Turquie-Monde arabe  le retour fugace de l’Histoire

Résumé : L’évolution du rôle et de l’influence de la Turquie au Moyen-Orient depuis 1960, et l’ouverture vers l’Europe.

Summary: The evolution of Turkey’s role and influence in the Middle East since 1960, and the opening towards Europe.

Mohamed DAOUD, Professeur

Université Ahmed Benbella, Oran 1/CRASC

Du temps du kémalisme, la Turquie s’est tournée entièrement et pendant plus d’un demi-siècle vers l’Europe, mais elle a commencé à s’orienter vers la Méditerranée et le Monde arabe à la faveur de la fin de la Guerre froide vers la fin des années 1980. Cette nouvelle évolution dans la politique extérieure du pays s’est  confirmée avec l’arrivée au pouvoir de l’AKP (Parti de la justice et du développement fondé le 14 août 2001, par Recep Tayyip Erdoğan, l’actuel Président de la Turquie). D’ailleurs le gouvernement d’Ankara a procédé, en premier, au règlement des contentieux existants dans son environnement, en offrant ses bons offices aux voisins arabes et puis deuxièmement, il s’est impliqué dans les conflits générés par les soulèvements arabes de 2011, en présentant aux différents acteurs de ces pays son expérience politique, comme un « modèle » à suivre. Depuis beaucoup d’événements ont secoué cette partie du monde, (chute de plusieurs régimes, guerres civiles, terrorisme et crises des réfugiés), débouchant sur un éclatement de plusieurs Etats arabes, voire leurs disparitions, bref un remodelage de la région tant souhaité par les américains. Les récents événements qui ont ébranlé la scène politique turque (putsch manqué, renouement avec la Russie, intervention militaire turque dans le Nord de la Syrie, etc.), laisse croire qu’une troisième phase est en cours de concrétisation pour la diplomatie de l’AKP envers les pays arabes, à commencer par la Syrie.

Au terme du post-putsch manqué, et pour mieux affronter les graves conséquences générées par ces événements, la Turquie a  introduit beaucoup de changements, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. La relance des contacts avec la Russie et l’Iran augure d’un grand chamboulement dans les relations internationales voire un basculement géostratégique, car tout peut changer d’un moment à l’autre dans cette région, et au gré des conjonctures et des intérêts les alliances peuvent se faire et se défaire précipitamment.

La Turquie : atouts et écueils

De par sa position géographique (entre l’Europe et l’Asie, entre l’Occident et l’Orient), de son  Histoire et de sa culture (étant un ancien califat musulman), la Turquie est un pays très riche à plus d’un titre, car se situant à « un carrefour géostratégique, politique et socioculturel très important »[1].

Ces deux substrats mêlant la Géographie à l’Histoire invitent à reconsidérer les multiples rapports de ce pays avec le Monde arabe, qui avec lequel, il partage plusieurs fondements (voisinage, religion et lien historique). En outre, la Turquie est un pays émergent sur le plan économique, membre de l’Otan et candidat à l’Union Européenne depuis plusieurs décennies. Ce pays a su trouver, grâce à l’intelligence de plusieurs de ses intellectuels et de ses acteurs politiques, un compromis prometteur entre la tradition et la modernité, entre l’Islam et la démocratie.

La Turquie est aussi une grande puissance sur le plan démographique (quatre vingt millions d’habitants), riche en ressources humaines qualifiées, un pays économiquement solide en pleine croissance malgré les déséquilibres entre les régions, entre les villes et les campagnes. Le ministre de l’Économie, Mustafa Elitaş a relevé que « La performance de croissance de la Turquie pour l’année 2015 se situe bien au-delà de ces prévisions. La Turquie a également devancé 23 membres de l’UE, grâce à sa croissance de 4 pour cent »[2].

En somme, une image idyllique qui cache une réalité qui désarçonne plus d’un ; les divers héritages culturels de ce pays organisent son identité et en même temps «brouillent ses repères »[3], les multiples appartenances de la Turquie font que ce pays «ne se trouve nulle part »[4], et cela n’est pas une simple métaphore. Beaucoup d’atouts et beaucoup d’écueils pour ce pays en pleine émergence.

En dépit de tous ces atouts, le pays évolue dans un environnement complexe et compliqué, miné par plusieurs conflits récurrents, un espace où nombreux sont les enjeux stratégiques et saisissant est leur impact sur les populations de la  région: l’occupation israélienne des territoires arabes (en Palestine, en Syrie et au Liban) dure plusieurs décennies, l’invasion de l’Irak par les USA en 2003 a eu comme conséquences le délitement des institutions étatiques, l’instabilité politique est chronique au Liban, etc.

À ces tourments, se sont ajoutés les événements de 2011 dans plusieurs pays arabes et qui ont débouché sur l’émergence du terrorisme et la création de l’organisation Etat Islamique en Irak et au Levant, Daech (acronyme en langue arabe, EI en français et ISIS en anglais). Au début la Turquie a souhaité évoluer dans un environnement apaisé, loin des conflits répétitifs, en offrant sa médiation.

