LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET REGIONALES ET LES REVOLTES ARABES

Ninou GARABAGHI

Docteur d’Etat en Sciences économiques de l’Université de la Sorbonne Paris I. Ancien haut fonctionnaire international.

2eme trimestre 2011

L’objet de cet article est de comprendre le rôle attendu des organisations régionales, no­tamment l’UA et l’UMA dans le processus de gestion des crises qui secouent le Maghreb et le Machrek. Après un bref examen de la question du rôle d’intermédiation politique des organisations régionales, il s’agira d’analyser plus longuement les raisons de la carence de ces entités d’intermédiation légitimes, de comprendre le sentiment du vide juridique et l’absence de cadre légal d’intervention et d’ingérence.

Thepurpose of this paper is to understand the expected role of the régional organizations na-mely the AU (African Union) and the AMU (Arab Maghreb Union ) in theprocess of crises management in the Maghreb and the Middle East. After a brief discussion of the role of the regional intermediation organizations, it will more fully analyze the reasons for the failure of these legitimate intermediary entities, understand the feeling of the absence of the juridiction and legalframework for intervention and interference.

La vague des manifestations insurrectionnelles survenues dans les pays arabes d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient a pris au dépourvu les pays occidentaux dont notamment les Etats-Unis d’Amérique et ce, en dépit du projet du Grand Moyen-Orient de George W. Bush qui, dans sa stratégie d’ingérence impérialiste de visée démocratique et/ou sécuritaire, considérait le Moyen-Orient comme « un lieu de tyrannie, de désespoir et de colère ».

Le fait marquant dans les révolutions tunisienne et égyptienne a été l’atten­tisme de l’Occident et le retrait des Organisations régionales locales en général. Si la Ligue des Etats arabes, le Conseil de Coopération du Golfe et l’Union africaine ont également réagi avec retard dans les cas de la Tunisie et de l’Egypte, ils ont aussi et surtout fait preuve d’une remarquable cacophonie dans leur réponse à la crise libyenne tandis que nous avons eu droit dans tous les cas au silence radio de l’Union du Maghreb arabe (UMA).

Droit d’ingérence ou devoir d’ingérence ? Dans les réactions et/ou réponses ex­ternes aux mouvements insurrectionnels en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et à leur répression par les autorités en place, il semblerait que nous ayons d’abord et surtout affaire à des défaillances du devoir de médiation et de protection des Organisations régionales ce, avant que la polémique concernant le recours au droit d’ingérence externe ne prenne la relève.

Après un bref examen de la question du rôle d’intermédiation politique des Organisations régionales, il s’agira d’analyser plus longuement les raisons de la ca­rence des entités d’intermédiation légitimes en dépit de la pléthore des instances régionales et internationales et de comprendre le sentiment de vide juridique et d’absence de cadre légal légitimé d’intervention ressenti envers et à cause des résolu­tions du Conseil de sécurité. Ceci devrait nous conduire à la question fondamentale de l’absence de référentiels universellement admis en matière d’ingérence.

Dans l’ordre de la stratégie, la question de fond consiste donc à savoir pourquoi la procédure de règlement pacifique des conflits via les Organisations régionales n’a pas été privilégiée ? Une des questions subsidiaires consiste à savoir pourquoi la procédure de règlement pacifique des différends n’a pas été privilégiée dans tous les cas de conflit ? Que l’on ait opté pour une médiation politique ou une in­tervention militaire, pourquoi les recours aux acteurs régionaux n’ont-ils pas été privilégiés ? Pour tenter de répondre à ces questions et mieux sérier les problèmes sous-jacents, il a paru intéressant d’examiner les prises de position au regard des révoltes successives et les postures en faveur de la légalité ou de la justice des diffé­rentes Organisations clés : l’Organisation des Nations Unies, l’Union européenne, la Ligue des Etats arabes, l’Union africaine, le Conseil de Coopération du Golfe et l’Union du Maghreb arabe.

Du devoir d’intermédiation politique des Organisations régionales au droit d’ingérence des Organisations internationales

Avec la vague d’insurrections dans le monde arabe, nous sommes en présence de conflits internes entre une majorité de la population des pays concernés et leur gouvernement1. En l’absence d’une volonté commune et reconnue de négociations entre les belligérants (les peuples et leur Etat) il est besoin d’une entité tierce, ha­bilitée à jouer le rôle d’intermédiation politique. Le chapitre VI de la Charte des Nations unies relatif au Règlement pacifique des différends ne traitant que des dif­férends entre Etats membres ne couvre pas des questions afférentes aux conflits internes aux Etats membres.

Il est vrai que le droit international prévoit un droit d’intervention dans les affaires internes d’un Etat membre mais pour autant que la paix et la sécurité inter­nationale soient menacées (article 2 alinéa 7 de la Charte des Nations unies). Il est vrai aussi que seul l’ONU, en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies (Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression) est habilitée à « s’ingérer » dans de tels conflits internes à un Etat membre. Du fait que l’article 52 du chapitre VIII relatif aux Accords régionaux « encourage le développe­ment du règlement pacifique des différends d’ordre local par le moyen de ces accords ou de ces organismes régionaux », pour des raisons évidentes d’ordre pratique et politique, il est habituel dans le règlement des différends d’ordre local de privilégier les orga­nisations régionales concernées.

Il est piquant à cet égard de préciser dès à présent que la disposition relative à la fonction d’arrangements régionaux d’après laquelle « la sécurité régionale est une af­faire interne des Etats de la région » fait suite à une proposition de la Ligue des Etats arabes faite en 1945 lors de l’élaboration de la Charte de l’ONU à San Francisco.

En ce qui concerne la toute récente vague des rébellions populaires au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le recours à des organisations autochtones s’imposait d’autant plus que ces révoltes s’opèrent dans des pays marqués par le traumatisme irakien et où une nième intervention purement occidentale dans un pays musulman pourvu de ressources pétrolières avait et a toujours de forte chance d’être considérée comme guidée par des intérêts économiques et comme des actes d’ingérence de visée néo-impériale pour certains et géostratégique pour d’autres. La question de fond consiste donc à savoir pourquoi dans la crise libyenne n’a-t-on pas voulu privi­légier la procédure de règlement pacifique des conflits internes via les organisations régionales avant de recourir à la forme ultime du droit d’ingérence par les forces armées des pays occidentaux ?

Le paradoxe du droit d’ingérence sous couvert du devoir de protection : Position des différents pays au sein du Conseil de sécurité de l’ONU

En 2005, le Sommet mondial des Nations unies consacre le droit d’ingérence humanitaire (versus devoir de protection de la communauté internationale) en reconnaissant les génocides, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité comme des menaces contre la paix auxquelles le Conseil de sécurité à le droit et le devoir de faire face en mobilisant les pouvoirs contraignants que lui confère le chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

D’aucuns s’interrogent sur l’attentisme manifesté par les pays occidentaux dans les révoltes tunisienne et égyptienne. Ils se demandent pourquoi l’Occident a décidé d’intervenir pour protéger les populations civiles menacées de massacre dans le cas de la Libye d’abord et de celui de la Côte d’Ivoire ensuite mais pas dans les cas de la Syrie, de Bahreïn ou du Yémen ? Autres temps, autres mœurs, concernant la Syrie, par exemple, certains se souviennent de la guerre civile qui avait opposé le mou­vement des fondamentalistes sunnites, les Frères musulmans, au pouvoir de Hafez Al-Assad au début des années quatre-vingt et qui s’était soldée par la destruction de la ville de Hama et la mort de plus de vingt mille personnes. Personne n’avait dit mot à l’époque ! Certes, mais les choses ont changé. Aujourd’hui, nous sommes à l’ère des nouvelles technologies de l’information et des communications. On ne peut plus faire semblant d’ignorer ce qui se passe ailleurs, mais la «communauté in­ternationale» est-elle aussi impartiale et moralement irréprochable qu’on veut nous le faire croire ?

De l’attentisme à l’intervention militaire

Pour bien sérier les questions et identifier les problèmes là où ils existent, com­mençons par voir pourquoi l’intervention militaire en Côte d’Ivoire ne peut légiti­mer l’intervention en Libye. En effet, faisant appel à un raisonnement par analogie, certains s’appuient sur l’exemple de la Côte d’Ivoire pour justifier et légitimer à posteriori l’intervention militaire en Libye2. Les situations en Côte d’Ivoire3, en Libye, en Syrie, à Bahreïn et au Yémen sont comparables en ceci que nous avons et/ou avons eu dans tous les cas affaire à des massacres d’innocents. La question essentielle consiste à savoir si la réponse à ces massacres qui sont identiques peut être identique ? Du point de vue du droit, la réponse est négative car la situation de la Côte d’Ivoire diffère complètement des autres cas. Dans le cas de la Côte d’Ivoire l’ingérence démocratique a permis de rétablir la légalité. Dans le cas de la Libye l’ingérence démocratique cherche à rompre avec la légitimité en place ; elle vise à changer de légalité, c’est-à-dire à renverser l’ordre existant au nom d’un idéal de justice, ce qui n’est pas la même chose du tout.

Venons en maintenant aux critiques adressées à l’Occident concernant son at­tentisme. Si attentisme il y a, car d’aucuns prétendent que les révoltes ont été fo­mentées sinon appuyées a posteriori conformément au maxime de Giuseppe Tomasidi Lampedusa selon lequel « Il faut que tout change pour que rien ne change ». En tout état de cause, changement suscité ou changement accompagné, il s’agit de toute évi­dence d’éviter dans tous les cas tout risque de rupture aux conséquences chaotiques.

La première raison de l’attentisme que l’on a tendance aujourd’hui à oublier tient à la stratégie sécuritaire de l’Occident dans la région fortement influencée par les représentations géopolitiques dans le contexte post-2001. Hanté par le spectre de l’islam radical, l’Occident pensait avoir identifié dans la nébuleuse Al-Qaïda son véritable ennemi et décidait de soutenir en tant qu’ « alliés » les dictateurs corrom­pus prêts à collaborer à la traque des réseaux terroristes sévissant dans leur pays. Il y a par ailleurs la peur de l’immigration illégale, l’autre « mal endémique » inhérent à la mondialisation économique que l’Agence européenne pour la gestion de la coo­pération opérationnelle aux frontières extérieures (FRONTEX) tente d’endiguer via sa politique de sous-traitance aux pays du Maghreb et du Sahel du contrôle aux frontières de l’immigration clandestine.

