LES TERRORISMES ET LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE DE L’EUROPE

Roger TEBIB

Juillet 2008

Les terrorismes, au même titre que les guerres ou les invasions, constituent des agressions telles qu’elles sont définies à l’article 1 de l’ordonnance française du 7 janvier 1959 : « La défense a pour objet d’assurer en tous temps, en toutes circons­tances et contre toutes les formes d’agression, la sécurité et l’intégrité du territoire ainsi que la vie de la population. »

Depuis des décennies, on note une évolution sensible de cette criminalité poli­tique, l’action subversive dépendant pour une grande partie de la situation techno­logique et du niveau de développement de l’État visé.

Ainsi, en Europe, les terrorismes sont influencés par la conjoncture internatio­nale et frappent les pays dont le rôle diplomatique est important, où les moyens de communication de masse sont libres et permettent une large audience.

Ils ne recherchent pas une impossible victoire militaire mais la création d’une opinion influencée, peu à peu, par la politique de certains impérialismes et la gé­néralisation des angoisses collectives. Jusqu’à ces derniers temps, leurs principales actions étaient les suivantes :

  • enlèvements suivis ou non d’exécutions ;
  • mutineries dans les prisons, avec ou sans prises d’otages ;
  • attentats à la bombe, pillages de banques, d’armureries, de postes de police, destructions diverses ;
  • actes de piraterie (domaines terrestres, maritimes ou aériens) avec ou sans prises d’otages.

Les menaces nouvelles

On a dit : « La fin de la guerre froide a été fatale aux « partis-guérillas » terroristes, durables et hiérarchisés, véritables armées en réduction, experts en haute techno­logie, l’ETA par exemple, ou encore le F.P.L.P. Commandement général d’Ahmed Gibril. » (X. RAUFER, in : L’Express, 31 août 1995).

  • Des périls plus graves risquent de perturber le fonctionnement de nos sociétés hautement industrialisées. Nous allons vers de véritables révolutions des méthodes terroristes (trafics des substances nucléaires, piratages des systèmes informatisés économiques et financiers…). « D’ores et déjà, des cyberterroristes s’intéressent aux ordinateurs centraux des services de prestations sociales, à ceux des grandes banques de données ou encore à ceux des mégacentrales de production d’énergie. Certains pirates songent déjà à déclencher des krachs boursiers artificiels plongeant ainsi l’économie-monde dans un chaos. Ou à prendre d’assaut (par voie électroni­que, bien sûr) un satellite de télécommunication pour contrôler un moment, ou saboter, l’une des autoroutes de l’information qui s’ébauchent aujourd’hui. » (X. RAUFER, ouvrage cité).
  • Il faut aussi signaler l’apparition des « guerriers de l’Apocalypse » nourris de théo­ries paranoïaques mêlant nazisme, millénarisme, intégrisme islamiste, etc. On peut citer la secte AUM, coupable de l’attentat de mars 1995 dans le métro de Tokyo ; également les « miliciens » qui ont pulvérisé au mois d’avril 1995 un immeuble fédéral d’Oklahoma City, ainsi que le suicide collectif de la secte du Temple solaire en Suisse et le récent attentat, abominable, à New York. On assiste, de plus en plus, à une épidémie de fanatismes et au développement d’un climat d’insécurité.
  • Plus fréquent, le terrorisme est aussi devenu, avec le temps, plus meu Ses objectifs changent également : alors que dans les années 70, les attaques étaient surtout centrées sur les biens immobiliers, dans les années 80 plus de la moitié des attentats visaient directement des personnes ou des groupes d’individus. À l’heure actuelle, le nombre des crimes aveugles augmente.

Deux raisons peuvent expliquer cette situation critique :

  • Plus la protection et la répression deviennent efficaces, plus le terrorisme évolue vers des formes aveugles et indifférenciées. Un État peut protéger, en effet, toutes les ambassades, les bases militaires, les aéroports…, il restera toujours assez de rues, de cinémas et de cafés où il est possible de perpétrer des attentats.

– Si le but de cette criminalité est de frapper de façon spectaculaire l’opinion pu­blique, il faut tenir compte du degré d’accoutumance de celle-ci au terrorisme. Plus de violence est maintenant nécessaire pour obtenir le même effet de choc et d’attention de la part du public et des médias.