Bon voisinage et bons offices :

C’est dans l’esprit du bon voisinage que l’AKP au pouvoir s’est inscrite, la venue de Ahmet Davutoğlu aux Affaires étrangères en 2009 a donné un coup d’accélérateur à cette démarche. Ce dernier a tenté une nouvelle approche dans le domaine des relations internationales en mettant en valeur les divers atouts dont dispose le pays. Il a prôné: « une politique de zéro problèmes avec les voisins ». Avant de devenir ministre des affaires étrangères puis premier ministre, Ahmet Davutoğlu était professeur, spécialiste des relations internationales à l’université de Beykent et celle de Marmara. Il a publié en avril 2001 un gros ouvrage intitulé « Profondeur stratégique : la position internationale de la Turquie » (Editions Kure yayinlari) ». Ce travail académique, traduit uniquement en langue arabe et publié à Beirut par les soins du centre d’études d’Aljazeera (Aljazeera Center For Studies) et en collaboration avec une maison d’édition libanaise (Arab Scientific Publishers, Inc)[5], peut être considéré comme le « texte fondateur » de la politique étrangère turque depuis l’accession de l’AKP au pouvoir en 2002[6]. A travers cet ouvrage l’auteur appelle à une refonte globale de la politique étrangère turque basée sur une nouvelle vision qui fera de ce pays un état central qui dépasse sa situation périphérique[7], en s’inscrivant dans la nouvelle dynamique de l’ordre mondial post-guerre froide[8].  Pour l’auteur, la réussite de cette politique extérieure doit passer par le règlement des problèmes internes, tels que la question kurde et la polarisation entre le camp islamiste et le camp laïc. Les régions avec lesquels le pays doit coopérer sont en priorité le bassin terrestre proche (Moyen-Orient, Balkans, Caucase) ; le bassin maritime proche (mer Noire, mer Méditerranée, mer Rouge, mer Adriatique, et mer Caspienne) ; et enfin, le bassin continental proche (Europe, Asie du Sud, Asie centrale et orientale, et Afrique du Nord)[9].

Il semble que le Monde arabe est au centre de cette nouvelle politique, qui a rompu avec l’isolationnisme du kémalisme affiché depuis la chute du Califat ottoman dans les années 1920 et dont la démarcation vis-à-vis de ce monde a duré jusqu’à la fin de la Guerre froide. Bien avant la Turquie était considérée comme un instrument aux mains de l’Occident, de par sa reconnaissance d’Israël en 1948 et son adhésion à l’Otan en 1951, mais  à partir des années 1980, la fin de la guerre froide aidant, Turgut Özal qui a présidé aux destinées du pays de 1989 à 1993, s’ouvre sur le voisinage, surtout sur les républiques de l’Asie centrale. L’islamiste Necmettin Erbakan qui a été Premier ministre de 1996 à 1997 suivra cette ligne politique en tentant de renouer avec la région arabo- musulmane. Depuis la Turquie a encouragé le développement des échanges économiques, touristiques et culturels avec les pays arabes, notamment à travers les feuilletons turcs doublés en Syrie et distribués dans les pays arabes du Proche-Orient et du Maghreb.

Ahmet Davutoğlu, ce « Kissinger turc » met en avant, dans son ouvrage la « profondeur stratégique », de la Turquie, qui passe nécessairement par sa «profondeur historique» et sa « profondeur géographique ». Dans ce sens, il propose des actions afin de permettre à son pays de devenir « une puissance sur la scène internationale »[10]. Le legs ottoman, en tant que passé historique de la Turquie, pourrait lui faciliter de rétablir les liaisons avec son voisinage arabe, par l’entremise de ce qui est commun, à savoir l’héritage musulman, mais pas que ça. Dans cet ordre d’idées la position géographique de la Turquie, étant au carrefour de plusieurs régions et cultures, est un autre atout pour ce grand pays, elle peut lui assurer la possibilité de se déployer dans plusieurs pays dans son entourage. Mais pour Ahmet Davutoğlu, la priorité serait donnée à la Méditerranée orientale, et c’est « en accroissant sa visibilité et son influence dans le bassin méditerranéen oriental (Afrique du Nord, Proche-Orient), que la Turquie pourrait se créer un « hinterland » (un arrière pays) qui servira comme tremplin pour son accession au rang de puissance régionale puis à terme mondiale »[11]. Cela se concrétise, pour les officiels turcs, par le développement d’un discours tiers-mondiste original, dénonçant les injustices du nouvel ordre international dont Israël fait partie. La mise en œuvre de cette nouvelle approche a paradoxalement coïncidé avec les soulèvements arabes, ce qui a donné à la Turquie un poids considérable dans le nouvel remodelage du Moyen-Orient. En voulant  mettre en avant ses atouts, la Turquie d’Erdogan s’est retrouvée face à de nombreux écueils et va s’aligner graduellement sur des positions politiques qui vont remettre en cause la théorie Ahmet Davutoğlu, comme quoi les rapports de force dans les relations internationales se dessinent dans d’autres contrées et font peu cas des bonnes intentions ou des bons sentiments des uns et des autres. Au commencement, le gouvernement d’Ankara a entrepris des actions de bons offices et de médiation « entre les États-Unis et l’Iran, entre Israël et la Syrie, entre l’Irak et la Syrie, entre Israël et les palestiniens, entre Hamas et Fatah »[12], ces initiatives, même si elles étaient appréciées par l’ensemble des partenaires, n’ont pas été conclues dans le sens souhaité du fait des complications politiques de la région du Moyen-Orient, mais néanmoins elles ont donné un poids régional important à ce pays. La Turquie conçoit le Moyen-Orient comme un Hinterland indispensable, encore que Davutoğlu n’évoque pas ouvertement « la solidarité musulmane, même s’il est sous-entendu que l’islam et le passé ottoman sont les principaux ressorts du «soft power » (puissance douce) turc dans la région[13].

