Que faire pour résoudre la crise en Ukraine ?

Ali RASTBEEN

Président de l’Académie de Géopolitique de Paris

Décembre 2014

À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, on assista, pour la première fois, à des conflits entre les colonisateurs d’antan et les mouvements anti-coloniaux. Or, la guerre comme stratégie d’expan­sion économique et géopolitique a toute une évolution structurelle et temporelle. Les États-Unis ont contribué techniquement et financièrement au développement militaire de l’Europe de l’Ouest et c’est ainsi que les révolutions intérieures ont été endiguées. Or, dans le domaine du partage des profits de l’ère coloniale, les conflits ont perduré ; d’une part entre les puissances européennes et leur allié américain, d’autre part avec les pays du bloc de l’est et enfin avec les pays colonisés. L’Europe, de son côté, compte tenu du transfert des capitaux vers l’Asie de l’Est et du Sud en vue d’y fabriquer des produits industriels à moindres coûts, a besoin de préserver sa solidarité ancienne avec Washington en vue de manœuvrer dans le sens de la stratégie fondée sur « la maîtrise du Sud au profit du Nord ». L’OTAN reste l’axe de l’unité d’action de l’Occi­dent. La manifestation balkanique de cette unité d’action en vue d’anéantir le régime fédéral de la Yougoslavie n’est pas encore arrivée à son terme. La domination sur l’Europe de l’Est n’était pas encore complète. La pénétration dans les petits pays faisant partie de la zone de sécurité de Moscou a atteint le stade où sont posées les questions de leur incorporation dans l’OTAN et leur utilisation en vue d’attaquer la Russie.

Le 27 FEVRIER, A PARIS, nous avons organisé, une conférence de presse sur la crise actuelle en Ukraine en invitant une délégation ukrainienne à s’exprimer sur le sujet.

Trois jours après, l’Ukraine était secouée par des manifestations d’envergure dont les participants réclamaient la fédéralisation du pays et l’octroi au russe du statut de deuxième langue officielle. Ces manifestations ont donné lieu à un mou­vement puissant de protestation. Depuis mi-avril, Kiev mène une opération mili­taire dans l’est de l’Ukraine en vue de réprimer ce mouvement. Moscou estime qu’il s’agit d’une opération punitive et appelle les autorités ukrainiennes à y mettre un terme.

Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, le rétablissement de la paix devint la principale aspiration des peuples. La création des Nations unies visait cet objectif d’instauration de la paix et de la prévention de tout conflit dans le monde.

Mais, l’ONU a été incapable d’assurer la paix mondiale, car face à l’évolution sociale et politique inéluctable, les grandes puissances imposent toujours leurs nou­velles exigences, pour la réalisation desquelles elles n’hésitent pas à recourir à la violence.

Les guerres des xixe et xxe siècles étaient de nature coloniale. Les efforts inter­nationaux entrepris pour y mettre un terme furent vains, car les instances interna­tionales n’étaient pas en mesure d’exercer assez de pressions sur les colonisateurs.

À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, on assista, pour la première fois, à des conflits entre les colonisateurs d’antan et les mouvements anti-coloniaux. Or, la guerre comme stratégie d’expansion économique et géopolitique a toute une évolution structurelle et temporelle. La guerre civile en Grèce, la présence de la fré­gate américaine à l’approche des côtes d’Italie, les conditions difficiles en Belgique montraient bien que l’opposition entre les deux pôles était inévitable. Les États-Unis ont contribué techniquement et financièrement au développement militaire de l’Europe de l’Ouest et c’est ainsi que les révolutions intérieures ont été endi­guées. Or, dans le domaine du partage des profits de l’ère coloniale, les conflits ont perduré ; d’une part entre les puissances européennes et leur allié américain, d’autre part avec les pays du bloc de l’est et enfin avec les pays colonisés. L’Europe, de son côté, compte tenu du transfert des capitaux vers l’Asie de l’Est et du Sud en vue d’y fabriquer des produits industriels à moindres coûts, a besoin de préserver sa soli­darité ancienne avec Washington en vue de manœuvrer dans le sens de la stratégie fondée sur « la maîtrise du Sud au profit du Nord ».

L’OTAN reste l’axe de l’unité d’action de l’Occident. La manifestation balka­nique de cette unité d’action en vue d’anéantir le régime fédéral de la Yougoslavie n’est pas encore arrivée à son terme. La domination sur l’Europe de l’Est n’était pas encore complète. La pénétration dans les petits pays faisant partie de la zone de sécurité de Moscou a atteint le stade où sont posées les questions de leur incorpora­tion dans l’OTAN et leur utilisation en vue d’attaquer la Russie.

