plus éculés de la propagande officielle soviétique : «la plus parfaite liberté religieuse règne en URSS», «les musulmans sont heureux et reconnaissants au gouvernement soviétique de leur bonheur», «ils sont prêts à défendre leurs frères au-delà des frontières, Afghans ou Palestiniens, contre les entreprises hégémonistes de la CM, des chauvinistes chinois et des impérialistes israéliens, etc.»6 ».

Depuis 1964, des délégations des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient venaient chaque année visiter les Territoires musulmans de la Russie. Les muftis s’en vantaient : « Nous recevons souvent dans notre pays nos frères en religion envoyés chez nous en délégation. Ils visitent nos mosquées et prient avec nous. Ils peuvent constater personnellement la vérité de nos paroles quand nous évoquons la liberté de l’islam dans notre pays. Nos hôtes publient souvent leurs impressions dans la revue islamique paraissant dans notre pays. Ils notent avec satisfaction que le gou­vernement de l’Union soviétique veille avec soin sur nos monuments islamiques et que l’État soviétique n’intervient pas dans les affaires religieuses7 ».

Les visiteurs choisis avec soin et encadrés par les responsables de l’« agit-prop » ne cachaient pas leur enthousiasme : « J’ai pu constater, dit l’un d’eux, que tout ce que racontent les impérialistes, les colonialistes et les méchants réactionnaires au sujet de l’absence de liberté religieuse en Union soviétique est contraire à la réalité. Tout ce que les impérialistes, les colonialistes et les méchants réactionnaires disent au sujet de la doctrine marxiste communiste qui serait imposée à tous les musul­mans est un mensonge éhonté. Dieu dit dans le Coran :»Que la malédiction divine foudroie les menteurs.»8 ».

 

Des conciles de l’Islam marxiste

Le gouvernement russe réunissait également, à Tachkent, les représentants re­ligieux des pays musulmans (ou partiellement musulmans). C’était le mufti Zia ul-Din Baba Khan, dit Babakharov, responsable de la direction d’Asie centrale, qui avait été chargé de cette mission. Il la définissait ainsi : « Il faut multiplier les initiatives en vue de faire connaître la situation de l’islam dans les républiques mu­sulmanes d’URSS et de nouer des liens entre les communautés islamiques d’Union soviétique et le reste du monde musulman. Il faut montrer à nos frères que nous sommes heureux de vivre selon les principes du Saint Coran mais aussi heureux de vivre en maîtres dans notre pays. Il ne faut pas craindre d’affirmer que tout succès important du peuple soviétique comporte une parcelle du travail des musulmans de l’URSS et affermit la solidarité avec les peuples arabes dans leur juste lutte contre l’agresseur sioniste, les politiciens de Washington et les capitulards d’Égypte9 ».

Les principales réunions étaient organisées sur des thèmes politico-religieux : lutte contre Israël, développement dans le monde de la pensée islamique, unité et coopération des peuples musulmans luttant pour la paix et le progrès social, etc. Les principaux pays musulmans étaient habituellement absents de ces conciles : Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Égypte, Indonésie, Irak, Iran, Maroc, Mauritanie, Pakistan et Tunisie.

Participaient toujours les pays dits « socialistes arabes » : Algérie, Guinée, Libye, Mali, Syrie, Yémen du Sud. On notait aussi la présence de délégations musulmanes venues de pays tels que l’Autriche, la Finlande, la France, le Japon, la Mongolie, l’Allemagne de l’Ouest et la Suisse.

 

Les confréries

A partir des années 70, les Russes utiliseront ce qu’ils appellent « l’Islam pa­rallèle », infiniment plus dynamique que la religion officielle. « Dans l’Islam, on trouve, dit l’un d’eux, deux courants opposés : le courant «de mosquée», représenté par les muftis, le cheikh-ul-islam et les officiels des quatre directions spirituelles musulmanes…, et le courant non officiel, «hors de mosquée», le courant soufi, re­présenté par les ichans, les pirs, les cheikhs et les ustads des confréries. Partout, les cléricaux du courant non officiel sont infiniment plus nombreux que ceux du courant officiel. Dans certaines régions, par exemple au Caucase du Nord et spécia­lement dans la république tchétchéno-ingouche, presque tous les serviteurs du culte appartiennent à une confrérie soufie10 ».

