Colombie : dix paradoxes géopolitiques en Amérique du Sud

Recteur Gérard-François Dumont

Professeur à l’Université de Paris-Sorbonne Président de la revue Population & Avenir[1]

4eme trimestre 2012

AFIN DE DÉploYER sA vocATioN sciENTIFIQuE, la géopolitique vise à mettre en évidence des régularités susceptibles d’offrir des points de repère transposables dans un monde où les rapports de force sont complexes. Or, l’étude géopolitique de la Colombie ne constitue guère un exemple probant du fait de nombreux paradoxes géopolitiques, c’est-à-dire de situations ou d’évolutions géopolitiques composées d’éléments a priori antinomiques. Au premierparadoxei de nature cognitive, s’ajoute une situation géographique exceptionnelle mais difficile à valoriser parce que le pays se présente comme un puzzle spatial. En outre, la Colombie est un pays d’Amérique latine où le poids politique des militaires, contrairement à l’histoire de ce sous-continent depuis les indépendances, n’a jamais été historiquement important. Quatrième paradoxe : la démocratie colombienne s’est consolidée en dépit de violentes conflictualités. Les années 2000 y ont enre­gistré successivement deux contradictions : un président démocrate très aimé à l’intérieur et très vilipendé à l’extérieur, puis subitement reconnu. Deux autres paradoxes tiennent à la question des déplacés du fait des conflits internes, puis, dans les années 2010, à un président héritier semblant vouloir détourner l’héritage. Enfin, parallèlement, le fait qu’un pays d’Amérique du Sud puisse s’associer aux « Yankees », le plus souvent honnis dans cette région du monde, reste étonnant.

  1. Un important pays, largement méconnu

Commençons par un premier paradoxe, de nature cognitive. La Colombie, bien que plus peuplée que l’Argentine et presque aussi développée que le Brésil selon le critère du PIB/habitant, apparaît souvent comme un pays méconnu[2]. Par exemple, au milieu des années 2000, la connaissance de la Colombie en France se limite très souvent à son rôle dans le marché mondial de la drogue et à Ingrid Betancourt, franco-colombienne alors otage de la guérilla des FARC (Forces armées révolu­tionnaires de Colombie – Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia) depuis le 23 février 2002. Pourtant, pour les Colombiens, elle n’est jamais qu’un otage parmi 3 000 Colombiens aux mains des rebelles, et les Colombiens savent qu’elle s’est jetée dans la gueule du loup en refusant d’obéir aux objurgations des services secrets de son pays qui l’avaient incitée, en vain, à ne pas poursuivre son chemin vers le repaire de la guérilla le 23 février 2002[3].

Mais, partout en France, de grandes photos représentent Ingrid Betancourt. Ces photos sont présentes par exemple aux grilles du Sénat comme sur la mairie de Chambéry, chef-lieu du département de Haute-Savoie, en passant par des sièges de région comme celui de l’Ile-de-France, rue de Babylone, dans le septième arrondis­sement de Paris. Et lorsque, en 2007, le signataire de cet article annonce qu’il part donner des conférences en Colombie, des journalistes renommés, exhibant leur connaissance (sic) de la Colombie, lui demandent sur un ton pince-sans-rire de leur rapporter de la cocaïne, comme si cette activité (illégale) était le moteur de l’éco­nomie colombienne ! Celle-ci exporte pourtant nombre d’autres produits vers les États-Unis, l’Europe, l’Amérique du Sud ou le Japon : pétrole, café (1er rang mondial Arabica, 3e rang mondial), or, émeraudes (1er rang mondial), produits chimiques, textile et cuirs, charbon, produits de la pêche, produits agro-alimentaires.

Plus généralement, au milieu des années 2000, les médias européens, et fran­çais tout particulièrement, ne s’intéressent à la Colombie que pratiquement sur une question : la libération d’Ingrid Betancourt est-elle possible ? Aussi, en 2003, l’action de certains Français dans une opération aéroportée ayant utilisé, a prio­ri sans autorisation, le territoire brésilien est-elle largement relatée, bien que son « succès » n’ait pas dépassé celle menée contre le Rainbow Warrior[4] dans le port d’Auckland. De même, les démarches du président vénézuélien Chavez concernant Ingrid Betancourt sont davantage citées que l’évolution autoritaire de son régime le conduisant à considérer tout opposant comme « fasciste ».

Pourtant, la Colombie, dont le nom fait directement référence au navigateur génois Christophe Colomb, qui découvrit le continent américain (1492), a d’autres caractéristiques qu’il convient de souligner et qui sont bien différentes de ses trafi­quants de drogue ou des méthodes d’enlèvement pratiquées par la guérilla des FARC.

Une des nombreuses photos représentant Ingrid Betancourt, alors otage des FARC, suspendue sur la façade des mairies en France : l’exemple de la mairie de Chambéry (2006) © Photo Gérard-François Dumont.

Une statue représentant Christophe Colomb, qui a donné son nom à la Colombie, à Bogota sur la voie routière reliant l’aéroport au centre-ville[5] © Photo Gérard-François Dumont.

  1. Une double médaille d’argent démographique

La Colombie possède la quatrième superficie des pays de l’Amérique du Sud, après le vaste Brésil, l’Argentine et le Pérou. Son rang démographique équivaut à une double médaille d’argent dans ce sous-continent et dans le monde hispano­phone. En effet, même si l’Amérique latine, et plus encore l’Amérique du Sud, demeure dominée par l’importance de la population du Brésil, la Colombie est le deuxième pays le plus peuplé d’Amérique du Sud, devant l’Argentine et le Pérou. Et les projections moyennes à 2025 ou 2050 laissent penser que la Colombie devrait conserver cette deuxième place[6]. Compte tenu des conditions de vie dans le pays, la zone la plus densément peuplée est la région andine[7], ou vivent les trois quarts.

En considérant les pays ayant comme langue officielle ou co-officielle l’espa-gnol[8], la Colombie obtient une seconde médaille d’argent en se situant à la deu­xième place loin derrière le Mexique, mais devançant l’ancienne métropole, l’Es­pagne et, à nouveau, l’Argentine et le Pérou.

La démographie permet également de mesurer le niveau de développement rela­tif de la Colombie à travers un taux essentiel : celui de mortalité infantile. Sur les treize pays de l’Amérique du Sud, ce taux s’étage entre 7 décès d’enfants de moins d’1 an pour mille naissances au Chili et 40 en Bolivie[9]. La Colombie se place au sixième rang, à un niveau inférieur à la moyenne du sous-continent, avec un résul­tat meilleur que le Brésil.

Or, un tel rang peut étonner compte tenu des problèmes de géopolitique in­terne de la Colombie, dont plusieurs millions d’habitants sont des déplacés, donc des personnes ayant été contraintes de déménager vers les grandes villes pour ne pas souffrir des violences, voire de la terreur régnant dans leur région d’origine.

Ces quelques éléments, parmi d’autres, témoignent de l’importance de la Colombie dont il faut souligner un deuxième paradoxe, de nature géographique.

  1. Un positionnement remarquable mais un puzzle géographique

Le vaste territoire de la Colombie, double de celui de la France métropolitaine, a la forme d’un losange de 1 139 milliers de km2 qui s’étale sur 2 000 kilomètres du nord au sud et 1 300 km d’est en ouest.

La Colombie est le seul pays d’Amérique du Sud disposant de deux façades maritimes sur la mer des Caraïbes et sur l’océan Pacifique. Le pays se trouve donc en position de charnière entre, d’une part, l’Amérique centrale et les Caraïbes et, d’autre part, l’intérieur du sous-continent sud-américain. D’ailleurs, le port de Carthagène, sur le littoral caraïbe de la Colombie, avait une importance considé­rable pour l’empire espagnol dans les réseaux de transport vers les autres territoires de l’Amérique andine, dont le Pérou. Dans ce contexte géographique, en 1717, l’Espagne avait donc instauré un vice-royaume de la Nouvelle Grenade, dont le siège était installé à l’intérieur de l’Amérique andine, à Santafé de Bogota, située à 2 600 m d’altitude au flanc de la chaîne Monserrate de la cordillère orientale des Andes. Après la décolonisation, Bogota perpétue son rôle de capitale politique. En effet, après ses différents combats contre l’armée espagnole, Simon Bolivar, El liber-tador, remporte l’ultime bataille au pont de Boyaca. Le 20 juillet 1819, l’assemblée provisoire la Grande Colombie est constituée à Santafé de Bogota.

En outre, la Colombie offre une seconde charnière, entre le monde andin et le monde amazonien, son territoire comprenant aussi le Nord-Ouest du bassin ama­zonien.

Mais le territoire colombien est aussi un véritable puzzle car les trois ramifica­tions montagneuses de la grande cordillère des Andes10 qui le traversent du nord au

sud, les cordillères occidentale, centrale et orientale, forment de véritables coupures à l’intérieur du pays.

La statue de Simon Bolivar, El libertador, celui qui a obtenu l’indépendance de la Bolivie contre les Espagnols, au centre de la vaste place qui porte son nom, à Bogota © Photo Gérard-François Dumont.

Une vue de Bogota, ville située à 2 600 m d’altitude, montrant sa localisation au flanc de la chaîne Monserrate de la cordillère orientale des Andes © Photo Gérard-François Dumont.