Ce qui a changé dans le monde

Depuis le début du xxie siècle, le monde est témoin de changements qui rappellent ceux survenus au début du xxe siècle. Le « néocolonialisme refond les relations internationales selon une nouvelle classification. Bien qu’il fût avéré rapidement que la domination de Washington sur la scène internationale ne peut stabiliser cette dernière, les États-Unis ne se résignent cependant pas à s’éloigner de leurs anciens idéaux. Ils poursuivent la politique de coopération avec l’Europe tout en se présentant comme la puissance supérieure. L’Europe, de son côté, compte tenu du transfert des capitaux vers l’Asie de l’Est et du Sud en vue d’y fabriquer des produits industriels à moindres coûts, a besoin de préserver sa solidarité ancienne avec Washington en vue de manœuvrer dans le sens de la stratégie fondée sur « la maîtrise du Sud au profit du Nord ». L’OTAN reste l’axe de l’unité d’action de l’Occident. La manifestation balkanique de cette unité d’action en vue d’anéantir le régime fédéral de la Yougoslavie n’est pas encore arrivée à son terme. La domination sur l’Europe de l’Est n’était pas encore complète. La pénétration dans les petits pays faisant partie de la zone de sécurité de Moscou a atteint le stade où sont posées la question de leur incorporation dans l’OTAN et leur utilisation en vue d’attaquer la Russie. Outre la présence active des États-Unis et de l’OTAN en tant qu’allié et défenseur de ces pays, il est question aujourd’hui de projets en vue de renforcer les arsenaux occidentaux et la reprise de la course aux armements entre les pouvoirs financiers et économiques. L’Occident s’approche sans relâche vers les frontières russes, une marche dont l’aboutissement serait la guerre, car il est inconcevable que la Russie puisse reculer ou se soumettre au destin qui lui est tracé par la stratégie occidentale en tant que pays soumis.

L’OTAN et l’Union européenne mettent sous pression Moscou grâce à des opé­rations de tenaille, d’une part à partir de l’Asie centrale et d’autre part à partir du mont Ararat. La Géorgie et l’Ukraine constituent aujourd’hui le premier rang dans le conflit politique. Depuis belle lurette, les États-Unis ont commencé leur action par le biais d’élaboration et de soutien aux « révolutions en couleur ». Ceux qui sont sortis victorieux de ces révolutions demandent à adhérer à l’OTAN en vue de béné­ficier du soutien occidental. L’Europe a ouvert ses portes à leur adhésion. De tels desseins sont prévus, avec quelques différences, en Asie centrale et du nord-ouest. Les bases accordées en Ouzbékistan, au Kirghizistan, au Tadjikistan, etc. à l’armée américaine pour son intervention militaire en Afghanistan ont constitué les têtes de pont des futures actions de Washington. L’intervention de l’OTAN dans la guerre en Afghanistan, malgré le soutien nécessaire aux États-Unis, signifie la participation à une guerre qui dépend du destin de la domination de l’Occident en Asie et est en relation avec le rôle agressif de l’OTAN dans les nouvelles conditions qui sont en gestation depuis le début du xxie siècle.

Durant les vingt dernières années, la mer Caspienne et ses pays limitrophes ont attiré l’attention soutenue de l’Occident sous l’égide des États-Unis. Les efforts américains pour isoler la Russie au nord et l’Iran au sud de cette mer ont été fructueux. Jadis, la présence de plusieurs siècles de la Russie au sein des pays du littoral de la mer Caspienne, son rôle en tant que lien entre ces régions et l’Europe ainsi que leurs relations anciennes et historiques avec l’Iran, le chemin le plus court vers la l’océan Indien, ne laissaient place à aucune autre concurrence. Ainsi, la mer Capsienne est devenue un des enjeux sensibles dans la rivalité entre les États-Unis et la Russie où la présence par la force s’est substituée à la logique. Mais cette situation a favorisé un rapprochement entre Moscou et Téhéran.

Une recomposition géostratégique

Face à l’action régulière de l’Occident sous l’égide américaine dans le domaine stratégique en Europe et en Asie, la Chine et la Russie en tant que deux principaux objectifs visés par l’Occident ne pouvaient rester les bras croisés et, les yeux tournés vers le futur, face aux deux fronts, régional et international, ils ont agi chacun à sa manière sur les métropoles occidentales. Les États-Unis et l’Union européenne (UE) ont progressivement accepté la sensibilité de Pékin concernant Taiwan, tout en gar­dant comme moyens de propagande habituels les « droits de l’homme ». La présence militaire des États-Unis dans la Corée du Sud et ses bases militaires à Taiwan et sur le territoire du Japon, fondés sur des traités bilatéraux pour contenir la Chine, ont trouvé leur réponse dans le soutien apporté par la Chine à la Corée du Nord et le renforcement de Pyongyang face à Séoul, vestige de la fin de la guerre mondiale et la première confrontation internationale des blocs de l’Est et de l’Ouest, ligne de séparation considérée comme le « mur de Berlin » de l’Asie. Aux côtés de la Corée du Sud, Tokyo et les États-Unis font face à la Corée du Nord soutenue par Pékin et la Russie.