Une troisième raison tient au fait que dans les cas de la Tunisie et de l’Egypte nous sommes en présence de conflits internes dont le caractère pacifique a pu être préservé4, le cas de la Tunisie étant même qualifié de « révolution du Jasmin »5. Tandis que pour les autres cas (Libye, Syrie, Bahreïn et Yémen) nous avons affaire à une répression sanglante des révoltes populaires et dans le cas spécifique de la Libye d’abord et de la Syrie maintenant nous sommes en présence de quasi guerres civiles.

La quatrième raison est que dans le cas de la Libye, avec Khadafi nous sommes en présence d’un chef d’Etat qui, plus que Saddam Hussein, a réussi par ses diatribes à faire l’unanimité contre lui en Occident et pas mal d’ennemis ailleurs y compris dans les pays arabes, chose encore plus grave si ce n’est fatale pour lui.

La cinquième raison et non des moindres est que l’Occident a obtenu un sem­blant d’accord de la part d’une des organisations régionales concernées et non la moindre, en l’occurrence la Ligue des Etats arabes pour une intervention militaire en Libye. Nous reviendrons plus loin sur la position de la Ligue des Etats arabes et surtout du Conseil de coopération du Golfe (CCG) quant aux sanglantes répres­sions en Syrie, à Bahreïn ou au Yémen.

Après avoir analysé les raisons de l’attentisme général vis à vis de la crise tuni­sienne venons en maintenant à la question de l’intervention militaire en Libye. Il nous faut ici ouvrir une parenthèse pour fournir quelques éclaircissements concer­nant les différentes utilisations qui ont été faites du terme croisade6 au sujet de cette intervention car au-delà de leur aspect polémique ces références riches d’enseigne­ment ont leur importance.

Le 12 mars 2011, cinq jours avant la résolution fatidique du Conseil de sécurité de l’ONU concernant la Libye, à la faveur d’une réunion des chefs de la diplomatie de l’Union européenne près de Budapest, Guido Westerwelle, ministre allemand des Affaires étrangères, met en garde contre les risques d’une éventuelle interven­tion militaire qui pourrait donner l’impression « d’un affrontement de l’Occident contre le monde arabe, ou bien d’une croisade chrétienne contre des populations de croyance musulmane ». Le samedi 19 mars le lendemain de l’intervention militaire de la coalition, Kadhafi expert en diatribes affirme qu’il ne laissera jamais « les pays croisés » prendre possession de la Libye et de son pétrole.

Le 21 mars 2011, le Premier ministre russe Vladimir Poutine, opposé aux frappes aériennes en Libye, compare la résolution des Nations Unies instaurant une zone d’exclusion aérienne à des «appels à la croisade du Moyen-Age». Le jour même de cette intervention, le ministre de l’Intérieur français prenait soin de préciser, pour le cas ou cela serait passé inaperçu, que c’est, M. Nicolas Sarkozy, le Président de la République française qui a pris « la tête de la croisade pour mobiliser le Conseil de sécurité des Nations unies et puis la Ligue arabe et l’Union africaine » concernant l’intervention militaire en Libye.

Le ministre de l’Intérieur français a probablement voulu faire bien en divulguant l’information qui montre comment, pour éviter que l’intervention militaire puisse être taxée d’occidentale, le Président de la République française a judicieusement pris soin de mobiliser les Organisations régionales arabes et africaines concernées au premier chef. Mais le revers de la médaille de cette précision est qu’elle a l’incon­vénient de signifier que l’initiative de l’intervention militaire revient à la France7.

Il est dès lors étonnant que mi-avril alors que l’intervention militaire qui com­mence à battre de l’aile est remise en cause, dans une Tribune commune aux trois dirigeants américains, anglais et français, parue le 15 avril 2011 – contrairement aux faits relatés – la Ligue arabe est mise au premier rang et désignée en tant qu’initia­teur de l’intervention militaire comme suit : « Nous ne devons jamais perdre de vue les raisons qui ont initialement obligé la communauté internationale à agir. Lorsque la Libye a plongé dans le chaos à la suite des attaques du colonel Kadhafi contre son peuple, la Ligue arabe a exigé des actes. »

Les gouvernements des pays occidentaux qui ont plaidé pour une intervention armée en Libye s’appuient soit sur l’argument humanitaire et dans ce cas, l’interven­tion est guidée par des motivations d’ordre compassionnel (massacre de la popula­tion), soit sur l’argument de la défense des valeurs universelles (liberté, dignité, ..) dans ce cas l’intervention militaire est guidée par la mission civilisatrice de démocra­tisation du Grand Moyen-Orient (Afrique du Nord et Moyen-Orient).

Le problème à cet égard est qu’avec l’évolution de la situation en Afghanistan et plus encore en Irak, l’objectif de promotion de la démocratie reconnue en 2006 comme « la priorité stratégique n°1» de notre temps par les Etats-Unis et l’Union européenne ne recueille plus le soutien inconditionnel des opinions publiques notamment au centre nerveux du problème, c’est-à-dire aux Etats-Unis. D’après Rosanvallon8 « l’usage de la force militaire pour atteindre l’objectif célébré a alimenté au premier chef les doutes, les perplexités et les rejets.»

A aucun moment les pays occidentaux n’ont voulu mettre sur le devant de la scène les arguments d’ordre économique qui ont pourtant leur importance et qui seuls pourraient, au-delà de la crédibilité de la ou des cause(s) qui servent de justi­fication, assurer à défaut d’une légitimité juridique tout au moins un semblant de légitimité économique à leur intervention militaire en Libye.

Qu’elle recueille l’adhésion ou non, cette intervention aurait pu être politique­ment justifiée auprès de l’opinion publique si elle avait été présentée comme une menace contre la paix consécutive aux risques de ruptures d’approvisionnements en pétrole mettant ainsi en cause la sécurité énergétique, ce qui aurait équivalu à une guerre préventive. Guerre illégale pour le droit international, cette guerre préventive aurait été destinée à éviter une nouvelle crise économique mondiale devant, pour la façade, comme à l’accoutumée affecter d’autant plus les pays les plus pauvres. Sinon pourquoi les pays occidentaux n’ont-ils pas jugé utile de plaider en faveur d’une intervention militaire pour éviter les massacres en cours dans d’autres pays (Bahreïn, Yémen, etc.).

En effet, la Charte des Nations Unies ne légitime pas le recours à la force en cas de menace contre les intérêts économiques. D’après, le droit international de la guerre ce n’est que dans le cas d’une agression armée qu’une guerre préemptive est légale. Et si l’on se situe dans le cadre du droit international humanitaire, les guerres préventives ne sont entrées dans les mœurs que pour protéger des vies humaines. En conséquence, compte tenu du fait que le conflit libyen a fait plus de 10 000 morts depuis l’intervention militaire externe9, celle-ci ne peut être légitimée par des rai­sons d’ordre humanitaire.

Ainsi qu’il a été signalé, si la Libye après l’Afghanistan et l’Irak est victime de bombardements au-delà des raisons d’ordre stratégique, c’est également parce qu’elle a eu le malheur d’avoir à sa tête un chef d’Etat qui, moins que Ben Laden mais plus que Saddam Hussein, a réussi à faire l’unanimité contre lui au Conseil de sécurité de l’ONU puisqu’aucun pays n’a jugé bon le 17 mars de voter contre la résolution des Nations Unies instaurant une zone d’exclusion aérienne. En ce sens il est permis de penser que les passions tout autant que les intérêts ont eu une in­fluence sur les résultats du vote. Quelques mots sur le personnage s’imposent donc.

Comment Kadhafi a réussi à faire l’unanimité contre lui : « Le savant et la politique » ?

Dans son Livre vert, Mouammar El Kadhafi fustige tous les régimes politiques en place en ces termes : « De nos jours, l’ensemble des régimes politiques est le ré­sultat de la lutte que se livrent les appareils pour parvenir au pouvoir ; que cette lutte soit pacifique ou armée, comme la lutte des classes, des sectes, des tribus, des partis ou des individus, elle se solde toujours par le succès d’un appareil, individu, groupe, parti ou classe et par la défaite du peuple, donc par la défaite de la démocratie véritable ». L’auteur du « Livre vert annonce au peuple «sa» découverte du chemin de la démocratie directe » ; puisque « sa » « troisième théorie universelle nous pré­sente une expérience réaliste de démocratie directe, le problème de la démocratie se trouve donc définitivement résolu dans le monde »10.

Winston Churchill11 peut désormais dormir tranquille, grâce à Mouammar El Kadhafi, l’humanité a trouvé les moyens de passer « de l’ère de la dictature à celle de la démocratie directe ». L’idéal de communauté humaine ne peut être le produit de solutions conçues par quelques illuminés, heureusement que Max Weber dans son livre « Le savant et la politique » a pris soin de mettre en garde contre les pro­phéties. Pour détendre un peu l’atmosphère, rappelons que pour Kadhafi, entasser les enfants dans des crèches c’est les assimiler à des poussins, car les crèches sont semblables à ces élevages de volailles où l’on entasse des poussins après éclosion des œufs »12.

Le problème est que Kadhafi ne se contente pas d’être un savant, il est d’abord et surtout un homme politique. Il est nécessaire donc ici d’ouvrir une parenthèse pour faire état de certaines de ses prises de position et diatribes qui permettent d’éclairer l’absence totale d’opposition lors du vote de la résolution 1973 du Conseil de sécu­rité de l’ONU à l’encontre du régime de Kadhafi.

 

Commençons par le Qatar qui est à la tête de tous les Etats arabes qui se sont positionnés contre Kadhafi. D’après la presse algérienne, l’émir du Qatar est par­ticulièrement hostile à Kadhafi car ce dernier lui aurait manqué de respect lors d’une séance de débat à la Ligue arabe au Qatar. Il est également important de comprendre l’abstention de la Chine qui a pourtant un droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU. Ici nous ne sommes plus dans le registre des susceptibilités personnelles mais politiques d’abord et ensuite de prise de positions libyennes pas­sées portant atteinte aux intérêts économiques de ce pays. En effet, non seulement le clan Kadhafi entretient des relations avec Taiwan ce qui ne plait pas à Pékin ; de plus, Mouammar Kadhafi a opté pour une posture d’opposition affichée à la présence chinoise en Afrique, il a même été jusqu’à proposer de créer une armée africaine pour bouter les chinois hors d’Afrique, ce qui ne se pardonne pas.