L’analyse de l’armature urbaine de la Colombie confirme ce caractère de puzzle. Certes, le pays dispose de quatre agglomérations plurimillionnaires, ou presque. Bogota compte 8,5 millions d’habitants[10] ; Medellin, située dans la vallée encais­sée de l’Aburra, entre les cordillères occidentale et centrale, à une altitude de 1 538 mètres, compte 3,6 millions d’habitants. Cali est située à 1 008 m d’altitude dans la vallée de la rivière Cauca, une petite partie de la ville étant au contact de la façade Est de la cordillère occidentale. Son agglomération a 2,4 millions d’habitants et son port utile, celui de Buenaventura, est sur le Pacifique, à 80 km à vol d’oiseau mais 127 km par la route. Barranquilla, 1,9 million d’habitants, est la capitale du département d’Atlantico, au nord de la Colombie. Elle se situe sur la rive occiden­tale du rio Magdalena et son centre est à 7,5 kilomètres de l’embouchure du rio sur la mer des Caraïbes. Mais il serait illusoire de penser que ces métropoles forment un réseau ; il n’existe que peu de synergies entre le développement propre à chacune d’entre elles en raison du relief et des contraintes dues à la distance : par la route, Cali est à 302 km de Bogota, Medellin à 443 km et Barranquilla à 979 km, mais la vitesse sur ces routes reste contrainte par la géographie physique.

Les caractéristiques géographiques de la Colombie sont essentielles pour com­prendre l’histoire de sa géopolitique interne. En effet, elles favorisent des forces cen­trifuges nuisibles à l’unité nationale. Effectivement, depuis l’indépendance, le gou­vernement central n’est jamais parvenu à assurer son autorité sur l’intégralité du ter­ritoire du pays. Les traits géographiques de la Colombie se combinent avec le recours à la violence à des fins politiques, dont l’analyse conduit à un nouveau paradoxe.

  1. De violents conflits périodiques sans jamais de Bonaparte

Ce recours à la violence, qui s’inscrit périodiquement dans l’histoire de la Colombie, commence juste après l’indépendance, du vivant même du libérateur. Dans ce contexte, dès la mort de Bolivar en 1830, la grande Colombie éclate et deux sécessions engendrent la naissance de deux nouveaux Etats, le Venezuela et l’Equateur.

Puis l’histoire politique de cette Colombie au périmètre réduit est marquée par l’opposition entre les conservateurs, favorables à un Etat centralisé et plus proches des autorités religieuses catholiques, et les libéraux, partisans d’un état fédéral et d’une certaine laïcité, une opposition qui s’exprime périodiquement par la violence. En 1863, les libéraux l’emportent au plan institutionnel avec l’instauration d’un système fédéral. Mais l’autonomie de neuf Etats constituant la Colombie engendre d’interminables conflits civils locaux. Ces derniers finissent par déboucher sur une guerre civile, la « guerre des Mille jours », d’octobre 1899 à octobre 1902, qui pro­voque 200 000 morts, soit environ 3,5 % de la population de l’époque. L’année qui suit la fin de cette guerre civile voit la Colombie à nouveau amputée, avec l’indé­pendance, encouragée par les Etats-Unis, du département colombien de Panama en 1903[11].

Après presque un demi-siècle de calme relatif, en 1948, l’assassinat du leader libéral Jorge Eliecer Gaitan, candidat à la présidence de la république, voit renaître une période de violence intense entre libéraux et conservateurs, appelée la Violencia, de 1948 à 1957. Cette nouvelle guerre civile cause 300 000 morts sur une popula­tion estimée à 15 millions d’habitants (2 %). Comme cette période de la Violencia s’accompagne de l’apparition des milices d’autodéfense paysannes, elle pose les pré­mices de conflits postérieurs pouvant recruter des troupes aguerries à la lutte armée.

Un paradoxe colombien de géopolitique interne tient à ce que ni la guerre des Mille jours, ni la Violencia ne se traduisent par l’émergence d’un Bonaparte colom­bien. Concernant la guerre des Mille jours, elle prend fin en 1902 à l’avantage des conservateurs qui obtiennent l’instauration d’une république unitaire se substituant au système fédéral antérieur.

Certes, durant la Violencia, un général, Rojas Pinilla, prend le pouvoir en juin 1953 par un coup d’Etat dans le but de faire cesser la guerre civile et de stabiliser une démocratie vacillante. Mais ce coup d’Etat est en réalité soutenu par la classe politique. D’ailleurs, Pinilla ne parvient pas à totalement rétablir l’ordre et, donc, à obtenir l’arrêt des combats sur tout le territoire, malgré une loi d’amnistie et sa relative neutralité face au conflit opposant libéraux et conservateurs. Les factions libérales acceptent le compromis mais d’autres factions se radicalisent, refusant de déposer les armes, notamment dans les régions de Huila, dans le Sud-Est du pays, et de Tolima, située dans la zone andine, dans le centre ouest du pays.

La solution permettant de terminer réellement la guerre civile sans risque de réveil ne va donc pas être militaire, mais politique. En 1957, le général Rojas Pinilla est renversé et un Front National est mis en place. Les libéraux et conservateurs, conscients du fait que la guerre civile ruine le pays, décident de partager le pouvoir en se répartissant équitablement les charges gouvernementales. Ainsi, de 1958 à 1978, libéraux et conservateurs se succèdent au pouvoir par période de quatre ans, chacune correspondant à la durée du mandat présidentiel.

Ce sont donc des responsables politiques civils qui organisent un retour pro­gressif vers la démocratie. En 1991, l’adoption par référendum d’une nouvelle constitution conforte le pluralisme politique et semble pouvoir écarter pour l’ave­nir tout risque de guerres civiles du genre des deux grandes, citées ci-dessus. Mais cela n’exclut pas d’autres violentes conflictualités, plus localisées, qui n’empêchent pas des progrès en matière de démocratie : c’est un nouveau paradoxe colombien.

  1. démocratie confortée et violentes conflictualités

En effet, bien que la Colombie ne soit nullement une dictature et ne l’ait jamais été, les années 1960 voient le développement de nouvelles conflictualités. Elles sont en partie issues des mêmes facteurs que les anciennes mais comportent une com­posante fondamentalement nouvelle. Les ressorts des deux grandes guerres civiles

étaient de nature exclusivement internes tandis que les nouvelles conflictualités, même si elles tiennent des discours sur la défense des paysans ou des ouvriers, s’ap­puient sur le contexte international marqué par l’instauration du castrisme à Cuba. Deux mouvements de guérillas, créés en 1964, présentent tout particulièrement pour modèle la révolution castriste : les Forces armées révolutionnaires de Colombie et l’Armée de libération nationale (ELN – Ejército de Liberaciôn Nacional) d’inspi­ration guévariste. Ces deux guérillas sont partisanes d’une lutte armée susceptible, à partir de territoires ruraux, de leur permettre de contrôler progressivement le territoire et de prendre le pouvoir, comme Castro l’a fait à Cuba, afin d’établir un régime communiste. La plus importante guérilla, celle des FARC, inspire d’ailleurs son organisation du concept des focos (foyers révolutionnaires), issu de Cuba.

En 1967, effet secondaire du conflit sino-soviétique, apparaît l’Armée populaire de libération (EPL – Ejército Popular de Liberaciôn), qui suit une idéologie maoïste. S’y ajoute en 1974 une autre guérilla, le M19, qui veut déployer des actions vio­lentes davantage dans les zones urbaines que dans les campagnes.

L’existence de ces violentes conflictualités souligne donc un autre paradoxe colombien : des progrès démocratiques en dépit de la continuation d’actes de gué­rillas. En particulier, la pérennité des FARC tient au fait que cette guérilla n’a cessé de disposer d’importants moyens. Dans les années 1960 et 1970, ces derniers pro­viennent pour une part importante d’aides internationales fournies par des pays communistes, dont Cuba, qui complètent l’« impôt révolutionnaire » imposé aux populations des régions que les FARC contrôlent. Puis la guérilla, notamment lorsque les contributions de pays communistes diminuent, diversifie ses revenus par des interventions dans le marché de la coca et par des enlèvements débouchant sur la perception de rançons. Concernant le marché de la drogue, le rôle des FARC peut consister en la surveillance des plantations et des laboratoires, le transport, etc. Quant aux enlèvements, qui se sont comptés par milliers, la « pêche miraculeuse » selon le nom de leur méthode, elle consiste à arrêter des véhicules au hasard et à prendre en otage les passagers pour obtenir ensuite des rançons. S’ajoutent des militaires séquestrés susceptibles d’être échangés par exemple contre des guérilleros emprisonnés. Quant à la séquestration de responsables politiques comme Ingrid Betancourt, le 23 février 2002, l’objet est politique et symbolique pour témoigner de la puissance des FARC même si, dans la réalité, Ingrid Betancourt s’est, comme précisé ci-dessus, jetée dans la gueule du loup en se rendant dans un village que les renseignements militaires lui avaient déconseillé de visiter car sous contrôle des FARC.

Une autre raison de la pérennité des FARC tient à ce qu’ils remplacent l’Etat lorsque ce dernier est absent ou mal représenté. C’est pourquoi, dans de petites villes où l’Etat assure ses fonctions, les FARC attaquent ses représentants, détruisant des postes de police et tuant ou capturant des policiers. Les FARC sont même par­venues périodiquement à détruire des bases fortifiées de l’armée. Leur capacité mili­taire conduit, à certaines périodes et dans certaines régions, l’armée colombienne à se trouver en grande difficulté et dans l’incapacité de reconquérir des territoires contrôlés par les FARC.

Dans certaines régions colombiennes enclavées, les FARC assure leur préémi­nence en recouvrant « l’impôt de guerre », en punissant les voleurs, en contrôlaient les élus, pratiquant l’extorsion, réalisant des enlèvements, taxant les narcotrafi-quants. Aussi, dans les années 1990, les FARC peuvent-elles se procurer des télé­phones satellitaires et des GPS et encore davantage d’armes.