Les zones éruptives en Europe

Dans ce continent, les mouvements régionalistes (corses, basques, bretons, ir­landais.) posent des problèmes graves du point de vue de la sécurité mais ne peuvent miner l’unité et la puissance nationales.

  1. Les tensions entre Wallons et Flamands à propos des pouvoirs de l’État fédéral ne se dissiperont pas rapidement.
  2. Grande-Bretagne. Après trente ans de conflits sanglants, le Sinn Fein, bran­che politique de l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a accepté, en novembre 1999, de participer, aux côtés de ses adversaires protestants, au premier gouverne­ment semi-autonome installé dans la province britannique.
  3. Les mouvements régionalistes, abstraction faite de certaines cote­ries politiques et de mafias, s’opposent surtout au centralisme et aux technocrates, oublieux des réalités locales et des questions culturelles.
  4. On a écrit, au sujet de ce pays : « En 1999, l’Italie ne compte plus de mouvements terroristes actifs. Le terrorisme d’extrême-gauche, qui a marqué les « années de plomb » est aujourd’hui éradiqué, même si, de manière sporadique, des attentats isolés se réclament encore de mouvements mythiques, comme les Brigades rouges. La Mafia est à l’origine des manifestations les plus récentes du terrorisme en Italie. » (J. BAUD, Encyclopédie des terrorismes, Lavauzelle, 1999).
  5. Au pays basque, l’ETA (Euskadi Ta Askatasuna) n’a plus le soutien logistique des pays de l’Est ni de l’IRA. Ce dernier groupe paraît avoir livré des explosifs qui servirent à l’attentat contre Carrero-Blanco. Mais on pense que le processus de paix devrait se maintenir. En effet, la branche politique de l’ETA est de plus en plus intégrée aux grands courants implantés dans la région.
  1. Les Balkans et les pays du sud de l’ex-U.R.S.S. : « L’implosion de l’Union soviétique a fait de l’Europe orientale (ex-Yougoslavie, confins orientaux de l’ex-Empire : Tchétchénie, Haut-Karabakh, Arménie, Géorgie…) un véritable brûlot dont les ramifications s’étendent en Turquie, au Moyen-Orient, en Afghanistan, et jusqu’au Pakistan et en Inde – conflit larvé, qui s’est ranimé à propos du Cachemire. » (Ph. ENGELHARD, La troisième guerre mondiale est commencée, Arléa, 1997).

La coopération policière

C’est une pratique déjà ancienne mais, avec la suppression des frontières et le problème des flux de population, les polices européennes devraient diversifier leurs activités et leurs modes d’intervention.

« Pour répondre à ces objectifs, les États structurent leurs relations au sein de nombreux groupes informels. Puis la police devient un objet de négociation conven­tionnelle, dont l’Accord additionnel de Schengen est la traduction la plus achevée. Le traité de Maastricht formalise cette coopération sur le mode intergouvernemen­tal et ouvre la voie à l’intervention des instances communautaires. Enfin, le traité d’Amsterdam contient des solutions originales visant à accroître la cohérence de la coopération policière, en particulier en intégrant les Accords de Schengen dans le Traité de la Communauté européenne. » (J. MONTAIN-DOMENACH, L’Europe de la sécurité intérieure, Montchrestien, 1999).

Cette méthode pragmatique a favorisé le développement de nouvelles modalités d’action. Il paraît utile de citer quelques instruments de cette coopération.

1 – Les officiers de liaison

La décision de procéder à des échanges de correspondants policiers entre plu­sieurs États de l’Europe communautaire pour la répression du terrorisme, de la criminalité internationale et du trafic des stupéfiants a été prise en 1986. Elle s’est concrétisée par une série d’accords bilatéraux entre la France et l’Italie (1986), l’Allemagne (1987), l’Espagne (1987), la Grande-Bretagne (1989) et la Belgique (1991).

Depuis cette époque, les échanges entre pays se développent. On a écrit, à ce sujet : « Jusqu’à l’apparition des premiers officiers de liaison en France, en 1986, il manquait une dimension humaine dans les relations inter-polices. Des structures comme Interpol apportent beaucoup en matière d’informations et de renseigne­ments, mais il faut également des hommes capables de réagir rapidement, parfois dans l’urgence, sur le plan opérationnel. Le fait qu’au sein même de la police natio­nale se trouvent d’autres policiers européens, facilite l’exploitation immédiate d’un renseignement. » (Ph. ROSPABÉ, in : Civique, n° 95, mars 2000).

