La nouvelle diplomatie française au Moyen-Orient

Ali RASTBEEN,

Président de l’Académie de Géopolitique de Paris (AGP)

RÉSUMÉ

Si la France est une cible privilégiée des terroristes et encore tout récemment à Nice, c’est en conséquence de son engagement dans une véritable guerre contre le terrorisme. Une Commission d’enquête parlementaire « relative aux moyens mis en œuvre par l’Etat pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015 » a été constituée sous la présidence de Georges Fenech et son rapport n° 3922 publié. Que ce soit dans la partie sur la nécessaire réforme des services de renseignements, celle de la réponse pénale adaptée à la menace terroriste, celle sur la protection et sécurisation du territoire, celle sur la lutte Internationale contre le terrorisme ou même la liste des propositions dudit rapport, on ne trouve trace d’un travail en profondeur sur la nécessité d’assécher financièrement les filières terroristes. Or, il est du devoir des institutions parlementaires nationales et européennes d’interpeller solennellement les ministres de la Défense et des Affaires étrangères pour enfin identifier les pays qui forment, financent, arment, soutiennent logistiquement les filières terroristes et achètent le pétrole qu’elles vendent, d’établir une commission d’enquête mettant en lumière les agissements de ces réseaux nationaux et internationaux et de mettre en place un embargo sur la vente d’armes et sur l’achat de pétrole, contre les Etats directement concernés ou qui peuvent potentiellement l’être. Comme le précise le titre de son livre dénonçant l’alliance de la France avec les monarchies pétrolières, le vice-président de la Commission des Lois à l’Assemblée nationale et co-rapporteur de la mission de contrôle sur l’application de l’état d’urgence, également porteur d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la participation de fonds français au financement de Daech, le député Jean-Frédéric Poisson, président de la mission d’information « portant sur les moyens dont bénéficie l’organisation terroriste Daech (État islamique) » dont l’Assemblée nationale a décidé la création le 1er décembre 2015, Notre sang vaut moins que leur pétrole (Le Rocher, 2016)

La commission d’enquête doit saisir de toute urgence les ministres de la Défense et des Affaires étrangères pour qu’ils identifient les Etats et les fondations pourvoyeuses de financements et de soutien logistique aux groupes terroristes, et prennent les décisions qui s’imposent telles que le gel des avoirs de ces pays en France, l’embargo économique et politique et la remise en cause des relations diplomatiques bilatérales en raison de la gravité croissante du terrorisme. C’est uniquement grâce à une action collective, qu’il sera possible de mettre fin à ce danger qui menace l’humanité toute entière.

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Le rôle de la France : paramètres et perspectives

En tant qu’acteur international de premier rang, la France a été proche des événements qui se sont déroulés au Moyen-Orient et n’a pas pu échapper aux conséquences du printemps arabe, du terrorisme et de la crise des refugiés. Par conséquent, à l’heure actuelle la France est extrêmement sollicitée par le Moyen-Orient.

À l’époque des colonialismes européens, l’empire britannique à la différence de la France, dirigeait ses propres colonies au Moyen-Orient par le biais de rois, de cheikhs et de princes locaux, tandis que la France régissait les siens directement de Paris. La stratégie britannique a permis que ses dirigeants locaux placés jadis restent au pouvoir dans la longue durée et, en revanche, ceux placés par la France ont disparu : la France était occupée à gérer ses colonies en Afrique du Nord au détriment de celles du Moyen-Orient.

L’attrait économique actuel du Moyen-Orient conduit la France à améliorer sa position dans cette région. Son influence diplomatique dans le monde arabe a dépassé celle de la Grande-Bretagne et, dans certains cas, a rivalisé avec celle des Etats-Unis. Si les récentes révolutions du printemps arabe, ont écarté la France, alors la présence des Etats-Unis en tant que successeur de la Grande-Bretagne a été beaucoup plus notable.

Le refus de Paris de participer aux côtés de Washington à l’occupation de l’Irak en 2003, a préservé sa diplomatie moyen-orientale, contrairement à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Ceci avait crédibilisé l’influence française au Moyen-Orient.