Le périmètre occidental autour de la Fédération de la Russie s’est rétréci au point de mettre en danger l’artère principale de l’économie russe. Les pipe-lines et les gazoducs reliant la Russie à l’Europe sont à plusieurs endroits menacés localement. En Asie centrale et occidentale, le « terrorisme islamique » et des revendications nou­velles formulées par de nouveaux pays ont mis à mal la situation des bases militaires et de la marine russe dans la mer Noire. L’OTAN et l’Union européenne tentent de réduire la Fédération russe à un petit Etat soumis à leur diktat. L’OTAN se présente comme une puissance partie prenante dans la sécurité régionale en Azerbaïdjan, en Arménie, en Ukraine, au Turkménistan, en Ouzbékistan et les autres pays issus de l’ex-Union soviétique, organisant avec ces pays des manœuvres communes ou bila­térales en ouvrant ses portes à l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie. En suivant cette stratégie, elle intervient dans la composition géographique des deux continents.

Il n’est pas difficile, dans ces conditions de comprendre les tentatives d’alliance au sein du traité de coopération de Shanghai entre Moscou et Pékin, qui se trouve également dans une situation analogue que la Fédération russe dans la région de l’Océan Pacifique en raison de la présence américaine et japonaise. Ce traité est considéré comme un adversaire de l’OTAN. Une confrontation d’une telle ampleur démontre le poids de l’Asie, en particulier de l’Asie centrale dans la politique mon­diale et sa position stratégique, un continent où la Russie se trouve au nord et l’Iran au sud.

Outre la présence active des États-Unis et de l’OTAN en tant qu’allié et dé­fenseur de ces pays, il est question aujourd’hui de projets en vue de renforcer les arsenaux occidentaux et la reprise de la course aux armements entre les pouvoirs financiers et économiques. L’Occident s’approche sans relâche vers les frontières russes, une marche dont l’aboutissement serait la guerre, car il est inconcevable que la Russie puisse reculer ou se soumettre au destin qui lui est tracé par la stratégie occidentale en tant que pays soumis.

Il faut être conscient que la Russie est le seul pays au monde capable d’établir un équilibre nucléaire avec les États-Unis et tant que cet équilibre sera maintenu, il n’y aura pas de guerre nucléaire. C’est une mission qui incombe à la Russie et c’est pourquoi 30 % du budget du pays sont consacrés aux dépenses militaires et de défense nationale.

Durant plusieurs décennies, les avancées de l’Occident vers les frontières de la Russie, ne provoquèrent aucune réaction de la part de Moscou qui, supportait ces agissements sans faire planer le spectre d’interrompre ses relations et ses collabora­tions avec les États-Unis et l’Europe. Or, lorsque l’OTAN, les États-Unis et l’Union européenne (UE) agirent de la même manière dans la région « euro-asiatique », cela provoqua une réaction sérieuse de Moscou qui commença à répondre coup pour coup contre toute action.

L’urgence de répondre aux questions géopolitiques actuelles

Que faire pour résoudre la crise en Ukraine ? Que doit faire l’UE par rapport à la Russie pour désamorcer la situation actuelle ? Que devrait faire l’Ukraine ?

Il apparaît urgent que l’UE réoriente sa politique, convainc les États-Unis, la Russie et l’Ukraine de la mise en place d’un processus politique, sous l’égide de l’ONU, qui respectera la volonté des citoyens ukrainiens. Il faudrait aussi que l’UE mette en place avec la Russie une feuille de route visant à atténuer les points de divergences au profit des deux partenaires.

La sagesse devrait guider la politique américaine en Ukraine vers la recherche d’une coopération entre les deux camps, pour la réconciliation, non la domina­tion d’un camp par l’autre. La réalisation d’un tel processus est fondamentale pour garantir la stabilité du continent. Il permettra aussi à l’Europe de s’interroger sur sa dépendance militaire vis à vis des États-Unis.

C’est pourquoi l’Académie géopolitique de Paris, a réuni dans le colloque qu’elle a organisé sur ce sujet, question importante et d’actualité en matière inter­nationale, les chercheurs de renom, les universitaires, les diplomates, les analystes, et les journalistes, et a l’extrême satisfaction de pouvoir publier un nouveau numéro de la revue Géostratégique reflétant l’apport de leurs réflexions, l’intensité de leurs échanges et le souci d’insister surtout sur la perspective d’avenir de l’Ukraine.

 

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