Plusieurs officiers de liaison français sont installés à Wiesbaden, Rome, Madrid, Londres, Bruxelles et Meckenheim (où, depuis 1994, est installé le Bundeskriminalant). À titre de réciprocité, Paris accueille une dizaine d’officiers de liaison allemands, italiens, espagnols, anglais et belges, travaillant dans le domaine de l’information et du renseignement, mais sans pouvoir de police judiciaire.

2 – Pour une coordination des services européens du renseignement

On assiste depuis longtemps à des discussions et des critiques concernant des services comme Interpol, Europol ou SIS (Système d’information Schengen). Pour citer quelques exemples : « Les Anglais refusaient de voir Europol compétent en ma­tière de terrorisme afin d’éviter que celui-ci ne se mêle de l’affaire irlandaise…, les Espagnols considéraient, d’une part, que l’inclusion du terrorisme dans les missions d’Europol forcerait la France à plus de coopération en matière de terrorisme basque et, d’autre part, que l’article K 1 du traité de Maastricht évoquait le terrorisme et qu’il n’était pas question de revenir en arrière. D’autres pays, comme la Grèce, le Portugal, ont plutôt soutenu aussi la position espagnole, ainsi que les pays plus inquiets d’un terrorisme en provenance de l’étranger que d’une forme de violence politique interne. » (D. BIGO, Polices en réseaux. L’expérience européenne, Presses de Sciences Po, 1996).

On note également d’autres discussions :

  • certains États veulent inclure les violences urbaines en plus du terrorisme ;
  • d’autres veulent réduire le domaine du renseignement aux menaces venues de l’extérieur de l’Union européenne ;
  • il y a également des luttes corporatives : en criminalisant le terrorisme, on favorise les services de police judiciaire ; en mettant l’accent sur l’étranger, on utilise davantage ceux du renseignement.

Les interférences politiques, les jalousies entre États font que la collaboration entre pays européens est encore au stade des « clubs » (Berne, Cinq, Quantico, PWGOT, également Trévi), réunissant périodiquement surtout des hauts fonction­naires, sans pouvoir de décision politique, bien sûr.

Beaucoup d’États, dont la France, étaient méfiants : ils redoutaient des atteintes à leur souveraineté. On a écrit, au sujet de ces comités et de leur rôle : « Dans la mesure où elles ne mettent pas en cause le contexte politique dans lequel évo­lue chacun des pays concernés et où les sujets évoqués (terrorisme et criminalité) conservent un caractère essentiellement technique, leurs réunions ne risquent pas, a priori, de constituer, dans l’immédiat, une préoccupation à cet égard. En contre­partie, toute réserve dans le comportement et toute réticence dans ses contributions que serait amené à manifester un membre de ces comités ne manqueraient pas d’être interprétées comme un changement d’orientation et susciter immédiatement une inquiétude plus aiguë et plus profonde que celle que pourrait ressentir dans les mêmes circonstances le Comité spécial de l’OTAN. » (Ministère de l’Intérieur, Instruction relative à la répression des menées extrémistes, Paris, 1er juin 1981).

Il reste que la constitution d’une communauté occidentale du renseignement est une exigence fondamentale face aux dangers du monde actuel où se développent terrorismes et guerres masquées.

Quelle coopération judiciaire ?

Dans ce domaine, la logique intergouvernementale l’emporte davantage sur la dynamique communautaire, comme en témoignent les discussions depuis des an­nées (voir P. FAUCHON, Vers la construction d’un espace judiciaire européen, Les rapports du Sénat, n° 352).

Il faut également signaler que terrorisme politique et trafics financiers vont sou­vent de pair et qu’il convient de protéger l’Europe contre tout ce banditisme, de lutter contre « une absurdité dénoncée par tous, mais toujours tolérée, qui consiste à ouvrir largement les frontières aux délinquants pour les refermer aux organes chargés de la répression, au risque de transformer nos pays en véritables paradis fiscaux. (M. DELMAS-MARTY, in : « Corpus juris » portant dispositions pénales pour la protection des intérêts financiers de l’Union européenne, Revue du Marché unique européen, 1997).