D’où leur pérennité, que le Président Uribe résume ainsi : « Les FARC se fi­nancent grâce à l’argent de la drogue, qui leur assure une solidité financière dont ne disposaient pas les autres mouvements révolutionnaires latino-américains. Et la géographie constitue une sorte de circonstance aggravante. La Colombie possède un relief très accidenté et s’étend sur 1 139 000 km2 – deux fois la France – dont la moitié de jungle et de forêt. Ce ne sont pas les endroits pour se cacher qui manquent[12]. »

Outre les guérillas, les gouvernements colombiens de la seconde moitié du XXe siècle doivent faire face à deux autres ensembles d’acteurs violents : ce qu’on appelle les paramilitaires et les cartels de la drogue, sachant qu’il peut périodique­ment ou localement exister de fortes connivences entre tous ces acteurs violents. D’abord, puisque le gouvernement colombien ne parvient pas à assurer la sécurité sur l’ensemble du territoire, élus, notables, propriétaires et entreprises accueillent des milices d’auto-défense, si bien équipées et entraînées militairement qu’elles de­viennent des milices paramilitaires. Celles-ci usent souvent de méthodes aussi vio­lentes que celles des guérillas et sont parfois liées aux trafiquants de drogue. Ainsi, tout particulièrement dans les années 1980 et 1990, nombre de municipalités co­lombiennes subissent la terreur pratiquée par les paramilitaires, qui s’ajoute à celle des guérillas et des trafiquants de drogue. En même temps, parce qu’ils protègent contre les guérillas, les paramilitaires bénéficient du soutien de certains responsables politiques colombiens.

Un autre ensemble d’acteurs est celui des trafiquants colombiens de drogue. Certes, déjà, au début des années 1970, ces trafiquants importaient de la coca du Pérou et de Bolivie pour la transformer en cocaïne dans des forêts du Sud de la Colombie. Puis la cocaïne était transportée, souvent via des pistes clandestines, vers des zones d’embarquement d’où elle était exportée, toujours clandestinement. Mais la puissance des narcotrafiquants s’accentue lorsque, en 1976, naît le plus puissant cartel de la drogue, celui de Medellin, résultant de l’unification de petits groupes de trafiquants de drogues. Le chef de ce cartel, Pablo Escobar, le dirige en déployant ses propres services de sécurité, militairement équipés, grâce aux bénéfices dus au trafic de drogue. À la fin des années 1980, uniquement dans son organisation militaire, le cartel de Medellin compte plus de 2 000 hommes.

Ce cartel accroit aussi l’efficacité du trafic de drogue en utilisant des moyens aériens pour acheminer la cocaïne notamment vers le marché états-unien. Des petits avions chargent la cocaïne dans la jungle colombienne, puis survolent à basse alti­tude la mer des Caraïbes jusqu’aux côtes des Bermudes, des Bahamas et de Floride. Pablo Escobar achète même une île située au large de la Floride, où il fait construire une piste d’atterrissage, pour le transit des avions entre la Colombie et les Etats-Unis. Cette île est donc une sorte de hub, c’est-à-dire de nœud aérien du trafic de drogue, un trafic d’autant plus rentable que la coca peut se récolter quatre fois par an.

Parallèlement, Pablo Escobar souhaite avoir une bonne image personnelle dans la population colombienne. Bénéficiant de son immense fortune amassée grâce au trafic de drogue, il peut jouer les mécènes, finançant l’amélioration de certains quartiers de bidonvilles. En 1982, il se fait élire comme suppléant à la chambre des représentants de Colombie. Cette élection entraîne une réaction des institutions démocratiques du pays. Le ministre de la justice rend publics les différents crimes et délits dont Pablo Escobar est accusé. La justice colombienne finit par démettre Pablo Escobar de sa fonction élective et demande la confiscation de ses biens. Pablo Escobar entreprend alors une véritable guerre contre l’Etat colombien, développant ainsi la politique de recours à la violence dont il a déjà usé pour protéger son com­merce illégal : assassinats de journalistes, d’hommes politiques, de représentants des forces de sécurité du gouvernement, explosions de voitures piégées…

Par exemple, le 18 août 1989, le cartel de Medellin assassine Luis Carlos Galan, candidat du Parti libéral colombien à l’élection présidentielle, considéré par le cartel comme un ennemi. En effet, le programme de Luis Carlos Galan prévoit d’accen­tuer la lutte contre le cartel et s’affirme favorable à un traité avec les Etats-Unis permettant l’extradition dans ce pays des trafiquants colombiens de drogue. Autre exemple : le 27 novembre 1989, le cartel de Medellin, pour assassiner César Gavirai, successeur de Luis Carlos Galan, candidat à la présidentielle colombienne, fait ex­ploser le vol aérien 203 d’Avancia, ce qui cause 110 morts. Mais César Gaviria, qui n’avait pas embarqué dans cet avion, est ensuite élu président de Colombie en 1990. Et la mort dans ce vol de deux Américains contribue à encourager les Etats-Unis à renforcer les moyens donnés au gouvernement colombien pour lutter contre le cartel de Medellin et Pablo Escobar. Cela va contribuer à permettre à l’armée colombienne de tuer ce dernier le 2 décembre 1993. Cette mort met fin à au cartel de Medellin, mais non au trafic de drogue en raison de l’existence d’autres cartels, comme celui de Cali, et surtout d’une multitude d’intervenants.

La Colombie subit des violences qui s’exercent aussi, selon les lieux et les pé­riodes, entre guérillas et narcotrafiquants ou entre guérillas et paramilitaires, sans omettre les violences entre narcotrafiquants, entre guérillas, comme l’assassinat par les FARC de membres des EPC considérés comme traîtres.

Pour comprendre les interactions entre les FARC et les paramilitaires, Daniel Pécaut, en schématisant[13], précise que la guérilla est menée depuis les parties mon­tagneuses du pays pendant que les paramilitaires sont davantage présents dans les villes. Les FARC exercent une emprise sur la culture de la coca alors que les parami­litaires la commercialisent. Une coopération de fait existe, mais aussi des rivalités et une violence indéniable. Parfois, les paramilitaires massacrent la population soup­çonnée de sympathie avec les guérilleros, mais ils s’attaquent rarement aux FARC elles-mêmes.

L’intensité de l’ensemble de ces violences conduit à souligner un paradoxe géo­politique interne de la Colombie. En dépit de l’existence de guérillas, de narcotra­fiquants, de paramilitaires, et des multiples tentatives – parfois réussies – de corrup­tion de responsables politiques par toutes ces organisations illégales, la démocratie colombienne se conforte, améliorant son respect des règles de droit et du principe de séparation des pouvoirs. Dans des situations semblables, l’histoire enseigne qu’il a souvent fallu des pouvoirs forts ou bousculant les règles démocratiques par des lois d’exception. À l’inverse, la Colombie combat pour établir la sécurité dans le cadre d’institutions démocratiques, de manière transparente et en respectant les lois votées par un Parlement élu conformément à la constitution. Elle pérennise son système démocratique même si, toujours dans la seconde moitié du XXe siècle, il est trop faible pour assurer la sécurité dans tout le pays et souffre aussi d’un certain niveau de corruption.

Une nouvelle preuve évidente du souci des gouvernements colombiens d’agir en respectant des principes de légitimité démocratique intervient en 1990 avec la démobilisation du M-19. Cette guérilla avait tout particulièrement marqué la vie du pays en novembre 1985 avec une prise de 300 otages au palais de justice situé en plein centre de Bogota, sur la place Simon Bolivar. L’intervention de l’armée colombienne s’était traduite par la mort des membres du commando, mais aussi par celle d’une centaine d’otages.

Après son élection en août 1986, le président Virgilio Barco Vargas entreprend des négociations avec les guérillas qui vont donner des résultats avec le M-19. L’une des revendications de ce mouvement est la création d’une assemblée constituante pour doter le pays d’une nouvelle constitution. Virgilio Barco Vargas accepte cette demande et propose d’amnistier les combattants du M-19 si ce dernier dépose officiellement toutes ses armes. Cela s’effectue le 8 mars 1990 et le M-19 substitue à l’action armée le choix de la démocratie. Les dirigeants du M-19 créent un par­ti, Alianza Democratica M-19 (AD/M-19), qui présente son chef, Carlos Pizarro Leongômez, comme candidat à l’élection présidentielle de 1990. Mais ce candidat est assassiné sans que l’on sache qui a commandité ce meurtre (une guérilla, des nar-cotrafiquants, des paramilitaires…). Antonio Navarro remplace Pizarro et obtient 12 % des voix. Dans le gouvernement de César Gaviria, Président de la Colombie élu en 1990 à 1994, Antonio Navarro est nommé ministre de la Santé. Puis le AD/ M-19, fort d’une vingtaine de sièges, participe à l’assemblée constituante, Antonio Navarro devenant co-président de l’Assemblée constituante qui compte trois co­Présidents, et donc à la rédaction de la nouvelle constitution adoptée en 1991. Dans le même temps, comme le M-19, au début des années 1990, le gouvernement colombien obtient qu’une autre guérilla, l’EPL, dépose les armes. Dans les deux cas, M-19 et EPL, cela a été possible en raison de l’amnistie, les combattants n’ayant pas de compte à rendre à la justice.

Dans ces années 1990 où deux guérillas ont abandonné leurs projets insurrec­tionnels, une autre, les FARC, non seulement perdure, mais se renforce grâce à des ressources financières croissantes et en raison de capacités militaires souvent plus grandes que celle de l’armée régulière. Vers la fin de la décennie 1990, au moment de l’élection présidentielle de 1998, les FARC sont présentes dans de nombreuses petites communes du pays et sont parvenues à contrer les forces armées colom­biennes à diverses reprises. L’emprise des FARC sur différents territoires du Sud du pays se pérennise, ce qui leur permet de poursuivre simultanément plusieurs objectifs stratégiques : implantation dans les régions frontalières avec le Venezuela et l’Equateur, contrôle de couloirs leur permettant de circuler entre les deux océans, essai d’encerclement de certains pôles urbains.