Pour rappel les ottomans dominaient, durant plusieurs siècles ayant précédé le 20ème siècle, la région et ont « fait du bassin méditerranéen un espace de vivre ensemble, de coexistence, et de métissage – un héritage qui continue à prévaloir encore aujourd’hui chez les États riverains »[14]. La situation va changer à partir du XVIIIe siècle et plus encore au XXe siècle, les ottomans vont subir défaite sur défaite et la domination européenne va se préciser, le  traité de Sèvres de 1920 fera le reste. La Turquie sera affaiblie et son empire démantelé, créant par là chez les turcs une image négative de l’espace méditerranéen et du Monde arabe. Elle s’en éloigne, et s’applique à en trouver une autre alternative en se rapprochant de l’Europe, lieu de progrès et de développement. Son adhésion à l’Otan, en octobre 1951 ne lui confère qu’un rôle de supplétif  dans la stratégie de l’alliance atlantique, celle qui consistait d’empêcher la propagation du soviétisme. Mais malgré la fin de la Guerre froide, la Turquie est restée bloquée, pendant longtemps, dans les anciennes représentations de division du monde, n’évoluant que par à coups. Il fallait attendre un homme politique de l’envergure de Davutoğlu pour que les postures changent et évoluent.

À vrai dire, Ankara s’est distinguée bien avant en montrant une certaine indépendance vis-à-vis de ses partenaires occidentaux (refus d’utilisation de son territoire par les troupes américaines pour attaquer l’Irak, (mars 2003), le coup de gueule d’Erdogan lors de l’intervention de Shimon Peres Davos (janvier 2009), la rupture des relations avec Israël après l’attaque de la flottille pour Gaza (mai 2010), le refus de la Turquie de cautionner les sanctions contre l’Iran (septembre 2010), sont autant d’actes qui placent le pays dans une nouvelle posture. Ces différentes actions vont donner l’impression d’une véritable réorientation de la politique extérieure de la Turquie envers ses voisins arabes et autres.

En suivant cette nouvelle logique la Turquie rétablit ses relations avec la Syrie de Bachar el-Assad, avec l’Égypte d’Hosni Moubarak, avec le Fatah et le Hamas en Palestine, s’ouvre sur le plan économique avec nombre de pays arabes et intervient, surtout dans l’année 2008, dans des conflits que connait la région en proposant des règlements à l’amiable. Aussitôt, elle  encourage les pourparlers entre Israël et la Syrie, intervient auprès des différentes factions irakiennes et auprès des différentes communautés libanaises, etc. En fait, une véritable stratégie de « facilitateur et de médiateur promeut la Turquie au rang de puissance neutre et bienveillante, et de « parrain » ou grand frère des « petits » États de la Méditerranée orientale »[15].

Avec la survenue des soulèvements du Printemps arabe, la Turquie s’implique intensément et tente de proposer son « modèle » politique, ce qui a donné lieu à beaucoup de questionnements sur les motivations réelles et la stratégie de la politique extérieure turque dans le Monde arabe[16].

Le modèle turc en question:

Plusieurs éléments ont concouru pour en faire de l’expérience turque un « modèle » envisageable pour peuples arabo-musulmans en quête de dignité et de démocratie. Les victoires successives de l’AKP dans les diverses élections, la croissance économique enregistrée par ce pays, le refus de tout compromis avec Israël…, ont donné à ce « modèle » original et séducteur, un écho favorable auprès de la « rue arabe », durant les soulèvements populaires de 2011.