Cependant, la politique étrangère française a toujours été perturbée par ses relations privilégiées avec Israël. La France, a toujours entretenu des relations particulières avec Israël et a été son principal fournisseur d’armes et même de technologie nucléaire. Or la France n’a pas traité de la même façon les pays arabes.

Les pétromonarchies du Golfe persique, à la tête desquelles se trouve l’Arabie saoudite passent actuellement des commandes commerciales de plus en plus importantes à la France. On peut y ajouter de même les contrats de ventes d’avions Rafale conclus avec l’Egypte sur le compte de l’Arabie Saoudite. Les autorités saoudiennes et françaises ont effectuée des études préliminaires à la construction de deux centrales nucléaires.

La présence du président de la République française à la réunion extraordinaire du Conseil de coopération des États arabes à Riad, a conduit Paris à soutenir la violente agression de l’Arabie saoudite contre le Yémen, et a transformé l’Arabie saoudite en associée privilégiée de la France.

Complications régionales : « to be or not to be »

L’Organisation des Nations Unies a inscrit le nom de l’Arabie saoudite sur la liste noire des Etats qui violent les droits des enfants au Yémen. La coalition saoudienne mène, selon une stratégie délibérée, la moitié de ses frappes contre les écoles et les hôpitaux, là où les civils sont concentrés. Le secrétaire général de l’ONU a affirmé que la décision de retirer le nom de la coalition saoudienne de cette liste noire a été prise à cause de la menace de certains pays arabes de couper leurs aides aux programmes de cette instance. Ban Kimoon a déclaré : « qu’il est inadmissible que certains pays membres fassent des pressions pour faire retirer cette coalition de la liste noire ».

La consolidation de l’alliance de l’Arabie Saoudite et des États arabes du Golfe Persique avec la France est la conséquence d’une grande déception ressentie envers Washington, dans des questions relatives aux droits de l’Homme : au réveil des arabes et à l’accord nucléaire avec l’Iran. La France consolide volontairement ses relations avec ces Etats, dont certains soutiennent le terrorisme en fournissant des munitions et des armes, sans tenir compte des principes et des valeurs de la République en ce qui concerne les droits de l’Homme qui représentent la pierre angulaire de l’identité française.

Il est à noter que la France est signataire de l’accord sur la non-utilisation des bombes à fragmentation, mais reste silencieuse face à l’accusation déliée par les organisations des droits de l’Homme contre l’Arabie saoudite et ses alliés, d’utiliser des bombes à fragmentation au Yémen. En même temps, l’amélioration des relations politiques et économiques entre la France et l’Arabie saoudite signifiait en quelque sorte, une revanche à l’égard des Etats-Unis, qui ont refusé d’accompagner la France dans la guerre contre la Syrie.

L’ancienne secrétaire d’État et candidate démocrate à la Maison Blanche, après la fusillade meurtrière d’Orlando, a déclaré, que « Le Qatar, le Koweït et l’Arabie saoudite ne doivent pas permettre à leurs citoyens de financer les organisations terroristes ».

Suite aux attaques terroristes du 13 novembre à Paris, la politique française a connu une inflexion, qui s’est traduite par les attaques aériennes contre les bases militaire de l’organisation islamique, l’installation du porte-avions Charles de Gaulle dans la région et enfin la coopération avec les militaires russes.

Ces opérations ont impliqué la France qui restait jusque-là à l’abri des bouleversements au Moyen-Orient. Elle a fini par déclarer la guerre aux organisations terroristes et à réclamer la constitution d’une alliance générale entre Washington, Moscou et Paris.

Dynamiques… nucléaires ou démographiques ?

Le renforcement de la puissance de l’Iran au Moyen-Orient préoccupe la France qui a opté pour des politiques très spécifiques en vue de préserver ses intérêts en s’opposant fermement au programme nucléaire iranien. Le soutien à l’Iran en matière nucléaire signifierait la perte de marché pour la France en matière d’armements. En effet, les pétromonarchies arabes sont des opposants farouches aux politiques iraniennes.

Par ailleurs, l’échec occidental quant à une rapide victoire en Syrie et la conclusion d’accords avec l’Iran ont poussé la France à ne pas sous-estimer la puissance iranienne.