En 1999, pour tenter de négocier la paix, se considérant sur la défensive vis-à-vis des FARC et ayant d’autres conflits à mener notamment contre les narco­trafiquants, le 7 novembre 1998, le président Pastrana[14] octroie au FARC une zone de 42 000 kilomètres carrés[15] démilitarisée, c’est-à-dire où l’armée nationale n’intervient plus. Puis il apparaît que les FARC ne s’en contentent pas. Elles conti­nuent de vouloir étendre leur influence territoriale, ce qui leur est facilité puisque la zone démilitarisée leur offre un territoire commode pour préparer leurs opérations militaires et de repli pour leurs actions militaires et les enlèvements qu’elles pour­suivent.

Il faut se rendre à l’évidence : la générosité du Président Pastrana n’est nulle­ment récompensée et appelle une autre stratégie. Son déploiement à compter de 2002 se traduit par un nouveau paradoxe : le président colombien le plus aimé à l’intérieur, le plus vilipendé à l’extérieur.

  1. Un président démocrate très aimé à l’intérieur, très vilipendé à l’extérieur

Au début du XXIe siècle, en dépit de la disparition complète de plusieurs gué­rillas et de l’éclatement de certains cartels de la drogue, la situation de la Colombie reste fort délicate. Le contrôle du territoire se trouve toujours partagé entre plu­sieurs pouvoirs : le gouvernement, surtout dans les grandes villes et sur la majeure partie de la population et du territoire, les FARC sur une partie significative du territoire, allant au delà de la zone démilitarisée évoquée ci-dessus, et les paramili­taires, souvent au service des narcotrafiquants. En 2002, l’échec des tentatives de négociations avec les FARC, incontestable, se trouve symbolisé par la prise en otage évoquée ci-dessus, le 23 février 2002, de la candidate aux élections présidentielles, Ingrid Betancourt.

Le nouveau président élu en 2002, Alvaro Uribe, connaît bien les ressorts de la violence présente en Colombie : son père a été assassiné par les FARC et il fait partie, comme il le dira lui-même, des « 50 % de familles colombiennes qui ont eu à souffrir personnellement de la violence »[16]. Il décide une nouvelle stratégie, combinaison de grande fermeté et de générosité. Il s’agit de combattre sans aucune concession la violence[17] tout en offrant aux combattants illégaux la possibilité de retourner à la vie civile après d’éventuelles peines allégées. Sa politique se veut de « sécurité démocratique ».

Dans sa politique de fermeté, le président Uribe, outre sa légitimité électorale, a un autre atout vis-à-vis des FARC résultant là aussi d’un paradoxe. Cette guérilla, qui continue souvent d’être vue à l’extérieur comme une guérilla « sympathique » luttant contre le « grand capital », a une image fort détériorée à l’intérieur. Les ressources abondantes qu’elle se procure avec le trafic de drogue la dispensent de mieux chercher l’appui de la population à son idéologie, comme c’était le cas dans les années 1960 et 1970. Et la population colombienne vit de plus en plus mal des enlèvements contre rançons qu’aucun idéal ne vient justifier. Le Président Uribe décide donc de renforcer considérablement la formation et les moyens des militaires colombiens tout en améliorant l’indispensable moral d’une armée alors en position de faiblesse. Et il parvient à renverser la situation. L’armée, auparavant sur la défen­sive, reprend l’offensive et obtient d’incontestables succès contre les FARC, faisant oublier de précédentes défaites antérieures. Les FARC, pourchassées par l’armée, doivent se replier et réduire la superficie des territoires qu’elles contrôlent. L’armée retrouve et renforce son moral grâce à ses succès. La guerre contre les FARC n’est pas gagnée, mais les FARC ne peuvent plus la gagner.

L’autre volet de la stratégie du président Uribe, qui relève de la générosité, consiste à engager un processus pour obtenir la reddition définitive des groupes combattants en instaurant, sur le modèle sud-africain, une opération vérité et ré­conciliation. Le 22 juin 2005, le Congrès colombien vote définitivement la loi « Justice et paix » (Ley de Justicia y Paz). Le premier article de la loi vise à promou­voir le droit des victimes à la vérité, la justice et la réparation. Puis la loi précise un cadre légal permettant et facilitant la démobilisation des combattants illégaux. Parmi ces derniers, ceux qui sont disposés à cesser leurs actions illégales doivent rendre leurs armes, promettre de ne plus agir de façon violente, rendre les biens qu’ils ont obtenus par la force, principalement les terres, et confesser leur crime en échange de peines allégées et d’un retour facilité à la vie civile. Une commission nationale de réconciliation et de réparation (CNRR) est instaurée. La loi instaure donc une logique d’échange, le pardon contre la vérité, ce qui doit permettre la réconciliation.

Cette décision législative de la Colombie n’est pas équivalente aux commissions vérité qui, en Afrique du Sud ou en Amérique centrale, ont cherché à tourner la page d’un passé violent, parce que la CNRR mène ses travaux alors que les violences de guérillas et des paramilitaires durent encore.

Parallèlement, le Président Uribe établit un programme de réinsertion pour ceux qui rendent les armes afin de surmonter une considérable difficulté : insérer dans une vie civile normale des personnes qui, souvent, n’ont de savoir-faire que dans des activités violentes. Un programme de réinsertion à la vie civile (Programa para la Reincorporaciôn a la Vida Civil – PRVC), sous l’égide du Conseil supérieur pour la réinsertion (Alta Consejeria para la Reintegraciôn Social y Econômica de Personas y Grupos Alzados en Armas) est offert aux combattants démobilisés. À ce titre, les participants peuvent recevoir une allocation d’ex-combattants pour une période de 18 mois, un logement et de la formation.

Dans le même temps, le gouvernement lance des campagnes de publicité inci­tant les combattants illégaux à la désertion. Les radios du pays diffusent le message suivant : « Guérillero, ta famille et ton pays t’attendent. Livre-toi ».

Concernant les peines de prisons, la loi les limite à 8 ans et instaure la possibilité de peines alternatives. En promouvant la réparation, la Colombie met en place des programmes de réparations collectives : actes symboliques en mémoire des morts, monuments, programmes de développement pour les municipalités ayant souffert de la violence.

Cette loi « Justice et Paix » s’adresse à tous les responsables de violences qui ont commis des atrocités telles que la torture, l’enlèvement., donc aux guérillas comme aux paramilitaires. Les chefs des FARC comme ceux de l’ELN refusent d’envisager de s’inscrire dans la démarche de la loi, mais, en leur sein, il y a toutefois plusieurs milliers de redditions. Ces dernières, s’ajoutant à celle des guérilleros qui se rendent lors d’opérations de l’armée, réduisent de moitié des troupes des FARC par rapport à la période où elles étaient les plus nombreuses (17 à 20 000). Le témoignage d’Atahualpa, qui a quitté les FARC en 2006, est éclatant. À lui comme aux autres, les commandants des FARC avaient inculqué une idée : « Le peuple de la capitale n’attendait que nous pour se soulever, nous y serions accueillis en héros ». « Je vous dis pas la surprise en arrivant à Bogota ! » s’esclaffe l’ex-guérillero, 46 ans aujourd’hui[18].

Concernant les paramilitaires, le succès dépasse les espérances, avec 30 000 red­ditions. La situation de la Colombie est donc originale et complexe. Tous les com­battants illégaux armés n’acceptent pas les propositions de la loi « Justice et Paix ». Les plus nombreux à la faire sont les paramilitaires, pourtant créés en réponse aux exactions et alors que les FARC, toutefois affaiblis par les victoires de l’armée et plusieurs milliers de défections, continuent d’exister. En outre, implicitement, la loi signifie que l’État doit être capable d’assurer la sécurité sur les territoires retournant à l’état de droit, soit qu’ils aient été reconquis par l’armée (surtout sur les FARC et l’ELN), soit qu’ils correspondent à la reddition de paramilitaires ou de groupes de guérillas. Et effectivement, additionnant l’effet de la loi et certaines victoires sur les FARC, le gouvernement colombien reconquiert sa pleine souveraineté sur une partie de ses territoires, jusqu’à permettre la réinstallation de personnes qui s’étaient refugiées dans les grandes villes.

Les succès de la politique du président Uribe sont reconnus par les dirigeants colombiens et par la population, d’autant plus qu’elle fait baisser le nombre d’assas­sinats et d’enlèvements comme celui des attaques et des dommages collatéraux infli­gés aux villageois. Après une réforme de la constitution décidée pour lui permettre d’effectuer un second mandat, Uribe est très largement réélu, le 28 mai 2006, avec 64 % des voix, pour un second mandat de 4 ans. Les électeurs appuient donc mas­sivement sa stratégie sécuritaire, ses programmes sociaux, mais aussi sa politique économique qui dirige la Colombie vers la situation d’un pays émergent.

Pourtant, c’est le paradoxe, pendant la période 2002-2008, dans le reste du monde, le Président Uribe est largement vilipendé parce que son pays, dans les conditions précisées plus loin, a le « tort » d’accepter le soutien des États-Unis, notamment pour la formation des militaires et des services de renseignements. Et beaucoup, à travers le monde, considèrent qu’Uribe devrait négocier avec ces FARC, vus comme des marxistes « romantiques », bien que classés comme une organisation terroriste par différents pays du Nord, dont l’Union européenne[19], et avec le Venezuela qui soutient les FARC pour obtenir des libérations, notamment celle d’Ingrid Betancourt devenue, sauf en Colombie, une quasi-icône planétaire.

Ceux qui vilipendent Uribe ont aussi la chance de disposer d’informations pou­vant nourrir leur dégoût d’Uribe. En effet, le souci d’Uribe de privilégier la vérité comme source de réconciliation, pour renouveler le personnel politique colombien et faire sortir durablement le pays de son cycle habituel de violences, révèle des complicités[20] de responsables politiques avec les guérillas ou des paramilitaires. Par exemple, en 2007, l’une des principales collaboratrices de M. Uribe se voit acculée à la démission après que son frère se soit fait arrêter pour des liens supposés avec une organisation paramilitaire. La même année, la Cour suprême ordonne l’arrestation de quatorze députés et sénateurs, accusés d’avoir organisé des fraudes électorales, ordonné des assassinats et servi les intérêts des groupes paramilitaires.