Parmi les confréries (târiqât) existant en Russie, les deux plus importantes sont la Qddiriyya et la Naqsbandiyya. La première est aussi fortement installée au Maroc et hostile à la monarchie. Le gouvernement a, peu à peu, fini par admettre, dans les organisations officielles, des « conseils des anciens », en réalité des groupes formés par les chefs (sayh) et leurs délégués (muqaddam) dans les târiqât.

Dans les groupes corporatifs des républiques musulmanes de Russie, aucun can­didat n’était plus admis sans une initiation rituelle et la récitation de la « fâtiha » (première « sura » du Coran). Dans les coopératives de production s’était également introduite la pratique du cercle fermé avec conditions religieuses d’admission11.

On comprend qu’après l’effondrement de l’empire communiste les conflits re­ligieux allaient éclater dans les républiques musulmanes, aidés par la déliquescence des pouvoirs publics, la montée de la criminalité organisée, les heurts interethniques

 

Tchétchénie et régions du Caucase

Dès 1988, le Parti de la voie islamique (Islaamskii Put) apparaît en Tchétchénie suivi par le congrès pan-national tchétchène et plusieurs autres formations. Les raisons religieuses s’ajoutent à la lutte contre les sordides opérations mafieuses : détournement de flux pétroliers, trafics d’armes, blanchiment d’argent au gré des nombreuses privatisations en cours, etc.

En 1993, des groupes populaires en exil, les mouvements Ilso (Justice) et Daimokh (Patrie) rentrent également dans l’opposition où figurent de nombreux intellectuels.

Mais le gouvernement russe fait intervenir, contre eux, ses services secrets, dit du contre-espionnage fédéral (Federal’noye Sluzhba Kontrarazvedkî), qui font bas­culer le pays dans la guerre civile et encouragent les divisions intérieures. Le bilan est terrible car c’est la plus grande opération lancée par Moscou depuis l’invasion de l’Afghanistan12.

Le Parti de la voie islamique a été aidé par la diaspora tchétchène installée en Turquie et en Jordanie et surtout par le Parti islamique turc (Refah Partisi) et ses organisations dans le « domaine humanitaire » : Avrupa Milli Goriis Teskilatlari (AMGT) et Internationale Humanitdre Hilfsorganisation (IHH), celle-ci implantée en Allemagne depuis une dizaine d’années, avec le statut d’ONG.

Il y a dans cette région des populations d’origine turque (Azéris, Balkans, Karatchaïs, Koumyks) d’où des foyers de tension avec les autres groupes humains (Arméniens, Kurdes, Ossètes, Abkhazes, Avars, Kartvélins, Lezguiens, etc.)13. À cela s’ajoutent les enjeux pétroliers de la mer Caspienne ainsi que des trafics en tous genres.

Les peuples du Caucase avaient pourtant forgé, au fil des siècles, une cohabi­tation plus ou moins pacifique avec des structures féodales, patriarcales et des pra­tiques tout de même batailleuses, avec un code d’honneur, la vendetta, le prix du sang, etc. Mais ces structures ethniques ont été facilement instrumentalisées dans un but politique14.

La Turquie et l’Iran aident, depuis des années, à développer cette culture de la violence et interviennent, discrètement, dans le conflit entre Arménie et Azerbaïdjan par :

–   des canaux informels comme le Refah Partisi et la confrérie soufie Naqshbandiyya ;

– l’utilisation d’un prosélytisme religieux et la diffusion de l’idéologie islamique dans des camps de réfugiés, en particulier en Iran.

 

Les autres pays communistes 1. Bulgarie

On a dit à ce sujet : « La minorité musulmane, turque principalement, a tou­jours servi au gouvernement de Sofia à galvaniser à son profit un nationalisme bulgare chatouilleux prenant pour cibles les populations allogènes15 »

Mais, depuis la crise communiste, on assiste à « une politique de bon voisinage (notamment avec la Macédoine, la Turquie et la Grèce), d’intégration croissante à l’Union européenne et de relations étroites avec les États-Unis16 ».

Le parti de la minorité turque, le Mouvement des droits et des libertés (MDL) a de bons scores aux élections mais l’impact déstabilisant du conflit bosniaque et une certaine attitude négative des autorités bulgares à l’égard des populations allogènes — surtout turques et tsiganes — poussent à l’exacerbation des tensions interethniques et au développement d’un fondamentalisme islamique.

