Pour des politiques humaines en Arabie Saoudite

Roger TEBIB

Une exigence dans le monde contemporain

Professeur des universités (sociologie)

3eme trimestre 2012

La nécessité d’une application de critères sociaux et médicaux pour le travailleurs immigrés

Depuis le début du développement de l’économie saoudienne, le royaume s’est appuyé sur la main-d’œuvre de travailleurs étrangers (Yéménites, Egyptiens, Pakistanais, Palestiniens, etc) et l’expertise de cadres venus également d’autres pays.

Ils forment la majorité de la population active, environ plus de 6 millions.

Face aux compagnies pétrolières

Elles payent à l’État une rente annuelle mais tiennent à gérer elles-mêmes leurs propriétés sans que les pouvoirs publics vérifient régulièrement les locaux et les méthodes utilisées pour la protection de la santé et de la sécurité du travail.

Pour un développement de la médecine du travail

Il est indispensable que l’État crée des services de santé et de sécurité au travail et exerce son contrôle sur les entreprises comme cela se fait dans la majorité des pays.

Le contrôle de l’application de la législation internationale au travail doit être effectué par des services déconcentrés où sont installés des inspecteurs du travail placés sous l’autorité ministérielle.

En Arabie Saoudite où il existe 13 provinces on y installerait des services d’inspection du travail pour les visites dans les entreprises.

Les provinces (« imarat ») qui sont subdivisées en 103 districts (« mouhafarat ») auraient leurs médecines du travail.

Il conviendrait aussi de créer dans les universités, des sections de médecine du travail comme elles existent déjà dans beaucoup de pays.

Des politiques éducatives dans un monde multi-culturel

Comme on l’a dit, le nombre de travailleurs immigrés est de plus de 6 millions, ce qui pose le problème de l’éducation de leurs enfants.

Il faut dépasser le système qui consiste à leur faire lire le Coran en langue arabe traditionnelle mais leur apprendre à s’ouvrir au monde actuel.

Des solutions doivent être envisagées pour intégrer les écoles dans un programme de développement culturel et social comme l’a demandé par exemple l’UNESCO dans son texte sur les « Expériences régionales » (1980).

Dans beaucoup de pays ont été créées des classes expérimentales multiculturelles : l’enfant ne doit pas renoncer à sa langue et à sa culture d’origine mais s’ouvrir aux relations interethniques. L’État doit garder dans ce domaine son rôle de contrôle mais permettre aux associations, aux municipalités et aux communautés régionales, d’intervenir dans le domaine éducatif. une formation universitaire des enseignants et enseignantes est également indispensable.

On peut citer, par exemple, un pays musulman comme le Maroc qui a fait depuis des années des expériences pour l’enseignement des enfants berbères.

Pour une ouverture non-étatique des organisations humanitaires

L’Arabie Saoudite est de loin le pays musulman le plus influent pour l’exportation des associations humanitaires. Cette politique « sociale » vise trois objectifs :

  • secourir les musulmans les plus démunis afin de réduire la flagrante disparité entre les pays du Golfe exportateurs et leurs voisins prisés de ressources naturelles
  • renforcer son emprise politique sur la solidarité panislamique
  • affaiblir la contestation dans son pays en fournissant de temps à autre des aides sociales

Malgré un impressionnant dispositif, l’Arabie Saoudite n’a pas pu maîtriser l’émergence de beaucoup d’ONG islamiques qui viennent souvent mettre en question les pouvoirs en place jugés impies et défaillants.

Les associations caritatives qui refusent sa tutelle sont perçues par Ryad comme menaçant l’influence qu’elles tentent d’imposer pour un islam « non-conforme » et trop wahhabite. Elles sont souvent financées par des citoyens saoudiens qui désapprouvent la politique religieuse de l’État saoudien. Pour contrer cette vague

 

Pour des politiques humaines en Arabie Saoudite

d’ONG indépendantes, l’Arabie Saoudite a créé l’International Islamic Council for Dawa and Relief (IICDR basé au Caire et géré politiquement et religieusement par l’Université d’al-Azhar.

Créer un Forum international des organisations humanitaires (FIOM)

Notons aussi que certaines ONG internationales chrétiennes ont pris leurs distances face aux gouvernements des pays dont elles sont originaires.