Le cadre national, même complété par des accords bilatéraux, n’est plus adapté, dans le cadre de la mondialisation, à la lutte contre le terrorisme, le blanchiment des capitaux et le trafic des stupéfiants.

Depuis des années, il avait été demandé d’abandonner les arguties judiciaires et de créer une Cour européenne contre le terrorisme. Ce projet n’a jamais été vraiment discuté.

Le traité d’Amsterdam montre encore la timidité des solutions et admet que le traitement pénal continue de relever de l’application souveraine des États ; on persiste à dire que « ces dispositions ne doivent pas avoir pour effet d’obliger un État membre, dont le système judiciaire ne prévoit pas de peine minimale, de les adopter. » (Déclaration 7 de la Conférence, relative à l’article K.3, point e).

Le juridisme pointilleux est bien souvent cause de déboires en la matière.

Actuellement, les missions de police s’étendent bien au-delà de l’espace national tandis que s’étend le champ de la sécurité ; il convient donc d’adapter à ces nouvel­les exigences les procédures d’examen et de jugement.

Une coordination des gendarmeries pour la sécurité euro-méditerranéenne.

Lors de la réunion des États européens les 13 et 14 mars 2008 à Bruxelles, on n’est pas arrivé à une « vision » méditerranéenne réunissant les pays du Sud et du Nord.

On a dit, à ce sujet : « La prétention française a assuré la méfiance de nos partenaires à l’Union européenne (désormais U.E.), et d’abord des Allemands. La chancelière Angela Merkel a marqué très tôt son désaccord. Ses objections étaient de trois ordres. Elle craignait que l’Union méditerranéenne n’instaure une sorte de division du travail entre le Maghreb et le Machreq, minant la cohésion de l’U.E. Elle ne comprenait pas le rapport entre cette nouvelle organisation et le proces­sus de Barcelone, lancé en 1995 précisément en direction des pays du sud de la Méditerranée. Elle refusait enfin que le budget communautaire assure le finance­ment du projet Sarkozy1 ».

La France a dû accepter un compromis qui est loin de résoudre des problèmes très importants tels que le conflit israélo-palestinien, la présence de régimes autori­taires au sud de la Méditerranée, le développement des terrorismes, les migrations clandestines manipulées, souvent, par certains États.

C’est la raison pour laquelle il paraît intéressant d’étudier ces questions dans le cadre de la sécurité générale du nord et du sud de la Méditerranée. On parle, en effet, régulièrement de ces problèmes d’actualité. Ainsi, les autorités régionales de Provence-Alpes-Côte-d’Azur viennent de demander « d’appeler l’Union européen­ne, le 13 juillet 2008, à Paris à lancer d’urgence un véritable « plan Marshall » pour la Méditerranée, afin d’assurer la paix et la sécurité dans l’espace euro-méditerranéen dont les peuples sont liés par leur communauté de destin2 ».

Dans ce domaine, une coordination entre les services de sécurité est indispensa­ble mais il est difficile de l’établir entre les polices qui ont des statuts très différents d’un État à l’autre. Une coopération est peut-être possible seulement entre les orga­nismes de renseignement.

 

Un appel aux gendarmeries

Depuis des années, on parle de l’unification dans le continent des moyens de défense contre la subversion. « Dans le contexte actuel, grâce à leur répartition sur tout le territoire de l’Europe occidentale et à la permanence de leurs structures, les forces de gendarmerie ont un rôle irremplaçable aux côtés des autres composantes de la Défense3 ».

Une politique s’est développée dans ce domaine4. Mais, compte tenu des moyens budgétaires et des problèmes politiques, il est difficile de mener cette action sur tou­te l’Europe. Ajoutons que l’Allemagne n’a pas de gendarmerie ; de plus, la structure fédérale de ce pays gêne l’unification des forces de l’ordre. Il faut considérer aussi que cet État n’accepterait pas de voir la Bundesgrenzschutz Polizei dépendre de gé­néraux français ou italiens de même qu’on voit très mal le Home Office s’intégrant dans une force militaire européenne.

On a écrit, à ce sujet, « la gendarmerie est un acteur fiable et reconnu de la construction policière européenne. Sa participation croissante aux formations policiè­res initiées par l’Union constitue un axe majeur de sa contribution européenne5 ».