Toutefois la Turquie a été, comme tout le monde, prise au dépourvu devant l’ampleur des contestations populaires enregistrées dans le  Monde arabe au début de l’année 2011. Comment va-t-elle réagir et gérer cette nouvelle situation ? Se trouvant devant de grands enjeux, la diplomatie turque « pourrait y perdre beaucoup, mais pourrait encore davantage y gagner »[17]. Et c’est pour ne pas perdre beaucoup, que le gouvernement d’Ankara s’est attelé à mettre en œuvre, dans un premier temps, une politique pragmatique qui consiste à aller doucement, considérant que chaque pays en proie aux agitations est un cas particulier. Cependant la rapidité avec laquelle s’est conclu, le soulèvement en Tunisie, a facilité la tâche à Ankara, qui s’est rapidement alignée sur la nouvelle équipe au pouvoir. Concernant la Lybie, Erdogan a longtemps hésité pour afficher son soutien aux manifestants, avant de s’impliquer dans le conflit à leurs côtés, en rejoignant l’opération Unified Protector, menée par l’OTAN. Très impressionné par la mobilisation populaire de la place Ettahrir au Caire, il demande, avec empressement, au Président d’Egypte, Hosni Moubarek de démissionner.

Le soulèvement contre Bechar El-Assad en Syrie, de par sa proximité géographique, va être le gros morceau pour Ankara, qui a déjà géré quelques anciens conflits avec ce pays, notamment en raison d’une dispute historique sur la province d’Alexandrette, du soutien accordé par Hafez El-Assad au leader du PKK Abdullah Ocalan, et d’une dispute sur le partage des eaux du Tigre et de l’Euphrate[18]. Pour trouver une issue pacifique au conflit, qui était au début syro-syrien,  Davutoğlu et Erdoğan ont pratiqué la « diplomatie de la navette », faisant des allers-retours réguliers entre Ankara et Damas afin de convaincre El-Assad d’offrir des concessions aux révolutionnaires afin d’assurer la longévité de son régime »[19],  (Davutoğlu et Erdoğan se sont rendus 61 fois à Damas pour négocier une solution avec el-Assad)[20] sans résultat. Devant l’enlisement du conflit, Ankara change d’attitude et demande la démission du Président syrien et s’implique totalement aux côtés de l’opposition syrienne par un soutien politique et militaire. En effet, elle abrite plusieurs rencontres de cette opposition et permet aux combattants étrangers venus combattre le régime de traverser, sans problèmes, ses frontières. Par ailleurs, elle accueille dans ses frontières les syriens ayant fui la guerre, en leur accordant une aide humanitaire.

L’Armée syrienne libre (opposition armée) devient par la suite son interlocuteur privilégié, ce qui fait dire aux observateurs  que la Turquie a renoncé officiellement à sa politique de zéro problème avec le voisin syrien[21], ce qui peut être, considéré aussi comme un affront pour l’approche de Davutoğlu, qui démissionne le 22 mai 2016, sur fond de crise au sommet de l’Etat.

Porté par cette ambition de « modèle »  et par l’ambition d’investir politiquement et économiquement dans la « profondeur historique » de la Turquie, Erdoğan entame une tournée dans les pays du Printemps arabe. Et c’est par  l’Égypte dirigée par les Frères musulmans qu’il amorce  ce périple où il fut reçu comme une superstar, « c’est en héros qu’il a été accueilli en Égypte, en Tunisie et en Libye, où il a effectué une tournée entre le 12 et le 16 septembre »[22]. Erdogan était accompagné d’une forte délégation composée de  plusieurs conseillers, de sept ministres et de 280 hommes d’affaires,  de Emine, sa très pieuse épouse – qui a des origines arabes –, son fils Bilal et sa fille Sümeyye[23]. Mais la déposition du Président élu Mohamed Morsi en juillet 2013 non seulement « sonne le glas de cette symbiose, mais contrarie et froisse le gouvernement AKP »[24]. Ce qui amène le gouvernement d’Ankara à rompre ses relations diplomatiques avec le nouveau pouvoir égyptien, la Turquie est ainsi isolée sur le plan régional, le «zéro problème avec les voisins» méditerranéens s’est transformé en un « zéro voisin sans problème »[25]. Les révolutions arabes ont mis en avant ce « modèle », mais les tâtonnements de la diplomatie de l’AKP qui s’est rangée uniquement aux côtés des Frères musulmans dans divers pays arabes (Tunisie, Egypte et Maroc, etc.), ont fait apparaitre un caractère sectaire de ce parti turc qui n’a pas tenté de prendre en considération les visions d’autres composantes des sociétés arabes.

Malheureusement le  Printemps arabe a pris de court Erdogan: les Frères musulmans ont été éliminés du pouvoir, En-Nahda en Tunisie n’a pas eu la mainmise totale sur les institutions, les autres pays (Lybie, le Yémen, et la Syrie), subissent la montée du terrorisme, et la création de Deash à ses frontières n’a pas été pour faire ses affaires. La répression violente de la manifestation de Gezi Parki à Istanbul en 2013 a écorné l’image de ce « modèle », les arrestations et purges qui ont suivi le putsch manqué de cet été, ont fait le reste. L’ambigüité politique d’Erdogan vis-à-vis d’Israël, pèsera lourdement sur ses rapports avec le Monde arabe, d’où les questionnements quant à la sincérité de l’implication des dirigeants turcs dans ce dossier explosif, s’agit-il seulement d’un discours sans retombées concrètes ou d’une action bien réfléchie ? En effet la Turquie entretient des relations commerciales et militaires depuis 1996, mais Erdogan « dénonce Israël sur le plan du discours afin de gagner en popularité sur la scène moyen-orientale, mais veille en coulisse à maintenir le « business as usual » et les relations solides avec Tel-Aviv »[26].