On ne peut par ailleurs ignorer les vieux contentieux tant américains que fran-çais13. Devenu fréquentable pour les gouvernements européens, Kadhafi continue néanmoins à poser des problèmes ici aussi et toujours. A l’ouverture du sommet Afrique-Europe, Mouammar Kadhafi s’adressant aux Européens déclarait « En ce qui concerne L’Union pour la Méditerranée, nous n’acceptons ni la partition de l’Afrique ni le découpage de l’Afrique du Nord pour la rattacher à la Méditerranée, tout comme vous n’accepterez pas que le Sud de l’Europe soit découpé et rattaché à l’Union africaine », et tout aussi clairement il réclamait «une coopération d’égal à égal, sans partition, ni destruction de l’unité nationale» et pas moins que ça.

L’Union européenne en quête d’une ingérence démocratique légitimée

Autres temps, autres mœurs. Aujourd’hui, à l’ère de la « démocratie des NTIC »14, on ne badine pas avec l’opinion publique. Quitte à devoir faire appel à l’arme de la désinformation, tout doit paraître éthiquement irréprochable y com­pris et surtout les actes d’ingérence compte tenu des déboires du passé récent. On sait que l’ingérence fait partie de la panoplie des privilèges des plus forts. Pour être acceptée par l’opinion publique elle doit être légitimée en amont et en aval. Pour pouvoir bénéficier du label d’« ingérence démocratique », une intervention armée des pays disposant de l’arsenal militaire idoine doit d’abord s’assurer en amont la lé­gitimité que confère l’arsenal juridique de l’ONU. Mais la légitimité juridique ainsi obtenue ne suffit pas elle doit être complétée en aval par une légitimité politique obtenue auprès des entités régionales concernées.

La résolution 1973 de l’ONU autorisant le recours à la force contre le régime de Kadhafi n’a recueilli que deux tiers des voix et l’Allemagne fait partie des pays qui se sont abstenus, l’intervention militaire en Libye n’a donc pas fait l’unani­mité en Europe. L’abstention de l’Allemagne15 est d’autant plus grave qu’elle est révélatrice du manque de cohésion en matière de politique étrangère au sein de l’Union européenne. Il est à noter à cet égard que le 11 mars 2011, c’est-à-dire six jours avant l’adoption de la résolution, à l’issue d’un sommet extraordinaire de l’Union européenne à Bruxelles sur la situation en Libye, le Président de l’Union européenne, Herman Van Rompuy devait déclarer «Afin de protéger la population civile [libyenne], les Etats membres [de l’UE] examineront toutes les options né­cessaires, à condition qu’il y ait un besoin démontré, une base juridique claire et un soutien de la région».

La position du Président de l’Union européenne est particulièrement juste et sage à la fois ; car comme il a été souligné, le droit international ne prévoit rien en cas de conflits internes et toute dérogation au principe de non ingérence doit être justifiée par une menace pour la sécurité collective. Par ailleurs, si problème de sé­curité il y a, celle-ci est tout autant régionale qu’internationale et concerne d’abord l’Afrique comme Jean Ping, le Président de la Commission de l’Union africaine, l’a souligné. Or d’après la disposition relative à la fonction d’arrangements régionaux de la Charte des Nations Unies « la sécurité régionale est une affaire interne des Etats de la région » d’où la nécessité d’une « base juridique claire » et du « soutien de la région ».

En effet, le 19 mars 2011, deux jours après l’intervention armée de la « coali­tion » en Libye, le Comité ad hoc de haut niveau de l’Union africaine (UA) sur la Libye créé par la 265ème réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA, tenue à Addis-Abeba, le 10 mars 2011, s’est réuni à Nouakchott et « la réunion a réitéré la profonde préoccupation de l’Union africaine face à la situation actuelle et à ses conséquences humanitaires. Elle a souligné la grave menace que cette situation faisait peser sur la paix, la sécurité et la stabilité de la région dans son ensemble. » Et six jours plus tard, dans son discours d’ouverture de la réunion du 25 mars de l’Union africaine à Addis Abeba sur la crise en Libye, le président de la Commission de l’Union africaine, Jean Ping a affirmé « La situation qui prévaut en Libye est d’une gravité extrême, tant pour ce pays que pour la région dans son ensemble ».

Pour allier rigueur et pertinence, il nous faut préciser que le terme de région ici peut être compris dans une perspective géographique, politique, économique ou culturelle, toute l’ambiguïté de la situation est là : la Libye appartient au conti­nent africain, elle fait partie de la Ligue des Etats arabes, elle est l’un des cinq Etats fondateurs de l’Union du Maghreb arabe (UMA), elle est également membre de l’Organisation de la conférence islamique (OCI). Et on ne peut ignorer que l’Orga­nisation de la conférence islamique et la Ligue des Etats arabes se sont prononcées en faveur de l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne pour protéger la popu­lation civile en Libye.

Pour résumer, la position de l’UE a été qualifiée de juste et de politiquement sage à la fois, car si la recherche d’une ingérence démocratique, c’est-à-dire d’un droit d’intervention militaire appuyé par la communauté internationale16 était la condition nécessaire à toute intervention, elle n’est en revanche pas suffisante car elle a besoin pour être opérationnelle de l’appui des principales entités régionales.

De la légitimité politique d’une guerre préventive : la Ligue des Etats arabes et le droit d’ingérence

Organisation intergouvernementale régionale, la Ligue des Etats arabes est la plus ancienne organisation internationale créée à la fin de la Seconde Guerre mon­diale. Cette entité régionale se targue de sa paternité de la reconnaissance par la communauté internationale dans sa Charte de la «possibilité» du règlement paci­fique des différends d’ordre local par le moyen d’accords ou d’organismes régionaux. Il convient de préciser qu’à l’origine c’est-à-dire en 1945, la Ligue arabe –constituée alors par de jeunes Etats qui venaient de s’affranchir du joug du colonial– cherchait à ce que dans le règlement des conflits locaux la primauté soit donnée aux systèmes régionaux de sécurité.

Pour la Ligue des Etats arabes, il s’agissait d’obtenir que la sécurité régionale soit reconnue comme étant d’abord et surtout une affaire interne des Etats de la région en vue de limiter autant que faire se peut l’ingérence occidentale dans les affaires internes des Etats arabes. Mais cette requête étant contraire à l’esprit du plan de Dumbarton Oaks fondé sur le principe de sécurité collective internationale, l’inégalité des rapports de force oblige, la Charte se limite d’évoquer sa «non opposi­tion» aux accords régionaux17. En résumé, le multilatéralisme servira de façade pour légitimer l’ingérence démocratique des grandes puissances via le Conseil de sécurité (Chapitre VII de la Charte) et, pour donner satisfaction aux revendications des Etats arabes nouvellement indépendants, les systèmes de sécurité régionale seront tolérés (Chapitre VIII de la Charte) pour autant qu’ils demeurent sous la tutelle du Conseil de sécurité18.

Il est bon de revendiquer son indépendance et de refuser toute ingérence externe mais encore faut-il être en mesure d’en assumer les conséquences. En effet, dans le cas de la Tunisie, ce n’est que le samedi 15 janvier le lendemain de la fuite en Arabie saoudite du président Zine El Abidine Ben Ali que la Ligue arabe fait sa première grande déclaration sur la situation en Tunisie19. Hésitation ou prudence ? Les deux probablement car avec la Ligue des états arabes nous avons affaire à une organisa­tion panarabe certes mais il s’agit avant tout d’une Ligue des « Etats » arabes et cela il ne faut pas l’oublier non plus. Evoquant dans un communiqué la « phase historique dont le peuple tunisien est témoin » la Ligue arabe demande « à toutes les forces politiques, ainsi qu’aux représentants de la société tunisienne et aux officiels, d’être unis pour le bien du peuple et pour réaliser la paix civile ».

Courant février, après les révolutions tunisienne et égyptienne, une vague de contestation balaie plusieurs pays arabes, dont la Libye, l’Algérie, le Bahreïn, le Yémen et le Sultanat d’Oman. Et, ironie du sort, la Libye assure la présidence tour­nante de la Ligue arabe. Le vendredi 18 février –c’est-à-dire trois jours après le dé­but des manifestations en Libye– l’agence de presse officielle libyenne Jana annonce le report du sommet de la Ligue arabe qui devait se tenir le 29 mars à Bagdad.

Moment névralgique et historique pour la Ligue des Etats arabes qui risque le discrédit auprès de l’opinion publique arabe d’abord et internationale ensuite. Mais la Ligue arabe assure : ce n’est pas le sommet de la Ligue arabe qui sera renvoyé aux calendes grecques comme annoncé par la Libye mais c’est la Libye qui sera immé­diatement suspendue par la Ligue arabe. Le samedi 20 février, le lendemain de l’an­nonce par la Libye du report du sommet, la Ligue arabe souligne l’importance de maintenir son prochain sommet en invoquant « la gravité des circonstances actuelles » au Proche-Orient, dans le Golfe et au Maghreb.

Le lundi 28 février, à l’ouverture de la 16ème session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève, Hillary Clinton, la Secrétaire d’Etat américaine salue cet acte d’indépendance en ces termes : « La Ligue arabe mérite nos éloges. C’est elle qui la première a suspendu la Libye alors que celle-ci assurait la présidence tournante de l’organisation. »

Le samedi 12 mars, sourdes aux appels à l’ordre contre les répressions sanglantes les forces loyales à Mouammar Kadhafi maintiennent la pression sur les insurgés dans l’Est de la Libye ; la Ligue arabe doit s’assumer, elle se prononce au Caire pour l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne.

Non soutenue par l’Union africaine qui a boudé les réunions de Paris et de Londres sur l’intervention militaire «extérieure» en Libye et préoccupée par le risque d’enlisement des opérations de l’OTAN en Libye, la Ligue des Etats arabes doit faire montre de son indépendance auprès de l’opinion publique arabe. Le dimanche 10 avril la Ligue arabe annonce à l’issue d’une réunion tenue au Caire avoir « chargé le groupe arabe à l’ONU d’appeler à une réunion du Conseil de sécurité pour deman­der qu’une zone d’exclusion aérienne soit imposée à l’aviation israélienne au-dessus de Gaza comme c’est le cas au-dessus de la Libye ».

La question consiste maintenant à savoir pourquoi l’Union africaine n’a pas souhaité s’associer à la Ligue des Etats arabes dans sa demande d’une zone d’exclu­sion aérienne au-dessus de la Libye, ce soutien étant d’autant plus précieux que son arsenal juridique prévoit pour les cas de conflits internes la possibilité d’outrepasser le principe de non ingérence.