Mais Uribe, même s’il a des opposants minoritaires au sein de la Colombie, n’est vilipendé qu’à l’étranger, presque tous les jours depuis sa première élection en 2002, à cause de l’affaire Betancourt, par la mère, la sœur, la fille ou l’ex-mari d’Ingrid Betancourt, et ce avec l’aide non seulement de Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères puis Premier ministre, mais de Jacques Chirac, président de la République française. L’intervention publique du président Jacques Chirac en faveur d’Ingrid Betancourt, sous la pression de Dominique de Villepin, contribue à déformer la vision des médias français, mais aussi d’autres médias dans le monde, sur la tragédie colombienne.

  1. Un président internationalement repoussé subitement reconnu

« En outre, à l’été 2007, les médias annoncent qu’une personne accuse le pré­sident Uribe d’avoir été, il y a plusieurs années, en très étroite relation avec certains narcotrafiquants. Comme aucune preuve n’est apportée à une telle affirmation et que jamais la lutte du gouvernement colombien contre les narcotrafiquants n’a été aussi intense que depuis le Président Uribe, cette accusation semble conforme à la fameuse méthode : « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose »[21]. De son côté, l’ancien mari d’Ingrid Betancourt rend hommage à l’occasion au Président Chavez, et déclare que la Colombie serait dirigée par un Président « d’ex­trême droite », Monsieur Uribe, avec toutes les conséquences dommageables que cela signifierait pour les libertés, ce qui est évidemment inexact.

Même si la corruption existe[22], comme d’ailleurs dans de nombreux autres pays, la Colombie est un pays libre, qui respecte aussi les libertés locales, offre aux Départements (au nombre de 32), dont le gouverneur est élu, comme aux muni­cipalités (au nombre de 1098), dont le maire est élu, l’occasion d’œuvrer pour le développement local. Par exemple, ne serait-ce que dans les grandes villes, les condi­tions électorales et l’élection fréquente de maires indépendants, donc n’appartenant nullement aux majorités présidentielles, l’illustrent pleinement.

Puis l’image internationale désastreuse du Président Uribe se retourne en deux temps spectaculaires, fin 2007 et en juillet 2008, malgré un épisode intermédiaire de très forte tension entre la Colombie, le Pérou et le Venezuela de Chavez.

En juin 2007, sous la pression internationale de plusieurs pays et une demande expresse du président de la République française Nicolas Sarkozy, le président Uribe accepte de libérer Rodrigo Granda, commandant des FARC, puis 152 rebelles, mais sans aucune contrepartie connue. En décembre 2007, toujours sous pressions internationales, il accepte de laisser le président du Venezuela accueillir les trois otages que la guérilla dit vouloir libérer à Caracas : il s’agit de Claraleti Rojas, de son fils Emmanuel (conçu en captivité avec un guérillero[23]), et d’une parlementaire, Consuelo de Perdomo. Ce « geste » envisagé des FARC confirme les relations étroites entre Hugo Chavez et les rebelles, qui disposent effectivement de camps de repli au Venezuela, à proximité des 2 300 km de frontière commune entre les deux pays.

Une affiche à Cali encourageant les habitants à aller voter pour les élections municipales, témoin de la démocratie en Colombie : vamos todos a votar – allons tous voter © Photo Gérard-François Dumont.

Des calicots de différents candidats à la mairie de Cali, témoins d’une démocratie pluraliste © Photo Gérard-François Dumont.

La mairie de Bogota, sur la place Simon Bolivar. Bien que la vie politique nationale de Colombie ait été largement dominée par les deux principaux partis historiques, les habitants de Bogota ont souvent élu comme maire une personnalité indépendante ou non membre des grands partis du pays © Photo Gérard-François Dumont.

« Un véritable cirque médiatique est alors monté par le président vénézuélien, avec la complicité d’une sénatrice colombienne d’extrême gauche, Piedad Cordoba. Huit pays dont la France envoient des délégués de haut rang : ambassadeurs, mi­nistres, ou ex-président comme l’Argentin Nestor Kirchner. Le Comité interna­tional de la Croix-Rouge (CICR) de Genève attend comme eux la libération des otages. Le suspense se prolonge pendant cinq longues journées mais la désillusion est totale : les FARC annoncent, le 31 décembre 2007, leur refus de libérer les deux femmes et l’enfant, sous un prétexte fallacieux. La vérité sort alors de son puits. Emmanuel n’était plus chez les FARC, annonce dans la soirée Alvaro Uribe. Sous le faux nom de Juan David Gomez Tapiero, il souffrait de malnutrition, paludisme et leishmaniose quand il avait été confié par les rebelles à un certain José Cristiano Gomez en juillet 2005. Quand les FARC ont voulu récupérer le bébé en décembre 2007 pour le libérer devant Chavez, ils ignoraient qu’Emmanuel avait été transféré dans la capitale. »

Face à la révélation du président Uribe précisant donc que Emmanuel est déjà libre, la guérilla des FARC et ses compagnons de route étrangers sont en difficulté, ce qui les conduit à tenir à nouveau des propos inappropriés. Le 3 janvier 2008, Fabrice Delloye, l’ex-mari d’Ingrid Betancourt, dénonce le « machiavélisme » d’Al-varo Uribe, conformément à son attitude antérieure qui consiste, depuis près de six ans, à vouer le chef de l’État colombien aux gémonies. Quant à Hugo Chavez, il accuse son homologue colombien d’avoir « dynamité » la libération des otages par ses assertions.

Mais, dans cette affaire Emmanuel, la mise en évidence de la fourberie des FARC est le premier acte du retournement de l’opinion internationale vis-à-vis du président Alvaro Uribe. Hugo Chavez se trouve déstabilisé et ridiculisé, de même que les pays dont des personnalités officielles avaient accouru à Caracas pour être présents aux libérations avortées, refusant de voir que les FARC, qui ont déjà lar­gement perdu leur crédit politique en Colombie en généralisant les kidnappings, sont une guérilla non seulement sanglante mais cynique, dont la dérive criminelle est patente[24].

Ce premier acte de renversement du regard international porté sur Uribe est cependant suivi d’un épisode de nature à limiter sa portée. Le 1er mars 2008, voyant que les victoires militaires sur les FARC risquent d’être compromises ou difficiles à prolonger du fait que l’Équateur leur offre des bases de repli, le président Uribe décide un raid de l’armée colombienne contre une base des FARC située en terri­toire équatorien. Ce raid est un grand succès militaire puisqu’il permet notamment de tuer un important chef guérillero, Raul Reyes, et de s’emparer d’ordinateurs des FARC prouvant que celles-ci bénéficiaient de soutiens à des échelons élevés de l’État équatorien.

Mais, évidemment, la souveraineté territoriale de l’Équateur est violée, ce qui provoque logiquement la protestation de Quito. Cette dernière est accentuée par les réactions violentes de Chavez, donc du Venezuela et, plus largement, de la Coordination continentale bolivarienne. Cette dernière, constituée à Caracas en 2005, s’est justement réunie au centre de Quito, quelques jours avant le raid colombien, du 24 au 27 février 2008. Elle réunit des «chavistes» vénézuéliens, des communistes chiliens, d’anciens guérilleros du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (Pérou), des Mexicains et des Argentins, sous la protection des services de renseignement cubains. Elle affiche explicitement sur son site Web son soutien aux FARC.

Dans ce contexte, la surenchère de Chavez transforme le différend entre Quito et Bogota en crise régionale. Le 2 mars 2008, devant les caméras de son émission télévisée « Allo Président ! », Alô Presidente, que toutes les télévisions et radios du Venezuela sont obligées de diffuser en direct et en totalité, Chavez menace son homologue colombien, Alvaro Uribe, de lui «envoyer les avions Soukhoï». Et il demande aux militaires et civils invités à son émission d’observer une minute de silence en hommage à Raul Reyes, qu’il présente comme «un bon révolutionnaire». Il ordonne à dix bataillons blindés de se déployer sur la frontière entre les deux pays pour empêcher une éventuelle incursion colombienne. D’où un risque de déra­pages ou de provocations pouvant engendrer un conflit. Chavez, qui n’a pas admis sa défaite au référendum du 2 décembre 2007 sur la réforme constitutionnelle[25], peut ainsi justifier le réarmement accéléré du Venezuela, la formation de milices et l’entraînement des réservistes et, plus généralement, ce qu’il appelle l’« accélération » imprimée à la « révolution bolivarienne ». Sa doctrine militaire prévoit à terme la confluence entre les forces armées et des « forces insurgées » – terme qu’il utilise pour désigner les FARC -, lors d’une confrontation avec les États-Unis, dans un conflit régional qui dépasserait les frontières nationales.

Mais les autres pays d’Amérique du Sud veulent éviter un tel conflit. Le Brésil, l’Argentine et le Chili circonscrivent la crise à une affaire bilatérale entre l’Équateur et la Colombie, invitent Chavez à la retenue et organisent une apparente réconci­liation à Saint-Domingue. Le 7 mars 2008, un sommet y est organisée pour apla­nir la crise andine, sans rien régler sur le fond[26], donc n’excluant nullement de futures complicités entre les FARC, Caracas et Quito, ou de futures réactions de la Colombie à ces complicités.