Cependant et en dépit de toutes ces fatalités, beaucoup d’éléments plaident pour la valorisation du modèle turc, qui séduit les élites (de tous bords politiques et pas seulement les islamistes) et les masses populaires arabes et musulmanes. Et  même si l’expérience politique menée par l’AKP reste liée à Histoire sociopolitique du pays qui a observé l’avènement de la république dans les années 1920. Car les seuls modèles à tendance islamiste en cours sont le « modèle saoudien » et le « modèle iranien », qui sont non exportables à cause de leurs rigidités. Ces deux pays sont très actifs dans l’exportation de leurs idéologies et se font la guerre par acteurs interposés en ravivant les anciennes querelles, entre Sunnites et Chiites, de l’Islam médiéval. Contrairement à ces deux références politiques  le « modèle turc » arrivé au pouvoir par les élections donne véritablement une image séduisante d’un Islam ouvert sur l’universel.

L’Islam et le Grand Moyen-Orient

D’ailleurs  le classement de l’AKP dans la grille de « l’Islam modéré » peut s’avérer équivoque, du moment où cette notion est utilisée à tort et à travers et selon les circonstances et les intérêts des occidentaux. Elle implique un non-dit celui de « l’Islam violent », ouvrant un grand débat autour de la violence qui n’est pas nécessairement intrinsèque à l’Islam, mais liée à l’interprétation intéressée des acteurs politiques dans leurs luttes pour le pouvoir. D’ailleurs la violence a touché toutes les religions et toutes les civilisations à travers la longue marche de l’Histoire.  L’expérience turque ne peut être réduite à la dimension religieuse,  et la notion de « modéré » est perçue comme l’instrumentalisation de la religion liée au programme politique mise en place par les Etats-Unis dans le cadre de son projet de « Greater Middle East »[27]. En fait les USA ont depuis les attentats du 11 septembre 2001 à  New-York mené une guerre sans merci au terrorisme islamiste dont les dessous tourneraient autour du remodelage des pays du Moyen-Orient allant du Maghreb au Pakistan. En désignant, à cette occasion, « l’axe du mal » les USA formulent l’utilisation du discours religieux dans des conflits régionaux, dont l’Irak de Saddam Hussein en était la première cible, les autres pays arabes et musulmans devraient suivre et vivre des situations chaotiques. La doctrine de Zbigniew Brzezinski, (politologue et géostratège, très écouté par les officiels américains) inspirée par l’islamologue Bernard Lewis va servir les intentions US du remodelage des pays du Moyen-Orient[28].

Il s’agit, pour cet idéologue qui a publié « Le grand échiquier » en 1997[29] de poursuivre la Guerre Froide autrement en encerclant la Russie, la Chine et l’Inde : véritables  « acteurs géostratégiques » et mettre sous la tutelle des USA tout l’espace qui couvre la production et la circulation des hydrocarbures. Le projet US propose  de « balkaniser » le Moyen-Orient musulman pour créer des mini Etats pétroliers plus faciles à contrôler que les Etats souverains à forte identité, (…) une sorte de micro-califats islamistes et sous protection américaine, à l’instar des émirats du Golfe (Qatar, Koweït, EAU, Oman) ou des taïfas andalouses »[30]. La situation actuelle où les pays arabes vivent des grandes déchirures (pareillement à l’Andalousie en fin de règne), la Turquie tente de protéger ses intérêts économiques et son unité territoriale et politique, en entretenant des relations complexes et ambiguës avec un certain nombre d’acteurs locaux et régionaux, à leur tête Daech.