  1. Le gouvernement a pris des mesures visant à interdire la langue et la culture turques (suppression des médias dans cette langue, des autonomies scolaires et lin­guistiques, des manifestations folkloriques, etc.).

Il a fermé des mosquées ou les a « laïcisées », comme celle de Gorski Izvor trans­formée en entrepôt de tabac.

Des décisions ont été prises pour les changements de noms. « Les villages à po­pulation turque étaient investis par les forces de police et la troupe, parfois accom­pagnées de blindés, aux premières heures du jour. Des fonctionnaires avec de nou­velles cartes d’identité ou une liste «officielle» des noms à changer se présentaient au domicile des personnes visées, quand celles-ci n’étaient pas préalablement regrou­pées sur la place du village, et, parfois, sous la menace d’une arme, les obligeaient à accepter ces nouvelles cartes d’identité et à signer un formulaire confirmant leur volonté de changement de nom17 ».

  1. On assiste aussi à toute une série d’actions pour forcer les Turcs de Bulgarie (environ 9 % de la population) à émigrer en Turquie, mais cet État n’a pas l’inten­tion de les accepter. Toute une propagande se développe alors pour expliquer que la Communauté européenne préférerait sans nul doute financer un accord d’émi­gration plutôt qu’envoyer d’importantes forces de maintien de la paix comme en Bosnie-Herzégovine.

Il semble que des manoeuvres existent actuellement pour pousser à des violences en évoquant un « péril vert ». Dans ce sens, par exemple, une série d’articles du quo­tidien Turkiye sont interprétés dans le sens d’une future poussée terroriste, avec une litanie de faits divers : vieillards assassinés, pirates de la route, cambriolages, viols, rackets, crimes crapuleux, etc., le tout attribué aux minorités turque et tsigane avec des jugements de ce genre : « Les Turcs de Bulgarie peuvent à tout moment générer des tensions, et, si la politique turque opérait un virage vers le fondamentalisme, ce danger deviendrait une menace constante18 ».

  1. Albanie

Depuis 1993, cet État est devenu une des bases du terrorisme islamiste en Europe, ceci en dépit des efforts des pouvoirs publics pour démanteler les ré­seaux intégristes étrangers qui avaient trouvé refuge en Albanie. L’un des chefs des groupuscules islamistes déclarait à XAgence France Presse, en 1995 : « Je rêve d’une grande Albanie musulmane dans ses anciennes frontières qui incluraient les Albanais vivant aujourd’hui au Kosovo, au Monténégro, en Macédoine, dans le sud de la Serbie, et cep du nord de la Grèce. J’espère que tous les Albanais pourront en­fin vivre ensemble dans un seul pays. L’Albanie sera le centre islamique de l’Europe.

En 1992, cet État paie à X Organisation de la conférence islamique (OCI), dont le siège est à Djeddah (Arabie saoudite), en espérant que l’Albanie pourra servir de pont entre l’Islam et l’Europe. Par ailleurs, il déclare qu’il n’oublie pas les 10 % de catholiques, des accords ayant été conclus avec le Vatican, lors de la visite du pape.

Cette politique de compromis n’empêche pas le développement de l’intégrisme islamique, avec l’accord tacite du gouvernement. On a décrit ainsi cette situation : « Un mouvement fonda-mentaliste néo-wahhabite est installé en Albanie et son chef, Abdullah Duchaîn, est également dirigeant du Bureau pour l’appel de l’Islam (Dawa). Le but de ces activistes était de créer un grand État panislamiste englo­bant tous les albanomusulmans des Balkans. D’autres groupuscules ont été repé­rés depuis, notamment ceux financés directement par Oussama Ben Laden, qui visita l’Albanie en 1995, sur invitation des services secrets albanais (SHIK) et liés aux Légions islamiques tchétchènes d’Al-Khatib. Début juin 1998, trois islamistes égyptiens de la Gamaâ Islamiya entraînant des terroristes à destination du Kosovo étaient arrêtés par le SHIK, sur pressions de la CIA qui ne voulait pas que des isla­mistes liés à leur ennemi suprême et ex-collaborateur, Ben Laden, ne rendent trop visible leur stratégie antiserbe et proalbanaise au Kosovo19 ».

  1. Le « radicalisme islamique laïque » dans l’ex-Yougoslavie

Les pays communistes n’avaient donc pas été épargnés par l’intégrisme. L’ancienne Yougoslavie comprend cinq groupes de musulmans : trois sont très mi­noritaires (macédonien, monténégrin, turc), deux sont importants, ceux du Kosovo albanais et ceux de Bosnie-Herzégovine. Dans ces communautés très structurées, les troubles sont endémiques.