Une solution de bon sens serait donc de commencer par les pays méditerranéens qui sont les plus touchés par les terrorismes, du sud-est européen et du Proche-Orient au Maroc.

C’est avec les pays du Sud possédant des forces de police à statut militaire que la gendarmerie française a travaillé depuis plus d’un siècle6.

Ajoutons qu’en 1993 un rapprochement a été opéré avec les gendarmeries es­pagnole et italienne et, en 1996, avec celle du Portugal. De plus, la gendarmerie turque a été admise avec le statut d’observateur7.

 

Les carabiniers italiens

Créée par Napoléon entre 1802 et 1810, cette arme est une pure réplique de la gendarmerie française.

Les carabiniers sont commandés par un général qui vient toujours de l’armée de terre. Au nombre de 110 000 environ, ils sont répartis en près de 500 brigades, soli­dement implantées en milieu rural -où elles sont les seules forces de l’ordre- et dans les villes où elles collaborent avec la police civile. La brigade mécanisée correspond à notre gendarmerie mobile.

Intimement liés à l’histoire de la péninsule italienne, les carabiniers jouissent de l’estime de toute la population, dont ils défendent la liberté, ainsi que le pres­crit l’article 13 de la Constitution italienne de 1948. Son règlement organique lui donne les mêmes finalités que celles de la gendarmerie française. « Les carabiniers veillent au maintien de l’ordre public, protègent les personnes et les biens, assurent l’exécution des lois et, dans le cadre de la police judiciaire, répriment les atteintes à la loi pénale. »

La Guardia civil espagnole

C’est un élément familier du paysage de la péninsule. Elle fut créée en 1864, sur le modèle de la gendarmerie française. Reconnaissable à son pittoresque bicorne de cuir bouilli, elle devait primitivement combattre les brigands qui infestaient la campagne à cette époque.

Son organisation est semblable à celle de l’armée de terre avec cette particularité que la plus petite unité de service est la fameuse « pareja » » (deux gardes).

La Garde civile dépend à la fois de l’autorité civile et de l’autorité militaire. Réorganisée en 1940, elle absorba le corps des « carabiniers » dont elle prit les mi­sions de répression de la contrebande et de garde des frontières.

Depuis l’essor du tourisme en Espagne, un service spécial de la Garde civile as­sure la surveillance de la circulation routière avec deux sections : Auxilio en carretera (secours routier) et Servicio de atestados y informes (procès-verbaux et rapports).

Elle collabore avec la police civile, la Policia armada dont les membres portent un uniforme gris, une casquette plate à bandes rouges. Dans les petits villages, la Garde civile a comme auxiliaire l’Alquacil, qui correspond plus ou moins au garde-champêtre en France. Aux frontières, elle travaille avec les carabineros, douaniers qui ont conservé une certaine autonomie.

Comme on le voit, les missions de la Garde civile sont pratiquement les mêmes que celles de notre gendarmerie. Les effectifs sont de 65 000 hommes environ.

Il y a un attaché de la Gendarmerie à Madrid et un attaché de la Guardia civil à Paris, ce qui permet une coopération quotidienne.

En 1989, on a incorporé dans la Guardia civil la première promotion d’élèves gardes féminins.

Attachée à ses traditions, notamment militaires, la Guardia civil a su, confrontée au terrorisme, s’adapter à la lutte contre les techniques de subversion. Ses unités mobiles sont actuellement soumises à une réorganisation destinée à développer leur rôle dans la mission de maintien de l’ordre.

 

La garde nationale républicaine au Portugal

Instituée au XIXe siècle, c’est une force à caractère militaire très respectée. Ses missions ont été redéfinies par le décret-loi du 31 décembre 1983 :

 

  • À la disposition du ministère de l’Intérieur, elle assure la police de la circula­tion routière, l’assistance et le secours en cas de catastrophes et le maintien de l’or­dre public. Dans ce dernier domaine, elle agit en liaison avec les forces de police.
  • Elle est également chargée de missions militaires en cas de conflit. Et dans ce cas-là, en temps de guerre ou si l’état de siège est décrété, elle est placée sous les ordres du chef d’état-major des armées.