Le double piège de Daech et des kurdes

Obnubilé par la chute de Bechar El Assad, qu’il croyait imminente comme tout le monde d’ailleurs, « Ankara a apporté un soutien logistique à l’opposition syrienne, sans se préoccuper de l’identité et de la nature des mouvements qui recevaient ce soutien »[31]. Peut-être que c’est à son insu, que  Ankara s’est retrouvée parrain de cette organisation, en lui offrant beaucoup de soutiens, notamment en rendant possible le commerce illégal du pétrole auquel s’adonnait Daech à ses frontières. Par son appui implicite à Daech, Ankara visait un double objectif : accélérer la chute du régime syrien et  empêcher, à tout prix, la création d’un Etat kurde à ses frontières. Devenant  la cible des attentats terroristes à l’intérieur même des villes turques, et les différentes prises d’otages de citoyens turcs en Irak et en Syrie, Ankara s’enferme dans le piège de Daech, et se trouve dans l’obligation de combattre cette organisation. En effet les dirigeants de cette nouvelle entité politique ont sciemment instrumentalisé la religion, l’Histoire et les nombreuses frustrations des populations sunnites qui ont été marginalisées soit en Irak soit en Syrie. Et en choisissant un territoire situé entre ces deux pays, Abou Bakr al-Bagdadi qui s’auto proclame Calife et commandant des croyants, le 29 juin 2014, marque « un tournant par rapport aux autres organisations à l’image d’Al-Qaïda. La nouveauté de l’Etat islamique est avant tout la territorialisation de son pouvoir »[32]. C’est un véritable Etat qui a mis en place un processus d’institutionnalisation de ses structures (direction politique, idéologie, armée, monnaie, …), que les pays riverains doivent freiner l’expansion.

Selon Pierre-Jean-Luizard, auteur d’un ouvrage intitulé « Le piège Daech », l’action de l’Etat islamique est à mettre sur le compte de la remise en cause des frontières mandataires héritées de l’époque coloniale et dont sont issues des pouvoirs locaux tenues par des minorités dans les deux pays. Et concernant l’intervention des Etats-Unis en Irak et dont l’objectif était de reconstruire un nouveau régime plus démocratique, n’a pas abouti, du moment elle s’est faite « toujours sur des bases confessionnelles, mais en renversant les ethnies au pouvoir. Le tandem sunnite et kurde est exclu du pouvoir, tandis que les chiites y accèdent »[33]. Le résultat étant : « le délitement de l’Etat et le démembrement de son territoire sur des bases confessionnelles et ethniques »[34], ce qui fera l’affaire de Daech qui va s’appuyer sur les ressentiments des populations sunnites pour instaurer son ordre, qui se présente par l’utilisation contre ses adversaires politiques et les autres minorités ethniques d’une violence inouïe. La même configuration politique existe en Syrie, où les Alaouites (une autre variété du chiisme) sont au pouvoir depuis longtemps.

Après avoir cultivé un « double jeu » envers cette organisation islamiste, Ankara décide de rejoindre la coalition internationale qui vise à l’éradiquer, sans aller vraiment sur le terrain, car pour « Ankara se sent moins menacée par ce groupe djihadiste que par l’émergence d’une force autonome kurde en Syrie, qui pourrait éventuellement s’allier aux Kurdes de Turquie et d’Irak pour créer un grand Kurdistan, scénario cauchemardesque pour Ankara »[35]. La question kurde devient alors, une priorité pour les autorités d’Ankara, il s’agit pour eux de combattre les  kurdes. Ces derniers sont en fait un peuple d’origine indo-européenne à grande majorité sunnite et une minorité chrétienne ou Yazidis, ils sont au nombre de 35 millions de personnes et se retrouvent sur les frontières de quatre pays (Turquie, Syrie, Iraq et l’Iran), « une particularité qui vaut aux Kurdes d’être la plus grande nation sans Etat au monde »[36]. Le de traité de Sèvres  qui prévoyait en 1920 la création d’un Kurdistan indépendant a été annulé trois ans plus tard par le traité de Lausanne privant la communauté kurde d’avoir son Etat qui se retrouve disséminée entre quatre pays. Les populations turco-kurdes tentent par tous les moyens de revendiquer leur autonomie, elles ont créé en 1978 le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), et ont opté pour la lutte armée contre le pouvoir d’Ankara, sans grand résultat. Ceux de l’Irak ont obtenu en 2003 juste après la chute de Saddam leur Etat autonome avec comme capitale Erbil et pour gouverneur Massoud Barzani.

La Turquie s’embourbe et perd de son éclat?

Les succès militaires remportés contre Daech par les milices armées kurdes, qui ont suppléé aux armées irakienne et syrienne en pleine décomposition, ont accordé à ces derniers un poids considérable dans le conflit en cours.

Alors Kobané ou Aïn al-Arab, une ville martyre, située à la frontière turque est attaquée le 25 juin 2015, par les terroristes de Daech qui commettent des massacres contre les populations kurdes qui y vivent. Elle sera défendue par la branche armée du  Parti de l’Union démocratique (PYD), la branche syrienne du PKK et dont les Unités de protection du peuple (YPG). Ainsi Daech se trouve confrontée, également, aux combattants kurdes irakiens, les peshmergas (qui sont évalués à 200.000) se sont retrouvés en première ligne des combats, épaulés par des combattants kurdes de Turquie et de Syrie. Ces derniers remportent une victoire décisive à Kobané en janvier 2015. En juillet 2015, les YPG repoussent également l’offensive de l’EI sur Hassakah, qu’ils tiennent désormais avec les forces loyales au régime syrien[37].