 

  1. Le radicalisme albanais du Kosovo a explosé au cours d’émeutes en avril 1981 ; on y décèle des revendications à la fois religieuses et nationalistes20. La ca­pitale de la région, Pristina, est le siège du Centre islamique Alauddin. Le quotidien iranien Kayhan y est vendu régulièrement. De plus, le trafic de la drogue est très important : certains trafiquants traitent directement avec des soldats russes, échan­geant de l’héroïne contre des fusils, et des lance-roquettes.
  2. En Bosnie-Herzégovine on assiste aussi, depuis des décennies, à l’escalade d’un « nationalisme musulman », officiellement laïque mais évidemment lié, d’une manière ou d’une autre, aux intégristes. Au cours des années, le pays est devenu zone d’entraînement pour les activistes afghans, pakistanais, soudanais, koweitiens, jordaniens, turcs et même beurs « français », venus pour lutter contre les Serbes.

De même « des organisations religieuses islamiques organisent également des convois qui ne sont pas des convois humanitaires, notamment à partir de l’Al­lemagne où ces organisations sont liées avec d’autres réseaux islamistes, en par­ticulier celui du Parti de la prospérité turc (Refah). Ces structures effectuent éga­lement des collectes par le biais de l’impôt religieux. En 1992, X Union des organi­sations islamiques de France (proche des Frères musulmans) aurait collecté près de 900 000 francs en France. Le Secours islamique (Islamic Relief) semble ainsi impliqué dans un trafic d’armes à destination de la Bosnie, et un journaliste italien, enquê­tant sur les connexions, dans ce domaine, entre la Bosnie, l’Algérie et la Somalie, a été arrêté à Sarajevo21 ».

Ajoutons que, tout naturellement, les « Afghans » trouvent en Bosnie un nou­veau débouché, mais aussi un laboratoire pour le redéploiement de leurs différentes activités, notamment en direction du Maghreb et des pays européens.

Notes

  1. Klimovitch L.J., L’Islam, son origine et son essence sociale, Moscou, éditions en langues étran­gères, 1956
  2. CAGNAT R. et JAN M., Le milieu des empires, Robert Laffont, 1981
  3. revue L’Ouzbekistan soviétique, n° 3, 1981
  4. CAGNAT R. et JAN M., op. cit.
  5. CARRÈRE d’ENCAUSSE H., L’Empire d’Eurasie, Fayard, 2005
  6. BENNIGSEN A. et LEMERCIER-QUELQUEJAY Ch., Les musulmans oubliés, La Découverte, 1981
  1. Études soviétiques, juin 1979
  2. Ouzbékistan soviétique, mai 1981
  3. Les Musulmans de l’Orient soviétique, 1981, n° 2
  4. KLIMOVITCH L., Islam, son origine et son essence sociale, Moscou, éditions en langues étrangères, 1965
  5. PAREJA F.M., Islamologie, Beyrouth, Imprimerie catholique, 2e édition, 1976
  6. BACHKATOV Nina, Grozny, tombeau de la Fédération de Russie, in Le Monde diploma­tique, mars 1995
  7. SELLIER Jean et André, Atlas des peuples d’Orient, La Découverte, 1993
  8. KARAM Patrick et MOURGUES Thibault, Les guerres du Caucase : des tsars à la Tchét­chénie, Perrin, 1995
  9. KERTIKOV Kiril, Le problème ethno-national en Bulgarie (1944-1991), Bulgarian Quaterly,

hiver 1991

  1. LHOMEL Edith, L’Europe centrale et orientale. Stabilisation politique, reprise économique, in Les études de la Documentation française, 1994
  2. Mondes rebelles, tome II
  3. STOYANOV Ivan, in Standart, juin 1995
  4. DEL VALLE Alexandre, Islamisme et États-Unis. Une alliance contre l’Europe, L’Age

d’Homme, 1999

  1. FLOTTEAU H., Neuer Bannstrahl gegen den Propheten, in Sud-Deutsche Zeitung,

15.02.1983

  1. ANGOUSTRES Aline et PASCAL Valérie, Diasporas et financement des conflits, in :
    Économies des guerres civiles, Hachette, 1996

 

 

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