La France possède un poids économique, diplomatique, politique et militaire. Elle est l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. C’est une puissance nucléaire qui appartient aux cercles restreints où se prennent les décisions qui influent sur le monde : le Conseil de sécurité, le G8, le G20, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, l’Union européenne, l’OTAN, l’OCDE, le Conseil des gouverneurs de l’AIEA, elle dispose d’un réseau diplomatique qui reste le deuxième au monde.

Aujourd’hui la France fait face à des défis considérables, tel que l’augmentation du chômage, les bouleversements liés aux réformes de la loi travail, le rejet de ses gouvernants, la crise des refugiés et l’immigration, enfin surtout le terrorisme.

Le terrorisme, sous toutes ses formes et manifestations, constitue l’une des dégradations les plus préjudicielles de la paix et de la sécurité du monde d’aujourd’hui. Or tous les actes de terrorisme, quels qu’ils soient, sont criminels car injustifiables. Il s’en suit l’impératif de condamner une fois de plus catégoriquement l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, connu également sous le nom de Daesh), le réseau Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés dans les actes  destructeurs terroristes qu’ils ne cessent de perpétrer en provoquant la mort de civils innocents et d’autres victimes, l’anéantissement de biens et de structures précieux, ainsi l’irréparable et tragique atteinte à la stabilité fondamentale du monde.

Le terrorisme étant un phénomène global, tous les Etats sont donc concernés à juste titre, et se doivent de collaborer ensemble contre lui.

Conscient du mal que perpétue le terrorisme, nous devons mener une action collective urgente prioritaire aux niveaux national, régional et international, dans le respect du droit international et de la Charte des Nations Unies. Nous devons reconnaître que le terrorisme ne peut et ne saurait être associé à aucune religion, nationalité ou civilisation, mais à des prétentions désuètes, égoïstes, arbitraires et obscurantistes. C’est à juste titre que nous devons reconnaître être extrêmement alarmés par l’existence violente et par les motifs primitifs extrémistes de l’EIIL, d’Al-Qaida et des éléments qui leur sont affiliés au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et au-delà.

Nous devons réaffirmer notre attachement à la souveraineté, à l’intégrité territoriale et à l’indépendance politique de tous les États, conformément à la Charte de l’Organisation des Nations Unies et aux déclarations de son président sur les menaces et les actes contre la paix et la sécurité internationales et découlant de terrorisme, en date du 15 janvier 2013 (S/PRST/2013/1), du 28 juillet 2014 (S/PRST/2014/14), du 19 novembre 2014 (S/PRST/2014/23), du 29 mai 2015 (S/PRST/2015/11) et du 28 juillet 2015 (S/PRST/2015/14),

Il faut combattre par tous les moyens prévus par la Charte des Nations Unies et par le droit international, notamment le droit international des droits de l’homme, le droit international des réfugiés et le droit international humanitaire, ce terrorisme qui sabote l’épanouissement international. Aujourd’hui notre monde fait face à un terrorisme sournois qui se sert de la foi et de la religion afin de commettre la violence et l’horreur. Si la France est une cible des terroristes, c’est en conséquence de son engagement dans une véritable guerre contre le terrorisme.

C’est pourquoi il est du devoir des institutions parlementaires nationales et européennes d’établir une commission d’enquête pour identifier les pays qui forment, financent, arment, soutiennent et achètent le pétrole vendu par les terroristes, et de mettre en place un embargo sur la vente d’armes et sur l’achat de pétrole, aux Etats potentiellement concernés ou qui peuvent l’être.

Je demande solennellement que cette commission d’enquête soit mise en place de toute urgence eu égard à la gravité croissante du terrorisme. C’est uniquement grâce à une action collective, qu’il sera possible de mettre fin à ce danger qui menace l’humanité toute entière.

Notre devoir est de combattre ce phénomène. Pour ce faire, la communauté internationale doit veiller à rétablir les piliers de respect mutuel entre les communautés, et reconstruire les pays déchirés en traitant les crises identitaires, et en installant des valeurs universelles, celles des droits de l’Homme.

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