Un choix clair s’impose pour Ankara, soit combattre Daech et en payer le prix (les terroristes de Daech ont déjà commis plusieurs attentats à l’intérieur de villes turques) soit conforter les kurdes  dans leurs ambitions. Ces derniers soutenus par les américains et les européens, menacent désormais l’unité territoriale de ce pays, et un autre axe  pourrait se dessiner (Ankara- Damas- Baghdâd- Téhéran) pour les contrer, ce qui fait dire à certains observateurs que la Turquie pourrait « abandonner le legs des cinq années passées à intervenir militairement en terre syrienne (…) à travers la coordination avec l’Arabie saoudite et le Qatar»[38]. Cependant Ankara a lancé le mercredi 24 août 2016, l’opération Bouclier de l’Euphrate afin d’empêcher la formation d’une entité kurde autonome en Syrie[39]. Il semble également que la guerre livrée par Erdogan aux kurdes aux frontières syriennes a pour objectif de servir un agenda politique interne, celle d’affaiblir, à l’intérieur le Parti démocratique des peuples (HDP), le parti politique des kurdes qui a remporté plusieurs succès électoraux[40].

Où va la Turquie ?

Le putsch manqué du 15juillet 2016 va accélérer le  rapprochement de la Turquie avec la Russie et l’Iran et l’on parle déjà d’un nouveau axe : Ankara-Moscou-Téhéran, un événement inimaginable il y a seulement quelques semaines. Il s’agit pour le gouvernement d’Ankara d’aplanir ses différends avec la Russie et l’Iran et de mettre la pression sur ses anciens alliés qui ne l’ont pas suffisamment soutenu durant cette grave épreuve. Le pouvoir d’Ankara peut être tenté d’épouser les thèses de ses « nouveaux partenaires » concernant le conflit syrien et d’apporter un nouveau souffle à son économie malmenée par les attentats, mais sans apporter de notoires changements dans ses rapports avec l’Otan.

Moscou aurait demandé à la Turquie de rendre ses frontières hermétiques, en interdisant les approvisionnements aux  différents groupes armés qui combattent le régime syrien et de participer à la lutte contre Daech. Les turcs auraient exigé des russes une contrepartie, celle de ne pas soutenir les kurdes, en plus d’un partenariat économique plus consistant.  De nombreux experts y voient le signe d’un «basculement géostratégique», d’une «rupture» aux conséquences potentiellement considérables »[41] . La Turquie se sent flouée par l’OTAN, pour le gouvernement de ce pays, les USA ne sont pas étrangers à la tentative de coup d’Etat, conduit par Fethullah Gulen exilé en Pennsylvanie, « Une conjuration qui aurait été mise en échec grâce aux services secrets russes, explique l’agence de presse officielle iranienne Fars. Moscou aurait alerté le président turc de l’imminence d’un coup d’Etat alors qu’il se trouvait en villégiature dans la station balnéaire de Marmaris. Une information confirmée à demi-mot par le pouvoir turc »[42].

C’est apparemment cette posture innatendue de la Russie qui a poussé Erdogan à aller discuter avec Poutine à Moscou d’une nouvelle alliance, inédite il y a quelques semaines, et qui suscite les inquiétudes du camp occidental, surtout américains et israéliens qui auront beaucoup à y perdre. Une nouvelle alliance qui s’étend à l’Iran et que pourraient rejoindre l’Irak, la Syrie et probablement la bête noire des israéliens : le Hezbollah libanais, exactement « l’inverse de ce que Jérusalem cherchait en renouant avec Ankara! »[43], fait des vagues au sein de l’establishment israélien.

Il serait intéressant de dire que chacune des parties impliquées dans l’axe Ankara – Moscou – Téhéran défend ses intérêts. Premièrement Moscou veut contrecarrer les ambitions de Washington dans le remodelage du Moyen-Orient. Pour les Russes, c’est clair qu’il faut contrecarrer les pays occidentaux de mettre la main sur  les potentialités énergétiques de la région, de coordonner avec les pays producteurs du pétrole pour garder les prix à leur niveau, d’interdire l’expansion des groupes terroristes vers  leur pays, et le plus important dans cette action, serait de maintenir Bechar El Assad au pouvoir afin de garder son influence géostratégique dans cette région du Moyen-Orient[44]. L’Iran s’inscrit dans cet agenda tout en gardant l’ambition d’être, également, une puissance régionale ayant sa place dans un monde multipolaire.

La Turquie a-t-elle abandonné ses rêves de puissance régionale, l’exportabilité de son modèle auprès de ses adulateurs dans le Monde arabe ? Ce qui est sûr, c’est que les élites de ce pays n’abandonneront pas leurs projets, ils sont seulement contrariés par les nombreux événements tragiques qui se produisent dans cette région. Tout en tentant de rompre son isolement régional en renouant avec les quelques pays arabes avec lesquels il n’a plus de rapports, à l’instar de la Syrie et de l’Egypte, Erdogan continuera à liquider ses adversaires politiques de l’intérieur et de l’extérieur pour s’accaparer totalement le pouvoir, avec le risque de s’engluer dans les marécages de la guérilla kurde et du terrorisme conduit par Daech.