Mais un second acte va finir de retourner l’image internationale du président Uribe et de son pays : la libération, par l’opération « Jaque », conduite par l’armée colombienne, de quinze otages, dont Ingrid Betancourt, le 2 juillet 2008, un ex­ploit qui restera dans les annales militaires et témoigne que cette armée s’est non seulement modernisée mais possède un remarquable savoir-faire. Cet exploit, sans précédent depuis le raid israélien d’Entebbe, est, ceteris paribus, une sorte de mise en œuvre sud-américaine du Cheval de Troie[27], mais beaucoup plus sophistiquée. En effet, le commando des services spéciaux colombiens réalise un coup de génie : le montage réussi d’une fausse opération humanitaire, en faisant croire aux geôliers que des facilitateurs internationaux proches de la guérilla doivent transférer les pri­sonniers de la forêt tropicale de la province de Guaviare, dans le sud amazonien, jusqu’au refuge d’Alfonso Cano, le nouveau chef des FARC. Enlisée auparavant durant des années 1990 dans une guerre de positions contre la guérilla, l’armée de Colombie a su devenir efficace dans le combat sur le terrain du renseignement.

Au total, c’est l’inversion de l’image du président Alvaro Uribe, auparavant considéré au plan international comme le « méchant » qui refusait de composer avec les FARC dans l’espoir, sans doute illusoire, d’obtenir des libérations. En deux temps, l’affaire de l’enfant Emmanuel et l’extraordinaire libération ont mis en évi­dence, d’une part, les mensonges des FARC et, d’autre part, la remarquable capacité opérationnelle acquise par l’armée colombienne.

Un autre paradoxe de la géopolitique de la Colombie est de nature interne avec le sort des déplacés. En raison des territoires contrôlés par les guérillas, ou de la terreur que font régner, ci ou là, des paramilitaires ou des narcotrafiquants, de nom­breux colombiens habitants le monde rural ou dans de petites villes les ont quitté pour fuir la violence et trouver des conditions de sécurité au bord des grandes villes, comme Bogota, Medellin ou Cali.

  1. Des victimes engendrant une double tonicité

Le nombre de ces personnes « déplacées » dans leur propre pays depuis 1995 est évalué à près de 2 millions par le gouvernement colombien. La Conférence épiscopale de Colombie (CEC) et l’organisation non gouvernementale CODHES (Consultoria para los Derechos Humanos y el Desplazamiento – Bureau de consulta­tion pour les droits humains et le déplacement), chiffre dans un rapport[28] à près de 3 millions ces Colombiens réfugiés dans leur propre pays.

Ces déplacements forcés en Colombie touchent une majorité de femmes et d’enfants qui, pour fuir un conflit armé ravageant leurs campagnes natales, se réfu­gient dans les périphéries des métropoles.

Dans nombre de pays ayant connu, en raison d’un conflit violent, des déplacés, ces derniers, véritables victimes, ont parfois tendance à se sentir abattus par le mal­heur qu’ils ont à supporter. Bien entendu, cela peut aussi être le cas en Colombie, notamment dans des quartiers encore insalubres, plus ou moins excentrés, où des déplacés survivent. Même si des efforts sont conduits ici ou là par les autorités publiques, notamment les municipalités, pour améliorer la situation des déplacés, en réalisant des infrastructures d’assainissement, d’eau, etc., tout ne peut être réalisé à la fois.

Le phénomène marquant, en Colombie, tient aux ressources morales de certains déplacés et en une très fréquente mobilisation de la société civile en leur faveur. Des déplacés eux-mêmes, loin de céder au désespoir, entreprennent d’améliorer leur vie quotidienne, de transformer progressivement leur abri de fortune en de vrais loge­ments qu’ils aménagent progressivement. Ainsi voyons-nous des victimes devenir des citoyens actifs, aspirant à maîtriser leur destin et à se reconstruire elles-mêmes, pourtant dans un lieu qu’elles n’ont pas choisi puisque contraintes de quitter leur domicile d’origine.

Du côté de la société civile, des associations ou des fondations ouvrent des écoles « privées », c’est-à-dire des écoles pour les plus pauvres, y compris dans les quartiers les plus défavorisés, à l’exemple de cette école qui apprend à ses collégiens d’abord à faire du pain, pour la nourriture de la famille, avant de les alphabétiser. Ces fondations privées créent et animent des centres sociaux associatifs pour les orphelins, des centres de formation et de production pour des femmes, des centres d’appel aidant à la lutte contre la violence, des centres de formation intégrée situés dans des quartiers défavorisés débouchant directement sur des emplois.

Un exemple de logements et de commerces aménagés par des déplacés à Cali © Photo Gérard-François Dumont.

Un exemple de l’implication de fondations privées colombiennes au service de la population : une œuvre religieuse anime une école (au premier plan) dans un quartier très excentré de bidonvilles (au second plan) où vivent des déplacés, près de Cali. Pour tout nouvel élève, le programme scolaire inclut l’apprentissage à la boulangerie pour que sa famille ait du pain. © Photo Gérard-François Dumont.

Un exemple de l’implication de fondations privées colombiennes au service de la population : un centre de formation créé et géré à Cali par une fondation privée colombienne au milieu d’un quartier de déplacés © Photo Gérard-François Dumont.

Un exemple de l’implication de fondations privées colombiennes au service de la population : un centre de formation pour femmes à Cali (nombre de déplacés sont des femmes seules avec enfants) © Photo Gérard-François Dumont.

La fin des années 2000 marque aussi la fin du second mandat d’Uribe. L’élection présidentielle de 2010 en Colombie et ses suites mettent en évidence un nouveau paradoxe dans l’histoire géopolitique du pays tout en confirmant son caractère dé­mocratique.

  1. Un président héritier détournant l’héritage ?

Lorsque approche la fin du second mandat d’Uribe, ses partisans les plus fidèles voudraient lui permettre de poursuivre son travail, en donnant au gouvernement le contrôle de la totalité du pays. Ils sont réunis dans le parti social d’unité nationale (en espagnol : partido social de unidad nacional), ou parti de la U, fondé en 2005. Ce parti politique, qui se définit comme centriste, démocratique et pluraliste, est devenu très rapidement l’un des principaux partis politiques, aux côtés des deux partis historiques, le parti libéral colombien et le parti conservateur colombien. Mais les discussions pour une nouvelle réforme constitutionnelle, qui aurait fait l’objet d’un référendum conduisant au droit à un troisième mandat échouent, ce qui témoigne en même temps de la maturité démocratique du pays. Aussi le par­ti de la U désigne-t-il comme candidat Juan Manuel Santos, alors ministre de la défense du président Uribe. Et l’histoire géopolitique de la Colombie va connaître

En effet, tout au long de la campagne, le candidat Santos se présente en conti­nuateur de M. Uribe, « le meilleur président qu’ait jamais connu la Colombie ». M. Santos reprend à son compte les trois objectifs proclamés du chef de l’État : « la lutte contre le terrorisme, la confiance des investisseurs et la cohésion so­ciale ». Sur ses affiches électorales, dans les débats télévisés, le candidat Santos ne cesse de se réclamer des succès sécuritaires et économiques du président sortant. Effectivement, le président Uribe lègue à son successeur un pays dont la situation en matière de sécurité est incomparablement meilleure qu’en 2002, l’année de sa première élection. Même ses détracteurs en conviennent. « À l’époque, la guérilla semblait invincible, les paramilitaires massacraient paysans et syndicalistes, et plus personne n’osait prendre la route par crainte des enlèvements », rappelle le journa­liste Claudia Lopez[29]. « Lors du premier mandat d’Alvaro Uribe, l’opposition iro­nisait sur la satisfaction des bourgeois qui pouvaient enfin passer le week-end dans leur maison de campagne, affirme Antonio Acuna, militant du Pôle démocratique. La gauche a mis du temps à comprendre que la pacification du territoire a aussi profité aux transporteurs, aux commerçants, aux constructeurs, aux agriculteurs et donc à des milliers de travailleurs. »

En outre, à la fin de son mandat, le Président Uribe semble démontrer à nou­veau la justesse de sa stratégie de politique sécuritaire. Le 13 juin 2010, une opéra­tion permet à l’armée de récupérer en pleine jungle quatre otages qui se trouvaient aux mains de la guérilla des FARC depuis douze ans. Fort de son engagement de poursuivre la politique du Président Uribe et de son appui, en juin 2010, Santos est élu président sur un programme prônant donc la continuité de la politique précédente. Ce qu’il a annoncé laisse supposer qu’il va poursuivre une politique de fermeté vis-à-vis des FARC.

Pourtant, deux ans plus tard, le président Santos décide officiellement de négo­cier avec les FARC sans poser de conditions préalables, comme un cessez-le-feu[30] ou la libération d’une partie des environ 3 000 otages qu’ils détiennent toujours. Toutefois, le gouvernement colombien précise que les militaires poursuivront leur mission tant qu’un accord de paix ne sera pas signé.

Le 4 septembre 2012, Santos et Timochenko, le chef suprême des FARC, annoncent, le premier depuis Bogota, le second depuis la Havane, l’ouverture de négociations de paix. Ils annoncent qu’après 6 mois de discussions, ils ont établi un agenda des négociations et des thèmes à traiter : développement rural, participation politique, fin du conflit, narcotrafic, réintégration et droit des victimes.

Ainsi le président Dos Santos, ouvrant donc sans condition des négociations officielles avec les FARC, peut être considéré comme reniant l’héritage stratégique de son prédécesseur, héritage qui était pourtant l’argument central de sa campagne électorale de 2010 et qui a permis son élection. D’ailleurs, l’ex-président Uribe cri­tique l’annonce des négociations, considérant que cette décision « grave » ouvre la porte à des criminels largement impliqués dans le trafic de drogue. Sa position est conforme à l’une de ses déclarations antérieures : « Les FARC prétendent qu’elles participent à un « conflit armé », mais je réfute cette notion. Les FARC pratiquent le terrorisme, armes à la main »[31].

Faisant fi des analyses du précédent président, Santos concrétise l’ouverture de négociations à La Havane en novembre 2012, les États-Unis annonçant soutenir les efforts de paix. En mai 2013, un premier accord sur le développement rural est annoncé mais son contenu n’est pas diffusé, puisque le principe arrêté est que Bogota ne signera rien tant que « tout n’est pas décidé »[32].