 

Elle est répartie en quatre régions militaires, chacune disposant d’un bataillon territorial regroupant seize compagnies qui comptent au total 530 brigades. Ses effectifs sont au nombre de 17 000 hommes. Sont aussi installées à Lisbonne deux unités de réserve (infanterie et cavalerie) et une brigade de circulation.

 

La police hellénique

C’est un corps armé disposant d’un statut spécial dérogatoire de celui des autres fonctionnaires : statut de type civil mais structure militaire. Ses effectifs sont d’envi­ron 40 000 agents, avec une discipline calquée sur celle de l’armée. « Cette police est chargée d’une part du maintien de l’ordre public et de tâches de police administra­tive, elle est alors placée sous l’autorité du ministère de l’Ordre public et d’autre part de prévenir et de réprimer la criminalité, elle est alors subordonnée aux autorités judiciaires. Comme il n’existe pas de police judiciaire en Grèce, c’est l’ensemble de la police hellénique qui se charge des enquêtes criminelles »8.

Confrontée à des problèmes de criminalité trans-frontières, la Grèce a émis des réserves aux accords de Schengen qui remettent sérieusement en cause l’indépen­dance des États face au développement du terrorisme et de la circulation des stu­péfiants.

 

La gendarmerie royale marocaine

Créée en 1956, à l’indépendance du pays, elle a pris la relève de la légion de gendarmerie française du Maroc. Elle compte environ 12 000 hommes. Ses struc­tures sont celles de la gendarmerie française, qui reçoit dans ses écoles les officiers marocains et entretient une mission de coopération technique avec la gendarmerie royale marocaine à Marrakech.

Compte tenu des problèmes actuels, les missions de police militaire de cette gendarmerie sont très importantes :

  • recherche et constatation des infractions au code de justice militaire ;
  • gestion du fichier des réservistes ;
  • lutte contre le terrorisme, etc.

Dans le domaine civil, elle est chargée de la police de la circulation routière, du maintien de l’ordre (sur réquisition du ministère de l’Intérieur) et des secours sur place an collaboration avec les sapeurs-pompiers.Elle exerce donc essentiellement ses missions aux armées et en milieu rural.

 

La gendarmerie libanaise

C’est sous le mandat français (1920-1941) qu’elle a été créée sur le modèle de notre gendarmerie. Malgré toutes les difficultés qu’a connues le pays, elle a conservé sa place au sein des Forces de sécurité intérieure (F.S.I.), dont elle est une des com­posantes avec la police de Beyrouth ainsi que XInstitut de formation de la police judiciaire, d’où la difficulté de connaître exactement les effectifs.

Les personnels de la gendarmerie libanaise ont un statut militaire et les appelés représentent plus de la moitié de ses effectifs. Ses officiers effectuent régulièrement des stages de formation en France et nos écoles de gendarmerie leur apportent, en particulier, une aide dans le domaine informatique.

Une coordination des gendarmeries européennes est actuellement développée, mais dans le cadre de toute l’Europe et avec une priorité d’intervention dans des conflits du type de celui de Bosnie-Herzégovine.9

Une solution plus pratique et plus efficace consisterait à développer cette coo­pération dont on vient de parler entre les États du sud de l’Europe et d’autres pays proches, Maroc et Liban en particulier. Il s’agirait d’assurer une protection conti­nue dans le domaine méditerranéen, parfois source d’affrontements, sans intervenir dans un conflit à l’intérieur d’une nation.

 

* Professeur des Universités- Sociologie – Reims.

 

Notes

  1. Le Monde, 15 mars 2008.
  2. Michel VAUZELLE, Président de l’Eurorégion Alpes Méditerranée, in Le Monde, 29 mars 2008
  1. Roger TEBIB, La guerre subversive, cauchemar des civilisations, Les Trois Hussards, 1984
  2. STEINMETZ, in Gendarme Info, juin 2001.
  3. Général de brigade de gendarmerie Louis-Christian JULIEN, in Les Cahiers de Mars, n° 180, 2e trimestre 2004.
  4. Trois filles de la gendarmerie française (gendarmeries locales du Levant), éditions de la Revue de la gendarmerie, 1932.
  5. H. HAENEL et R. LIZUREY, La gendarmerie, 3e édition, P.U.F., 1999
  6. MEYZONNIER, Les forces de police dans l’Union européenne, L’Harmattan, 1994.
  7. Armées d’aujourd’hui, n° 269, avril 2002.

 

 

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