Reste que les partis islamistes et à leur tête les Frères musulmans, qui étaient partants pour modèle turc, ont raté un grand virage historique à la faveur du Printemps arabe, au Machrek comme au Maghreb. Par la conjonction de plusieurs facteurs internes et externes à leurs formations, les Frères musulmans ont été éliminés du pouvoir en Egypte. Au Maghreb soit, ils sont divisés ou sont dans l’opposition ou les deux en même temps comme en (Algérie), En-Nahda en Tunisie est partenaire avec d’autres forces politiques au pouvoir, par contre le PJD au Maroc même s’il est au pouvoir, il demeure lié par le régime monarchique qui lui délègue que quelques attributions. Devant l’espoir déçu du cheikh El-Karadoui de voir Erdogan devenir le Sultan de tous musulmans, et le désappointement des peuples du Printemps arabe dans leurs aspirations à la démocratie, on peut dire que l’Histoire, telle une étoile filante, a brillé un moment dans le ciel assombri des arabes avant de s’estomper.

[1] http://paxchristiwb.be/files/files/2012-analyse-incidences-des-printemps-arabes-la-turquie-en-question.pdf

[2] http://www.invest.gov.tr/fr-FR/infocenter/news/Pages/010416-turkey-grows-4-pct-annually-in-2015.aspx

[3] https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2011-4-page-47.htm

[4] Idem.

[5] http://ketab4pdf.blogspot.com/2014/09/pdf_87.html

[6] http://www.telos-eu.com/fr/globalisation/le-monde-selon-ankara.html

[7] http://archive.aawsat.com/details.asp?section=19&article=592277&issueno=11653

[8] http://www.iris-france.org/docs/kfm_docs/docs/observatoire-turquie/2011-12-08-grard-groc—nouvelle-diplo-turque.pdf

[9] http://www.telos-eu.com/fr/globalisation/le-monde-selon-ankara.html

[10] Le retour de la Turquie en Méditerranée : la « profondeur stratégique  https://cdlm.revues.org/7671

[11] Idem

[12] http://ieri.be/en/publications/ierinews/2011/juillet/la-politique-ext-rieure-de-la-turquie

[13] http://www.telos-eu.com/fr/globalisation/le-monde-selon-ankara.html

[14] Idem.

[15] Idem.

[16] http://ieri.be/en/publications/ierinews/2011/juillet/la-politique-ext-rieure-de-la-turquie

[17] http://paxchristiwb.be/files/files/2012-analyse-incidences-des-printemps-arabes-la-turquie-en-question.pdf

[18] http://www.lesclesdumoyenorient.com/Entretien-avec-Jana-Jabbour-La-politique-etrangere-de-la-Turquie.html

[19] Idem.

[20] https://cdlm.revues.org/7671

[21] Idem.

[22] http://www.jeuneafrique.com/190078/politique/printemps-arabe-erdogan-superstar/

[23] Idem.

[24] https://cdlm.revues.org/7671.

[25] Idem.

[26] http://www.lesclesdumoyenorient.com/Entretien-avec-Jana-Jabbour-La-politique-etrangere-de-la-Turquie.html

[27] https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2011-4-page-47.htm

[28] http://www.mondialisation.ca/lhistorien-bernard-lewis-le-printemps-arabe-et-les-nouveaux-assassins/5402894

[29] https://www.fichier-pdf.fr/2014/08/10/brzezinski-zbigniew-le-grand-echiquier/

[30] http://www.politique-actu.com/debat/moyen-orient-plan-americano-israelien/514643/

[31] http://www.lesclesdumoyenorient.com/Entretien-avec-Jana-Jabbour-La-politique-etrangere-de-la-Turquie.html

[32] http://www.lesclesdumoyenorient.com/Pierre-Jean-Luizard-Le-piege-Daech.html

[33] Idem.

[34] Idem.

[35] http://www.huffingtonpost.fr/jana-jabbour/turquie-daech-double-piege_b_5950150.html

[36]http://www.bfmtv.com/international/carte-les-kurdes-un-peuple-a-cheval-sur-quatre-pays-839359.html

[37] http://www.lesclesdumoyenorient.com/2016-vers-un-reflux-de-l-Etat-islamique-Cartographie-du-conflit-en-Irak-et-en.html

[38] http://www.raialyoum.com/?p=504270

[39]http://www.atlantico.fr/decryptage/ces-tres-facheuses-consequences-auxquelles-turquie-pas-pense-en-lancant-operation-boucli

[40] http://info.arte.tv/fr/turquie-et-pkk-pourquoi-tant-de-haine

[41] http://www.24heures.ch/monde/Vers-un-nouvel-axe-MoscouAnkaraTeheran/story/29414824

[42] Idem.

[43] http://www.europe-israel.org/2016/08/vers-un-axe-moscou-ankara-teheran/

[44] http://alwaght.com/ar/News/45294

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