De l’ "Euromaïdan" à la guerre civile, terreur et terrorisme en Ukraine, 2013-2014

Frédéric SAILLOT, écrivain et journaliste à Eurasie Express,

Deuxième table ronde
Modérateur : Recteur Armel PECHEUL, Professeur agrégé de droit public
Colloque; La Géopolitique du Terrorisme
Actes du colloque
Le jeudi 11 décembre 2014
Assemblée Nationale

Depuis avril 2014 une opération antiterroriste est entreprise par les autorités de Kiev dans l’est de l’Ukraine qui, selon les chiffres de l’ONU a déjà fait plus de 4000 morts parmi les civils dont plusieurs centaines depuis la signature des accords de paix à Minsk le 5 septembre. La presse et la classe politique françaises dans sa majorité font le silence sur ces crimes. Pour quelles raisons ?
Le récit de la « révolution pro-européenne » à Kiev voudrait que le président Yanoukovitch, après sa volte-face sur l’accord d’Association avec l’UE au sommet de Vilnius les 28 et 29 novembre 2013, ait provoqué la mobilisation d’une population lassée par un régime corrompu. Après trois mois de confrontation croissante, les morts du Maïdan provoqués par des tirs qui lui sont attribués provoquent sa fuite et son remplacement par un gouvernement provisoire pro-occidental qui remet l’Ukraine dans les rails de l’accord d’association. La Russie annexe alors la Crimée et provoque le soulèvement des populations russophones du Donbass, ce qui oblige le gouvernement provisoire à déclencher une opération anti-terroriste, l’OTAN à renforcer sa présence dans l’est de sa zone de déploiement et les Etats occidentaux à prendre des sanctions contre la Russie.
Mais dans l’inconscient de la classe politico-médiatique française gît également la référence à la révolution française, à la Terreur et à ses victimes, prix à payer pour repousser l’intervention étrangère, mater l’insurrection vendéenne et instaurer la République contre la tyrannie. Le Donbass serait la Vendée ukrainienne et la terreur qu’y exercent la garde nationale et les bataillons nationalistes s’en trouveraient légitimée. Il y a là un grave contresens qui témoigne d’une ignorance tragique et/ou d’œillères idéologiques.
En réalité le président Yanoukovitch, ayant jugé que l’intégration de l’Ukraine à l’Union douanière avec la Fédération de Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan, était préférable pour son pays, a fait l’objet d’une véritable entreprise de subversion de l’extrême-droite néo-bandériste dès la première manifestions dans la nuit qui a suivi la clôture du sommet de Vilnius, instrumentalisant la mobilisation populaire. Des commandos bien organisés, rétribués et dirigés par les services de l’ambassade américaine à Kiev, ont exercé une pression constante, tandis que des dirigeants US et UE venaient à Kiev attiser la mobilisation, ce qui a conduit au coup d’Etat du 22 février 2014, renversant l’ordre constitutionnel. Une série de massacres jalonnent la période qui conduit au conflit du Donbass : les tirs de snipers sur le Maïdan le 20 février, favorisant le coup d’Etat, le massacre d’Odessa le 2 mai, celui de Marioupol le 9 mai, sans oublier le crash du Boeing de la Malaysia airlines le 17 juillet. A chaque fois les commandos d’extrême-droite et des leaders de la mobilisation sont mis en cause. Le pogrom de manifestants anti-maïdan à la frontière de Crimée le 19 février et la remise en cause de la loi sur la reconnaissance du statut de la langue russe dans les régions par le nouveau pouvoir montre clairement son orientation néo-bandériste. Cela a conduit les populations russophones, harassées par 20 années d’ukrainisation brutale, à voter très majoritairement pour leur rattachement à la Fédération de Russie en Crimée, puis pour leur indépendance dans le Donbass où se forment des milices populaires.
L’opération anti-terroriste déclenchée par Kiev en avril et confirmée par le président Porochenko après son élection en mai s’avère donc une véritable entreprise génocidaire entreprise par la garde nationale et des bataillons où se sont engagés les éléments les plus radicalisés, imprégnés par l’idéologie nationaliste galicienne. Xénophobe mais notament anti-russe, elle a été développée par Stepan Bandera, l’un des fondateurs de l’OUN-UPA, collaborationniste pendant la dernière guerre. Ces bataillons sont financés par des oligarques, dont le tout puissant gouverneur de Dniepropietrovsk, Igor Kolomoïski. Leur anti-communisme, privilégié par les occidentaux qui le partagent, masque en fait une russophobie atavique. Outre cet aspect idéologique, l’est de l’Ukraine est riche en réserves de gaz de schiste, auquel est intéressé le propre fils du vice-président Biden, très impliqué dans la gestion de la crise ukrainienne.
La poursuite de la guerre et l’installation à Kiev d’un pouvoir nationaliste violant les droits des russophones, en fait la majorité des Ukrainiens, et engageant une confrontation avec la Russie, menace la paix et la sécurité du continent. La désinformation mainstream invoquant que l’extrême-droite ne ferait que 2% aux élections repose sur une vision tronquée des faits. Le parti radical (7,5%) et Autosuffisance (11%) sont dirigés par les fascistes Liachko et Sadovy. Des ministres du nouveau gouvernement viennent de l’extrême-droite néo-nazie et menacent les droits des russophones. L’intolérance, la censure, l’interdiction et l’intimidation de l’opposition pèsent lourdement dans le climat actuel, alors que Porochenko lui-même prétend que 100% des Ukrainiens sont contre la fédéralisation et alors qu’il menace la population du Donbass d’une « guerre totale » qui a déjà lieu. Des chefs de bataillons néo-nazis figurent sur l’ensemble des listes et ont fait leur entrée à la Rada, parmi eux Dimitri Yarosh, chef du Pravy Sektor, dont certains membres ont participé à la guérilla islamiste en Tchétchénie. Des combattants du « Califat du Caucase » ont rejoint l’Etat islamique et menacent la Fédération de Russie d’attentats.
En développant une politique de confrontation avec la Russie inspirée par le projet américain de domination unipolaire occidentale (le Traité de libre échange Transatlantique), l’UE et la France finiraient par perdre ce qui leur reste de souveraineté et s’exposeraient à de très graves dangers. Un redressement de la politique de l’Union européenne et de la politique française sont donc nécessaires dans le sens de la levée des sanctions contre la Russie et d’une reprise urgente et active de la coopération, bien sûr économique, mais également dans la lutte contre le terrorisme et les idéologies totalitaires comme le néo-nazisme.
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