De la légitimité juridique d’une guerre préventive : l’Union africaine et le droit d’ingérence

Il faut reconnaître qu’aujourd’hui sur le plan juridique l’Afrique est à l’avant garde de tout ce qui est souhaitable en matière de construction supranationale20. Le paradoxe est d’autant plus flagrant qu’invité le 23 mars 2011 sur les ondes de France culture pour intervenir sur l’intervention militaire de la France en Libye, Bernard Kouchner s’est senti obligé de citer l’article 4 principe (h) de l’Acte consti­tutif de l’Union africaine pour légitimer sa prise de position en faveur du droit d’ingérence : « voilà l’Union africaine qui nous demande d’intervenir », a-t-il pré­cisé, « l’article 4 nous demande d’intervenir » a-t-il renchéri !

Bernard Kouchner a raison, l’Union africaine est la seule organisation régionale dont l’acte constitutif outrepasse le principe de non ingérence. Il est important à cet égard de préciser que l’Acte constitutif de l’Union africaine tout en reconnais­sant le principe de « non-ingérence d’un Etat membre dans les affaires intérieures d’un autre Etat membre » (article 4, principe g), reconnaît « le droit de l’Union d’intervenir dans un Etat membre sur décision de la Conférence, dans certaines circonstances graves, à savoir : les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité » (article 4, principe h).

Si juridiquement l’Union africaine est bel et bien à l’avant garde du principe du droit d’ingérence catégorie de l’ère post-westphalienne, dans le cas spécifique de la Libye l’Union africaine a refusé d’apporter son aval à la résolution 1973 du Conseil de sécurité. Lorsque Bernard Kouchner déclare sur les ondes de radio France que « voilà l’»Union africaine» nous demande d’intervenir », c’est à l’acte constitutif de l’Union africaine qu’il se réfère. Lorsqu’il souligne haut et fort : « l’article 4 «nous» demande d’intervenir », il rêve probablement d’un monde sans frontière à l’instar de ce qui se passe dans l’espace économique. Car s’il est vrai que l’acte constitutif de l’Union africaine légitimise le droit d’ingérence ; cette légitimisation du droit d’ingérence se limite en fait à ses Etats membres et non à une intervention interna­tionale et encore moins occidentale.

La question consiste maintenant à savoir pourquoi l’Union africaine n’a pas fait usage de cette disposition ? Si elle n’a pas estimé opportun de faire usage de cette disposition pourquoi l’Union africaine n’a-t-elle pas jugé bon de s’associer à la Ligue arabe qui s’est déclarée en faveur d’une intervention extérieure ? Est-ce parce que l’Union africaine a opté pour une solution politique, comme le déclare le représentant de l’UA ? Est-ce parce que les actifs libyens ont permis à Kadhafi de se créer de solides liens d’amitié avec les Africains, comme le soutiennent les insurgés libyens ? Est-ce parce que l’intervention militaire extérieure est assimilée à celle de la « coalition occidentale », comme le prétendent certains représentants de la société civile africaine ? Pour mieux comprendre la position de l’UA et se faire une idée de la justesse des arguments en faveur ou à l’encontre d’une intervention extérieure avancés par les différentes parties prenantes, il serait intéressant d’explorer les prises de positions des protagonistes au fil du temps.

Si d’après la maxime de Clausewitz « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », pour l’Union africaine la solution politique n’avait pas été épuisée avant l’« intervention militaire extérieure » et pour preuve le 10 mars, c’est-à-dire une semaine avant la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine déclarait qu’il fallait rejeter une intervention extérieure en Libye. D’après le président de la Commission de l’Union africaine il n’existe aucune ambiguïté quant à la position de l’Union africaine qui s’est exprimée contre toute intervention militaire extérieure21. Et si les trois pays africains membres du Conseil de sécurité ont voté pour la résolution c’est – d’après leurs dires – parce qu’ils « se sont sentis obligés ». Deux de ces pays qui ont dû « s’expliquer » ont déclaré avoir voté « mais dans le sens de la compréhension de la décision de l’Union africaine ». De sorte que in fine, l’Union africaine ne pouvant s’opposer à la communauté internationale a dû se contenter de formuler des ré­serves. De sorte que si la Ligue des Etats arabes a été présente à la réunion de Paris, l’Union africaine a été absente.

Si les réunions de médiation planifiées par l’Union africaine (UA) ont été dé­programmées par la décision du Conseil de sécurité, celle-ci n’a pas réussi à changer la position de l’Union africaine. De sorte que, réuni le 19 mars à Nouakchott au lendemain des frappes aériennes lancées par la coalition internationale en vue de protéger les civils libyens, le comité de l’UA sur la Libye, composé de cinq chefs d’Etat, appelle à « la cessation immédiate de toutes les hostilités » et convoque une réunion pour le vendredi 25 mars, au siège de l’UA à Addis-Abeba pour tenter de trouver une solution négociée à la crise en Libye.

Les ministres des Affaires étrangères des pays membres du comité de l’UA spé­cialement mis en place pour suivre la situation en Libye (Afrique du Sud, Congo, Mauritanie, Mali et Ouganda), des représentants de l’Union européenne, de la Ligue arabe, et des pays de la Conférence islamique participent à la réunion, ainsi qu’une délégation gouvernementale libyenne mais aucun délégué de la rébellion libyenne n’est présent. D’après le président de la Commission de l’UA, « La situa­tion qui prévaut en Libye est d’une gravité extrême, tant pour ce pays que pour la région dans son ensemble », la rencontre a pour but de « favoriser un échange de vues orienté vers l’action sur la situation en Libye et de rechercher les voies et moyens d’une sortie de crise rapide (…) ».

Sommes-nous en présence d’une guerre d’interprétation de visée psychologique et/ou médiatique ? Le vocabulaire utilisé par l’UA pour décrire la situation est sub­til. Nous avons affaire à une « crise » (refuse-t-on le qualificatif de guerre civile ?) et la « situation » qui prévaut en Libye (fait-on allusion à l’intervention militaire internationale ?) est d’une gravité extrême pas seulement pour le pays mais pour la « région » dans son ensemble (signifie-t-on par là qu’il s’agit d’une affaire interne à l’Afrique ?).

La position de l’UA est pourtant bien claire. Rejet de toute ingérence externe à la région, nous en sommes loin maintenant. Opposée à l’« intervention militaire extérieure » actuellement en cours en Libye qui plus est « menée par une coalition dirigée par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne » (les pays arabes sont omis !), l’UA appelle les parties libyennes au « dialogue ».

Refus de toute ingérence militaire, fidèle à sa position en faveur d’une solution négociée à la crise, le 10 avril l’Union africaine dépêche en Libye une délégation de quatre présidents et un ministre en tant que « médiateurs » mandatés pour les objectifs suivants : « cessation immédiate de toutes les hostilités, acheminement de l’aide humanitaire et ouverture d’un dialogue entre le régime et l’insurrection ». Cette feuille de route est acceptée le dimanche par Kadhafi ; reste à convaincre l’opposition.

Fort de l’appui de la communauté internationale via l’OTAN probablement, le lundi 11 avril après une discussion avec la délégation de l’UA, le Conseil national libyen de transition (CNLT) rejette tout cessez-le-feu impliquant le maintien au pouvoir de Mouammar Kadhafi ou de ses fils. Les chefs de la rébellion font re­marquer « la présence dans la délégation de l’UA de la Mauritanie et du Mali qui ont envoyés des mercenaires en Libye » et rappelant que « l’UA doit beaucoup à Kadhafi, elle a toujours était bienveillante à son égard » précisent « ces gens veulent que Kadhafi reste dans leurs intérêts personnels ».

Il est vrai que l’Union africaine comme les autres entités régionales a été prise de court par les révolutions arabes, mais – mieux vaut tard que jamais – elle a fini par faire savoir qu’elle soutenait la « transition pacifique » en Egypte. Deux poids deux mesures, tiraillée par le poids de ses contradictions, l’UA n’arrive pas à laisser tom­ber Mouammar Kadhafi. Il suffit d’écouter la voix de l’Afrique en ligne : « Attaquer la Libye c’est aussi s’attaquer à l’Afrique ». « C’est évidemment un tout autre point de vue que celui couramment exprimé. Il mérite d’être entendu » y précise-t-on.

Quels sont les intérêts de l’Afrique ? Sont-ils d’ordre financier ou politique ? Les deux probablement. On ne peut évidemment ignorer que la Libye de Kadhafi est un des principaux bailleurs de fonds de l’Afrique22. Mais l’attachement de l’Afrique à Kadhafi n’est pas seulement d’ordre financier il est également d’ordre idéologique et politique comme il ressort des titres fracassants des articles en sa faveur : « Libye : fallait-il empêcher que prenne corps le rêve des Etats-Unis d’Afrique ? ». En effet, Kadhafi qui a assuré la présidence tournante de l’Union africaine jusqu’en février 2010, a réussi durant sa présidence à enthousiasmer les pays africains par son idée de créer les Etats-Unis d’Afrique.

Près d’un mois après le déclenchement de l’intervention armée en Libye les pays de la coalition engagés sur le terrain militaire, contraints par la résolution 1973 de l’ONU à n’user que de l’arme aérienne, se heurtent à une impasse stratégique. La presse qui fait comme à l’accoutumée état des crises de la dette publique en Europe et aux Etats-Unis communique maintenant des statistiques relatives aux coûts de l’intervention militaire en Libye, l’opinion publique occidentale risque de bascu­ler. Victimes collatérales, risque de partition de la Libye, de nouvelles coalitions se constituent ici et ailleurs dans le monde.

Berlin, jeudi 14 avril, l’Allemagne a vu juste, elle persiste et signe « il n’y aura aucune solution militaire à ce conflit. » Une voix discordante ici au sein de l’Eu­rope. Ce jour même, ailleurs dans notre monde rétréci, à Sanya, dans le sud de la

 

Chine, les cinq pays émergents du groupe BRICs23 (le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud) se déclarent « profondément inquiets face aux troubles au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et de l’Ouest ». Ils se prononcent « contre l’usage de la force » et souhaitent que les pays affectés « parviennent à la paix, à la stabilité, à la prospérité et au progrès et occupent dignement leur rang dans le monde en fonction des aspirations légitimes de leurs peuples ».