De plus les agences de l’ONu et les organismes chargés de l’aide publique et bilatérale, ne semblent pas représenter une menace aux yeux des ONG islamiques.

Les ONG islamiques s’insèrent facilement dans des groupements chapeautés par des organisations intergouvernementales (OIG) et savent qu’elles disposent au sein d l’Assemblée générale de l’ONu des forums et outils pour lutter sinon à armes égales, du moins honorablement avec les acteurs interétatiques.

Il serait donc intéressant de constituer un groupement international où les ONG pourraient se rencontrer, abstraction faite des questions religieuses et politiques.

Lieux sacrés et d’Islam et nécessité pour l’Arabie Saoudite de faire une politique religieuse régionale

Les pèlerinages sont une tradition quasi universelle pour revenir aux sources de sa foi. Les espaces, touchés par le sacré, évoquent pour les fidèles un sentiment de la présence de Dieu.

  • Les hauts lieux de l’Islam sont très nombreux et nous pouvons faire un petit inventaire. Des spécialistes les regroupent en général en trois parties :
  • La Mecque et la Médine, ainsi que quelques lieux emblématiques de la Palestine
  • Fustât, première ville fondée par les musulmans installés en Égypte, symbole séculaire de l’histoire sainte, celle de l’expansion de l’Islam
  • Qom (prononciation arabe : « Qumm »), depuis plus d’un millénaire, capitale spirituelle et intellectuelle du Shiisme duodécimain ou imâmite, localisée à présent en Iran.
  • On peut faire également la liste de la manifestation depuis le Moyen-Âge, des mystiques populaires. La soif du sacré et la recherche de la connaissance sont permanentes dans ce domaine. (cf. AMIR-MOEZZ (M.A.), Lieux d’Islam, Autrement, 1996) En voici quelques exemples :
  • le réseau dense des mausolées des saints de l’Égypte nilotique ;
  • le tombeau d’Ibn’Arabi, à Damas ;
  • le sanctuaire de l’Imam Caché, et le mausolée du fondateur de l’ordre des Ne’matollâhi en Iran ;
  • les hauts lieux de l’islam balkanique, par exemple des Bektashî en Albanie ;
  • le culte des saints dans le monde turc, de l’Anatolie au Turkestan chinois, à travers les mausolées des grands soufis ;
  • les « Neuf Saints » de l’Indonésie musulmane ;
  • Touba, capitale mystique de l’ordre des Mourides sénégalais ;
  • la tombe de Ghâzi Miyân, à Bahraîch dans la moyenne allée du Gange, en Inde.

Compte tenu du nombre, il est possible d’analyser seulement une douzaine de lieux saints, ci-après.

  • AL-AZHAR

La ville est devenue une université dotée d’annexes au Caire et dans toute la province. À côté de sa mosquée, il y a deux célèbres mausolées : Al-Husayn, et Zaynâb, ainsi que la Qarâfa, immense nécropole avec les tombeaux des saints est celui de l’imâm Shâfi’a, fondateur du rite qui porte son nom (« shâfî’ite »)

  • FÈZ

La ville est appelée aussi « Mâdina » dont l’imam Idris établit les premiers fondements et sa prière a été entendue par tous les habitants : « Allâh ! guide vers le bien ceux qui y habitent, et voile à leurs yeux l’épée de l’anarchie et de la dissidence. »

Au cours des siècles, des saints de plus en plus nombreux s’installèrent à Fèz.

  • DAMAS

Sur le flanc du mont Qasiyûn qui majestueusement domine la ville, se trouve le mausolée de Muhyiddin ibn’Arabi. Ce spécialiste de la pensée mystique fut appelé « Cheikh al-Akbar », le plus grand des maîtres. Il incarne un islam spirituel et universel qui reste dans la pensée islamique.

  • FuSTÂT

Après la conquête musulmane de l’Égypte byzantine, la ville fut englobée dans l’ensemble urbain de Caire. Elle connut les quatre rites de l’islam sunnite avec, au Moyen-Âge des pèlerins musulmans venus d’Afrique Noire qui faisaient là étape sur la route du pèlerinage à la Mecque ainsi que les Maghrébins malékites. La ville abrita également des communautés juives et chrétiens.

  • JAMKARÂN et MÂHÂN

Ce sont d’importants lieux de pèlerinage en Iran. L’oasis de Mâhân abrite le mausolée de « Shâh » Ne’matollâh Vali, éponyme de l’ordre des Nématollahiyân, la plus puissante confrérie mystique iranienne.