Dans la logique des espoirs de bonne fin des négociations, en août 2013, le président Santos obtient que la Cour constitutionnelle de Colombie autorise une réforme de la constitution permettant l’entrée en politique et la suppression des peines de prison pour les guérilleros qui auraient déposé les armes à l’issue du pro­cessus de paix. Les crimes de guerres et les crimes contre l’humanité feront toutefois l’objet de jugements particuliers.

La Colombie offre un dernier paradoxe de nature géopolitique externe, déjà évoqué : les relations étroites entre un pays latino-américain et les États-Unis. Ces relations sont l’inverse de la tradition latino-américaine qui consiste à exprimer du ressentiment vis-à-vis du grand voisin du nord parce qu’il a souvent considéré l’Amérique latine comme son pré carré, en application de la doctrine Monroe. Comment expliquer cette exception
colombienne ?

  1. Un paradoxe géopolitique externe : un pays d’Amérique du Sud s’associant aux « Yankees » !

Comme indiqué ci-dessus, le contexte interne de l’existence de guérillas en Colombie n’est pas indépendant de l’environnement géopolitique externe. Ainsi, le développement des FARC s’est-il effectué après l’installation du régime commu­niste à Cuba. Les FARC ont donc bénéficié de soutiens internationaux venus du monde communiste et, donc, de Cuba, mais aussi, selon les périodes, du Venezuela et de l’Équateur. Le président Chavez a même espéré le succès des FARC et leur a permis, ainsi qu’à d’autres mouvements de guérilla, d’utiliser le Venezuela comme base de repli. Mais, avant comme après Chavez, des tensions persistent entre les deux pays, qui demeurent en désaccord sur leur frontière commune dans le golfe de Guarija, posant la question de la propriété du pétrole offshore qui s’y trouve.

Deux des grandes questions sécuritaires de Colombie, la production et le trafic de drogues et la présence des FARC, sont de nature transnationale. Ces deux ques­tions débordent donc dans les pays limitrophes en raison de l’insuffisante présence de l’État colombien dans les zones frontalières ou grâce à la bienveillance attestée du Venezuela chaviste et de l’Équateur vis-à-vis des FARC. C’est donc un euphémisme de dire que le Venezuela n’a guère aidé les gouvernements colombiens dans leur lutte contre les guérillas.

Toutefois, Chavez n’a jamais engagé la guerre ouverte avec la Colombie bien qu’il l’ait annoncé à plusieurs reprises, à nouveau à l’été 2009. Il est vrai que son système vénézuélien d’économie de rente et de collectivisme a besoin à la fois des importations colombiennes pour satisfaire les besoins de sa population et de la main-d’œuvre colombienne dont le renvoi en Colombie priverait le Venezuela d’une importante population active[33] souvent assignée à des emplois non qualifiés que les Vénézuéliens ne veulent pas assumer.

Du côté de l’Équateur, lorsque l’armée colombienne a pu s’emparer d’ordina­teurs des FARC, il a été possible de prouver que l’Équateur, au moins sous la pré­sidence de Rafael Correa, élu en 2006, a soutenu et aidé les FARC. Concernant le Pérou, l’histoire relate des périodes de fortes tensions entre ces deux pays, comme la guerre colombo-péruvienne de 1932-1933. Toutefois, le Pérou a mieux compris les difficultés des gouvernements colombiens face aux guérillas car ce pays a notam­ment subi et vaincu la guérilla du Sentier lumineux. Rappelons que ce conflit a causé, pendant des années 1980 et 1990, environ 70 000 morts dont, il est vrai, une partie est due aux contre-offensives de l’armée péruvienne, et des centaines de mil­liers de déplacés. Du côté de l’Amérique centrale, la Colombie demeure en conflit avec le Nicaragua en raison des îles qu’elle possède dans les Caraïbes.

Quant aux autres pays d’Amérique du Sud, on ne peut dire qu’ils aient vérita­blement soutenu le gouvernement colombien dans sa lutte contre les guérillas. Le géant de l’Amérique latine[34], le Brésil, a souvent entretenu de bons rapports avec Cuba, pays ami des FARC, comme en témoigne par exemple le grand nombre de voyages à Cuba de Lula da Silva, président du Brésil de 2003 à 2011. L’Argentine, depuis la fin du régime militaire, s’est souvent montrée encore plus respectueuse du Cuba de Castro que le Brésil de Lula, ce qui n’est pas peu dire. Ces deux pays ont d’ailleurs accepté le Venezuela de Chavez au sein du Mercosur.

Dans un contexte de maigres soutiens et parfois d’hostilité aux gouvernements colombiens de la part des pays d’Amérique du Sud, la question qui s’est posée à la Colombie était donc simple : comment contenir sans partenariat extérieur la progression des guérillas, reconquérir les territoires qu’elles tiennent, assurer la souveraineté sur l’ensemble du pays, conformément aux règles institutionnelles du pays, alors que, dans le même temps, les guérillas colombiennes bénéficient de forts soutiens extérieurs, de possibilités de repli à l’étranger, de neutralités bienveillantes de divers pays et de la sympathie de larges pans d’opinions publiques étrangères ? Pour contrer les guérillas, la Colombie avait pourtant besoin de formateurs pour son armée, pour ses services de renseignements, et également d’armes et d’équipe­ments sophistiqués, par exemple en matière de transmission … Or, les pays d’Amé­rique latine limitrophes ou proches de la Colombie ne pouvaient ou ne voulaient satisfaire ces besoins. Parallèlement, la Colombie se devait de lutter contre les cartels de la drogue toujours en action pour déséquilibrer le pays et disposant de moyens leur permettant parfois de corrompre certains responsables politiques.

Compte tenu de son contexte géopolitique, la Colombie s’est trouvée obligée de trouver d’autres appuis susceptibles de l’aider dans sa triple lutte contre les guérillas, les paramilitaires et les trafiquants de drogue, qui transforment certaines parties du territoire national en zones grises sur lesquels l’État ne parvient pas à assumer ses responsabilités. Et le seul partenaire possible s’est trouvé être les États-Unis qui, dans le même temps, apprécient d’avoir en Amérique du Sud un allié lui permet­tant de bénéficier dans ce sous-continent d’un poids stratégique minimum. En conséquence, en 1998, un rapprochement entre la Colombie et les États-Unis se concrétise sous la présidence de Bill Clinton, avec le « plan Colombie », conforme au programme électoral annoncé l’année précédente par le futur Président Pastrana, parlant d’un plan Marshall pour la Colombie qui signifierait une implication des États-Unis aux États-Unis et en Colombie pour lutter contre les guérillas et les nar­cotiques. Ce Plan Colombie – Plan Colombia -, prolongé depuis, se traduit par une aide américaine pour l’armement de l’armée colombienne et divers projets civils afin de lutter contre le trafic de drogue et de développer la lutte anti-terroriste, puisque les États-Unis ont qualifié les guérillas colombiennes de terroristes.

Les accords de la Colombie avec les États-Unis signifient-il que la Colombie soit ou ait été « le fantoche des américains » ? La réponse apportée par Stephen Launay[35] est totalement négative. En effet, la Colombie se trouve associée aux États-Unis non par un tropisme pro-américain, mais parce que c’est sa seule option possible dans son contexte géopolitique interne et externe.

De même, au plan économique, au moins depuis les années 1990, la Colombie se trouve aussi assez isolée compte tenu des échecs des tentatives de regroupements régionaux basés sur la coopération économique, comme celle de la Communauté andine. Il n’est donc pas surprenant que l’un des principaux accords commerciaux de la Colombie soit un traité de libre-échange avec les États-Unis ( Tratado de libre comercio entre Colombiay Estados unidos – TLC en espagnol), signé le 22 novembre 2006, puis approuvé par le parlement colombien et entré en vigueur depuis 2011. Une preuve de cet isolement économique, dans un monde où la globalisation régionale progresse presque partout, a été à nouveau apportée en 2013 : le 31 juillet 2013, l’Union européenne, ne parvenant pas à des accords avec la Communauté andine en raison du refus de la Bolivie et de l’Équateur, signe un accord de libre-échange avec la seule Colombie pour supprimer les barrières commerciales et facili­ter la échanges de biens et de services entre la Colombie et les pays de l’Union euro­péenne. Cet accord témoigne du dernier paradoxe de la géopolitique colombienne que nous constatons : un pays en développement malgré des problèmes de sécurité.

  1. Un pays en développement malgré des problèmes de sécurité

La Colombie est une démocratie, imparfaite comme elles le sont toutes. Son histoire est ponctuée de longs épisodes de violence. Mais, dixième paradoxe géopo­litique, au fil des décennies, les conflits armés internes n’ont pas empêché un réel développement économique grâce à un entrepreneuriat colombien de qualité, un développement économique que d’autres pays latino-américains peuvent envier. En particulier, au XXIe siècle, la Colombie enregistre une croissance annuelle moyenne satisfaisante et reçoit des investissements directs de l’étranger (IDE) qui peuvent la placer à proximité des pays émergents, en dépit du surcoût occasionné par les forces de sécurité.

En effet, ce développement de la Colombie est incontestable, qu’il s’agisse de la diminution de la sous-alimentation[36], de l’amélioration des logements ou de l’équipement commercial dans des quartiers auparavant entièrement déshérités, de l’amélioration des logements avec des phénomènes d’émulation entre les anciens pauvres, des transports urbains, avec l’installation d’un réseau de bus en site propre à Bogota ou à Cali, de la modernisation des aéroports, du développement de l’offre touristique. En 2013, son talent d’innovation urbaine est reconnu avec le prix mondial de la ville la plus innovante décerné à Medellin, devant New York et Tel Aviv.
Il faut ajouter l’existence d’universités de haut niveau ou une offre médicale dont la qualité attire des ressortissants des États-Unis pour un séjour incluant la durée d’une opération et de la convalescence. La Colombie donne le sentiment d’une mobilisation de la société civile et d’une volonté d’innovation économique et sociale que les autorités politiques ne contrarient pas, et souvent favorisent.