Signe de faiblesse ? Dans une tribune commune parue le 15 avril 2011 dans cinq journaux à la fois, les présidents américain et français et le Premier ministre britan­nique justifient l’ingérence militaire contre le régime en place en rappelant qu’il ne faut pas « perdre de vue les raisons qui ont initialement obligé la communauté internationale à agir. Lorsque la Libye a plongé dans le chaos à la suite des attaques du colonel Kadhafi contre son peuple, la Ligue arabe a exigé des actes. L’opposition libyenne a appelé à l’aide. » Ils exigent le départ de Kadhafi en soulignant qu’« il est impossible d’imaginer que la Libye ait un avenir avec Kadhafi » Et déclarent vouloir « regarder vers l’avenir ».

L’Union africaine semble avoir vu juste à moins qu’elle n’ait influencé de fa­çon décisive le cours des événements. Le spectre de l’enlisement prédit semble se matérialiser. Il est à noter à cet égard que, conformément aux résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies, Kadhafi est frappé d’interdiction de voyager. S’il n’existe pas encore de mandat d’arrêt international contre le colonel Kadhafi, en revanche pour donner suite auxdites résolutions de l’ONU le procu­reur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, a ouvert une enquête contre Kadhafi et des hauts responsables libyens soupçonnés de « crimes contre l’humanité ». Etant donné que de toute façon le temps de la justice interna­tionale devrait venir, il s’agit entre temps de faire en sorte que le recours à la force ne ferme la possibilité d’une porte de sortie qui épargnerait des vies et éviterait l’enli­sement. Reste à savoir s’il faut négocier avec Kadhafi pour l’éviter ? Sinon comment obtenir une solution politique ?

D’après le président de l’association « We areAfrica»24, « la solution ne peut venir que de l’Union africaine » ; Kadhafi aurait dit qu’il « serait prêt à quitter le pouvoir si l’Union africaine le lui demandait ». Si « Kadhafi obéit à l’UA », c’est parce qu’il sait qu’en tant que de besoin « seul un Etat africain pourrait l’accueillir ». « Pour les africains, Kadhafi est celui qui leur a redonné un peu de fierté, de dignité… il a le soutien d’une bonne partie de la population ». Le problème est que l’UA ne semble pas concevoir d’avenir pour la Libye sans Kadhafi (père ou fils).

Comme on le constate nous sommes en présence de trois prises de positions externes sur la Libye dont deux conceptions diamétralement opposées concernant l’avenir de ce pays, la question est de savoir qui est habilité à décider de ce qui est juste ? N’oublions pas que nous sommes en présence d’un conflit interne, c’est-à-dire d’un conflit entre le peuple et son gouvernement. Légitimité du gouvernement et effectivité de l’Etat vont de pair. Lorsque le gouvernement n’est plus accepté par la nation, c’est l’Etat en tant que sujet de droit international qui est fragilisé. Il suffit dès lors que sans prendre garde le peuple autorise une ingérence externe ou que la «communauté internationale» décide de cette ingérence et alors c’est l’indépen­dance et donc la souveraineté de l’Etat qui est remise en cause et c’est in fine l’avenir de la nation toute entière qui est en jeu. Les cas de l’Afghanistan et de l’Irak sont là pour nous le rappeler.

Ainsi qu’il a été signalé précédemment d’après les partisans de l’intervention mi­litaire25 l’armée de Kadhafi est majoritairement constituée de mercenaires africains en provenance de la Mauritanie et du Mali. Du côté des opposants à l’intervention, c’est la provenance des rebelles qui est mise en cause. D’après le président de l’as­sociation « We are Africa »» par exemple, « La protection des civils s’est transformée en soutien à des rebelles dont nous ne savons rien. Qui sont-ils ? Combien sont-ils ? D’où sortent-ils ? Personne ne peut répondre. N’oublions pas que de nombreux rapports des chancelleries occidentales ont affirmé que la région Est de la Libye est le foyer qui fournit aux groupes islamistes ses combattants ».

Comme l’ingérence est destinée à rétablir l’ordre et la justice et comme il n’y a pas unanimité sur le caractère illégitime du pouvoir en place la question consiste à savoir qui va décider de cette légitimité ? Qui est habilité à décider de ce qui est « juste » pour le peuple libyen ? Pourquoi pas le peuple libyen même ? La solution politique pourrait consister à négocier avec Kadhafi afin de permettre au peuple libyen de se prononcer, si le plus grand nombre ne définit pas nécessairement le meilleur « bien » on pourrait néanmoins se faire une idée exacte de l’opinion du peuple libyen. Pourquoi l’ingérence démocratique ne déploierait-elle pas ses ailes de colombe pour superviser les urnes ? Il est vrai que Kadhafi est contre les référen­dums26. Et on ne peut ignorer que si l’antagonisme historique entre la Cyrénaïque, la Tripolitaine et le Fezzan n’a pas été à l’origine de la crise libyenne, sa résurgence est un des obstacles majeurs à la réconciliation.

 

Plusieurs poids et plusieurs mesures : Positions du Conseil de Coopération du Golfe

Convaincu de ne pas se faire trop d’ennemis au sein de la communauté inter­nationale, l’Occident armé de l’appui des pays du Golfe a décidé d’une interven­tion militaire légitimée par la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU. Compte tenu de l’évolution de la situation et de la «faible» importance stratégique de la Libye, il est permis de se demander s’il ne s’agit pas là d’un acte politique de caractère symbolique à visée stratégique ? Sinon comment expliquer qu’on ait pu fermer les yeux sur le cas de Bahreïn et de la Syrie. L’économie étant aujourd’hui plus que jamais l’élément déterminant, il serait vain d’espérer qu’un quelconque acteur dominant puisse sans risque majeur faire fi de la position et des dispositions de ses alliés stratégiques. Et on ne peut ignorer que l’Arabie saoudite est un pion de plus grande importance stratégique qui de par sa docilité permet d’allier l’utile au facile.

Comme il a été souligné, l’intervention militaire en Libye a été soutenue par les deux entités régionales arabes que sont la Ligue des Etats arabes et le Conseil de Coopération du Golfe. Inutile de revenir ici sur les motivations du soutien des pays arabes au premier rang desquels se trouvent le Qatar, l’Arabie saoudite, la Jordanie et le Liban ; celles-ci diffèrent d’un pays à l’autre. Mais ce qui est fort inté­ressant est la concomitance de deux décisions diamétralement opposées du Conseil de Coopération du Golfe sur le cas de la Libye et celui du royaume de Bahreïn. Le royaume de Bahreïn est frappé du même mal que bon nombre de régions du monde en développement, où une minorité ethnique ou religieuse riche détient tous les leviers du pouvoir tandis que le reste de la population pourtant majoritaire est dé­savantagé et traité comme des citoyens de seconde zone. Dans le cas de Bahreïn la majorité défavorisée se trouve être chiite et la minorité au pouvoir sunnite.

Il convient de préciser que, lieu de villégiature pour les saoudiens, Bahreïn occupe une position stratégique entre l’Arabie saoudite et le Qatar qui ont tous deux soutenu l’intervention militaire en Libye. Il importe également de rappeler que Bahreïn est sous la double tutelle de l’Arabie saoudite qui lui cède les revenus du champ pétrolier d’Abu Saafa, à cheval sur les deux territoires et des États-Unis qui y maintiennent le commandement de leur Vème flotte.

Il n’est dès lors pas étonnant que dès que la majorité chiite des Bahreïnis a osé manifester pour réclamer la mise en place de réformes par la minorité sunnite au pouvoir ; celle-ci a fait appel au grand frère qu’est l’Arabie saoudite qui sous la

 

houlette du Conseil de coopération du Golfe (CCG) a vite fait de mater la contes­tation. En effet, pour éviter tout risque de contagion, l’Arabie saoudite dont 15% de la population est chiite a aussitôt mis ses chars à la disposition des officiers de la force commune du CCG qui sont allés écraser dans le sang les manifestants qui réclamaient pacifiquement un peu plus de justice27.

Le plus intéressant et que le jeudi 17 mars alors que le Conseil de sécurité de l’ONU, via sa résolution 1973, donne le feu vert pour une intervention militaire de la coalition en Libye, la police bahreïnie ouvre le feu le jour même sur des ma­nifestants dans le village chiite de Deih, à l’ouest de Manama sans que personne ne semble s’en émouvoir. Dans une allocution prononcée lundi 21 mars le roi de Bahreïn, Hamad ben Issa Al-Khalifa, annonce que son pays a « mis en échec un complot étranger » en soulignant que « s’il avait réussi, ce complot se serait étendu à l’ensemble des pays du Conseil de Coopération du Golfe », qui comprend l’Arabie saoudite, l’État de Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Qatar, le sultanat d’Oman et le Koweït.

Si dans le cas du Bahreïn, le Conseil de Coopération du Golfe adopte une pos­ture de club de dictateurs, en revanche dans le cas du Yémen qui est en proie à des manifestations incessantes depuis le mois de février, le CCG semble, comme il se doit, faire preuve de ses capacités de médiation. Il est vrai que dans le cas du Yémen nous sommes dans le registre d’une politique de voisinage puisque ce pays ne fait pas partie du CCG. De plus, fait encore plus important, le Yémen n’est pas une monarchie. Reste à savoir si la clause d’immunité accordée au président yéménite, Ali Abdallah Saleh, ainsi qu’à sa famille et ses conseillers, inscrite dans le projet de plan de sortie de crise présenté par les monarchies du Golfe ne fait pas figure aussi de mesure de prévoyance qui pourrait s’avérer utile pour ces monarchies mêmes ?

Comme nous avons pu le constater, Libye, Bahreïn, Yémen, autant d’exemples où le Conseil de Coopération du Golfe (CGC) a eu recours à plusieurs poids pour prendre plusieurs mesures. Créé en 2008, le Conseil de Coopération du Golfe (CCG) s’avère être une véritable réussite au regard de sa sœur aînée qu’est l’Union du Maghreb Arabe (UMA) qui depuis sa création il y a maintenant vingt deux ans peine à se concrétiser. Il importe de souligner à cet égard que suite à la demande d’adhésion du Royaume Hachémite de Jordanie au CCG, le mardi 10 mai 2011, les dirigeants de ce club fermé des six monarques du Golfe se sont déclarés favorables à l’intégration en leur sein de deux autres monarchies en l’occurrence la Jordanie et le Maroc. Si la Jordanie est un pays voisin de l’Arabie saoudite et n’appartient à aucun autre groupement d’intégration économique, le Maroc en revanche est un pays d’Afrique du Nord géographiquement assez loin des pays du CCG qui plus est, membre fondateur de l’Union du Maghreb Arabe. L’intégration du Maroc au CCG n’augure rien de bon quant à l’avenir de l’UMA, à moins que.