Jamkarân est la ville de l’Imâm Caché, une demeure des gens d’une hiérarchie initiatique.

  • JAVA et les Neuf Saints

La ville contient le cœur du plus grand pays musulman du monde, l’Indonésie. Les « Neuf Amis de Dieu » (« Wali ») tiennent une grande place dans l’esprit des musulmans javanais. On peut citer les mausolées : Mawkhânâ Hassanuddin, Habib Husein, Sunan Tembayat, Sunan Kalijogo, Sunun Kudus, Syeh Siti Senar, Sunan Muria, Sunan Bonang, Sunan Ampel, et Soekarno.

  • Jérusalem et bethleéem

D’après la tradition musulmane, c’est à Jérusalem que Dieu a conduit Mohamad lors du voyage nocturne, et c’est du Rocher du mont du Temple que le prophète s’est élevé sur sa jument Bouraq à travers les sept cieux à la rencontre des prophètes d’Adam et jusqu’à Jésus.

Le voyage et l’ascension établissent un lien entre la Mecque et Jérusalem.

L’uNESCO vient d’ailleurs d’inscrire le site de la basilique de la Nativité de Bethle’em, au Patrimoine National.

  • LA MECQUE

Son sanctuaire est le pôle religieux de toute la communauté musulmane. un hadith fait dire au prophète : « On ne se prépare à partir en pèlerinage que pour se rendre à trois mosquées : la Mosquée Sacrée (Mecque), ma mosquée (Médine) et « la Mosquée très éloignée » (Jérusalem).

  • MÉDINE

Elle est « L’Illuminée », s’est agrandie et modernisée jusqu’à devenir une agglomération de 250 000 habitants.

Les trois quarts environs des pèlerins à la Mecque passent par une visite au tombeau du Prophète, également aux tombeaux très prestigieux des premiers califes Abû Bakr et Umar, ainsi que Fatima fille du Prophète.

  • NADJAF / karbala

C’est à Nadjaf en Irak, ville sainte de l’Islam chiite, qu’est enterré Ali, le gendre de Mohamad. Des millions de pèlerins du monde entier viennent y honorer sa sépulture, comme à Karbala où est situé le tombeau de Husayn, petit-fils du Prophète.

  • QOM

Dans une ville qui a connu d’importantes crises dont à l’époque de Khomeiny, elle est surtout le lieu de pèlerinage où est enterrée Fatima la Pure qui en 816 venant rendre visite à son frère le Huitième Imâm, tomba malade et mourut sur la route. Son tombeau devint lieu de pèlerinage qui à son tour attira l’établissement d’écoles théologiques et une communauté de fidèles.

  • TOUBA

C’est le lieu saint de la confrérie mouride au Sénégal. Il y a une immense et majestueuse mosquée abritant le mausolée du saint fondateur de l’ordre : Cheikh Amadou Bamba.

Pour la création d’une organisation musulmane des pèlerinages (O.M.P.)

Il est absolument indispensable que l’Arabie Saoudite ne tienne plus compte des discussions scolastiques entre sunnites et chiites, etc..

Cette ouverture des lieux saints est religieusement nécessaire car tout musulman peut faire un pèlerinage une fois pendant sa vie, ce qui est très difficile, en particulier s’il n’a pas les moyens financiers pour cette circulation.

Il faut également tenir compte de la santé et de la sécurité que l’on doit protéger. Une coopération dans ce domaine serait, après vérification sur les plans financiers et médicaux, une aide remarquable pour faire les pèlerinages dans les lieux religieux choisis.

Lectures recommandées

BENOIS-MECHIN, Ibn Séoud ou la naissance d’un royaume, Le Club du Livre, 2003.

BERREBY (J.J.), La péninsule arabique : terre sainte de l’Islam et empire du pétrole, Payot, 1958.

CORM (G.), Histoire du Moyen-Orient de l’antiquité à nos jours, La Découverte, 2007.

RASTBEEN (A.), sous la direction, La Géopolitique de Nadjaf, Ed. Académie de Géopolitique de Paris, 2012.

RIGOULET-ROZE (D.), Géopolitique de l’Arabie Saoudite, Arman Colin, 2006.

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