Le troisième pays d’Amérique latine par le nombre d’habitants, après le Brésil et le Mexique[37], enregistre donc d’incontestables progrès, malgré les sommes bud­gétaires importantes qu’il est obligé de consacrer à l’armée et à la police. En outre, en dépit de diverses compromissions d’hommes politiques avec des groupes armées dans les dernières décennies du XXe siècle, la démocratie colombienne s’est renfor­cée, à l’échelon local comme l’attestent des alternatives démocratiques ou l’élection de maires non rattachés aux principaux partis comme à l’échelon national. Mais, dans le même temps, les narcotrafiquants dirigent un secteur économique toujours florissant. La question de la sécurité se pose aussi avec ces contrastes entre des quar­tiers pauvres et, surtout en zone para-urbanisée, des quartiers protégés pour les classes moyennes qui ont réussi.

Depuis la nouvelle ouverture de négociations entre le gouvernement colombien et les FARC en 2012, une des questions essentielles est la suivante : la Colombie pourrait-elle enfin trouver une paix complète à la suite d’un accord final avec les FARC, accord dont la mise en œuvre permettrait en même temps de lutter plus efficacement contre les narcotrafiquants ?

Quelles que soient les réponses à cette question, et à supposer que les FARC se dissolvent complètement dans la vie démocratique colombienne, comme précé­demment le M-19, en abandonnant leur idéologie insurrectionnelle et leurs mé­thodes de prévarication pour le combat démocratique électoral, le lourd héritage des FARC pèsera longtemps[38] car le présent doit toujours panser les conséquences des conflits, d’autant que ces dernières se traduisent par des plaies pour plusieurs millions de familles colombiennes ayant souffert de morts, de blessés, d’enlève­ments ou de déplacements forcés.

Restent deux interrogations. La première est de géopolitique interne : est-il pos­sible de parvenir à une souveraineté unique sur un territoire colombien dont la nature géographique facilite des forces centrifuges, comme le pays a en presque toujours connu depuis son indépendance ? La seconde relève de la géopolitique externe : les autres pays d’Amérique du Sud souhaitent-ils véritablement une Colombie intégralement pacifiée, situation qui pourrait donner à ce pays un poids géopolitique externe correspondant à son poids démographique, à son positionne­ment géographique et aux progrès de son économie ?

[1]* 191 rue Saint-Jacques 75005 Paris www.population-demographie.org

[2]Par exemple, dans la note « La nouvelle vague des émergents » de la Fondation Fondapol de juillet 2013, la Colombie n’apparaît pas parmi les six émergents cités, mais seulement parmi les « nouveaux candidats à l’émergence économique », ce qui est discutable.

[3]Jacques Thomet, ancien directeur de l’AFP en Colombie, affirme détenir un document qui le prouve (« La vérité sur les FARC sort », Le Monde, 9 janvier 2008, p. 21) et c’est ce que pense la très grande majorité des Colombiens.

[4]Le sabordage de ce bateau par les services secrets français en 1985 fut très rapidement connu.

[5]Les photos de Colombie illustrant cet article ont été prises en 2007. Leur valeur illustrative est toujours d’actualité.

[6]Sardon, Jean-Paul, « La population des continents et des pays », Population & Avenir, n° 715, novembre-décembre 2013, www.population-demographie.org/revue03.htm

[7]Dumont, Gérard-François, « Les critères de peuplement de la montagne », dans : Wackermann, Gabriel (direction), Montagnes et civilisations montagnardes, Paris, Ellipses, 2001.

de la population. Un cinquième de la population habite sur la côte caribéenne. Un vingtième réside sur le littoral Pacifique. Quant aux vastes régions de la partie colombienne du bassin de l’Orénoque et de l’Amazonie, elles sont fort peu denses et ne réunissent que quelques pour cent de la population de la Colombie.

Les trois quarts de la population de la Colombie sont urbains, les cinq villes les plus peuplées représentant près de la moitié de la population. Plus des deux tiers de la population sont considérés comme métis, issus de mélanges entre les colons espa­gnols, les Indiens et les Noirs amenés comme esclaves depuis les côtes occidentales d’Afrique aux XVIe et XVIIe siècles. Le tiers non métis se répartit entre Blancs, environ 20 % de la population totale, Noirs, environ 6 %, et Indiens, environ 2 % répartis dans les 398 communautés indigènes qui vivent sur les territoires protégés par la Constitution.

[8]Soit : Argentine, Bolivie, Chili, Colombie, Costa Rica, Cuba, République dominicaine, Equateur, El Salvador, Guatemala, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, Puerto Rico, Uruguay, Venezuela et Espagne.

[9]Sardon, Jean-Paul, « La population des continents et des pays », Population & Avenir, n° 715, novembre-décembre 2013, www.population-demographie.org/revue03.htm

[10]Selon les chiffres 2010 du WUP.

[11]Les Etats-Unis imposent leur souveraineté sur les territoires utiles pour finir la construction du canal de Panama. Par le traité de Hay-Buneau-Varilla de novembre 1903, ils obtiennent l’autorisation de continuer la construction du canal et l’entière souveraineté dans la zone du canal. Après l’ouverture du canal en 1914, les Etats-Unis maintiennent leur contrôle jusqu’à la remise à l’Etat de Panama, le 31 décembre 1999, du canal et des territoires situés de part et d’autre.

[12]Le Figaro, 15 octobre 2007.

[13]Pécaut, Daniel, « L’Amérique latine, entre violence politique et populisme », Les Cafés géographiques, 11 janvier 2007. L’intervenant considère que, aujourd’hui, la justice pénale internationale fait que les leaders des guérillas ne pourraient plus déposer les armes en toute impunité.

[14]Elu en aout 1998.

[15]Soit un vingtième du territoire de la Colombie, une superficie équivalente à 8 départements français.

[16]« Uribe : Paris doit nous aider à localiser Betancourt », Le Figaro, 22 février 2007, p. 2.

[17]Cf. Dumont, Gérard-François, « Une découverte en Amérique latine : le modèle colombien de développement et de lutte contre la violence », Outre-Terre, revue française de géopolitique, n° 18, 2008.

[18]Dans les bottes des FARC, Le Monde, 12 janvier 2008, p. 19.

[19]Cf. par exemple la « décision du Conseil européen du 26 janvier 2009 mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2008/583/CE », Journal officiel de l’Union européenne, 27 janvier 2009.

[20]« Colombie : fatales connivences… », Le Monde, 29 juin 2007.

[21]Thomet, Jacques, « La vérité sur les FARC sort », Le Monde, 9 janvier 2008, p. 21.

[22]Selon Transparency international, en 2012, la Colombie est classée 94e sur 176 pays, loin devant le Venezuela qui est classé au 165e rang.

[23]Ce cas semble exceptionnel car les FARC font avorter les femmes dans un tel cas.

[24]Ce qui est reconnu, y compris par des commentateurs très défavorables au président Uribe. Cf. Joxe, Nicolas, « Quelques vérités sur Alvaro Uribe », Le Monde, 14 janvier 2008.

[25]Avec 50,7 % et 51,05 % des suffrages, le non l’a emporté au référendum sur les deux blocs d’articles de la réforme de la Constitution qui instituait le socialisme bolivarien et une réélection présidentielle indéfinie.

[26]« Amérique latine : une semaine d’escalade », Le Monde, 13 mars 2008.

[27]« Bogota a réinventé le cheval de Troie », Le Figaro, 7 juillet 2008, p. 2.

[28]Intitulé « Défis pour construire une nation. Le pays face au déplacement, au conflit armé et à la crise humanitaire 1995-2005 ».

[29]« Colombie : le bilan Uribe à l’épreuve de la présidentielle », Le Monde, 18 juin 2010.

[30]Les FARC ont unilatéralement annoncé un cessez-le-feu de 2 mois en novembre 2012, dont l’effet semble avoir été plus médiatique que réel sur le terrain.

[31]Le Figaro, 15 octobre 2007.

[32]« Les Colombiens restent partagés sur les négociations de paix avec les FARC », Le Monde,

29 mai 2013.

[33]Dumont, Gérard-François, Démographie politique. Les lois de la géopolitique des populations,

Paris, Ellipses, 2007.

[34]Dumont, Gérard-François, « Le Brésil, géant de l’Amérique latine », Population & Avenir, n° 674, septembre-octobre 2005.

[35]Cf. Launay, Stephen, « Colombie, une démocratie assiégée », Le Monde, 7 juin 2007, également Chdvez-Uribe, deux voies pour l’Amérique latine ?, Paris, Buchet-Chastel, 2010.

[36]Selon l’indice de la faim dans le monde (Global Hunger index – GHI) 2013, la Colombie se classe 10e des 78 pays ayant un indice supérieur à 5, juste après la Thaïlande et avant la Guyane. L’indice de la Colombie s’est abaissé de 10,4 en 1990 à 5,9 en 2013. L’indice de la faim dans le monde combine la proportion de la population sous-alimentée, la prévalence de l’insuffisance pondérale chez les enfants de moins de 5 ans et le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans. Les pays suivants ne sont pas inclus dans le classement, faute de données : Afghanistan, Bahreïn, Bhoutan, République démocratique du Congo, Irak, Myanmar, Oman, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Qatar et Somalie.

[37]Dumont, Gérard-François, Les populations du monde, Paris, Éditions Armand Colin, deuxième édition, 2004.

[38]Cf. Dumont, Gérard-François, « Colombie : le lourd héritage des FARC pèsera longtemps », Outre-Terre, revue française de géopolitique, n° 20, 2007, p. 471-474.

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