 

Révoltes dans le Grand Maghreb et l’Union du Maghreb Arabe : le chaînon manquant

Les manifestations à caractère révolutionnaire ont d’abord et surtout été un fait politique concernant l’espace du Grand Maghreb avant de s’étendre au Moyen-Orient pour devenir une problématique du « Grand Moyen- Orient ». La question ici consiste à savoir pourquoi l’Union du Maghreb arabe (UMA), entité régionale instituée en 1989 pour permettre à l’espace culturel du Grand Maghreb de devenir un espace économique et politique28 ne s’est à aucun moment manifesté pour ap­porter ne serait-ce qu’un semblant de réponse aux graves problèmes rencontrés par ses Etats membres ?

Impartialité et/ou souci de pertinence, il faut admettre ici qu’une critique de la politique de l’Union européenne (UE) s’impose. En effet, l’UE a de plus en plus du mal à soutenir les entités régionales en général et l’UMA en particulier. Cette réticence s’est accrue en conjonction avec l’accroissement de ses propres difficultés à s’adapter aux nouvelles donnes de la mondialisation caractérisée par une concur­rence accrue des nouveaux pays émergents. Cette politique à courte vue témoigne de l’absence de politique stratégique réfléchie tenant compte des intérêts bien com­pris et à long terme de l’UE29.

En ce qui concerne l’UMA qui nous intéresse plus particulièrement ici, le pro­jet d’Union pour la Méditerranée est contrairement aux apparences une preuve de l’absence d’une politique stratégique pertinente. Le projet d’Union pour la Méditerranée est un projet de l’UE pour l’UE. A l’ère de la mondialisation pour être opérationnel, un tel projet doit être nourri d’une vision commune aux différentes parties prenantes. Le 3 mars 2011, c’est-à-dire bien après les départs de Ben Ali de Tunisie et de Moubarak d’Egypte, je participais à une réunion fort intéressante ayant pour thème « Organisation des Nations unies, Union européenne et Méditerranée : quelles coopérations pour la paix ». Quelle ne fut ma surprise lorsque durant trois heures d’exposés, comprenant entre autre celui du Président de la Fondation Robert Schumann, pas une seule fois il ne fut question d’entités régionales ou de projet d’intégration régionale propre à la région au Sud de la Méditerranée.

 

L’occasion me fut donnée d’attirer l’attention sur le chaînon manquant qu’est l’UMA mais hormis une personnalité aucun orateur ne parut véritablement convaincu de l’importance de la question et conscient de sa portée. Il est à noter à cet égard que d’après le Traité de Marrakech, l’UMA devait être un point de départ vers une union plus large, englobant d’autres Etats arabes et africains30. Est-ce parce que l’UE pense à tort que la création d’une telle entité pourrait être un danger pour elle ou pourrait mettre en danger ses intérêts ? Est-ce parce que l’UMA n’est pas crédible ?

Est-ce pour cette même raison que l’UMA ne s’est pas prononcée face aux évé­nements d’importance capitale pour la région et son avenir ? Il est intéressant à cet égard de noter que d’après la presse maghrébine, parmi les Cinq (5) pays du Maghreb, seule la Tunisie du Président Ben Ali, était présentée en 2004, comme ce­lui qui « tient bien la route et entretient de bonnes relations avec chaque membre ». Et comme, ironie du sort, ce pays a été le foyer d’où a jailli la braise des révoltes, il n’est dès lors pas étonnant que nous ayons eu droit au silence radio de l’UMA.

Une autre question consiste à savoir si l’UMA sentait venir les choses ou pas ? Aussi paradoxal que cela puisse paraître compte tenu des remarques qui précèdent, la réponse est pourtant oui. Car si le projet de création d’une Zone de libre échange fut adopté en 1991 « après d’âpres négociations entre spécialistes pour la prise en compte des intérêts de chaque pays », ce n’est qu’en décembre 2010 que les pays sont parvenus à un consensus quant à la création d’une zone de libre échange qui devait être lancée en 2011 ! Cette relance du projet de création d’une zone de libre échange avait été rendue possible par l’urgence des problèmes de sécurité alimen-taire31. Comme on le constate, il ne serait pas juste de prétendre que l’UMA était parfaitement inconsciente ; elle a en revanche été inconsistante.

Car s’il est vrai que théoriquement l’UMA est une réalisation géostratégique importante comme le soulignait son Secrétaire général le 19 février 2009 à l’occa­sion du 20ème anniversaire de sa fondation, il faut également reconnaître que dans la pratique nous sommes en présence d’une coquille vide. Les facteurs explicatifs du blocage de l’UMA qui ont été identifiés sont : « l’incapacité des dirigeants à s’entendre en raison du climat de méfiance qui règne au niveau régional, l’absence d’investissement de l’Union européenne dans la destinée de l’UMA et enfin, le conflit du Sahara Occidental32 » certes mais aussi et surtout le déficit démocratique de sorte que les citoyens de l’UMA se déclarent enclin à fonder leur espoir dans cette institution à la condition que leurs dirigeants ne soient pas des « dictateurs ».

 

Prévention et maintien de la paix : Promouvoir les Organisations d’intégration régionale, Réformer le Conseil de sécurité de l’ONU

Tout le monde a été pris au dépourvu par la vague des révoltes arabes mais contrairement à ce qui est prétendu, ces révoltes étaient prévisibles à l’instar des tremblements de terre du Japon et de Californie. Ce que l’on ignorait en réalité était la « date ». Le propre d’une révolution est de survenir par surprise même si le feu couve. Contrairement à ce qui est affirmé du point de vue occidental, l’absence de démocratie politique n’a pas été la cause profonde et première de la révolution en Tunisie et en Egypte mais d’abord et surtout le déficit de démocratie économique, d’où le slogan : « le peuple et la dignité, le respect avant la liberté ».

Concernant la prévisibilité de ces révoltes, il y a des années que l’Organisation internationale du travail (OIT) a tiré la sonnette d’alarme sur la problématique du déficit chronique du travail décent dans le monde. Le concept de travail décent est fondé sur l’idée que « le travail est source de dignité personnelle, de stabilité familiale, de paix dans la communauté et de démocratie »33. En 2001, le Directeur général de l’OIT appelait à des changements politiques stratégiques pour assurer des emplois décents aux générations présentes et à venir. Il mettait en garde contre la frustration des exclus en ces termes qui sonnent juste : « Nous devons être ca­pables de répondre aux frustrations silencieuses qui fermentent dans les cœurs de nombreux citoyens et de leurs familles. Tous n’ont pas la volonté, la force ou la pos­sibilité de s’exprimer dans les rues. Mais ce serait une grave erreur que de prendre leur silence pour un consentement. »

Le 17 décembre 2011, l’acte désespéré de suicide par immolation de Mohamed Bouazizi, marchand ambulant dont les outils de travail avaient été confisqués par les autorités, n’est évidemment pas «la cause» de la révolution mais bien la goutte d’eau qui a fait déborder le vase déclenchant le mouvement de contestation po­pulaire qui s’est propagé au-delà des frontières tunisiennes. Cette tragédie est ré­vélatrice du mal endémique du XXIe siècle qu’est le déficit de travail décent qui atteint une ampleur sans précédent dans le monde. Le problème est que les normes de légalité dans les économies qui se situent à la périphérie des foyers centraux de l’économie capitaliste mondiale ne peuvent être identiques à celles des économies développées sous peine d’exclusion totale de pans entiers de la population de la sphère de l’économie marchande.

A cet égard, il ne faut surtout pas perdre de vue le rôle de soupape de sécurité que joue l’économie informelle dans ces pays où elle ne peut y être assimilée à

 

l’économie noire et souterraine. Si la vente informelle de marchandises (vente am­bulante ou par étalage de marchandises) qualifiée de vente à la sauvette est illégale en occident, cette norme d’illégalité serait immorale dans un pays où la solidarité familiale n’a pas été socialisée34 et qui est incapable d’offrir des emplois à la majorité de sa population. La question éthique consiste à savoir s’il vaut mieux vendre à la sauvette où franchir le mur du voisin pour voler.

Le 19 janvier 2011, alors que la révolution bat son plein en Tunisie, même misère même détresse même scénario, au Caire devant l’Assemblée du peuple un homme s’immole par le feu et le jour même à la réunion de la Ligue arabe, le Secrétaire général de la Ligue déclare : « L’âme arabe est détruite par la pauvreté, le chômage et la récession ». La cause première de la révolution n’a d’ailleurs pas échappé à la diplomatie américaine. Le lundi 28 février, à la session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève, Hillary Clinton, la Secrétaire d’Etat américaine consciente des risques de désenchantement relève les défis que les sou­lèvements entraînent en déclarant : « On ne crée pas des emplois du jour au len­demain. »

Pris individuellement, les perspectives de développement des pays du Maghreb, du Machrek35 et du Moyen-Orient dans le contexte actuel de la mondialisation caractérisée par l’émergence de puissances économiques de dimension régionale ne sont pas très reluisantes à moins que les pays de la région ne décident enfin de jouer la carte de l’intégration régionale. Il est clair que la solution aux problèmes actuels passe par la construction d’ensembles régionaux destinés à fusionner à plus ou moins long terme. Il convient de préciser que l’Iran et Israël devraient faire partie de ces ensembles. Etant donné que les conflits entre Musulmans et Juifs sont plus récents que les conflits entre Juifs et Chrétiens, comme ces anciens conflits, les nouveaux ne devraient pas être éternels. Ce qui est difficile à concevoir aujourd’hui sera une réalité demain.

Nous avons déjà fait état des facteurs explicatifs du blocage de l’Union pour le Maghreb arabe. Un autre frein et non des moindres à la construction et la consolidation de l’UMA est l’attrait de l’Union européenne. A l’instar de la Turquie tous les pays du pourtour méditerranéen souhaitent rejoindre l’Union européenne. Mais la crise dans trois pays membres de l’UE (Irlande, Grèce et Portugal) et la menace de sa propagation dans d’autres pays de l’Union (Italie et Espagne) pourrait réduire son attrait. Ceci devrait permettre un recentrage des stratégies d’intégration régionale à la faveur des groupes d’intégration maghrébine et moyenne orientale pour le plus grand bien de tous.

 

Bien diligentée, une analyse coût-efficacité révélerait l’avantage pour la com­munauté internationale d’investir dans la promotion des constructions régionales. Pour freiner l’afflux de migrants vers l’Europe plutôt que de miser en aval sur des politiques antimigratoires (suspension de l’accord de Schengen, renforcement de FRONTEX) l’UE aurait tout intérêt à abandonner cette posture défensive, signe de faiblesse, pour opter en faveur d’une politique préventive. Une telle politique en amont exige un changement de mentalité. L’UE doit comprendre qu’elle a intérêt à investir dans le soutien à des initiatives endogènes de construction d’entités ré­gionales dans les pays de départ et de transit. Et qui plus est cet investissement ne doit pas être exclusivement d’ordre financier mais aussi et surtout d’ordre politique.

Si l’on est pour la liberté on doit accepter l’incertitude. L’avenir n’est pas inscrit, il se construit avec ses erreurs et ses hésitations. A l’ère de la mondialisation et de la perte de souveraineté des Etats-nations, témoignage du libre arbitre collectif, le système des Nations unies aurait-il échoué dans sa fonction préventive eu égard à son objet : le maintien de la paix entre les Etats ?

L’ONU étant fondée sur l’idéal de paix universelle, les interventions militaires à répétition entreprises en son nom sont un désastre pour l’image du système des Nations Unies. L’usage de la force des armes au nom de la communauté internatio­nale pour des motifs de sécurité interne (l’humanitaire) porte atteinte à la crédibi­lité et la légitimité des Organisations du système des Nations Unies, ce qui risque in fine d’hypothéquer la notion de sécurité collective à un moment où plus que jamais l’humanité a besoin d’instruments de gouvernance supranationale36.

L’Organisation des Nations unies n’a jamais été parfaite, elle a commis des er­reurs par omission ou par mauvaise foi, elle s’est d’abord accommodée de situations de colonisation37 avant de les combattre38. Si l’ONU a accepté en son sein des pays colonisateurs et des nations dotées de régimes autoritaires, elle a également œuvré pour la libération et l’autodétermination des peuples39, elle a lutté pour la reconnaissance des droits des populations autochtones40. Le monde a profondé­ment changé depuis 1945, l’ONU a eu son ère de gloire et continue à marquer des points.

Nous vivons aujourd’hui dans un contexte post-westphalien caractérisé par la perte de la souveraineté absolue de l’Etat-nation, l’émergence de nouvelles puis­sances régionales, de nouveaux acteurs-réseaux répondant à des logiques différentes voire divergentes et par la confrontation et la lutte de deux puissances hégémoniques l’une visible et l’autre souterraine et où les conflits internes aux Etats membres de

 

l’ONU prennent le pas sur les conflits interétatiques. La question consiste mainte­nant à savoir si la « communauté internationale » peut accepter sans risque d’hypo­théquer l’avenir de l’ONU que celle-ci devienne un instrument de règlement armé des conflits internes à ses Etats membres ?

La Charte des Nations unies aurait-elle échoué dans sa fonction préventive eu égard à son objet : le maintien de la paix et de sécurité internationale ? Le blocage de l’usage du chapitre VII durant la guerre froide a été salutaire. Elle a conduit à imaginer les forces d’interposition pour les opérations de maintien de la paix. Le re­cours abusif au chapitre VII depuis l’effondrement du monde communiste n’est pas de bon augure. La question première consiste donc à savoir si le devoir d’ingérence dans les conflits internes s’impose ? Ensuite si cette ingérence doit être exclusive­ment pacifique ou si elle autorise également le recours à la force des armes ? En sup­posant que l’ingérence soit justifiée, alors la question subsidiaire consiste à savoir si cette ingérence doit être du ressort des organisations régionales ou internationales ?

En admettant qu’à l’ère de la mondialisation avec l’explosion des interdépen­dances, la communauté internationale ait nécessairement son mot à dire, comment être certain que nous n’avons pas affaire à un multilatéralisme de façade ? C’est la notion même de sécurité collective fondée sur l’emploi de la force militaire que les soixante six ans de l’histoire de l’ONU contraignent à remettre en cause41. On no­tera à cet égard que la présence simultanée cette année au sein du Conseil de sécu­rité de l’ONU des cinq pays du groupe BRICS a offert à ces puissances émergentes l’occasion de travailler ensemble au dossier libyen. Les Cinq ont justement mis à profit cette opportunité pour appeler à « une réforme de fond » de l’ONU, no­tamment du Conseil de sécurité, « afin de la rendre plus efficace et représentative ».

L’examen ci-après de la réponse de la communauté internationale à la crise sy­rienne nous fournit des éléments de réponse à certaines de ces questions brûlantes.

Le jeudi 17 février, Le gouvernement syrien annonce une série de mesures des­tinées à faire baisser les prix de produits alimentaires de base. Signe de faiblesse ? Trop tard et/ou trop peu42 ? La vague de contestation politique et sociale qui dans le sillage de la Tunisie et de l’Egypte a déferlé sur le Moyen-Orient atteint la Syrie le 15 mars 2011 via internet43. Depuis le 17 mars, la Syrie est «de nouveau» en proie à des révoltes. D’après l’opposition, le bilan de la répression des manifestations quotidiennes qui ont débuté le 17 mars à Deraa est de 500 morts. Le jeudi 21 avril, le président syrien Bachar al-Assad promulgue trois décrets, les deux premiers sti­pulent respectivement la levée de l’état d’urgence et l’abolition de la Cour de sûreté de l’Etat, le 3ème réglemente le droit de manifester dans le pays ; mais rien n’y peut, les manifestations contre le régime se poursuivent et la répression aussi.

Le mercredi 27 avril, une réunion spéciale à huis clos du Conseil de sécurité se tient pour statuer sur le projet de déclaration condamnant la répression en Syrie présenté par la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et le Portugal. Ce projet de déclaration est bloqué par la Chine et la Russie qui mettent en garde « contre une ingérence extérieure qui pourrait causer une guerre civile. La Russie demande qu’une enquête en bonne et due forme soit réalisée et les coupables traduits en justice. Il importe d’ouvrir une parenthèse pour souligner que tirant la leçon de l’Afghanistan et de l’Irak, l’opposition syrienne a eu la clairvoyance de refuser une intervention militaire étrangère en Syrie.

Qu’à cela s’en tienne, le vendredi 29 avril, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU est saisi d’un projet de résolution présenté par les Etats-Unis pour l’en­voi d’une mission d’enquête sur les violations présumées des Droits de l’Homme en Syrie. Les résolutions et/ou décisions des organes de l’ONU ne pouvant être bloquées par le droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité, la résolution est adoptée à l’issue d’un vote majoritaire44. Celle-ci demande au Haut commissaire de l’Onu aux droits de l’Homme d’envoyer de « façon urgente une mission en Syrie pour enquêter sur les violations présumées des droits de l’Homme et pour établir les faits et circonstances de ces violations et des crimes commis ».

Il est difficile de combiner efficacité et légitimité dans les décisions prises et les actions engagées au nom de la communauté internationale. En l’occurrence, le système de prise de décision caractérisé par l’absence de droit de veto n’a pas permis aux opposants d’empêcher l’adoption de la résolution proposée par les Etats-Unis. La Chine qui avait décidé et qui a voté contre la résolution avait pris soin de mettre en garde les Etats membres du Conseil contre le « dangereux précédent » que pou­vait créer son adoption. A l’issue du vote les Etats-Unis d’Amérique devaient pour leur part déclarer que par sa décision « le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a créé un précédent qui montre l’importance de cet organisme ».

Un heureux précédent a été créé, mais la question est de savoir, si c’est le présage d’une nouvelle ère devant permettre d’épargner aux populations les sanctions desti­nées à punir leurs dirigeants comme à l’époque révolue de la pratique des « souffre douleurs45 ». En effet, hormis le Conseil de sécurité de l’ONU, aucun autre organe de l’ONU ou institution du système des Nations unies n’est habilité à engager une guerre au nom de la communauté internationale. C’est pourquoi celui-ci a été doté à juste titre de la soupape de sécurité qu’est le droit au veto existant en son sein. Ces autres instances du système des Nations Unies qui ont l’avantage d’échapper au droit de blocage sont dotés d’un système de prise de décision plus efficace qui leur permet en tant que de besoin de contrôler et de sanctionner les coupables ce qui évite à la communauté internationale le recours intempestif à la force des armes.

En effet, comme il a été précisé précédemment, la justice pénale internationale est habilitée à poursuivre les responsables politiques qu’elle considère frappés de déchéance quant à l’exercice de la souveraineté. Et, il convient avant de clore le présent article qui est écrit au feu de l’actualité, de noter à cet égard, que le lundi 16 mai 2011, c’est à dire trois mois après l’éclatement de la révolte en Libye, le procu­reur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, a demandé aux juges du CPI de délivrer des mandats d’arrêt pour crimes contre l’humanité contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, son fils Seif el-Islam, Premier ministre libyen de facto, et le chef des renseignements libyens46.

La guerre et a fortiori lorsqu’il s’agit d’une intervention militaire externe perçue de surcroît comme une initiative occidentale, ne résoudra jamais le problème de la liberté, de la justice, de l’emploi et de la misère dans les pays arabes, ni nulle part ailleurs d’ailleurs. Un mal en soi, la guerre est toujours la sanction d’un échec pour l’humanité. Sa sortie de l’état de nature suppose l’abandon du droit de faire la guerre. Le « soft power » option de l’Europe depuis la seconde guerre mondiale re­cueille maintenant presque tous les suffrages y compris aux Etats-Unis d’Amérique. Et en cela l’Acte constitutif de l’UNESCO conserve toute sa pertinence : « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ».

 

Bibliographie47

 

Andreani Gilles et Hassner Pierre (dir.), Justifier la guerre, De l’humanitaire au contre-terrorisme, Paris, Les presses de Sciences Po, 2005.

Chemillier-Gendreau Monique, Humanité et souverainetés — essai sur la fonction du droit interna­tional, Editions la Découverte, Paris 1995.

Chua Amy, Le monde en feu : violences sociales et mondialisation, Paris, Seuil, 2007.

Claisse Alain et Conac Gérard (sous la dir.), Le grand Maghreb — Données socio-politiques et facteurs d’intégration des Etats du Maghreb, Economica, 1988.

Delmas-Marty Mireille, Les forces imaginantes du droit (I) : Le relatif et l’universel, Paris, Seuil, 2004.

Habermas Jùrgen, Après lEtat-nation, une nouvelle constellation politique, Paris, Fayard, 2000.

Garabaghi Ninou, « Les espaces de la diversité culturelle, du multilatéralisme au multiculturalisme régional », éditions Karthala, 2010.

Kagan Robert, La puissance et la faiblesse & Le revers de la puissance, Paris, Plon, 2004.

Kant Emmanuel, Vers la paix perpétuelle (1795), Paris, Flammarion, 1991.

Moreau Defarges Philippe, Droits d’ingérence dans le monde post-2001, Les presses de Sciences

Po, 2006.

Notes

  1. Hormis pour les cas de la Tunisie et de l’Egypte, il est n’est pas possible, sans une certaine dose de mauvaise foi, de prétendre que dans tous les cas les opposants représentent l’opinion de l’ensemble du peuple des pays touchés par les mouvements de contestation populaire.
  2. Voir entre autre l’éditorial en date du 12 avril 2011, intitulé « Quand la Côte d’Ivoire légitime la Libye » de Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman, publié dans la lettre N°483 de la Fondation.
  3. Du 28 novembre 2010 date de l’élection d’Alassane Ouattara à l’arrestation de Laurent Gbagbo le 11 avril 2011.
  4. Les interventions des Etats-Unis auprès de l’armée des pays concernés n’ont pas été sans consé­quence à cet égard.
  5. La révolution égyptienne est, pour sa part, qualifiée de « révolution de lotus ».
  6. Après le tragique attentat du 11 septembre 2001, le président américain George Bush a utilisé le terme de « croisade » pour lancer sa « une guerre contre le terrorisme ».
  7. On ne peut ignorer que la France, a été au grand dam de la Suisse, à l’origine de la politisation de l’action humanitaire et de l’émergence du concept de droit d’ingé Voir à ce sujet entre autres, l’article de Irène Hermann, « Humanitaire » in Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines , Paris, Editions Métaillé, 2010.

 

  1. Pierre Rosanvallon, « L’universalisme démocratique : histoire et problèmes », La Vie des idées, 17 décembre 2007.
  2. Les victimes de la guerre libyenne étaient de 10 000 morts et 55 000 blessés à la date du 19

avril 2011.

  1. Mouammar El Kadhafi, Le livre vert, publié par le Centre mondial d’études et de recherches sur le Livre Vert, tripoli, 2007, p.23.
  2. Son célèbre adage « La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes » devient caduc.
  3. Kadhafi, op.cit. p.85.
  4. Il y a l’ancienne base américaine de Maatigua (Wheelus Air Base) que les américains ont dû déserter après le coup d’Etat de Kadhafi en 1969, et plus récemment les attentats contre les avions français et américain.
  5. Le concept de démocratie des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la com­munication) reflète beaucoup mieux à mon avis le contexte dans lequel opère aujourd’hui la démocratie que le qualificatif de démocratie internet.
  6. Il convient néanmoins de préciser que le 1er mars 2011 le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle, déclarait au quotidien genevois Temps : « Il y a une différence fondamen­tale entre l’Egypte, la Tunisie et la Libye. Les deux premiers ont connu un changement relati­vement pacifique. Mouammar Kadhafi en revanche a appelé à la guerre civile. C’est pourquoi nous devons assécher les sources de financement du régime libyen actuel. »
  7. Il est à noter que selon la formule de Christoph Bertram : « La communauté internationale n’existe que lorsque plusieurs Etats décident d’agir en son nom. »
  8. « Aucune disposition de la présente Charte ne s’oppose à l’existence d’accords ou d’organismes régio­naux destinés à régler les affaires.. », Chapitre VIII de la Charte.
  9. « Le Conseil de sécurité encourage le développement du règlement pacifique des différends d’ordre local par le moyen de ces accords ou de ces organismes régionaux, soit sur l’initiative des États intéressés, soit sur renvoi du Conseil de sécurité. », article 52 alinéa 3 de la Charte de l’ONU.
  10. Il est à noter à cet égard que lors du sommet extraordinaire du Caire en 1996, le Président Zine El Abidine Ben Ali avait alors proposé la création du mécanisme de la Ligue des Etats arabes pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits dont l’institution a été, de fait, décidée lors de la 113ème session du Conseil des ministres de la Ligue qui s’est tenu au Caire en mars 2000.
  11. Il faut reconnaître que théoriquement l’Afrique est à l’avant garde de tout ce qui est souhai­table en matière d’intégration régionale mais encore faut-il que les aspirations si bien définies dans les instruments juridiques se traduisent en actes dans le monde réel et que les intentions déclarées avec tant de conviction dans les forums prennent la forme d’actions volontaires et coordonnées.
  12. D’après Jean Ping, le Président de la Commission de l’Union africaine, « une semaine avant la décision du Conseil de sécurité de l’Onu, le 10 mars, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a déclaré qu’il faut rejeter une intervention extérieure, qu’il faut une cessa­

 

tion immédiate des hostilités internes, qu’il faut aider à l’évacuation des étrangers y compris les travailleurs africains, étrangers en Libye, et qu’il faut que les aspirations du peuple libyen à la démocratie, à la liberté, soient prises en compte. »

  1. Il est vrai que la majorité des mercenaires recrutés par Kadhafi proviennent du Mali mais ce pays n’est pas le seul pays récipiendaire des actifs libyens. D’après le site de l’Afrique en ligne, « Le volume des investissements libyens en Afrique est passé d’environ 25 millions de dollars américains en 1991 à presque 1 milliard de dollars américains en 2008 au bénéfice de 34 pays africains, tandis qu’en janvier 2010, Mouammar Kadhafi promettait aux Etats africains une croissance substantielle des investissements libyens dans ceux des pays porteurs d’opportuni­tés d’affaires que la Libye était disposée à financier à hauteur d’environ 90 milliards de dollars américains prévus à cet effet ».
  2. Le groupe BRIC a été élargi à l’Afrique du Sud. D’après la définition que nous avons fournie du terme de région, nous avons affaire à une Organisation régionale de visée stratég
  3. Créée en 1999, cette association milite pour la création des « Etats-Unis d’Afrique », sur le modèle des Etats-Unis d’Amérique.
  4. La majorité des pays occidentaux et les chefs de la rébellion.
  5. Kadhafi, op.cit., pp 20-21.
  6. Il est à noter à cet égard que les manifestants avaient été invités par leur chef religieux à res­pecter les principes de non-violence.
  7. L’UMA à l’instar de l’ASEAN est une construction régionale jalouse de l’indépendance de ses Etats membres, cf. Ninou Garabaghi, Les espaces de la diversité culturelle – Du multilatéralisme au multiculturalisme régional, Karthala, 2010.
  8. Voir « le multilatéralisme régional et la gouvernance mondiale » Ibid.
  9. D’après l’article 17 du traité de Marrakech « Les autres Etats appartenant à la Nation arabe ou à la Communauté africaine peuvent adhérer à ce Traité sur acceptation des Etats membres. »
  10. En effet, c’est en marge de la 16ème session de la Commission ministérielle maghrébine spé­cialisée chargée de la sécurité alimentaire, que le Secrétaire général de l’UMA devait annoncer cette bonne nouvelle en ces termes : « La convention portant création de cette zone est fin prête et sera signée par les ministres du commerce des pays de l’UMA avant de la soumettre prochainement au Conseil des ministres des Affaires étrangères. »
  11. La Tunisie, UMA et Intégration régionale, CERI, CEMI, 2009.
  12. Pour de plus amples informations sur le concept de travail décent, voir le site de l’OIT.
  13. Absence d’économie sociale pour les exclus de l’économie officielle, cf. N. Garabaghi, « Problématique rénovée de la participation des femmes à la vie économique », in Revue Internationale des Sciences Sociales, N°98, 1983.
  14. Egypte et Soudan inclus.
  15. Indépendamment de la question des informations obtenues sous la torture, et d’une opéra­tion de commando menée en violation revendiquée de la souveraineté du Pakistan, l’exécu­tion extrajudiciaire de Ben Laden va à l’encontre des principes éthiques et juridiques fonda­mentaux du droit international des droits de l’homme et porte préjudice à l’effort de bonne

 

gouvernance de la communauté internationale qui est à l’origine la création des tribunaux internationaux (Cour pénale internationale, Cour internationale de justice, etc.).

  1. Voir chapitre XI de la Charte de l’ONU sur les territoires non autonomes.
  2. Voir la Déclaration sur la décolonisation de 1960.
  3. Si depuis 1945, plus de 80 anciennes colonies ont accédé à l’indépendance, il reste encore 16 territoires non autonomes. De sorte qu’en 2008, le Secrétaire général de l’ONU devait décla­rer « Si le rôle de facilitateur des Nations Unies dans le processus de décolonisation est un des moments de grande fierté de l’histoire de l’Organisation, ce chapitre n’est pas encore achevé.»
  4. Voir la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones adoptée en 2007.
  5. Maurice Bertrand, « L’ONU est-elle réformable ? » in Repenser l’ONU, de la sécurité à la soli­darité, Revue Générale de Stratégie, N°22, Mars 2005.
  6. Le volet politique est omis : la loi d’urgence en vigueur depuis 1963 n’a pas été levée…
  7. Le 15 mars le mouvement de protestation est lancé de Damas via une page Facebook récla­mant « une Syrie sans tyrannie, sans loi d’urgence ni tribunaux d’exception, sans corruption ni vols, ni monopole des richesses ».
  8. 26 votes pour, 9 contre et 7 abstentions.
  9. Le souffre douleur du prince était battu pour les fautes commises par ce dernier.
  10. D’après le procureur de la Cour pénale internationale, « les preuves recueillies montrent que Mouammar Kadhafi a personnellement commandé des attaques contre des civils libyens non armés », le fils de Kadhafi est accusé d’avoir organisé le recrutement de mercenaires. Le chef des renseignements libyens, « bras droit » et beau-frère de Kadhafi, d’avoir « personnellement ordonné certaines attaques ». De plus, étant donné que la CPI détient des documents « mon­trant que les trois ont tenu des réunions pour planifier et diriger les opérations » il semble que nous soyons en présence d’une preuve de crime collectif.
  11. La présente bibliographie ne tient pas compte des articles, revues, quotidiens sur support papier ou électronique qui ont été consultés et/ou référencés en notes de bas de page.
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